Le diagnostic médical
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Le diagnostic médical
LA BIOLOGIE MÉDICALE L avenir La biologie moléculaire une révolution dans Le diagnostic médical Diagnostic prénatal, détection précoce de virus et de bactéries, médecine prédictive, les techniques de biologie moléculaire sont en train de bouleverser le diagnostic médical. Que peut-on en attendre dans les années qui viennent ? Le point avec le Pr. Marc Delpech, chef du service de biochimie génétique au CHU Cochin-Port-Royal (AP-HP) Tout d’abord, qu’estce que la biologie moléculaire ? Pr. Marc Delpech : La biologie moléculaire est d’abord un outil. C’est la possibilité d’étudier les gènes. Ceux-ci sont composés de séquences d’ADN, constituées à partir de 4 acides nucléiques : adénine, thymine, cytosine, guanine. La biologie étudie les acides nucléiques, leurs altérations et l’expression du message qu’ils contiennent. En quoi constitue-telle une révolution pour la biologie ? Pour la première fois on n’analyse pas une activité biologique, 56 Regards sur… LA BIOLOGIE MÉDICALE comme la digestion des sucres ou les effets d’une infection, on lit une information sur une séquence d’ADN, exactement comme un lecteur lit des mots en enchaînant des lettres. Elle apporte également un changement total de perspective : avant, lorsque l’on faisait un diagnostic de biochimie, on se demandait quelle molécule était impliquée, par exemple l’insuline et le métabolisme du glucose pour le diabète. Grâce à la biologie moléculaire, au lieu d’étudier une protéine, sortie du milieu vivant, on prend un de ses gènes, on l’incorpore dans une cellule d’un animal vivant et on voit comment il s’exprime. Dans le corps humain, de très nombreux paramètres interagissent. La biologie moléculaire permet d’appréhender un phénomène, normal ou patho- logique, au sein d’un système. Enfin, techniquement, la biologie moléculaire est une véritable révolution en terme de sensibilité. On peut désormais aller étudier un gène dans une seule cellule. Quelles sont les grandes applications de ces nouvelles technologies ? Aujourd’hui, tout le monde connaît la biologie moléculaire par les résultats de la recherche : le premier clonage date de 1972 mais l’accélération a été extraordinairement rapide. Entre 1980 et 1990, on a appris en biologie dix fois plus que ce qu’on avait appris depuis la nuit des temps. A titre d’exemple, pendant des années, sur l’origine du cancer, plusieurs écoles se sont affron- Concrètement, quelles perspectives ouvre la biologie moléculaire ? Elle a déjà permis le diagnostic prénatal de certaines maladies héréditaires, celles dont l’origine est liée à une anomalie portée par un seul gène, telles les myopathies, la mucoviscidose, la chorée de Huntington ou l’hémophilie. Deuxième domaine d’application privilégié, l’infectiologie. Toute “ bestiole ”, bactérie, virus, parasite, a un génome. Grâce à l’extrême sensibilité des techniques de biologie moléculaire, il est possible de les identifier même s’ils ne sont présents qu’en quantité infime. Le domaine de la transfusion sanguine devrait constituer un champ d’application privilégié de ces nouvelles techniques. Par ailleurs, des diagnostics qui exigeaient de longues cultures de cellules - “ Le laboratoire du futur sera le gardien du génome humain, prédisait l’écrivain américain Isaac Asimov “ tées : certains affirmaient que le cancer était d’origine virale, d’autres étaient convaincus qu’il s’agissait d’un mécanisme chimique. En 1976, la découverte des oncogènes a montré que ces théories étaient toutes deux partiellement exactes : il s’agissait bien de virus mais c’était néanmoins une histoire de gènes. Un deuxième exemple, le cas des anticorps, montre bien la révolution opérée dans les conceptions. Dans les années 70 , les chercheurs se battaient pour expliquer leur diversité avec des théories plus ou moins farfelues. Certains pensaient que les gènes spécifiques étaient là dans l’organisme, prêts à fabriquer l’anticorps nécessaire que la personne ait la grippe, la tuberculose ou soit en contact avec du plastique. Cela aurait signifié que la nature savait à l’avance qu’il y aurait un jour du plastique… D’autres soutenaient que chaque fois qu’un agresseur nouveau apparaissait, bactérie, virus ou substance artificielle, l’organisme s’adaptait et fabriquait le gène qui permettrait au corps de se défendre. C’était évidemment tout aussi absurde. Et inquiétant puisque cela supposait que l’ADN, qui porte le code génétique de chaque individu, pouvait changer sans arrêt sous l’effet de l’environnement ! Grâce à la biologie moléculaire, on a pu tout expliquer . pour la tuberculose, il fallait 3 semaines pendant lesquelles le patient n’était pas soigné et pouvait contaminer son entourage- sont aujourd’hui obtenus immédiatement. Que pourra-t-on dépister qu’on ne dépiste pas encore ou difficilement ? D’ici 5 ans, tout le génome humain sera décrypté.Les proto- types d’instruments capables de “ lire ” un brin d’ADN commencent à apparaître. Premier champ ouvert par ces avancées, celui dont on parle le plus, la médecine prédictive. De même qu’un individu est déterminé génétiquement à avoir les yeux noisette ou les cheveux bruns, chacun est déterminé à être plus ou moins sensible à tel ou tel dysfonctionnement. A l’époque des grandes épidémies de peste et de typhoïde, les gens étaient tous touchés par les agents infectieux. Pourtant ils n’en mouraient pas tous. Ceux qui ont survécu sont ceux dont l’organisme a pu se défendre. Un gène de résistance à la tuberculose vient d’être isolé. Les individus qui le portent sont naturellement protégés contre cette maladie. Nous sommes tous différents. Chacun d’entre nous a à la fois des facteurs de protection contre certaines maladies et des facteurs de risque pour d’autres. Autre domaine où la lecture du code génétique apporte des bénéfices considérables pour mes patients, les greffes : en quelques secondes, on mesurera la compatibilité des tissus de la personne à greffer et du greffon, et donc les chances de réussite de l’intervention. LA BIOLOGIE MÉDICALE L’ avenir Savoir à 10, 15 ou 20 ans qu’on a un risque augmenté de développer à 40 ou 50 ans un cancer ou une pathologie cardiaque, est-ce vraiment un progrès ? Regards sur… LA BIOLOGIE M DICALE 57