Les sicav, un guide pour se créer un portefeuille

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Les sicav, un guide pour se créer un portefeuille
Les sicav, un guide pour se créer un portefeuille
Le Soir Namur Luxembourg - 30 Mai 2015
Paul est un épargnant déçu. Forcément: les 120.000 euros que ses deux comptes d'épargne
abritent, provenant aussi bien de ses efforts d'économie que des cadeaux de ses parents, lui
ont rapporté, sur les douze derniers mois, à peine 2.000 euros. Et encore, uniquement parce
qu'il avait opté pour des comptes à haut rendement. Il n'empêche, ce n'est pas ainsi que Paul
va se constituer ce fameux matelas dont chacun rêve pour sa retraite.
Il s'en est ouvert à son banquier qui, après avoir examiné son profil d'investisseur, a tout
d'abord conclu que Paul appartenait à la catégorie des «équilibrés», ni audacieux ni défensif.
Des risques, oui, mais limités. Dans la foulée, il a proposé des sicav mixtes «medium». Mais
voilà, pour les sicav, Paul est hésitant. Ce sont surtout les frais qui le préoccupent. C'est-àdire, essentiellement les commissions d'entrée (3% en moyenne) et la commission de gestion
annuelle (entre 1 et 2%). Et Paul se dit qu'avec 120.000 euros, il peut constituer un
portefeuille de titres individuels.
Il n'a pas tort, mais cela ne doit pas pour autant le conduire à négliger les sicav, car elles
constituent une mine d'informations précieuses. En premier lieu sur les proportions à respecter
entre les différents produits à incorporer dans son portefeuille.
1 Déterminer les proportions. Paul est «équilibré»? Nous avons, pour lui, passé au scanner la
composition du panier des compartiments «medium» ou «balanced» des sicav mixtes de cinq
banques belges (Belfius, Degroof, ING, KBC et Petercam). Qu'y avons-nous trouvé? Après
élimination des produits «autres» (en général des produits structurés à déconseiller aux
particuliers), qui pèsent pour 15%, on découvre, en première position, le volet «actions», à
concurrence de 53,7%, en deuxième, le volet «obligations», pour 33,9% et, en troisième, le
volet «liquidités», pour 12,4%.
Si l'on rapporte ces proportions au montant à placer (120.000 euros), cela donne la répartition
suivante: 64.400 euros pour les actions, 40.700 euros pour les obligations et 14.900 euros
pour les liquidités. Reste à passer à la deuxième étape de l'opération: l'investissement direct.
2 Les liquidités: trop facile. Pour le volet «liquidités», pas de problème. Paul va laisser les
14.900 euros sur celui des deux comptes d'épargne qui offre le meilleur rendement, et il y
affectera les économies qu'il réalise au jour le jour jusqu'à ce qu'il atteigne le niveau à ne pas
dépasser pour l'épargne de «précaution». C'est-à-dire de trois à six fois ses revenus mensuels
globaux nets (en fonction de la composition de son ménage).
3 Sélectionner les actions. Pour le volet «actions», les choses se compliquent singulièrement.
Avec ses 64.000 euros, Paul peut certes se constituer un début de portefeuille suffisamment
diversifié, de 10 ou 12 titres. Mais lesquels sélectionner? Ici, l'appui des sicav mixtes
«équilibrées» n'est guère utile: la plupart d'entre elles sont en effet des fonds des fonds. Il faut
donc se tourner vers les paniers de quelques sicav d'actions plutôt généralistes, pour en
extraire les valeurs qui sont souvent retenues par les gestionnaires de fonds.
Cette pêche doit, pour un investisseur débutant, tenir compte de quelques contraintes. Un: ne
retenir que des gros poissons, c'est-à- dire des grosses capitalisations. Deux: respecter un
équilibre géographique (et donc monétaire). Ce qui, dans le cas de Paul, devrait se traduire par
la répartition suivante: deux actions belges, cinq actions européennes (zone euro + Europe
hors zone euro) et trois actions américaines. Les bourses asiatiques n'offrent en effet pas la
visibilité suffisante. Trois: veiller à une diversification sectorielle suffisante. Certes, certaines
branches d'activité sont actuellement plus porteuses, mais il faut se méfier des modes et donc
ne pas miser tout sur le même cheval.
Que donne cette pêche? Pour la Belgique, pas trop de problèmes. Après examen du top 10 de
trois sicav (Axa, Degroof et Petercam), quatre noms émergent: AB Inbev, KBC, Ageas et
Solvay. Paul doit en choisir deux.
