cour d`appel - Network of Concerned Historians

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cour d`appel - Network of Concerned Historians
COUR D’APPEL
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL
N° :
DATE :
500-09-006404-982
(500-05-023335-969)
15 MAI 2003
CORAM: LES HONORABLES RENÉ DUSSAULT J.C.A.
YVES-MARIE MORISSETTE J.C.A.
RENÉ LETARTE J.C.A. (AD HOC)
PIERRE TURGEON
LANCTÔT ÉDITEUR INC.
JACQUES LANCTÔT
APPELANTS – (défendeurs)
c.
PIERRE MICHAUD
RÉNO-DÉPÔT INC.
INTIMÉS – (demandeurs)
et
CLAUDE MICHAUD
INTIMÉ – (intervenant)
et
PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC
INTIMÉ – (mis en cause)
et
SOGIDES LTÉE
(mise en cause)
et
UNION DES ÉCRIVAINES ET ÉCRIVAINS DU QUÉBEC
(intervenante)
ARRÊT
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[1]
LA COUR; statuant séance tenante sur le pourvoi des appelants contre un
jugement de la Cour supérieure, district de Montréal, rendu le 25 mars 1998 et rectifié le
31 mars 1998 par l’honorable Georges Audet, qui leur ordonnait de ne pas produire,
reproduire, publier, distribuer, vendre ou mettre en vente le manuscrit
« P.H. le magnifique » ou tout autre manuscrit ou document portant sur la vie de
Paul-Hervé Desrosiers contenant, en tout ou en partie, les renseignements obtenus des
intimés ou de personnes désignées par eux;
[2]
Après avoir étudié le dossier et entendu les parties;
[3]
Pour les motifs du juge Dussault, auxquels souscrivent les juges Morissette et
Letarte;
[4]
REJETTE le pourvoi avec dépens contre l'appelant Turgeon.
RENÉ DUSSAULT J.C.A.
YVES-MARIE MORISSETTE J.C.A.
RENÉ LETARTE J.C.A. (AD HOC)
Me Louis-Charles Landreville
Pour l'appelant Pierre Turgeon
Marchand, Magnan (absents)
Pour les appelants Lanctôt Éditeur inc. et Jacques Lanctôt
Me Marek Nitoslawski et Me Jean Delage
Colby, Monet, Demers, Delage & Crevier
Pour les intimés Pierre Michaud, Réno-Dépôt inc. et Claude Michaud
Me Danielle Allard
Bernard, Roy
Pour l'intimé Procureur général du Québec
Date d’audience : 15 mai 2003
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MOTIFS DU JUGE DUSSAULT
[5]
Les appelants se pourvoient contre un jugement de la Cour supérieure, district
de Montréal, rendu le 25 mars 1998 et rectifié le 31 mars 1998 par l’honorable
Georges Audet, qui leur ordonnait de ne pas produire, reproduire, publier, distribuer,
vendre ou mettre en vente le manuscrit « P.H. le magnifique » ou tout autre manuscrit
ou document portant sur la vie de Paul-Hervé Desrosiers contenant, en tout ou en
partie, les renseignements obtenus des intimés ou de personnes désignées par eux.
LE CONTEXTE FACTUEL ET PROCÉDURAL
[6]
Pierre Turgeon, Lanctôt Éditeur inc. et Jacques Lanctôt sont trois appelants
conjoints représentés par le même cabinet d'avocats qui ont déposé un seul avis
d'appel et un seul mémoire. À l'automne 2002, Turgeon a retiré le mandat qu'il avait
donné à ce cabinet d'avocats pour le confier à un autre. À l'audience, Lanctôt Éditeur et
Lanctôt n'étaient pas présents, seul Turgeon y était et il a seul conduit les débats.
[7]
L’appelant Turgeon [ci-après l’appelant] est un auteur et un historien réputé. Il
est également éditeur de profession.
[8]
L’intimé Pierre Michaud [ci-après l’intimé] et son frère Claude sont les seuls
héritiers de Paul-Hervé Desrosiers [ci-après Desrosiers], le fondateur de l’entreprise Val
Royal, mieux connue aujourd’hui sous le nom de Réno-Dépôt.
[9]
En 1992, l’intimé, alors chef de la direction de Réno-Dépôt, caresse le projet de
publier une biographie sur son grand-oncle Desrosiers dans le but de promouvoir
l’entreprise et valoriser son fondateur auprès des employés.
[10] L’intimé mandate alors la firme de communicateurs-conseils Lefebvre
Demosthène et les autres inc., représentée par Jacques Lefebvre [ci-après Lefebvre],
de trouver un auteur disposé à écrire la biographie.
[11] Le 29 juin 1993, Lefebvre, au nom des intimés Michaud et Réno-Dépôt, signe un
protocole d’entente avec l’appelant. Celui-ci se voit ainsi confier la tâche d’écrire la
biographie de Desrosiers. Le protocole est rédigé conjointement par les parties.
L’appelant s’occupe des clauses portant sur la description et l’étendue du travail à
exécuter, alors que Lefebvre rédige celles touchant les modalités financières.
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[12]
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Les extraits pertinents du protocole sont rédigés comme suit :
Entre :
Pierre Turgeon, écrivain, l’auteur
et
Lefebvre, Démosthène et les autres inc. agissant pour le
compte du Groupe Val Royal inc. et de Pierre Michaud,
l’éditeur
Objet :
La recherche, les entrevues, la consultation de
documents de toute nature, la rédaction et la révision
d’un texte final prêt pour la publication d’un ouvrage sur
P.H. Desrosiers, le fondateur de Val Royal. Tout en
restant fidèle aux faits la biographie proposée utiliserait
les techniques du roman pour que le lecteur ait
l’impression de voir réellement les personnages, et de
vivre avec eux les différents épisodes du récit.
Il s’agirait du portrait d’une entreprise, mais surtout de
celui de son fondateur. Et à travers l’histoire du
personnage principal, l’auteur reconstituera toute une
période de la société québécoise. [T]
Conditions :
Pour l’ensemble de ce travail tel que décrit aux
paragraphes précédents, l’auteur sera payé 45 000
dollars déboursés selon le calendrier de paiement
suivant : 5 000 $ à la signature du protocole d’entente et
10 versements mensuels de 4 000 $ chacun payable le
premier de chaque mois sur présentation d’une facture
d’honoraires.
Il est toutefois entendu que l’on pourra mettre fin à cette
entente de part et d’autres au terme de la phase de
recherche et d’entrevues soit le 1er décembre 1993 sans
aucune forme de dédommagement.
Dans cette éventualité, l’auteur remettra à Lefebvre,
Démosthène et les autres Inc. agissant pour le compte
de Groupe Val Royal, les notes de recherches et
d’entrevues ainsi que toute autre partie du travail de
rédaction déjà réalisé à cette date en contrepartie des
honoraires de 21 000 dollars déjà perçus.
D’autre part, si le projet est poursuivi, un montant de
24 000 dollars, payable en six versements de 4 000
dollars chacun, le premier de chaque mois sur
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présentation d’une facture d’honoraires, sera consenti à
l’auteur et considéré comme une avance sur les futurs
droits d’auteur de l’ouvrage.
