Texte écrit à la façon de Robert Lamoureux

Transcription

Texte écrit à la façon de Robert Lamoureux
Le bateau à moteur Jacques Bellanger
Le Bateau à Moteur
Décembre 1965, Papa avait décidé d'acheter un bateau.
Pas un bateau neuf forcément...
Papa, quand il prend une décision, il prend une décision, et là
c’était acheter un bateau à un vendeur de bateaux.
Et papa l’a acheté ce bateau à un vendeur de bateaux.
En général ces gens-là sont honnêtes.
À moins qu'il ait affaire à un plaisancier qu'on appelle
"pharmacien, docteur ou le notaire".
Vous savez ces gars-là qui ont les moyens d'acheter un bateau,
mais qui ne savent pas comment faire.
Les marins l'appellent le pharmacien, ou le notaire, parce qu’il y a
longtemps, les notaires, les docteurs et les pharmaciens étaient les
seuls à avoir l'argent pour faire des affaires comme cela, oui,
monsieur, acheter un bateau à moteur.
Mais, nous, on n'est pas pharmacien.
Papa, il est vendeur de chaussures, après avoir passé un CAP de
mécanicien qu'il n'a pas eu, alors vous comprenez.
Papa, question moteur, même, s’il n’a pas eu son CAP, il s’y
connaît un peu en moteur, et question marche, c’est aussi son
rayon.
Le bateau à moteur Jacques Bellanger
Donc, vous comprenez bien que c'est différent, vu que papa dit
toujours qu’il s'y connaît dans la mécanique, mais pas en bateau.
Alors, papa était confiant, je vais acheter un bateau à moteur.
Alors avec papa on est allé au salon nautique de la porte de
Versailles. Papa aime bien voir grand.
Alors, on a fait les rayons, comme si papa faisait les rayons des
chaussures.
Papa a dit il faut trouver un bateau qui soit comme la chaussure à
notre pied.
Alors, le vendeur, il nous a dit avec un bateau comme celui-là,
vous pouvez traverser la Méditerranée.
Mais, nous, on habite la Bretagne.
Alors, on ne connaît pas la Méditerranée.
C'est normal.
Alors, on lui a dit que nous, on ne connaît pas la Méditerranée.
Alors, le vendeur nous a dit : ce bateau-là, c'est une affaire.
En fait d'affaires, c'était lui qui allait en faire, pour nous l'affaire,
il fallait plutôt se la faire.
Le bateau, il était sur cette terre, plutôt sur ses bers.
Le vendeur, il nous a fait monter dedans.
Une fois, dedans, le vendeur nous a dit, vous voyez un bateau
comme ça, ça ne bouge pas.
Papa à dit c’est vrai qu’il ne bouge pas, et pour sûr, le bateau était
sur ses bers.
Le bateau à moteur Jacques Bellanger
Le vendeur nous a dit, c'est un moteur in-bord, ce qui veut dire à
l'intérieur du bateau.
Quand on soulève la banquette, on voit le moteur.
Il nous a dit : écoutez ce bruit et le vendeur a mis le moteur en
marche.
Eh là ! Pour faire du bruit, il faisait du bruit.
Un bruit comme ça, je n’en avais jamais entendu.
Et même pendant tout le temps que le moteur il a fait du bruit, on
n'a jamais entendu les explications du vendeur.
Le vendeur a arrêté le moteur et nous a dit qu'il était à essence.
Ça vous savait déjà, pas à cause du bruit, mais à cause de l'odeur,
pour l'odeur de l'essence, ça sentait bien essence.
Et moi, j’ai du nez pour ces choses là.
L’essence, on connaît l’odeur et on sait que c’est une odeur qui
tient, c’est comme l’odeur du poisson, on peut se laver les mains,
les mains sont propres, mais l’odeur du poisson, elle est reste.
L’essence, c’est pareil, on se lave les mains, mais les mains, elles
ne sentent pas les mains ni les pieds, elle sente quoi, quand on a
touché à l’essence et que l’on se lave les mains.
Einh! madame, elles sentent quoi… je vous écoute, elles sentent
quoi… Eh oui ! Madame, le savon quand il est de qualité.
Mais revenons au vendeur, à papa et au bateau.
Le vendeur, il nous a dit: "vous avait vu l'essence, elle arrive
bien".
Ça, pour arriver bien.
Elle arrive bien.
Le bateau à moteur Jacques Bellanger
Elle arrive partout sur le moteur.
Mais le vendeur nous a dit que c’était normal.
Ce n’est pas un moteur de voiture.
Un moteur de voiture, papa en avait déjà vu bien sûr, vu que le
moteur de la 4L, il l’a démonté, il y a cinq ans.
