Discours d`Albert II de Monaco au musée des beaux-arts - Saint-Lô

Transcription

Discours d`Albert II de Monaco au musée des beaux-arts - Saint-Lô
Inauguration de l’exposition
« La Normandie des princes de Monaco. Du maréchal de Matignon au Prince Albert II »
Saint-Lô, Musée des beaux-arts, 27 avril 2011
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Président du Conseil général,
Messieurs les parlementaires,
Monseigneur,
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs les élus et
Autorités civiles et militaires,
Monsieur L’Attaché de
Conservation,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Je vous remercie vivement, Monsieur
le Maire, de la délicatesse et de la chaleur de
votre
accueil.
J’y
suis
très
sensible.
La
sympathie des Saint-Lois, rencontrés au cours
du parcours qui nous a menés de l’hôtel de
ville au musée, me touche aussi beaucoup. C’est
un grand plaisir pour moi d’être parmi vous,
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aujourd’hui, chez vous ; et je dirais presque,
chez nous !
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Les liens des Princes de Monaco avec
la
Normandie
sont,
en
effet,
anciens
et
profonds. À tel point que l’on a même fait de
cette région, aussi paradoxal que cela puisse
paraître, un berceau de ma famille.
À la fin du XIVe siècle, alors que la
République de Gênes se donne temporairement
au Roi de France Charles VI, est forgé le mythe
d’une origine normande – donc française – de
la dynastie des Grimaldi. Il s’agit, pour le Roi de
France, de s’attacher de vieilles familles
patriciennes génoises, en leur donnant une
généalogie fabuleuse des plus prestigieuses.
D’après cette fable, les Grimaldi seraient issus
d’une fille du Duc de Normandie Rollon, qui
aurait épousé un Grimaldus. Ce mythe est ravivé
au XVIIe siècle, lorsque la Principauté choisit
de se placer sous la protection de la France
en 1641.
…/…
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Même si cette origine relève de la
mythologie historique, il me plaît de vous la
rappeler, en cette année de commémoration du
onzième centenaire de la Normandie. C’est dire
que
l’histoire
de
ma
famille
est,
depuis
l’origine, liée à l’histoire de la Normandie ; et
ce,
bien
avant
l’union
de
Jacques
IV
de
Matignon et de Louise-Hippolyte Grimaldi en
1715.
Ce mariage va faire du château de
Torigni une des principales résidences de ma
famille pendant tout le XVIIIe siècle ; avec le
Palais à Monaco, bien sûr ; et l’hôtel de
Matignon à Paris. Louise-Hippolyte s’accoutume
d’emblée à la Normandie, si bien que l’on songe
même à la baptiser « de cidre comme l'ont été
les dames de ce lieu » !
…/…
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Mais c’est une autre femme, ou plus
exactement
aujourd’hui :
son
la
buste,
qui
maréchale
nous
de
réunit
Matignon,
trisaïeule de Jacques IV, qui a accédé au Trône
de Monaco sous le nom de Jacques Ier. La
découverte de son visage a été, pour moi, une
vraie surprise et un plaisir. Plaisir de découvrir
les traits d’une ancêtre méconnue ; et plaisir,
conformément à une tradition familiale de
mécénat, de ramener ce beau témoignage de la
statuaire de l’époque du Roi Henri IV, dans un
musée proche de son lieu primitif, c’est-à-dire la
chapelle funéraire des Matignon à Torigni-surVire.
…/…
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La belle et sobre scénographie de
cette exposition permet de remettre ce visage
dans le cadre monumental qui était le sien. Il
est ainsi émouvant d’imaginer l’allure de ce
tombeau,
entouré
de
quatre
sculptures
allégoriques représentant la prudence, la
tempérance, le courage et la justice.
J’ajoute à l’évocation de ces quatre
vertus, dites cardinales, les trois vertus dites
théologales : la foi, l’espérance et la charité.
Ces idées peuvent bien sûr nous paraître, à
première vue, dépassées, elles méritent que
nous les méditions encore aujourd’hui, dans
notre
art
de
gouverner.
Conscients
des
devoirs qu’imposait leur rang, mes ancêtres
Grimaldi-Matignon ont essayé, je crois, de
pratiquer ces vertus, comme souverains à
Monaco et comme seigneurs dans votre région.
…/…
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J’en
veux
pour
preuve
la
protestation de la commune de Torigni, en
1793, lorsque la Révolution française bat son
plein et que le Prince Honoré III est incarcéré à
Paris : « Le citoyen Grimaldi, bien différent des
autres seigneurs de l’ancien régime […] a
toujours déployé un caractère de bonté, de
justice et de sensibilité […], il distribuait […]
près de 900 livres de pain chaque semaine aux
pauvres, sans compter une infinité d’autres
aumônes, pensions et secours ».
Son petit-fils, Honoré V, revenant en
Normandie après l’épisode révolutionnaire,
fonde, à cheval sur la Manche et le Calvados,
une
Association
pour
l’extinction
de
la
mendicité et la moralisation des classes
pauvres par le travail domestique et le
perfectionnement de l’agriculture.
…/…
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Philanthrope
éclairé,
ouvert
aux
problèmes de l’humanité de son temps, il
considérait que s’occuper de la question
sociale était une vertu particulière du Prince,
et même un devoir.
Son
Du
ouvrage
paupérisme
en
France et des moyens de le détruire, paru en
1839, avant que Louis-Napoléon Bonaparte ne
s’empare du même sujet, et qui est présenté
dans cette exposition, en fait un pionnier du
système
de
connaissons
protection
sociale
aujourd’hui,
en
que
France
nous
et
à
Monaco. D’une certaine manière, par son action
sociale,
Honoré
V
est
à
l’origine
de
l’engagement humanitaire de la Principauté.
Dès mon avènement, j’ai tenu à faire savoir
l’importance particulière que j’accordais à
l’éthique et à notre devoir de solidarité avec
les plus défavorisés.
…/…
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C’est pourquoi, chaque année, le
budget de l’État monégasque consacré à des
projets humanitaires et sociaux, augmente de
25%,
afin
que
cette
aide
atteigne,
conformément à l’engagement que j’ai pris,
0,7% du revenu national brut en 2015.
En contemplant cette très belle
exposition, et en remerciant tous ceux qui y ont
contribué,
je
voudrais
garder
l’idée
que
l’histoire n’est pas une célébration vaine du
passé. Elle est comme un chemin qui est tracé
au devant de nos pas. Elle permet, comme le
disait Hérodote, d’empêcher que les actions
éclatantes des hommes qui nous ont devancés,
ne tombent dans l’oubli. En cela, l’histoire est
porteuse d’exemples, de modèles et donc
d’avenir.
…/…
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Comme André Malraux, je pense qu’un
musée ne doit pas être un cimetière. C’est
pourquoi
cette
réussite.
Elle
nécropole
exposition
ne fait
me
semble
pas du
poussiéreuse,
où
une
musée une
l’on
vient
contempler de vieux vestiges. Car toutes les
œuvres
ici
rassemblées
peuvent
parler
à
chacun de nous ; par les exemples de vie
qu’elles donnent ; par les valeurs qu’elles
évoquent ; par le sillage qu’elles tracent
devant nous.
Je vous remercie.