Le dernier versement correspondra à la date de livraison
du texte complet et définitif. L’éditeur [Lefebvre] se
réserve le droit de ne pas publier l’ouvrage.
L’auteur se réserve tous les droits dérivés de son
œuvre, c’est-à-dire toute adaptation cinématographique,
théâtrale, musicale, phonographique, radiophonique,
télévisée, de même que les droits de traduction, de
reproduction en tout et en partie par photocopie ou
procédé auditif ou visuel existant ou à venir.
[T]
Dépenses afférentes :
Un budget ne dépassant pas 4 000 dollars est prévu
pour payer les frais de déplacement, les frais de
représentation, les frais de photocopie et de messagerie
et toute autre dépense nécessaires à la réalisation de ce
contrat.
Les frais seront payés sur présentation
mensuelle d’une note de frais accompagnée des pièces
justificatives.
Calendrier de réalisation :
Du 1er juillet au 1er décembre 1993 :
Recherches, documentation, entrevues.
Du 1er décembre au 31 décembre 1993 :
Évaluation et décision quant à la poursuite du projet.
Du 1er janvier au 30 juin 1994 :
Rédaction et préparation du texte final prêt pour publication.
[Je souligne.]
[13] L’appelant ne connaissait pas Desrosiers et son histoire avant d’être approché
pour la rédaction de la biographie.
[14] Afin d’aider à la réalisation de la biographie, les intimés mettent l’appelant en
contact avec de nombreuses personnes ayant connu Desrosiers et lui donnent accès à
de la documentation personnelle. Cette aide est d’autant plus utile que l’information
publique sur Desrosiers est rare.
[15] Celle-ci ayant été très difficile à recueillir, l’appelant ne respecte aucune des
échéances prévues au calendrier de réalisation.
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[16] Le 21 juillet 1994, alors que les 45 000 $ prévus au protocole ont déjà été
versés, l’appelant remet aux intimés un synopsis de la biographie qui ne laisse
nullement présager la teneur contestée du texte final.
[17] Le 25 septembre 1994, l’appelant et Lefebvre signent un avenant au protocole.
Cet avenant stipule qu'en considération du travail préparatoire plus long que prévu,
Lefebvre versera à l'appelant des honoraires additionnels de 9 000 $. Payable en trois
versements mensuels égaux, cette somme sera considérée comme une avance sur les
futurs droits d’auteur qui s’ajoute à celle de 24 000 $ déjà consentie, pour un total de
33 000 $. L’avenant fixe au 25 novembre 1994 la date de remise du texte final et
précise que Lefebvre se réserve le choix de l’éditeur.
[18] Cette échéance n’est pas davantage respectée. Si on ajoute aux honoraires
versés en vertu du protocole et de l’avenant divers frais de 6 519,54 $, l’appelant a
reçu, le 25 novembre 1994, 60 519,54 $.
[19] Au début de 1995, l’appelant demande à Lefebvre, qui n’a aucune expertise en
édition, de retenir les services d’un éditeur professionnel capable de fournir
l’encadrement nécessaire au projet lorsque viendra le temps de publier le manuscrit.
[20] Le 23 février 1995, l’appelant et Lefebvre signent un contrat d’édition avec la
mise en cause Sogides Ltée [ci-après Sogides]. L’appelant y est désigné comme
l’auteur, Lefebvre comme l’initiateur et Sogides comme l’éditeur.
[21]
Les clauses pertinentes de ce contrat sont rédigées ainsi :
1.1
L’Auteur cède en exclusivité à l’Éditeur, qui accepte, pour toute leur
durée, leur renouvellement ou autre forme de prolongation, le cas
échéant, tous ses droits d’auteur, incluant ses droits dits «dérivés», sur
l’Oeuvre, et sur toute partie ou élément de celle-ci (ci-après les «Droits»),
et ce, partout dans le monde et en toute langue dans laquelle l’Oeuvre
pourra être traduite;
1.5
L’Auteur et l’Initiateur s’engagent à communiquer sans délai à l’Éditeur
toute proposition qu’ils pourront recevoir ayant trait à l’adaptation ou la
représentation cinématographique ou théâtrale de l’Oeuvre.
1.6
Il est entendu et convenu que si l’Auteur ou l’Initiateur trouve le
réalisateur du film (télévision ou cinéma) les droits leur appartiendront en
totalité. Dans le cas contraire, c’est-à-dire si c’est l’Éditeur qui le trouve,
les droits seront séparés en parts égales (50/50) entre l’Auteur et
l’Initiateur et l’Éditeur.
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6.1
L’Auteur s’engage à remettre à l’Éditeur un exemplaire propre et définitif
de l’Oeuvre, [T] au plus tard le 15 avril 1995 pour la première tranche et
le 15 mai 1995 pour la dernière tranche;
6.3
L’Oeuvre, y compris les Documents annexes, ne sera censée être à la
satisfaction de l’Éditeur que lorsqu’elle sera effectivement acceptée par
voie d’avis de l’Éditeur à cet effet adressé à l’Auteur;
11
L’Éditeur s’engage à publier l’Oeuvre dans un délai raisonnable à
compter de l’acceptation de l’Oeuvre conformément au paragraphe 6.3
[T]
13.1
L’Éditeur paiera à l’Auteur les redevances ou autres rémunérations
suivantes, payables en dollars canadiens, avant toute taxe, les droits
étant répartis comme suit : les premiers trente-quatre mille dollars
(34 000 $) à l’Initiateur, Lefebvre Démosthène et les autres, par la suite
tous les droits seront payables à Pierre Turgeon :
13.1.1 Pour la vente de l’Oeuvre moins les retours :
13.1.1.1 dix pour cent (10%) du prix de détail sur les
exemplaires vendus jusqu’à dix mille (10 000)
exemplaires.
25.1
Les parties conviennent que le présent contrat contient l’énoncé intégral
et complet de l’entente intervenue entre elles relativement à ses objets.
L’Auteur reconnaît qu’aucune autre promesse ou représentation ne lui a
été faite et qu’aucune autre convention, verbale ou autre, n’est intervenue
entre les parties relativement aux objets du contrat. Conséquemment, le
présent contrat remplace et met fin à toute entente, représentation,
négociation, ou proposition antérieure relative aux objets du contrat.
[Je souligne.]
[22] L’appelant ne respecte pas davantage les échéances des 15 avril et 15 mai 1995
prévues à la clause 6.1 du contrat.
[23]
En mai 1995, l'appelant remet une première tranche du manuscrit à Sogides.
[24] À la fin septembre 1995, l’appelant fait enfin parvenir à Sogides une première
version complète du manuscrit. Tant les intimés que Sogides la jugent inacceptable.
[25] Le 20 octobre 1995, une rencontre a lieu entre les parties au contrat d’édition au
cours de laquelle on remet à l'appelant deux rapports de lecture négatifs. Celui-ci
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reconnaît alors que le manuscrit n'est qu'une première version qui doit effectivement
être retravaillée.
[26] Par lettre datée du 20 décembre 1995, l’appelant met Sogides en demeure de
respecter l'engagement qu'elle a pris à la clause 11 du contrat d'édition et de publier le
manuscrit dans un délai raisonnable. Il précise qu’il s'adressera à un autre éditeur si sa
demande n’est pas satisfaite.
