alvin lee - ten years after

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alvin lee - ten years after
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EN YEARS AFTER
Centre d’attraction de Ten Years
After, Graham Alvin Lee voit le jour le
19 décembre 1944 à Nottingham.
Doté d’une présence scénique électrisante, d’un
doigté véloce, il est surnommé le guitariste qui
joue plus vite que son ombre. Il s’initie à la musique en apprenant la clarinette. « Suivant
l’exemple de mon beau-frère, je me suis mis à cet
instrument. J’ai pris des cours durant un an. » En
1957, Alvin se tourne vers la guitare, fasciné par
l’impressionnante collection de disques de blues
de son père, entrepreneur, et plus particulièrement ceux de Big Bill Broonzy. Dès 1956 il partage avec son père la scène du Test Match de
West Bridgford. « Je devais avoir dix-douze ans
quand je me suis branché sur les 78 tours de mes
parents. Non seulement ceux de Broonzy, mais
aussi de Leadbelly ou Elmore James. Mon père
et ma mère étaient de fervents amateurs de
blues, de jazz et, par la suite, de skiffle. J’avais la
chance d’être très proche de mes parents en
dépit de notre différence d’âge. Tous deux chantaient et jouaient de la guitare. Tout à fait dans le
coup, ils m’ont très vite initié. Une guitare traînait
sans cesse à la maison et, dès mon enfance, je
me suis intéressé à la philosophie des Noirs américains. Le fait de troquer ma clarinette pour une
guitare n’était pas pour déplaire à mes parents. »
Alvin s’éprend aussi d’un légendaire musicien de
jazz. « En entendant Benny Goodman, j’ai découvert le pionnier de la guitare électrique Charlie
Christian. » Au cours des années, il cite parmi ses
favoris Barney Kessel, Les Paul et Chet Atkins.
Après avoir tâté du country & western et du folk
avec sa sœur, son père et sa mère, encouragé
par ces derniers, Alvin Lee se fait les dents avec
deux groupes formés de lycéens enthousiastes,
les Jailbreakers et les Square Caps, qui reprennent des tubes avec plus de passion que de
technique.
Quand je le rencontre à l’issue d’un concert parisien à l’Olympia à l’automne 1970, il apporte
quelques variantes à ses souvenirs. « J’ai commencé à m’intéresser à la musique très tôt à
l’écoute de Radio Luxembourg et d’AFN avec les
premiers disques rock d’Elvis Presley, Jerry Lee
Lewis, Chuck Berry. On devait parfois attendre six
mois pour pouvoir acheter en Angleterre le dernier Chuck Berry. A treize ans, j’ai eu une passion
sans bornes pour Presley. Ce qu’il sortait dans les
années 50 était fantastique. Je me suis par contre
mis à le détester quand il est devenu l’une des
stars de Hollywood. Elvis, Jerry Lee et Chuck
m’ont tous influencé dans une certaine mesure,
mais encore plus Scotty Moore, le guitariste du
King. Depuis Bill Haley et ses Comets, le rock a
énormément changé. A douze ans, j’étais guitariste rythmique avec Vince Marshall & The Square
Caps. On se produisait dans un café de Nottingham. On s’est séparé parce que le leader chantait faux ! L’année suivante, j’ai été engagé dans
un autre combo, Alan Uptown & The Jailbreakers.
Le pianiste imitait Jerry Lee Lewis et moi Scotty
Moore. J’avais reçu une guitare électrique pour
mon anniversaire, si bien que cette fois j’étais soliste. On passait souvent dans un cinéma, le Palace, pendant l’entracte. Je me souviens qu’une
semaine, ils avaient programmé un film de Brigitte
Bardot. Je suis allé en classe jusqu’à seize ans,
mais je perdais mon temps en cours. La majeure
partie des matières qui étaient enseignées ne me
concernait pas et les professeurs ne cessaient de
me réprimander. Je n’avais qu’une hâte, en finir
avec les études. Je pensais qu’il n’y avait qu’un
moyen de réussir pour moi, être musicien. J’ai
travaillé un mois dans une usine. Comme cela ne
marchait pas bien, mes parents m’ont dit : Si tu
as envie de faire partie d’un orchestre, vas-y ! Ce
qui était très sympa de leur part. » En 1960, après
avoir répondu à une annonce dans un journal
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Jacques Barsamian poursuit son évocation
du formidable mouvement qui a secoué
l’Angleterre dans les années 60. Après
l'explosion du rock'n'roll 1956-62 (JBM
N°113 à 135), puis l’épopée merseybeat
1963-65 (N°136 à 148), il nous emmène
tout droit dans le bouillonnant creuset du
british R&B et du blues-boom. De 1962 à
1969, suivant l’axe Rolling Stones-Cream,
chronologie puis dictionnaire (avec discographie anglaise sélective) permettent
de revivre tous les événements et la carrière des artistes qui ont revivifié cette
musique, la faisant redécouvrir dans son
pays d’origine, les Etats-Unis. Bel exploit.
local, Alvin Lee se retrouve avec le bassiste Leo
Lyons (né le 30 novembre 1943 à Stanbridge
dans le Bedfordshire) au sein des Atomites, une
formation basée à Mansfield qui est rebaptisée
Jaymen lorsqu’ils sont rejoints à la fin de cette
année par le chanteur blond Ivan Jay, lui aussi en
provenance de Nottingham, et qui plus tard ira
s’installer à San Diego.
