le cochon de Gaza couleur

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le cochon de Gaza couleur
Fiche n° 965
Le cochon de Gaza
30 novembre - 5 décembre 2011
http://cinemateur01.com
Le cochon de Gaza
de Sylvain Estibal
1h39 - France - VO
Le Cochon de Gaza ou comment (dé)faire le mur
Le réalisateur français Sylvain Estibal
nous offre là son premier film et il a
choisi un thème délicat à aborder : le
conflit israélo-palestinien en guise de
comédie décalée. Quitte ou double
pour un sujet complexe qui peut vite se
transformer en pente raide… Pourtant
ce long-métrage teinté d’un humour
assez caricatural s’avère être finement
ficelé. Si le début de l’histoire peut
paraître tiré par les cheveux, l’autodérision restera le maître mot du scénario.
Imaginez un pauvre pêcheur de Gaza,
Jafaar, qui face aux restrictions israéliennes ne peut s’éloigner de plus de 4
km des côtes. Remontant dans ses filets plus de détritus que de poissons,
voilà qu’un beau jour il repêche un porc
vietnamien… vivant.
Alternant tous les genres, l’absurde
côtoie l’aspect dramatique du conflit :
Jafaar, en essayant de tirer profit de
son porc, rencontre une jeune juive
russe d’une colonie israélienne intéressée par la revente de la semence du
cochon contre une poignée de billets.
La gestuelle du personnage (Sasson
Gabai l’interprète admirablement) et les
plans machiavéliques qu’il invente pour
ne pas attirer l’attention des gardes
apportent une dose comique supplémentaire. Mais le ton change brusquement lorsque ce commerce est vu
comme une trahison : jamais très loin,
le conflit n’est jamais dénigré, bien au
contraire, mais il est traité comme une
farce. Ce film, très humaniste, illustre
l’une des facultés premières de
l’Homme : la parole, le commerce ou
les petits plaisirs de la vie, comme pré-
textes pour se rapprocher, à l’instar de
ce soldat posté sur la maison de Jafaar
et qui descend regarder un feuilleton à
la télévision avec sa femme.
Truffé de bouffonneries, le scénario
place avec intelligence des métaphores
sur la situation politique et s’empresse
de créer un nouveau genre de martyr :
vivant après l’attentat, ce dernier devient un héros et peut signer des autographes ! Peut-être un peu trop simplet
et parfois loin de la réalité, c’est la
seule critique qui pourrait être adressée
à ce film, à la limite de la fable et de
l’utopie. Car si le dialogue entre les
Hommes peut faire beaucoup, beaucoup des grandes décisions sont essentiellement dans les mains des pouvoirs
et des intérêts politiques. Pourtant,
c’est indéniablement le genre de film
que l’on a envie de défendre, car il est
avant tout porteur d’espoir.
Prendre à contre-pied les idées reçues
avec Le cochon de Gaza, le pari était
risqué. Mais Sylvain Estibal le réussit
haut la main. Et en hissant l’étendard
pacifiste, le jeune soldat israélien résume très justement la morale de ce
film en lançant à la femme de Jafaar :
« Si de pauvres malheureux comme
eux s’en sortent, pourquoi pas
nous ? ».
Dimitri
Discordance
Critique des spectateurs
J
Un très joli film, très amusant, mais sérieux également. On retrouve ici le thème si bien
abordé dans La visite de la fanfare, avec d'ailleurs son acteur principal. Un cochon, ennemi commun des juifs et des musulmans, deviendra un fragile point de contact entre
quelques éléments des deux communautés. Il y a là plein d'allusions à l'absurdité d'une
guerre entre frères ennemis depuis Dieu sait quand, à la misère des Palestiniens, mais
aussi à leur joie de vivre malgré la pauvreté et les souffrances dues au conflit. L'allusion
à des colons juifs russes menacés de déplacement est également intéressante... Le message final (des estropiés pratiquant des danses acrobatiques) est pour moi le symbole
qu'il y a (peut-être) un peu d'espoir quand même. C'est un film pas ennuyeux du tout,
très drôle et avec des acteurs vraiment expressifs.
e craignais le pire en allant voir ce film. Le pire
étant une pochade lourde et surtout illégitime. Rappelons que le film est tourné par un écrivain français,
Sylvain Estibal, et traite de l'irruption d'un cochon du
Vietnam dans la vie d'un pauvre pêcheur palestinien.
Si le film fonctionne, c'est principalement grâce à
deux choses. La première est la performance assez
sidérante de l'acteur Sasson Gabai, qu'on avait vu
former un couple exceptionnel avec Ronit Elkabetz
dans La visite de la fanfare. J'avais lu qu'il évoquait
lui-même Chaplin dans son approche du personnage,
et cela m'avait paru très prétentieux, mais force est
de reconnaître qu'il y a un peu de ça. A la fois, lunaire, décidé et pauvre, il arrive à composer un personnage crédible et attachant. La seconde, c'est la
faculté du scénario à nous contredire à chaque fois
que l'on pense savoir où il va nous entraîner. Si le
commencement laisse présager une fable, on comprend vite que le conflit israélo-palestinien n'est finalement que l'arrière-plan d'une entreprise de démolition qui relève plus de la farce universelle. Puis, un
retournement de situation dont je ne peux parler nous
entraîne carrément ailleurs, dans un registre beaucoup plus grave. Les scènes de fin décollent vers un
n'importe quoi qu'on jugera salutaire si on est gentil,
et foutraque si on l'est moins. En tout cas, une fois de
plus, elles sont inattendues. J'ai passé un bon moment devant ce film bizarre, mal fagoté.
Secrets de tournage
Lieux de tournage
Le film a été tourné à Malte et Cologne.
Genèse
Sylvain Estibal est journaliste, ce qui l'a beaucoup aidé dans le traitement des réalités, même si Le Cochon de Gaza n'est pas vraiment réaliste : "Bien sûr, il existe de petits anachronismes, comme l’apparition d’Obama, mais les réalités sont dans l’ensemble crédibles. Par ailleurs, comme je voulais que ce film soit un conte, une fable, je ne voulais pas non plus que ce réalisme prenne trop d’importance", raconte-t-il.
Eviter les clichés
Sylvain Estibal souhaitait éviter les stéréotypes : "Nous avons voulu éviter les clichés dans la distribution des rôles, éviter l’image de
l’islamiste barbu. Nous tenions aussi à ce que la femme de Jafaar soit belle et digne plutôt qu’une femme caricaturale derrière ses
fourneaux." Il ajoute : "En confiant le rôle de Jafaar, le pêcheur palestinien, à un acteur israélien d’origine irakienne (Sasson Gabay)
et celui de la jeune femme israélienne à Myriam Tekia, qui est tunisienne, c’était aussi une manière de brouiller les pistes et les identités."
Trouver Jafaar
Jafaar est interprété par Sasson Gabay. Il a été choisi par le réalisateur grâce à sa performance dans la Visite de la fanfare. Ce dernier recherchait "quelqu’un d’attachant avec qui l’on puisse facilement tomber en empathie, un visage profondément humain".
Un film politique
Selon son réalisateur, Le Cochon de Gaza est un film qui expose "un point de vue sur le conflit israélo-palestinien". Il a souhaité pousser un cri : "face au gâchis, face à la haine, face à une religion trop souvent prise au pied de la lettre en négligeant son message
fraternel". Pour Myriam Tekaïa, "il y a une résonance entre le printemps arabe, le Indignez-vous de Stéphane Hessel et le film". Selon
l'actrice, il y a un même point de départ, celui d'"un immense ras-le-bol face à une situation désespérante qui semble figée à jamais".
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