[27] Le 22 décembre 1995, M. James de Gaspé Bonar [ci-après Bonar], viceprésident à l’édition chez Sogides, répond à cette lettre de mise en demeure. Il se dit
stupéfait de la teneur de celle-ci et précise qu’il ne la comprend pas puisque l’appelant
avait admis, lors de la rencontre du 20 octobre, que le manuscrit était une ébauche et
s’était engagé à transmettre une seconde version plus étoffée qu’il n’a pas encore
reçue.
[28]
En février 1996, l’appelant remet une seconde version de son manuscrit.
[29] Le ou vers le 7 mars 1996, les parties au contrat d’édition se rencontrent de
nouveau. Bonar déclare alors que l’œuvre lui paraît acceptable, mais dit s’en remettre
à l’approbation des intimés pour la publication.
[30] Le 13 juin 1996, l'appelant, sans nouvelles depuis la rencontre du 7 mars 1996,
met en demeure Sogides de publier le manuscrit. L’intimé rencontre alors l’appelant. Il
lui explique que l’œuvre est inacceptable, car elle ne raconte pas suffisamment l’histoire
de Réno-Dépôt et est beaucoup trop axée sur la vie privée de Desrosiers, portant ainsi
atteinte à sa réputation ainsi qu’à celle de l'entreprise. L’appelant refuse de considérer
toutes modifications autres que mineures et indique à l’intimé qu'il n’a aucun droit de
regard sur l’œuvre.
[31] Le 13 juillet 1996, l’appelant conclut un contrat d’édition avec Lanctôt Éditeur inc.
[ci-après Lanctôt] pour la publication de son manuscrit sur Desrosiers.
[32] Le 6 septembre 1996, la Cour supérieure accorde aux intimés une injonction
interlocutoire provisoire interdisant aux appelants de publier le manuscrit, renouvelée
10 jours plus tard en injonction interlocutoire proprement dite.
[33]
Le 25 mars 1998, la Cour supérieure accorde une injonction permanente.
LE JUGEMENT DE LA COUR SUPÉRIEURE (J.E. 98-1035)
[34] D’entrée de jeu, le premier juge conclut que la clause du protocole qui réserve à
l'éditeur, désigné comme étant Lefebvre, le droit de ne pas publier le manuscrit lui
confère le droit exclusif de refuser toute publication de celui-ci. À son avis, il s’agit là de
l’interprétation la plus logique et plausible de la clause, le protocole devant être assimilé
à un contrat de service par lequel Lefebvre mandate l’appelant d’écrire une biographie.
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Le premier juge fonde aussi sa conclusion sur le fait que le manuscrit devait être écrit
pour le bénéfice des intimés et que l’appelant n’aurait jamais été en mesure de mener à
terme le projet sans l’aide de ceux-ci.
[35] Le premier juge distingue ensuite la situation en litige d'avec celle où un auteur
soumet un manuscrit à un éditeur professionnel. Dans un tel cas, il existe, suivant
l’enseignement de la Cour suprême dans Morang c. LeSueur, [1911] R.C.S. 95, une
obligation implicite pour l’éditeur qui a accepté de publier un manuscrit, de le faire dans
un délai raisonnable. Le juge estime cependant que la situation en l’espèce est tout
autre, le donneur d’ouvrage n’étant pas un éditeur professionnel.
[36] Cette distinction faite, le juge s’interroge sur la nécessité que la cession du droit
exclusif de publier soit expresse. Il nie alors une telle exigence et précise qu’il suffit,
comme en l’espèce, que la cession soit constatée « dans un écrit signé par l’auteur et
que l’on puisse raisonnablement et vraisemblablement inférer du texte que l’auteur a
cédé ce droit ».
[37] Le juge réfute ensuite la prétention de l’appelant selon laquelle l’article 25.1 du
contrat d’édition, stipulant que le contrat « remplace et met fin à toute entente [T]
antérieure relative aux objets du contrat », rend caduque la clause du protocole
réservant à Lefebvre le droit de ne pas publier le manuscrit.
[38] Pour le premier juge, dans ce genre de contrat, cette disposition n’est qu’une
clause de style. S’appuyant sur l’arrêt de la Cour suprême Bégin c. Bilodeau, [1951]
R.C.S. 699, il se dit d'avis qu'une telle clause peut être écartée lorsqu’elle ne traduit pas
la véritable volonté des parties. C’est précisément le cas ici, la preuve au dossier ne
démontrant pas l’intention des parties d’écarter le protocole. Le juge souligne à cet
égard que Bonar, le représentant de Sogides, affirme qu’il était entendu que les intimés
se réservaient le droit de refuser la publication.
[39] Ayant ainsi conclu que le contrat d’édition ne remplace pas le protocole, le juge
conclut que le premier est un complément au second et, par conséquent, que le
transfert du droit d’auteur de l’appelant à Sogides prévu au contrat était conditionnel à
l’autorisation de la publication du manuscrit par les intimés.
[40] Le premier juge examine ensuite si l’article 34 de la Loi sur le statut
professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d’art et de la littérature et sur
leurs contrats avec les diffuseurs, L.R.Q., c. S-32.01 est applicable au litige [ci-après
LSPA]. Cet article prévoit, entre autres, que toute entente reconnaissant à un diffuseur
le droit de décider de la diffusion d’une œuvre expire après un délai de réflexion.
[41] Le juge conclut par la négative. À son avis, il est impossible ici d’assimiler les
intimés à des diffuseurs, l'article 3 de la Loi définissant le diffuseur comme « une
personne, organisme ou société qui, à titre d’activité principale ou secondaire, opère
[T] une entreprise de diffusion ».
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[42] Finalement, le juge conclut que l’appelant a aussi un devoir de confidentialité à
l’égard des informations obtenues dans le cadre de ses travaux et qu’il ne peut les
utiliser de manière à contourner la réserve du droit de non-publication accordée à
Lefebvre par le protocole. Selon le premier juge, cette obligation est un corollaire
essentiel au droit exclusif de publier qu'il a cédé aux intimés. Il fonde cette conclusion
sur l’arrêt unanime de la Cour d’appel d'Ontario dans Lindsey c. LeSueur (1913)
29 O.L.R. 648 [ci-après Lindsey] et sur l’article 1434 du Code civil du Québec prévoyant
qu’un contrat « oblige ceux qui l’ont conclu non seulement pour ce qu’ils y ont exprimé,
mais aussi pour tout ce qui en découle d’après sa nature et suivant les usages, l’équité
ou la loi ». Le juge s'appuie en particulier sur les propos suivants du juge en chef
Meredith dans Lindsey, à la page 655 :
It appears to me to be clear that, if the appellant was given access to and the use
of the documents for a particular purpose, as he admits he was, there is
necessarily an implication that they are not to be used for any other purpose. If,
therefore, the purpose was, as I think it is proved that it was, that he should write
a life of Mackenzie which would so depict him that he would rightly take a place
in the Morang series as a “Maker of Canada”, it was an implied term of the
arrangement between him and the respondent and Charles Lindsey that he
should not make use of the documents for any other purpose; and, inasmuch as
the work which he has written does not so depict Mackenzie, but depicts him as
a “puller down”, the respondent was, in my opinion, entitled to the relief which the
judgement has given him. [Je souligne.]