Pour la zone euro, cela devient plus compliqué. Les paniers des trois sicav que nous avons
scrutés (BNP Paribas L1, KBC et Petercam) fourmillent d'actions diverses. Mis à part AB
Inbev (décidément incontournable), peu de noms reviennent à deux reprises, sauf ceux de
Bayer et d'ING. Citons tout de même, pour donner à Paul un choix plus élargi, et par ordre
alphabétique: Allianz, Banco Santander, Daimler, Sanofi, SAP et Total.
Pour l'Europe hors zone euro, c'est-à-dire, pour l'essentiel le Royaume-Uni et la Suisse, c'est
un peu aussi la bouteille à l'encre. Des cinq sicav que nous avons passées au crible, quelques
noms finissent toutefois par émerger: du côté helvétique, Roche, Novartis et Nestlé et, du côté
britannique, Royal Dutch Shell, BP, British American Tobacco et GSK.
Enfin, pour les Etats-Unis, les choses redeviennent simples, en apparence du moins. Les
gestionnaires des trois fonds dont nous avons examiné le portefeuille plébiscitent largement
les valeurs liées à internet. Deux noms font l'unanimité: Google et Apple. Mais on citera aussi
Amgen, Facebook, Visa et Exxon.
Avec ces vingt-cinq sociétés très diversifiées, Paul est suffisamment armé pour opérer sa
sélection de dix actions. Mais, bien entendu, en creusant lui-même, du côté du «consensus des
analystes» par exemple, il pourra en ajouter d'autres qui feront aussi bien l'affaire.
4 Une autre voie pour les obligations. Pour le volet «obligations», changement de méthode.
On oublie les sicav, car, pour l'essentiel, leurs gestionnaires s'alimentent sur des plateformes
qui leur sont, de facto, réservées, puisque les transactions portent chacune sur des montants
d'au moins 100.000 euros. Pour constituer son mini-portefeuille obligataire, Paul doit se
tourner vers les propositions formulées sur les sites des banquiers actifs sur ce créneau.
Nous avons, pour notre part, fait le test sur www.oblis.be, le site de la société de Bourse
Goldwasser Exchange. Nous avons passé en revue la sélection d'obligations (plus de 200) et
force est de constater que les hauts rendements d'il y a quelques années appartiennent bel et
bien au passé. Paul peut oublier les 5 et 6% offerts il n'y a pas si longtemps. Aujourd'hui, pour
arracher 2,5 ou 3% net, il ne devra pas hésiter à prendre certains risques (qui restent limités
tout de même) et à se concentrer sur le marché secondaire (celui de l'«occasion»). Quelques
exemples: 4,31% pour l'emprunt en dollars du groupe minier Anglogold Holding (BB+ chez
S&P, échéance juillet 2020); 3,80% pour l'emprunt en euros de Petrobras (BBB–, janvier
2025), 2,95% pour l'emprunt en euros du GIE PSA (Citroën, BB–, septembre 2033); 2,96%
pour l'emprunt en dollars néo-zélandais de Total (AA–, janvier 2020); 2,61% pour l'emprunt
en dollars australiens de BNP Paribas (A+, échéance mars 2021)…
Et si Paul veut absolument du neuf, pourquoi pas l'obligation en cours de souscription
proposée par le groupe anglais spécialisé dans le traitement des déchets Shanks, qui offre du
2,44% net (pas de notation, juin 2022)?
A titre de diversification et pour bénéficier de la garantie étatique, Paul pourra aussi voir du
côté des comptes à terme ou des produits d'assurance épargne de la branche 21 à échéance
8ans. Par exemple, 3% net pour le compte à 5 ans de Nemea Bank (2,63% pour le compte à 4
ans); ou encore 3,20% pour le fonds garanti d'Afer Europe (rendement pour l'année 2014).
Revers de la médaille: l'argent déposé est bloqué pendant toute la durée du contrat. Alors que
les obligations, elles, peuvent toujours être cédées sur le marché secondaire.
Voilà pour ce portefeuille de titres individuels. Paul en a-t-il pour autant terminé avec les
sicav? Pas nécessairement. Car il doit aussi veiller à son épargne pension. Et s'il opte pour la
solution bancaire, c'est-à-dire celle des fonds d'épargne pension, il retombera inévitablement
sur les sicav, puisque ces fonds ne sont rien d'autre que des sicav mixtes.