les syndromes canalaires vasculaires de la jambe et du pied

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les syndromes canalaires vasculaires de la jambe et du pied
LES SYNDROMES CANALAIRES
VASCULAIRES DE LA JAMBE ET DU PIED
H. de LABAREYRE Médecine du sport
Clinique des Lilas 41-49 AV du Maréchal Juin
93260 Les Lilas [email protected]
____________________
I - LES PIEGES POPLITES
Certaines anomalies de la région poplitée sont à l’origine
d’une compression du paquet vasculo-nerveux qui la traverse. Il
s’agit toujours d’une compression dynamique par une structure
musculo-aponévrotique.
Il faut d’emblée séparer les pièges anatomiques liés à un
défaut musculaire ou vasculaire vrai, bien connus des
chirurgiens vasculaires, et les pièges fonctionnels, plus souvent
rencontrés par les médecins du sport qui résultent d’une simple
anomalie de fonctionnement de structures anatomiques
normales. Les tableaux cliniques sont partiellement différents
ainsi que les moyens de mise en évidence. L’imagerie moderne
permet un plus grand nombre de diagnostics.
HISTORIQUE
La première description d’une anomalie du trajet de l’artère
poplitée remonte à 1879 et revient à Anderson Stuart [17],
étudiant en médecine écossais, qui avait pratiqué la dissection
d’un membre inférieur amputé. En 1925, Chambardel-Dubreuil
[4] décrit un faisceau accessoire du gastrocnémien médial qui
sépare l’artère de la veine poplitée.
C’est Hamming [8] qui décrit le premier cas clinique en
1959, à propos d’un enfant de 12 ans se plaignant de douleurs
d’effort du mollet avec paresthésies du pied et chez qui a été
découvert chirurgicalement un trajet anormal de l’artère, en
dedans du gastrocnémien médial.
Carter et Eban [3] ont rapporté le premier cas bilatéral en
1964, notion qui est devenue commune par la suite (25 à 76%
des cas selon les séries).
Le terme de « syndrome de l’artère poplitée piègée » (SAPP) a
été utilisé pour la première fois par Love et Whelan en 1965 [12],
« popliteal artery entrapment syndrome »).
RAPPEL ANATOMIQUE – ORIGINE DES PIEGES
L’artère poplitée fait suite à l’artère fémorale, elle pénètre à
la partie haute du creux poplité en passant par le hiatus
tendineux du grand adducteur (anneau du troisième adducteur),
elle descend ensuite en bas et en dehors puis verticalement
jusqu’à l’arcade du soléaire, limite inférieure de cette région
anatomique. Elle chemine en arrière du plan fibreux postérieur
du genou et du muscle poplité et est recouverte par le semimembraneux en haut, puis par l’aponévrose profonde du creux
poplité enfin par les gastrocnémiens entre lesquels elle s’insinue
en bas. Elle est accompagnée par la veine poplitée qui reste
toujours en arrière et en dehors de l’artère et par le nerf tibial
(sciatique poplité interne) en arrière et en dehors de la veine. Elle
est fixée dans le creux poplité par les branches artérielles
articulaires et les artères gastrocnémiennes.
Ce trajet artériel court est néanmoins à l’origine de
nombreuses situations anatomiques pathologiques.
L’existence d’un piège anatomique résulte d’une anomalie
du
développement
embryonnaire.
Pendant
celui-ci,
le
gastrocnémien médial migre en haut et en dedans : il est
susceptible d’emporter l’artère avec lui, ce qui réalise l’anomalie la
plus fréquemment retrouvée. Des migrations partielles ou
incomplètes, des anomalies de développement d’autres éléments,
une anomalie de l’artère elle-même, peuvent expliquer la grande
variété des variantes observées.