[43] Le premier juge précise toutefois que le devoir de confidentialité ne s’applique
pas à tous les renseignements recueillis, mais simplement à ceux fournis par les
intimés ou par des personnes désignées par eux.
[44] Vu ces conclusions, le juge souligne enfin qu’il n'a pas à déterminer si la
publication du manuscrit peut être interdite en vertu de l’article 35 du Code civil du
Québec qui protège le droit à la vie privée et à la réputation, dont le second alinéa
précise que « [n]ulle atteinte ne peut être portée à la vie privée d'une personne sans
que celle-ci ou ses héritiers y consentent ou sans que la loi l'autorise » (je souligne).
[45] Notons que cet alinéa a été modifié depuis le jugement de première instance et
est maintenant ainsi rédigé (L.Q. 2002, c. 19. a. 2) :
Nulle atteinte ne peut être portée à la vie privée d'une personne sans que celle-ci
y consente ou sans que la loi l'autorise. [Je souligne.]
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LES QUESTIONS EN LITIGE
[46]
Le pourvoi soulève trois questions :
1.
Le premier juge a-t-il erré en concluant que les intimés détiennent le droit
exclusif de refuser toute publication du manuscrit?
2.
Le premier juge a-t-il erré en concluant que le protocole d’entente impose à
l’appelant un devoir de confidentialité à l’égard des renseignements
obtenus des intimés ou de personnes désignées par eux?
[47] Une réponse négative à ces questions scellerait le sort du pourvoi. Autrement, il
faudra répondre à une troisième question.
3.
À défaut de pouvoir s’appuyer sur le protocole, les intimés peuvent-ils
s’autoriser de l’article 35 du Code civil du Québec, modifié en 2002, pour
interdire la publication du manuscrit et, le cas échéant, cet article est-il
inconstitutionnel parce que contraire à la liberté d’expression?
L’ANALYSE
1.
Le premier juge a-t-il erré en concluant que les intimés détiennent le droit
exclusif de refuser toute publication du manuscrit?
[48] L’appelant plaide quatre moyens, tous en relation avec l’interprétation du
protocole et du contrat d’édition. Premièrement, ces documents montreraient qu’il est le
seul titulaire des droits d’auteur. Deuxièmement, la clause du protocole réservant à
Lefebvre « le droit de ne pas publier l’ouvrage » ne constituerait pas une cession de
droits respectant les exigences de la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C-42
[ci-après LDA] et de la LSPA. Troisièmement, le juge, malgré la réserve de publication,
aurait dû vérifier, au moment d’autoriser l’injonction, si le manuscrit portait
manifestement atteinte à la vie privée ou à la réputation des intimés vue la protection
accordée à la liberté d’expression par l’article 3 de la Charte des droits et libertés de la
personne, L.R.Q., c. C-12 [ci-après Charte]. Quatrièmement, Sogides aurait eu une
obligation de publier le manuscrit et ne s’en étant pas déchargée, l’appelant pourrait le
faire publier chez Lanctôt.
1.1
L'appelant serait le seul titulaire des droits d'auteur.
[49] S’appuyant sur le principe que l’auteur est le premier titulaire des droits d’auteur
sur son œuvre, l’appelant soutient que le protocole lui réserverait l’entièreté des droits
d’auteur. Il fait valoir deux arguments. D'une part, dans la mesure où plus de la moitié
du montant qui lui a été versé en vertu du protocole et de son avenant a été, suivant les
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termes mêmes de ces documents, « consenti [T] et considéré comme une avance sur
les futurs droits d'auteur de l'ouvrage » et non comme une somme forfaitaire, le
protocole ne pourrait constituer une commande et, par conséquent, une cession de
droits. D'autre part, la clause lui réservant les droits dérivés démontrerait qu’il n’a cédé
aucun droit d’auteur.
Il serait illogique qu'il puisse faire une adaptation
cinématographique ou théâtrale d'un manuscrit dont les intimés pourraient interdire la
publication. S'appuyant sur ces arguments, l’appelant prétend que la clause réservant
à Lefebvre « le droit de ne pas publier l’ouvrage » ne serait qu’un simple droit de
premier refus.
[50]
Je ne peux souscrire à ces arguments pour trois motifs.
[51] Premièrement, l'argument que le protocole ne puisse constituer une commande
et, par conséquent, une cession de droit procède d'un postulat erroné puisqu'un contrat
de commande n'entraîne jamais le transfert des droits d'auteur à moins d'une
disposition écrite en ce sens. Le contrat de commande est essentiellement un contrat
d'entreprise au sens de l'article 2098 du Code civil du Québec et, sauf dans le cas des
exceptions prévues à l'article 13 LDA, la remise au client de l'ouvrage intellectuel
n'entraîne nullement le transfert des droits d'auteur sur cet ouvrage à moins d'une
stipulation écrite en ce sens (Arcon Canada Inc. c. Arcobec Aluminium Inc. (1984),
7 C.P.R. (3d) 382 (C.S.); Amusements Wiltron inc. c. Mainville, [1991] R.J.Q.1930
(C.S.)). Une telle remise peut toutefois entraîner la concession implicite d'une simple
licence.
[52] Deuxièmement, même si l'argument fondé sur le fait que le protocole ne serait
pas une commande avait quelques mérites pour établir s'il y a eu cession des droits
d'auteurs, il ne serait pas déterminant puisqu'il faut, à cette fin, s’en remettre à un
examen complet des clauses. Or, j'estime que l'avance de 33 000 $ accordée à
l'appelant pour la rédaction du manuscrit doit être vue comme l’octroi d’une somme
forfaitaire. En effet, on peut difficilement concevoir que les droits d’auteur provenant de
la vente du manuscrit aient pu excéder l’avance et que les intimés se soient ainsi
retrouvés à ne rien débourser pour la rédaction. Par exemple, Lanctôt prévoyait un
tirage de 3 000 à 5 000 exemplaires qui seraient vendus environ 16,95 $ chacun. Le
contrat d’édition avec Lanctôt prévoyant que l’appelant aurait droit au traditionnel 10 %
du prix de vente, les redevances n’auraient pu dépasser 8 475 $. Ainsi, dans la
meilleure des hypothèses, les intimés auraient tout de même payé 24 525 $ à l’appelant
pour la rédaction du manuscrit.
[53] Troisièmement, si l’appelant se réservait en vertu du protocole tous les droits
d’auteur, comme il le prétend, pourquoi a-t-il alors convenu d'une réserve de ces droits
uniquement pour les droits dérivés? L’absence de réserve à l’égard du droit de publier
s’explique simplement : l’appelant a cédé celui-ci par la clause accordant à Lefebvre le
droit de ne pas publier le manuscrit. Cette interprétation est parfaitement compatible
avec la clause réservant à l’appelant les droits dérivés. Dans l’éventualité où la
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publication aurait été autorisée, l’appelant aurait eu alors le plein contrôle sur les droits
dérivés.