Eh oui papa, il l’a démonté complètement, monsieur !
Papa il a peut être pas son CAP de mécanicien, mais il sait
démonté, cela fait partie des cours du début, alors Papa, il sait
démonté.
Mais pas le remonter, c’est vrai, monsieur, et depuis la 4L attend
toujours son moteur.
Mais là, c'est un moteur de bateaux.
Et un moteur de bateau, le vendeur, nous l’a bien dit, c’est
différent.
Vu que les moteurs de bateaux, c'est la première fois qu'on en
voyait.
Cela nous a paru normal.
Et le vendeur nous a redit l'essence arrive bien, un malheureux
bidon de 5 litres, en trois minutes, ça nous a paru beaucoup.
Le vendeur nous a rassurés, c'est un moteur de bateaux.
Et là mon père a tout compris.
Un moteur de bateaux,… ce n'est pas moteur voiture.
Quand on a rabattu la banquette, le vendeur a remis de l’essence
et a remis le moteur en marche.
Le bateau à moteur Jacques Bellanger
Le bruit que l'on avait entendu, très fort, vraiment très fort, oui,
vous savez le bruit que je vous AI PARLÉ.
Et bien avec la banquette, le bruit était toujours le même.
Et l'odeur d'essence toujours présente.
Quand papa s'est assis sur la banquette, il a bien senti l'essence.
Il était assis dessus, vraiment assis dessus.
Les coussins absorbaient le trop-plein d'essence.
Alors, papa a dit : vous me direz, les tapis des coussins
s'absorbent beaucoup.
Papa a dit on pourra toujours essoré les coussins en cas de panne.
À cause du bruit du moteur, on n'a pas tout entendu, mais papa à
compris que le vendeur disait c’est le tuyau.
Le vendeur a arrêté le moteur, papa criait toujours il avait les
oreilles complètement bouchées.
Papa criait quel tuyau?
Quand papa a levé la banquette, on n'a pas vu de tuyaux.
Le vendeur nous a dit vous voyez bien, cela vient du tuyau.
Et comme on n'avait pas vu de tuyaux.
Et pour vendre le bateau, il nous a vendu avec aussi des tuyaux.
On aurait pu en mettre partout, papa a dit çà va servir.
On est descendu du bateau, on a fait tout le tour.
Le vendeur nous a parlé de la coque. Vous avez vu comme elle
est belle.
C'est vrai qu'elle en jetait. Avec sa couleur jaune fluo.
Le bateau à moteur Jacques Bellanger
Papa en arrivant à l'arrière du bateau, a demandé ce qu'était la
trace noire.
Le vendeur nous a dit c'est de l'huile de moteur.
Et le vendeur nous a dit c'est normal.
Un moteur de bateaux, cela crache toujours de l’huile.
Papa était emballé, papa avait confiance dans le vendeur, alors
papa a dit qu'on l'achète.
On est revenu avec la Mercedes de papa et il a attaché la
remorque sur laquelle il y avait le bateau.
Et on l'emmena jusqu'au port d’échouage.
L’été suivant, papa décida de l’essayer.
Quand on est arrivé au port, on a mis le bateau à l'eau.
Quand on a démarré le moteur, vous auriez vu le jus qu'il jetait.
Maman a demandé si c’était normal.
Papa a dit que le vendeur a précisé que tous les moteurs de bateau
le faisaient.
Le bateau crachait le jus, de l'huile, et encore de l'huile, on aurait
dit une friteuse.
Mais le bateau crachait aussi de l'essence.
Rien qu'à l'essence qui coulait derrière le bateau, les gens disaient
: au moins, cela y sont pas regardant comme y en a. Quand papa a
vu la jauge de l'essence descendre de grands crans, sans avoir
avancé d'un mètre.
Il s'est dit c'est l'heure de mettre le tuyau.
Et hop ! Le bateau est parti tout de suite.
Le bateau à moteur Jacques Bellanger
On a même été étonné quand papa et moi, on est passé par-dessus
bord. Et le bateau était allé directement sur la plage.
Les gens sur le bord de la plage étaient aussi étonnés que nous. Et
le pompiste pour le bateau, l'était aussi surpris que nous.
Vu que le plein on l’avait fait une heure avant.
Et pour le deuxième plein, le pompiste a été encore plus surpris
sur tour quand papa a dit on y va.
Alors là le pompiste a dit le tuyau.
Papa a répondu le tuyau ça y est je sais comment l’utilisé.
Mais le pompiste a redit le tuyau.
Vu que le tuyau pas le nôtre, mais le sien était toujours accroché
au bateau pour faire le plein, alors quand la pompe a suivi le
bateau.