Selon les confidences d’Alvin, le groupe, qui rejoint Londres en 1961, vit un moment à Finsbury
Park où il crève de faim. Leo fait office de manager pour les Jaymen qui se produisent parfois en
tant que Jaycats et possèdent un répertoire dans
l’esprit Elvis Presley/Cliff Richard. « Leo se faisait
appeler Mr. Lyons. C’était amusant de l’entendre
téléphoner à des propriétaires de pub. Il disait le
plus grand bien de nous. Ce n’était pas un mauvais vendeur, mais trouver du travail dans la capitale n’était pas chose facile. On a tout de même
obtenu quelques passages dans des bases américaines. » Le combo a également l’occasion de
partager la scène avec le chanteur Eden Kane.
Les engagements étant toutefois rares, Ivan Jay
s’en va avant que le groupe, suivant les traces de
nombreuses autres formations britanniques, ne
soit recruté au Star-Club de Hambourg en 1962.
Ils retournent outre-Rhin, après un bref séjour
chez eux d’où ils ramènent le batteur Dave Quickmire, et recrutent le chanteur Farren Christie. Ils
passent alors sous le nouveau nom de Jaybirds.
« Ce combo, qui a eu son importance à nos débuts, n’a rien à voir avec celui qui a couvert des
tubes tel « Not Fade Away » ou « All Day And
All Of The Night » sur le label Embassy, ni avec
celui qui a sorti sur Sue le fameux tube du Spencer Davis Group « Somebody Help Me ». On a
tout juste réalisé des maquettes, mais jamais rien
gravé avant Ten Years After. » Le talent d’Alvin attire l’attention de producteurs, dont Joe Meek qui
Simple français «Portable People» en avril 1968.
lui aurait proposé de rejoindre les Outlaws. Seulement, Alvin Lee et Leo Lyons préfèrent l’école
germanique. C’est ainsi que, jusqu’en 1965, ils
continuent à jouer en Allemagne où ils apprennent le métier. « Là, on s’est retrouvé avec des
gens comme Tony Sheridan, Roy Young, Buddy
Britten, Davy Jones, Cliff Bennett et ses Rebel
Rousers, les Big Three, Albert Lee, etc. A Hambourg, on reprenait les premiers morceaux d’Elvis
Presley, des titres de pionniers du rock comme
Little Richard ou Eddie Cochran, et, comme bon
nombre d’autres à ce moment-là, on incluait
dans notre répertoire des standards du R&B.
C’est aussi à Hambourg que j’ai eu mes premières expériences sexuelles et que j’ai découvert les drogues. J’ai parlé de cette sacrée période dans ma chanson « Little Boy » qui est sortie sur mon album « Let It Rock » de 1978. »
Estimant que les Jaybirds n’ont guère d’avenir et
ne souhaitant pas partir pour Londres, Dave
Quickmire les quitte en août 1965. Pour le remplacer et compléter le trio, Alvin Lee et Leo Lyons
recrutent Ric Lee (né le 20 octobre 1945 à Cannock, Staffordshire), sans parenté avec Alvin, qui
s’est mis à la batterie à onze ans. Influencé par
Buddy Rich et Joe Morello, il a été auparavant
musicien dans Ricky Storm & The Storm Cats,
devenus les Mansfields. Une formation également
de Nottingham avec le chanteur-bassiste Mick
Hodgkinson, les guitaristes Stuart Lane et Keith
Williams. « Les Mansfields, se remémore Alvin
Lee, interprétaient des succès de Buddy Holly et
des Everly Brothers. A cette époque, on croisait
aussi souvent les Farinas avec Roger Chapman
qui alors chantait principalement des ballades et
portait un chapeau. » Selon d’autres sources, les
Farinas de Leicester ont commencé en reprenant
des titres de Chuck Berry et des Coasters avant
de se tourner vers le blues et la soul. Après avoir
écumé les boîtes des East Midlands et du Nord
de l’Angleterre, début 1966, les Jaybirds rejoignent Londres où ils sont recrutés pour assurer la
musique de « Saturday Night And Sunday Morning » au théâtre Prince Of Wales. Cette pièce
d’Alan Sillitoe, narrant les mésaventures d’un ouvrier de Nottingham, triomphera par la suite dans
son adaptation cinématographique avec Albert
Finney. « Pour nous la pièce a duré six semaines,
précise Leo Lyons, après quoi on avait deux options : retourner à Nottingham ou continuer à être
de simples accompagnateurs avec l’espoir d’obtenir un jour du travail pour nous seuls. » Les Jaybirds sont engagés quelque temps dans un club
de Leeds où ils proposent des tubes Tamla Motown et du blues. Ils reviennent à Londres où ils
sont employés en tant que musiciens de séance
pour réaliser des maquettes par Southern Music.
Dans cette maison d’édition, ils rencontrent les
Ivy League. Le groupe vocal de John Carter et
Ken Lewis, populaire avec ses tubes « Funny
How Love Can Be » et « Tossin’ And Turnin’ »,
les invite à participer à la tournée qu’ils effectuent
en novembre 1966. « C’était une manière de survivre, reconnaît Alvin Lee, qui n’était pas très gratifiante, mais on s’est néanmoins bien amusé. »
Les Jaybirds ne souhaitent pas rester des accompagnateurs ou musiciens de studio. Pour enrichir leur son, ils incorporent un élément, le roadmanager et benjamin Chick Churchill (né le 2 janvier 1949 à Mold, Clwyd au Pays-de-Galles) qui
prend les claviers. « C’est le premier groupe auquel j’ai appartenu. Après mes études, j’ai travaillé durant trois ans comme comptable. » Plus
tard, Alvin Lee analysera : « Chick s’est vite fondu
dans notre combo. Il n’était pas bruyant comme
trop d’organistes ! S’il nous quittait, on perdrait
énormément. » En prenant en main le destin des
Jaybirds, une association qui va s’avérer fructueuse, le jeune et dynamique agent londonien
Chris Wright suggère au quartet un changement
de nom, Jaybirds semblant à présent obsolète.
« Tout juste sorti de l’université, confie Chris