[54] Je suis donc d’avis que, par le protocole, l’appelant a cédé aux intimés son droit
de publier défini comme suit par le professeur Normand Tamaro (Loi sur le droit
d’auteur, 5e éd., Scarborough, Carswell, 1999, à la p. 233) :
La notion de publication, en matière de droit d’auteur, est une notion clé dont
dépend, dans une large mesure, l’application des règles, du moins en ce qui
concerne la diffusion de l’œuvre. Dans un sens restreint, la publication
correspond à la reproduction d’une œuvre. Toutefois, au sens de la Loi sur le
droit d’auteur, la notion de publication renvoie au fait de rendre une œuvre
accessible au public.
[T]
Le droit de publier une œuvre est à double volet. Un premier volet revêt un
caractère essentiellement négatif. On dira qu’un auteur peut faire interdire toute
publication de son œuvre ou encore qu’il peut la communiquer aux seules
personnes désirées.
[T]
Le second volet du droit de publier une œuvre ou une partie de celle-ci est à
caractère positif. L’auteur dispose du droit exclusif d’autoriser une première
publication de son œuvre.
[Je souligne.]
J’ajoute que la structure même du protocole appuie l'interprétation selon laquelle
l’appelant a cédé son droit exclusif de publier. Même si elles n'ont pas été respectées
dans les faits, il n'en demeure pas moins que le protocole divise en deux phases les
tâches devant être accomplies par l’appelant. Il prévoit d'abord une phase de
recherche et d’entrevues et, ensuite, une phase de rédaction. Au terme de la première
phase, le protocole stipule « que l'on pourra mettre fin à cette entente de part et
d'autres [T] sans aucune forme de dédommagement » et que « [d]ans cette
éventualité, l'auteur remettra à Lefebvre [T] les notes de recherches et d'entrevues
ainsi que tout autre partie du travail de rédaction déjà réalisé [T] en contrepartie des
honoraires de 21 000 dollars déjà perçus ». Cette clause vise clairement à empêcher la
rédaction du manuscrit si celui-ci s'annonce contraire au but de promotion de
l'entreprise et de son fondateur poursuivi par les intimés.
[55]
La clause réservant « le droit de ne pas publier l’ouvrage » vise le même but.
Dans le sillage de la protection accordée par la possibilité de mettre fin à l'entente au
terme de la première phase, cette clause doit logiquement être interprétée comme une
[56]
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protection analogue au terme de la seconde phase et donc comme une cession par
l'auteur de son droit exclusif de publier.
[57] De plus, le fait que l’appelant soit un écrivain et un éditeur professionnel et
Lefebvre un néophyte en la matière favorise une interprétation du protocole favorable
aux intimés. Ainsi que l'explique David Vaver (Copyright Law, Toronto, Irwin Law, 2000,
à la p. 97) :
A professional who fails to explain the copyright position to a novice can hardly
complain if a court rules that the beginner’s belief that it is buying clear title is
preferable. This is really a finding that the client’s belief is “more” reasonable and
thus the presumed intent of both parties.
[58] À l'appui de sa thèse qu'il serait l'unique titulaire des droits d'auteur sur le
manuscrit, l’appelant invoque, par ailleurs, deux arguments fondés sur le contrat
d’édition. Premièrement, l’article 25.1, stipulant que le contrat « remplace et met fin à
toute entente [T] antérieure relative aux objets du contrat », rendrait caduc le protocole
ainsi que toutes cessions de droits s’y trouvant. Deuxièmement, ce contrat montrerait
que c’est lui qui a cédé à Sogides les droits d’auteur nécessaires à la diffusion du
manuscrit et que, par conséquent, il ne peut les avoir préalablement cédés aux intimés
par le protocole.
[59]
Ici encore, je ne peux souscrire à ces arguments.
[60] D'une part, l’article 25.1 n’a pas rendu caduc le protocole. À cet égard, je
partage la conclusion du premier juge selon laquelle cette disposition du contrat type
Sogides constitue une clause de style qui doit être écartée, car elle ne traduit pas la
véritable intention des parties. L’affidavit de Bonar démontre bien, d’ailleurs, que les
parties n’entendaient pas écarter le protocole ainsi que la cession du droit de publier :
3.
Il était entendu de Sogides que Pierre Michaud et Réno-Dépôt se
réservaient le droit de refuser la publication de l’œuvre lorsque le
manuscrit définitif leur serait soumis.
12.
Sogides et moi-même avons toujours agi de bonne foi dans cette affaire.
Puisque l’œuvre dont la publication était confiée à Sogides était une
biographie commandée par Michaud et Réno-Dépôt, je me devais de
m’en remettre à eux pour toute décision ultime touchant la publication.
[Je souligne.]
[61] D'autre part, l'argument de l'appelant suivant lequel il ne peut avoir cédé de
droits en vertu du protocole puisque le contrat d'édition indique que c'est lui qui cède les
droits nécessaires à la diffusion du manuscrit me paraît également erroné. Bien que
l'exploitation d'une œuvre soit impossible en l'absence du droit de publication, encore
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faut-il être titulaire du droit pour le céder de façon légitime. Or, je suis d'avis qu'en
signant le protocole, l'appelant a transféré, comme l'y autorise l'article 13(4) LDA, une
partie de son droit d'auteur sur l'œuvre future, soit le droit de la publier, dans le
patrimoine des intimés. Il ne pouvait donc validement le céder à nouveau en faveur de
Sogides (voir Diffusion Y.F.B. inc. c. Disques Gamma (Québec) ltée, J.E. 99-1139,
désistement d'appel le 20-02-01, C.A. Montréal, no 500-09-008192-999, où la Cour
supérieure a reconnu la validité d'une cession de droit portant sur une œuvre future en
se fondant sur l'article 1374 C.c.Q. ainsi rédigé : « La prestation peut porter sur tout
bien, même à venir, pourvu que le bien soit déterminé quant à son espèce et
déterminable quant à sa quotité »).
[62] L'interprétation isolée du protocole et du contrat d'édition proposée par l'appelant
ne peut donc être retenue. Je suis plutôt d’avis, comme le premier juge, que le contrat
d’édition est un complément au protocole.
[63] En effet, même si Lefebvre était désigné comme « Éditeur » dans le protocole, il
allait de soi qu'un contrat d’édition allait forcément suivre sa signature étant donné que
Lefebvre ne possédait nullement la capacité nécessaire à la publication d’un manuscrit.
L'appelant l'a d'ailleurs implicitement reconnu lorsqu’il a demandé l’appui d’un éditeur
professionnel. Il ressort également de l'avenant ajouté au protocole le 25 septembre
1994 que tôt ou tard un éditeur professionnel devait être impliqué dans le processus.
Cet avenant précise en effet que « l’auteur s’engage à collaborer de bonne foi avec les
meilleures dispositions, à la réalisation du livre par l’éditeur choisi par Lefebvre ».