Pensez que tout le monde était étonné...
Revenez, revenez, qu'il disait, revenez.
Mais nous on pouvait pas, on était juste en dessous lui.
Et la marche arrière sur le bateau, ça marche quand on est dedans.
Le bateau avait fait 20 m.
Nous on est monté sur le quai, on était mouillé, avec l'eau de la
mer, mais aussi avec l'essence.
Papa, quand cela ne va pas comme il veut, dit c’est le moment
d'en griller une.
Quand papa assorti son paquet de cigarettes, vous auriez vu les
yeux du pompiste, j'en avais jamais vu d'aussi rond, vous savez
ses yeux qui sont noirs au milieu et tout blanc tout autour.
Le bateau à moteur Jacques Bellanger
Quand papa a pris son briquet, là on s'est dit ça va chauffer, vu
que l'essence coulait toujours sur le quai.
Le pompiste nous a dit, j'ai une femme et deux enfants, je vais
vous donner nourrice.
Papa demandé pourquoi une nourrice mon garçon à 15 ans, il peut
se garder tout seul.
Ce n'est pas parce que le bateau a fait 20 m qu’une nourrice doive
garder mon garçon pendant que je vais chercher bateau.
Le pompiste dit la nourrice c'est pour le bateau et pas pour votre
fils.
Papa a dit, j'ai 57 ans alors votre nourrice, vous pouvez vous la
mettre...
Puis il se ravisa une nourrice pourquoi pas, papa dit, cela dépend
de la nourrice.
Papa à dit ma femme ne va pas être contente, mais si c’est l’usage
sur les bateaux, et si c'est le prix à payer pour ramener le bateau,
pourquoi pas.
Le pompiste dit à papa, une nourrice, c'est un jerrycan pour
bateau.
Papa dit c’est le moment d'en griller une.
Quand papa a sorti une cigarette, elle était toute mouillée.
Là, il nous a dit, je crois, que je ne vais pas pouvoir fumer.
Tout le monde sait que fumer c'est dangereux, surtout quand il y a
de l'essence partout.
Quand il ramassa son briquet, on a tous soufflé.
Le bateau à moteur Jacques Bellanger
Une fois, que cette péripétie était terminée, papa a mis le bateau
au mouillage.
L'après-midi, papa décida d'emmener grand-père, grand-mère,
maman et moi faire un tour en bateau.
On sortit du port avec le bateau, direction la petite île d'en face, à
500 mètres.
Là, papa décida de s'arrêter et le moteur s'arrêta tout seul, vu qu'il
n'y avait plus d'essence.
Papa se dit ce n'est pas grave, j'ai la nourrice.
Maman demanda qui c'était cette fille-là.
Ce qui fit rire papa.
Alors papa il a dit, je vais remettre de l'essence.
Et on va attendre le feu vert.
Lorsqu'il n'y a plus d'essence, il y a un voyant rouge, et quand il y
a de l'essence il y a un voyant vert.
Alors papa il appelle cela, le feu vert, le feu rouge.
Alors papa à dit je remets de l'essence et quand le feu est vert, on
rentre à la maison.
Parce que papa, quand il donne des ordres, tout le monde suit,
papa c'est un meneur d'hommes.
Maman elle a dit : Papa est tellement bricoleur que pour remettre
l'essence qu'il va y passer la nuit.
Alors, je vais chercher des couvertures pour passer la nuit, de
toute façon sur la plage, on n'avait pas froid, vu qu'il y avait le feu
dans le moteur.
Le bateau à moteur Jacques Bellanger
Là-dessus grand-père à éternuer en faisant un grand boum et là il
a crié nom de Dieu.
C'est à ce moment-là que le bateau explosé.
Alors, on s'est demandé comment papa allait faire pour nous
ramener.
Papa qui a toujours une idée, dit : on va attendre la basse mer pour
traverser à pied et comme cela on rejoindra la terre ferme.
On n'a pas eu besoin, parce que l'explosion était tellement forte
que le bateau est arrivé sur la plage en face de nous à côté de la
chaise haute des sauveteurs et non loin des personnes qui
bronzaient sur la plage.
Alerté par l'explosion, le zodiaque des sauveteurs est venu nous
chercher.
Maman a dit je trouve que les balades en mer cela coûte cher.
Papa est dit oui, c'est vrai, mais il me reste La Nourrice.
Fin
Jacques Bellanger
Post-scriptum
Merci à Monsieur Robert Lamoureux.
J’ai simplement voulu et sans aucune prétention en écrivant ce texte rendre
hommage au maître de l’humour Monsieur Robert Lamoureux dont je suis un très
grand fan.

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