(…) Luis Parois a la sensation qu`un pan entier du plafond lui tombe
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(…) Luis Parois a la sensation qu`un pan entier du plafond lui tombe
(…) Luis Parois a la sensation qu’un pan entier du plafond lui tombe sur la tête. Dans un cri rauque, il se relève d’un bond. Sonné, il palpe le haut de son crâne et comme tout semble plus ou moins en place, il reste quelques instants assis dans le lit, ne sachant où situer la réalité. Plic, Plic, Plic, Ploc, reprend l’eau, qui continue à s’épandre dans le lit conjugal. Luis dégage les draps alourdis. Presque machinalement, avec la volonté de tenir éloignée le plus longtemps possible l’émotion qui émerge en lui, il plaque ses cheveux mouillés en arrière et étire les mèches les plus longues par-dessus sa calvitie. En tâtonnant, il enfile les premiers vêtements qu’il trouve. Ils se collent à sa peau moite et il frissonne sous l’effet de cette sensation désagréable, mais là encore, il n’en fait pas grand cas pour rester concentré sur sa prochaine étape : sa femme. Dans la pénombre, il distingue sa silhouette éclairée faiblement par le lampadaire de la rue. Il n’allume pas la lumière de peur d’un court-circuit et se rassure un peu de constater que son cerveau fonctionne convenablement. Rose a replié ses jambes sur sa poitrine et se balance d’avant en arrière. Ses cheveux bouclés sont complètement aplatis et dégoulinent sur son visage. Un visage qui apparaît plutôt effrayant avec cette eau qui sillonne et fouille chaque creux, soutenant chaque ombre. Luis s’approche et la tire doucement du lit. Sans réaction, Rose se laisse ensuite envelopper dans son peignoir éponge. Il dégage les mèches collées grossièrement sur son front et ses joues. Et comme si le plus important maintenant consistait à remettre de l’ordre dans la coiffure de sa femme, il passe nerveusement ses doigts dans ses cheveux mouillés : — Je vais t’arranger tout ça… je vais aller chercher une brosse et… — Ne touche pas mes cheveux ! crie Rose en repoussant d’un coup de tête les mains de Luis. Son corps est traversé d’un tremblement puissant comme si elle venait de s’électrocuter. Puis elle se fige à nouveau dans le vide. Seules ses lèvres remuent : « Lucas… c’est Lucas… Lucas… » Luis, qui ne sait plus que faire de ses mains rejetées, sait qu’il doit agir, se mettre en action, et vite, vite, vite. Mais il ne fait rien et s’accroche inutilement aux lèvres gercées de sa femme. « Lucas… Lucas… Lucas… » Rose fixe le plafond, et Luis lève aussi la tête avec une dernière once d’incrédulité. De là-haut, l’eau continue sa descente. Et ce qui est on ne peut plus limpide, c’est qu’elle ne va pas s’arrêter de sitôt. Maintenant que le garçon là-haut l’a libérée, qu’il a ouvert les vannes rien qu’un peu, elle va s’immiscer partout, dans n’importe quelle craquelure. Tranquillement, elle va s’enfiler dans le moindre recoin et, sans gêne aucune, pénétrer jusque dans les os. Peut-être simplement pour masquer son impuissance, la bouche de Luis s’ouvre sans qu’il ait à y penser pour le faire. — Tout va bien Rose, ne t’en fais pas, dit-il sans décrocher ses yeux du plafond. La violence du coup le prend totalement au dépourvu. Il perd l’équilibre et tombe lourdement sur le dos. — Mais… Rose… quoi… — Je te l’avais dit ! Il tente de se relever mais elle le repousse encore. — C’est toi qui voulais qu’il parte ! Juste toi ! (…)