[64] J'ajoute que la présence de Lefebvre au contrat d’édition à titre d’« Initiateur »
montre également que ce contrat est complémentaire au protocole. À cet égard, je ne
peux souscrire à la thèse de l’appelant selon laquelle Lefebvre ne serait intervenu au
contrat d’édition que pour s’assurer que les premiers 34 000 $ de redevances lui
reviennent (article 13.1). Une telle interprétation est inexacte, car le contrat accorde
aussi d’autres droits à Lefebvre, tels ceux découlant d’une adaptation
cinématographique s’il trouve le réalisateur, et lui impose l'obligation de communiquer
sans délai toute proposition d’adaptation cinématographique ou théâtrale (articles 1.5 et
1.6).
[65] Le contrat d’édition étant un complémentaire au protocole en vertu duquel
l’appelant a cédé son droit exclusif de publier, je suis d'avis que le transfert du droit
d’auteur de l’appelant à Sogides prévu à ce contrat était forcément conditionnel à ce
que les intimés autorisent la publication du manuscrit.
[66]
Je rejette donc le premier moyen de l’appelant.
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1.2
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La réserve de publication ne constituerait pas une cession valide des
droits d'auteur de l'appelant.
[67] L’appelant plaide que la clause réservant à Lefebvre « le droit de ne pas publier
l’ouvrage » ne peut constituer une cession valide, car elle ne respecterait pas les
exigences de la LDA et de la LSPA en matière de cession.
1.2.1 La réserve de publication et les exigences de la LDA
[68] L’appelant fait valoir qu’en vertu de la LDA toute cession doit être faite par écrit
et de façon expresse. Or, selon lui, la réserve de publication n’a pas ce caractère
exprès et ne peut donc être une cession valide du droit de publier.
[69]
Cette prétention ne tient pas.
[70] D’entrée jeu, je souligne que le paragraphe 13(4) de la LDA qui régit les cessions
ne requiert nullement comme condition de validité que celles-ci soient rédigées en des
termes exprès :
13. (4) Le titulaire du droit d’auteur sur une œuvre peut céder ce droit, en totalité
ou en partie, d’une façon générale ou avec des restrictions relatives au territoire,
au support matériel, au secteur du marché ou à la portée de la cession, pour la
durée complète ou partielle de la protection; il peut également concéder, par une
licence, un intérêt quelconque dans ce droit; mais la cession ou la concession
n’est valable que si elle est rédigée par écrit et signée par le titulaire du droit qui
en fait l’objet, ou par son agent dûment autorisé.
[Je souligne.]
[71] Il me paraît, par ailleurs, déraisonnable d’invalider une cession écrite pour le
simple motif qu’elle n’utilise pas une formulation expresse, alors qu’il ressort de l’écrit
que l’intention des parties était de procéder à une telle cession. À mon avis, pour
qu’une cession soit valide, il suffit d’être en présence d’un écrit signé par le titulaire du
droit et qu'il en ressorte clairement que la véritable intention de celui-ci était de céder ce
droit.
[72] Bien que l'objet du protocole soit une oeuvre protégée au sens de la LDA, ce
dernier demeure un contrat soumis au droit civil québécois (Electric Fireproofing Co. of
Canada c. Electric Fireproofing Company, (1909) 43 R.C.S. 182, aux pp. 193-194) qui
demande qu'on recherche qu'elle a été la commune intention des parties.
[73]
Sur cette dernière question, le professeur David Vaver, précité, écrit (à la p. 97) :
[T] a document signed by X, saying “X hereby assigns all her worldwide
copyright in work Y to Z”, should work to achieve precisely what it says. Explicit
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language of this kind has even been said to be essential, but this view seems too
radical. An implied assignment can be as effective as an express one, if the
implication is clearly discernible from some writing signed by the copyright holder
or her agent.
Whether such an implication may properly be made depends on the standard
legal principles relating to the interpretation of documents. The signer’s intention
to assign must be clearly inferable from her writing.
[Références omises] [Je souligne.]
[74]
Plusieurs autres auteurs tiennent de tels propos.
[75] John S. McKeown explique notamment (Fox Canadian Law of Copyright and
Industrial Designs, 3e éd, 2000, Carswell, Scarborough, à la p. 376) :
The Act does not specify that an assignment be in any proscribed form apart
from the fact that it must be in writing signed by the owner of the right in respect
of which the assignment or grant made, or by the owner’s duly authorized agent.
An assessment must be made in each case to determine the effect of the
“document” in issue and whether it indicates an intention to assign copyright or a
part thereof. The determination of the intention of the parties is of paramount
importance.
[Je souligne.]
[76] Le professeur Normand Tamaro, pour sa part, affirme (Le droit d'auteur :
fondements et principes, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 1994, à la
p. 187) :
Il n’existe pas de formule miracle pour déterminer si un contrat transfère un droit
d’auteur exclusif. Dans toutes les situations qui lui sont soumises, un tribunal
analyse les stipulations du contrat et se demande s’il laisse voir un véritable
transfert de droit de propriété sur l’un ou l’autre des droits exclusifs. [Je
souligne.]
[77] La jurisprudence révèle également qu’une cession n’a pas à être explicite pour
être valide.
[78] Récemment, le juge Gilles Mercure de la Cour supérieure du Québec rappelait
ce principe dans Mensys Business Solution Centre Ltd. c. MRC de Drummond [2002]
R.J.Q. 765, au paragr. 29 :
La jurisprudence et la doctrine retiennent les principes suivants en ce qui a trait à
l'exigence de l'écrit comme condition essentielle à la cession du droit d'auteur :
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[T]
- l'écrit n'a pas à prévoir explicitement la cession. Il suffit qu'il soit signé par
l'auteur et que l'on puisse raisonnablement inférer la cession du droit d'auteur du
texte de l'écrit; [Je souligne.]
[79] Dans FWS Joint Sports Claimants c. Canada (Commission du droit d’auteur)
[1992] 1 C.F. 487, la Cour d’appel fédérale reconnaît implicitement ce principe. Au nom
de la Cour, le juge Linden a conclu qu’une disposition ambiguë ne constituait pas en
l’espèce une cession du droit de retransmission, mais uniquement après une analyse
de la véritable intention des parties (à la p. 493) :
Ce libellé [celui de la disposition ambiguë], soutient-on, équivaut à une cession
du droit d’auteur sur l’émission de télévision à la NFL, mais cette interprétation
est contestée. [T] Bien qu’il semble effectivement y avoir cession de certains
éléments du droit d’auteur à la Ligue selon les termes du contrat, il existe
d’autres éléments qui ne sont pas cédés.
[T] Rien n’est mentionné
expressément en ce qui concerne les droits de retransmission, mais les droits
vidéo ne pourraient pas être exploités sans le consentement du réseau. En
résumé, il ne ressort pas clairement du libellé utilisé qu’il y a eu cession des
droits de retransmission. Dans ces cas-là, on peut prendre le témoignage oral
en considération (Alampi c. Swartz, [1964] 1 O.R. 488 (C.A.). Après examen du
témoignage oral de M. Standford et M. Vanderstar, la Commission a conclu, et je
suis d’accord avec elle, que la clause relative à la cession figurant dans le
contrat visait simplement à permettre à la Ligue [T] de poursuivre les bars de la
ville qui présentaient les matchs à l’intention de leurs clients. [T] Il ressort
clairement de la preuve que l’on n’avait nullement l’intention de céder l’ensemble
du droit d’auteur ni les droits de retransmission à Ligue. [Je souligne.]
