Ça passera… sans craquer ! Aveiro

Transcription

Ça passera… sans craquer ! Aveiro
À l’aveuglette dans la vie suivante (suite)
appel du large
Photos © Pierre Lang
Le vomi de la mer
Nous sommes à Lexoès, près de Porto,
avec Caroline. Elle passe son baptême
de yachting. Les alizés portugais
soufflent 30 noeuds établis. La mer est
celle du vent. Sachant qu’elle n’a pas
froid aux yeux, je lève l’ancre. Deux ris
dans la grand-voile. Fatigués, nous ne
sommes pas disposés à passer la nuit
en mer par ces conditions, maniables,
mais trop musclées. Nous essayons
de relâcher à Aveiro. Les instructions
indiquent que l’entrée du chenal par
vent de NW à SW est périlleuse et
qu’un yacht a coulé là en 1999, de nuit,
avec une houle de 3 mètres. Le chenal
est dragué à 10 mètres, car Aveiro est
aussi un port industriel. Si un cargo
passe, Thoè, qui cale 1.50 mètres, doit
passer aussi ! La barre à l’entrée du
port indique des sondes à 6 mètres.
Moins la houle. C’est marée basse !
Ça passera… sans craquer !
La houle est importante, mais ne déferle pas. Après avoir
affalé les voiles en roulant bord sur bord, Caroline effrayée
à la barre, je décide d’approcher de l’entrée du chenal.
Deux pas au N, un au S. Le bateau répond présent aussi
bien avec que contre le vent et la houle.
L’approche est couverte d’une couche d’écume brunâtre
de deux ou trois centimètres d’épaisseur que Caroline
qualifie immédiatement de « vomi de la mer ». Les rafales n’hésitent pas à tapisser le pont de Thoè dudit vomi.
Pour éviter une frayeur supplémentaire à ma compagne, je
laisse mon appareil photo dans la cabine, à contrecoeur, et
choisis de me consacrer à 110 % à la conduite de Thoè. Il
y avait pourtant de belles images à saisi !
Un bateau de pêche vient nord, se dirigeant trop lentement vers nous. Je le suivrai… Je fais des huit dans la
houle pour l’attendre, sans doute pas très loin de la barre
(le sondeur indique 4 à 5 mètres). Le pêcheur, jouant
exceptionnellement le rôle de pilote, semble de plus en
plus lent et hésitant. Se demande-t-il s’il doit me venir en
40
aide ou bien est-ce son allure habituelle ? Je fais un très
joli cercle de plus pour indiquer que non et que je suis
manoeuvrant. Il entre lentement dans le chenal en serrant
la balise rouge puis traverse. Je suis.
Le plan d’eau se calme, car l’entrée fait face au S. Nous
sommes passés instantanément de « mer forte » à « mer
calme ». J’imagine que par vent de W à S, la houle doit
entrer loin et rendre la progression dans le chenal impressionnante, voir impossible. Nous jetons finalement l’ancre dans la
Baia São Jacinto, bien balisée par des marques latérales, pour
un repos bien mérité. La zone militaire et la réserve naturelle
obligent de rejoindre la plage à un ou deux kilomètres de
l’entrée du chenal. La plage est tapissée comme le pont de
Thoè l’a été. Nous n’avons pas eu le courage de faire l’aller et
retour vers la jetée nord, face au vent chargé de sable, pour
tirer le portait d’un océan qui a le mal de mer.
Aveiro
Le lendemain, les conditions météo sont pareilles. Nous
allons à Aveiro. Le trajet comprend la traversée du chenal
Mon choix est fait…
en bateau et un trajet en bus avec un seul billet… de 5 E
par personne, aller-retour. Aveiro mérite assurément un
détour. Marais salants, canaux, marchés, ruelles agréables,
maisons aux façades anciennes, etc. Que demander de
plus ? Si vous voulez, exceptionnellement, ressentir les
sensations du touriste de base, n’hésitez pas à louer les
services d’un gondolier à la mode portugaise. Les canaux
d’Aveiro n’ont rien à voir avec ceux de Venise, mais finalement, on n’a que le plaisir qu’on se donne. C’est un
moyen comme un autre de chiquer du temps.
Je vais de l’autre côté de la falaise. Et vous ?
Nous mouillons près de la falaise, face au village…
Après la tempête le beau temps de Nazare
Nous quittons Aveiro pour
Nazare, par mer calme, traversant les restes de son vomi.
Le petit temps d’aujourd’hui
et la mer du vent d’hier nous
achèveront. Le mal de mer
de la mer est contagieux. Les
estomacs et les coeurs sont
las. Nous mouillons près de
la falaise, face au vieux village, à la tombée du jour. Le
village de Nazare est situé à l’extrémité NW de la baie, au
pied de la falaise. La marina est à 1500 mètres. Se balader
dans les vieilles ruelles et grimper en haut de la falaise
est un vrai plaisir pour les yeux. Seul point noir : dès que
les touristes ont récupéré de leur java de la veille, le site
devient infernal. La plage est bondée. On se bouscule au
bord de l’eau, car à 3 mètres du bord on n’a plus pied.
Les premiers rayons de soleil entre les maisons de Nazare
Un plaisancier vaut deux touristes
• Pierre Lang
Mon journal de bord sur Internet : www.thoe.be
Photos © Pierre Lang
Conclusion : d’une manière générale, en haute saison,
la journée du plaisancier averti (qui vaut deux journées
de touriste non averti) commence tôt. Il profite simultanément des heures fraîches et du calme relatif dû à la
bonne isolation des chambres occupées par les touristes
ronfleurs. En milieu de journée, il mange sa salade et fait
la sieste à bord. Il a quartier libre ensuite. L’avantage de se
lever tôt est de bénéficier, parfois, d’un spectacle solaire
que le toutou de base ne verra jamais : les premiers
rayons de soleil entre les maisons de Nazare.

Documents pareils