Dits et non Dits - Institut de l`entreprise
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Dossier : Présidence française de l’Union européenne Introduction dits et non dits Jean-Marc Daniel L es hasards des évolutions institutionnelles européennes vont faire de la France le dernier pays à exercer une présidence de l’Union selon les modalités de la présidence tournante. L’augmentation du nombre de membres a rendu impraticable l’ancien système où, pendant six mois, un pays animait la construction européenne, chaque présidence se concluant par un sommet permettant de laisser sa marque au travers d’un texte fondateur. C’est ainsi que les noms des grandes villes du continent sont devenus des éléments de référence de l’aventure communautaire, de Maatricht à Lisbonne en passant par Amsterdam et Nice. Définir les politiques de demain La présidence française de 2008 ne conduira à l’immortalisation d’aucune ville car si la France a annoncé des objectifs plutôt concrets, ceuxci ne traduisent pas à ce stade la volonté de fixer dans le marbre d’un texte définitif les résultats de son semestre. Celui-ci s’articulera autour de quatre axes assez généraux, à savoir l’énergie, le développement durable, la politique de défense et le contrôle des migra- 24 • Sociétal n°60 tions. Comme le souligne dans notre dossier Giuseppe Sacco, ces thèmes sont importants et il serait injuste de les réduire à de simples gadgets politiques, mais leur caractéristique est d’être éloignés des sujets traditionnels de réflexion de l’Europe. La présidence française semble comme en apesanteur par rapport à ce qui s’est fait jusqu’à présent. L’Union a toujours avancé dans un savant dosage de crises, de compromis, d’interrogations, de points morts puis d’avancées fulgurantes sur des sujets ciblés. Le constat des manques alimentaires dans l’Europe de la fin des années 50 a conduit à la signature du traité de Rome et la conception de la PAC. L’habileté manœuvrière de Roy Jenkins a transformé un problème d’exportation de liqueur de cassis de la France vers l’Allemagne en la définition d’une très remarquable politique de la concurrence. Les rapports de force financiers entre l’Allemagne réunifiée et ses partenaires ont débouché sur une définition pérenne de la politique budgétaire dans le traité d’Amsterdam de 1997. Et aujourd’hui, le traité de Lisbonne a soldé la crise institutionnelle. La question qui se pose désormais est de savoir sur quoi va se fonder la marche en avant à venir. Dits et non dits énergie et développement durable sont deux thèmes qui paraissent admissibles par l’ensemble complexe de pays qui constituent l’Union élargie. Pourtant, ces thèmes restent fondamentalement flous et d’autres chantiers déjà engagés mériteraient que l’on s’attache à les parfaire. Ne pas négliger l’existant La construction monétaire qui par son ambition et son succès a fait de l’Europe un des pôles de référence de l’économie mondiale ne concerne encore qu’une partie des membres. En tant qu’un des initiateurs du projet, la France pourrait en être dans les six mois à venir un des consolidateurs. Or il n’en sera rien car sa situation budgétaire entâme sa crédibilité. Comme le souligne Jacques Mistral dans ce dossier, la politique économique de la France est devenue non seulement un sujet d’irritation pour nos partenaires mais encore un sujet d’incompréhension. Alors que l’année 2007 a été marquée par un équilibre des finances publiques en Allemagne, un suréquilibre aux Pays-Bas, une baisse du déficit de deux points de PIB en Grèce et pratiquement d’autant en Italie, en France, le déficit final des finances publiques s’est accru pour atteindre 2,7 % du PIB. La réalité de la France d’aujourd’hui est celle d’une économie qui n’épargne pas assez et vit au jour le jour dans une dépense générale supérieure à sa production. Cette situation aurait pu passer pour acceptable si un semblant de prise de conscience s’était manifesté à Paris. Or, de discours sur le pouvoir d’achat en annonces de réduction des impôts, la politique écono- mique de ces derniers temps a semblé s’enfoncer dans une insouciance qu’à Berlin ou à Rome on est en droit d’interpréter comme une sorte de défi. Néanmoins, les propos désormais tenus à Paris où certes « la rigueur » fait office de mal absolu mais où « la gestion sérieuse » s’affirme comme une nécessité semblent indiquer un revirement. Comme soudain réveillés de leur légèreté par l’approche d’une présidence qui va mettre la France sous les feux de la rampe, les dirigeants français semblent vouloir amender leur politique économique et la rendre plus conforme aux solidarités européennes. En cela, la présidence française n’aura pas été vaine… De même, après les étranges et récurrentes envolées contre la PAC instrumentalisées par Londres pour faire oublier l’ineffable « chèque britannique », il devient utile au moment où des pénuries alimentaires se déclarent de réfléchir de façon apaisée à l’avenir de l’agriculture européenne et de s’interroger, comme nous le faisons dans ce dossier sur la réalité des aides agricoles, sur leur rôle et sur leur enjeu. Bien que la France n’ait pas explicitement inscrit ce dossier à l’ordre du jour, il est clair qu’elle gagnerait à crever « l’abcès PAC » à un moment où elle est plutôt en position de force. En fait, la présidence sera réussie si la France n’oublie pas de traiter les problèmes européens du moment, qui restent ceux de l’agriculture, de la politique économique et singulièrement du fonctionnement du Pacte de stabilité et de croissance et de l’avenir de l’euro. 2 ème trimestre 2008 • 25