[80] Dans Lifestyle Homes Ltd. c. Randall homes Ltd, (1991) 34 C.P.R. (3d) 505
[ci-après Lifestyle], le juge en chef Scott de la Cour d’appel du Manitoba, dissident,
souligne lui aussi qu’une cession écrite n’a pas à être explicite et que la validité de
celle-ci n’est tributaire que de l’intention des parties. Seul à examiner la question de la
cession, il corrige ainsi la conclusion du premier juge selon laquelle une clause cédant
la propriété dans des plans n’est pas assez spécifique pour inclure la cession des droits
d’auteur sur ceux-ci (à la p. 515) :
In my opinion the learned trial judge misinterpreted the effect of Massie &
Renwick, supra, and was in error in so concluding. He seems to have taken the
decision as standing for the proposition that a transfer of property without more
does not assign the incorporeal right [les droits d’auteur en l’occurrence]. But
this is not the correct test; the question is one of interpretation – what dit the
parties intend to transfer? [Je souligne.]
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[81] Précisons que, dans cet arrêt, la majorité n’a pas eu à traiter de cette question,
étant d'avis que les plans ne pouvaient même pas faire l’objet de droits d’auteur.
[82] Dans Massie & Renwick Ltd. c. Underwriter's Survey Bureau Ltd., [1940] R.C.S.
218, la Cour suprême a également conclu qu'une cession écrite pouvait être implicite en
jugeant qu'un contrat de vente d'entreprise pouvait entraîner la cession des droits
d'auteur à l'égard des oeuvres protégées contenues dans cet actif. À ce sujet, le juge
en chef Duff énonce d'abord le principe suivant (à la p. 229) :
It is clearly settled now, by the authority of In re Dickens [1935] Ch. D. 267, that
the author, in transferring the property in his manuscript, does not thereby
necessarily assign the incorporeal right.
Puis examinant les faits en l'espèce, il écrit (aux pp. 231, 237, 238 et 239) :
I have no doubt that the delivery of completed materials by an independent
contractor to an official of the Association for the Association as such or the
completion of the work by a servant or agent and delivery into the custody of the
proper official of the Association with the intention, express or implied from the
circumstances, of transferring the common law incorporeal right, would have the
effect of vesting this in the members.
[...]
I think the transfer from the Toronto General Trusts Corporation to the persons
who became members of the firm Charles E. Goad Company, which was a
transfer of the business of Charles Edward Goad as a going concern, and a list
of assets including (inter alia) good will and advances made to surveyors, by
necessary implication had the effect of vesting in the transferees the title to the
copyrights which had been acquired by Charles Edward Goad.
[...]
I do not think it is doubtful that the intention of the members of the Association
and of the Bureau and the plan committee was that the legal property in all the
plans and revisions produced after the incorporation of the bureau, and revisions
of these plans acquired from the Goads, should vest in the Bureau although no
formal, explicit agreement to that effect is proved.
[Je souligne.]
[83] Prenant appui sur ces autorités, je conclus que la clause réservant à Lefebvre
« le droit de ne pas publier l’ouvrage » constitue, en vertu de la LDA, une cession valide
du droit exclusif de publier le manuscrit. Elle est faite par écrit, elle est signée par
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PAGE : 18
l’appelant et il ressort clairement de l’interprétation déjà faite du protocole et du contrat
d’édition que la véritable intention des parties était de procéder à une telle cession.
1.2.2 La réserve de publication et les exigences de la LSPA
[84] L’appelant prétend que la réserve de publication ne peut constituer une cession
valide du droit de publier puisque le paragraphe 31.3o de la LSPA impose que toute
cession soit clairement identifiée dans un contrat.
[85]
Ce paragraphe est ainsi rédigé :
31. Le contrat doit être constaté par un écrit rédigé en double exemplaire et
identifiant clairement :
[T]
3o toute cession de droit et tout octroi de licence consentis par l’artiste [T]
[86] À mon avis, l’appelant a tort. Le paragraphe 31.3o est inapplicable en l’espèce,
le protocole n'étant manifestement pas le type de contrat visé par ce paragraphe.
[87] L’article 30 de la LSPA énonce, en effet, que le contrat dont il s’agit est celui
entre un artiste et un diffuseur. Or, on ne peut associer Lefebvre, qui n’a aucune
expertise en édition, ou les intimés à un diffuseur, ceux-ci n’ayant jamais exploité
d’entreprise de diffusion. Les termes « diffuseur » et « diffusion » sont ainsi définis à
l’article 3 de la LSPA :
«diffuseur» : personne, organisme ou société qui, à titre d’activité principale ou
secondaire, opère à des fins lucratives ou non une entreprise de diffusion et qui
contracte avec des artistes;
«diffusion» : la vente, le prêt, la location, l’échange, le dépôt, l’exposition,
l’édition, la représentation en public, la publication ou toute autre utilisation de
l’œuvre d’un artiste;
[Je souligne.]
[88]
Je rejette donc le deuxième moyen de l’appelant.
1.3
Seule une atteinte à la vie privée ou à la réputation justifierait l’injonction
[89] L’appelant fait valoir que le premier juge, malgré la réserve de publication, aurait
dû vérifier, au moment d’autoriser l’injonction, si le manuscrit portait manifestement
atteinte à la vie privée ou à la réputation des intimés. Selon lui, seule une telle atteinte
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justifierait l’injonction, vu la protection accordée par l’article 3 de la Charte à la liberté
d’expression.
[90] Les intimés répliquent que le protocole tel que rédigé suffirait à justifier
l’injonction. Ils soutiennent que détenant le droit exclusif de publier le manuscrit, ils sont
en droit d’obtenir une injonction afin que l’appelant exécute en nature son obligation de
ne pas publier. Les intimés soulignent, par ailleurs, que l’appelant a consciemment
limité sa liberté d’expression en consentant à la réserve de publication et qu’il ne peut
après coup invoquer cette liberté pour se délier de ses obligations.
[91] À mon avis, la prétention de l’appelant est erronée. Le juge n’avait pas à établir
une atteinte à la vie privée ou à la réputation des intimés pour autoriser l’injonction.
J’estime, tout comme les intimés, que l’injonction peut se fonder strictement sur le
protocole, car celui-ci impose à l’appelant une obligation de ne pas publier le manuscrit
qui est le corollaire du droit exclusif de publier cédé aux intimés.
[92] L’article 1601 du Code civil du Québec autorise en effet les intimés à obtenir une
injonction afin que l’appelant respecte son obligation de ne pas publier. Cet article
prévoit que :
Le créancier, dans les cas qui le permettent, peut demander que le débiteur soit
forcé d’exécuter en nature l’obligation.
[93] En l’espèce, l’exécution en nature de l’obligation se traduit par une interdiction de
publication.
[94] Je précise aussi que nous sommes ici dans un des « cas qui le permettent » au
sens de l’article 1601. En effet, il est bien établi depuis l’arrêt Sternlieb c. Cain, [1962]
B.R. 440, que l’injonction constitue un remède approprié pour empêcher une personne
de transgresser son obligation de ne pas faire. Dans cet arrêt, le juge en chef Tremblay
écrivait :
L’obligation de l’appelant est une obligation de ne pas faire. Les intimés
demandent l’exécution de l’obligation même. C’est un cas qui le permet, puisque
nous pouvons ordonner à un justiciable de ne pas poser un acte. S’il contrevient
à cet ordre, il subira les peines qu’impose la loi. Si nous avons le pouvoir
d’ordonner la destruction de ce qui a été fait en contravention à une obligation, à
plus forte raison avons-nous celui d’ordonner de ne pas faire ce qui serait en
contravention à cette obligation.
[Je souligne.]
[95]
Je rejette donc le troisième moyen de l’appelant.
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1.4
PAGE : 20
L’appelant pourrait faire publier le manuscrit chez Lanctôt vu le refus de
Sogides
[96] L’appelant prétend que Sogides aurait eu une obligation de publier le manuscrit
et que ne s’en étant pas déchargée, il pourrait le faire publier chez Lanctôt.
[97] Avec égards, ce moyen me paraît futile, car pour prétendre que Sogides avait,
en vertu du contrat d’édition, l’obligation de publier le manuscrit, il faut faire abstraction
du protocole et passer outre au droit exclusif de publier qu’il confère aux intimés.
[98]
Je rejette donc le quatrième moyen de l’appelant.
[99]
Pour tous ces motifs, je réponds négativement à la première question.
2.
Le premier juge a-t-il erré en concluant que le protocole d’entente impose à
l’appelant un devoir de confidentialité à l’égard des renseignements
obtenus des intimés ou de personnes désignées par eux?
[100] Si une réponse négative à la première question justifie la conclusion de
l’injonction interdisant à l’appelant de publier le manuscrit, une réponse négative à la
deuxième question justifierait, pour sa part, celle interdisant à l’appelant de diffuser tout
document portant sur la vie de Desrosiers contenant, en tout ou en partie, les
renseignements obtenus des intimés ou de personnes désignées par eux.
[101] Avec égards, cette deuxième question appelle aussi une réponse négative.
[102] J’estime juste, en effet, la conclusion du premier juge selon laquelle :
[T] [L]’obligation de confidentialité est un corollaire essentiel au droit exclusif de
publier l’ouvrage que Turgeon a cédé aux demandeurs. Autrement, ce droit
perdrait toute signification si Turgeon pouvait faire indirectement ce que le
protocole lui interdit de faire directement. En effet, comment peut-on interdire à
Turgeon de publier le manuscrit, tout en lui permettant d’utiliser le matériel et
l’information qui lui ont été fournis par les demandeurs ou qu’il a obtenus de
personnes désignées par eux?
[Je souligne.]
[103] Le juge fonde cette conclusion sur l’article 1434 du Code civil du Québec qui
édicte :
Le contrat valablement formé oblige ceux qui l’ont conclu non seulement pour ce
qu’ils y ont exprimé, mais aussi pour tout ce qui en découle d’après sa nature et
suivant les usages, l’équité ou la loi. [Je souligne.]
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[104] Dans leur ouvrage sur les obligations, les auteurs Baudouin et Jobin décrivent
ainsi la marche à suivre pour déterminer si un contrat contient, en vertu de l’article
1434, des obligations implicites résultant de l’équité (Les obligations, 5e éd.,
Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1998, p. 369, no 454) :
Il s’agit en somme pour le juge de décider si, dans les circonstances de l’espèce
et en l’absence d’une règle légale ou conventionnelle pertinente, il y a lieu
d’imposer une obligation à une partie en faisant appel à l’esprit de la loi ou de la
convention et au sens commun de la justice.
[Référence omise.] [Je souligne.]
[105] En l’espèce, l’esprit du protocole révèle très clairement une obligation implicite
de confidentialité dans l’éventualité où les intimés interdiraient la publication du
manuscrit. En effet, comme je l’ai souligné ci-dessus, le protocole est structuré de
façon que les intimés gardent en tout temps le plein contrôle sur l’information qui
pourrait être diffusée au public concernant Desrosiers. Ils peuvent au terme de la
première phase mettre fin à l’entente et exiger que l’appelant leur remette « les notes
de recherches et d'entrevues ainsi que toute autre partie du travail de rédaction déjà
réalisé » et au terme de la seconde interdire la publication du manuscrit. À mon avis,
l’esprit du protocole crée obligatoirement un devoir complémentaire de confidentialité,
car autrement les clauses réservant aux intimés le contrôle sur l’information seraient
vaines.
[106] J’ajoute aussi que le premier juge a eu raison d’appliquer au litige actuel le
raisonnement du juge en chef Meredith de la Cour d’appel d’Ontario dans Lindsey,
précité. Dans cet arrêt, le juge en chef émit contre un auteur une injonction lui
interdisant de publier tout ouvrage contenant les informations confidentielles auxquelles
il avait eu accès, car il avait utilisé cette information dans un but contraire à celui pour
lequel l’information avait été transmise.
[107] Ce raisonnement est parfaitement transposable à la présente situation, car, ici,
l’appelant s’est vu donner accès à de l’information confidentielle dans le but de rédiger
un manuscrit promouvant Réno-Dépôt et son fondateur. Or, selon le premier juge,
l’usage fait de l’information visait plutôt à contourner le protocole.
[108] Le premier juge a eu raison, toutefois, de restreindre la conclusion de l’injonction
visant le respect du devoir de confidentialité aux seuls renseignements obtenus des
intimés ou de personnes désignées par eux, car, comme il le souligne, « on ne saurait
intervenir pour prohiber l’utilisation d’information qui est du domaine public ou qui a été
communiquée » à l’appelant « par des personnes qui ne lui ont pas été présentées par
les » intimés.
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PAGE : 22
[109] À sa décharge, l’appelant fait valoir qu’il peut lui être difficile de distinguer les
informations communiquées par les intimés de celles appartenant au domaine public. Il
plaide, par conséquent, que l’injonction est imprécise et, pour cette raison, invalide.
[110] À mon avis, l’appelant a tort. L’injonction répond au critère de précision requis
puisqu’il sait à quoi s’en tenir. Il peut utiliser les informations appartenant au domaine
public, mais non celles qui lui ont été communiquées par les intimés ou des personnes
désignées par eux. Par ailleurs, l’appelant ayant lui-même recueilli l’information, il en
connaît nécessairement la source. D’autant plus que les faits révèlent que l’information
provenant du domaine public était rarissime.
[111] Pour ces motifs, je réponds négativement à la deuxième question.
[112] Dans la mesure où le protocole librement consenti accorde aux intimés le droit
exclusif de publier le manuscrit et soumet l’appelant à un devoir de confidentialité à
l'égard des renseignements obtenus des intimés ou de personnes désignées par eux, il
constitue un fondement valide à l’injonction. Il n’est donc pas nécessaire dans les
circonstances d’examiner la troisième question.
[113] C'est pourquoi, comme mes collègues, j'ai été d'avis à l'audience de rejeter le
pourvoi avec dépens contre l'appelant Turgeon.
RENÉ DUSSAULT J.C.A.