L’existence d’un piège fonctionnel résulte de la simple
compression artérielle par les muscles voisins contre l’os sousjacent. Il ne résulte d’aucune anomalie anatomique. On remarque
tout au plus, pour certains, une certaine hypertrophie du
gastrocnémien médial chez les sujets sportifs, le sport devenant la
circonstance révélatrice. Cette possibilité a été évoquée pour la
première fois par Rignault et al en 1985 [14] qui avait noté une
plus grande fréquence de ce problème chez les sportifs (50%) que
chez les jeunes recrues militaires non sportives (30%), puis
ensuite par Turnipseed et al en 1992 [18]. Pour ce dernier, la
compression n’intéresse pas seulement l’artère poplitée mais tout
le paquet vasculo-nerveux contre le condyle latéral, entraînant
une claudication neuro-musculaire plutôt qu’une claudication
vasculaire isolée.
Cette notion de piège fonctionnel rentrerait dans le cadre des
lésions de surmenage, dans une population superposable à celle
qui présente les syndromes de loges.
LES CLASSIFICATIONS
Elles sont nombreuses, se compliquant au fil des années et
des publications. Les points de divergence entre les classifications
sont parfois subtils.
Ce souci de classification n’a pas d’incidence sur la
symptomatologie ni sur les moyens para-cliniques de diagnostic.
Le geste chirurgical, en revanche, varie en fonction de l’anomalie
retrouvée.
Classification de Insua et al (1970, [9]) : 4 types d’anomalies
- type 1 : l’artère se sépare de la veine et contourne le
gastrocnémien médial, qui a une insertion normale. Elle
passe en dedans puis en avant de la partie haute du
muscle. Le détour artériel est franc ;
- type 1a : l’insertion du gastrocnémien médial est plus
haute et latérale que la normale. Le muscle détourne
l’artère de façon moins prononcée que dans le type 1 ;
- type 2 : il existe un faisceau musculaire aberrant du
gastrocnémien médial qui s’insére sur le condyle latéral et
descend ensuite en bas et en dedans en croisant l’artère
ou, plus probablement, il pourrait s’agir d’un muscle
plantaire qui va se confondre avec le gastrocnémien
médial ;
- type 2a : il s’agit d’un type 2 dans lequel les fibres
musculaires anormales vont fusionner avec le triceps
entre les gastrocnémiens et non pas sur le gastrocnémien
médial.
Classification
d’anomalies
de
Delaney
et
al
(1971,
[5]) :
4
types
- type 1 : type 1 d’Insua ;
- type 2 : l’artère est censée avoir un trajet normal mais est
comprimée par le gastrocnémien médial qui s’insère plus
latéralement
que
la
normale,
dans
la
région
intercondylienne plutôt que sur le condyle médial (la
différence avec le type 1a d’Insua repose sur le trajet
artériel) ;
- type 3 : le gastrocnémien médial possède un petit chef
accessoire latéral qui s’insère dans la région
intercondylienne et vient comprimer l’artère en rejoignant
le chef principal du muscle ;
- type 4 : l’artère est comprimée alors qu’elle passe sous le
muscle poplité (ce qui est anormal) ou sous une bande
fibreuse puis sous le gastrocnémien médial.
Classification de Rich et al (1979, [13]) : 5 types d’anomalies
- les 4 premiers sont identiques à ceux de Delaney.
- type 5 : la veine accompagne l’artère dans son trajet
anormal ou est prise dans le même piège musculaire ou
fibreux que l’artère.
Classification de Bouhoutsos et Daskalakis (1981, [2]) : 4
groupes d’anomalies
- groupe 1 : il existe 1 anomalie musculaire intéressant
soit le gastrocnémien médial soit le muscle plantaire ;
- groupe 2 : il existe 2 anomalies, portant à la fois sur le
gastrocnémien médial et le plantaire ;
- groupe 3 : il existe au moins 3 anomalies musculaires ;
- groupe 4 : les anomalies retrouvées ne rentrent dans
aucun des trois groupes précédents...
Cette étude repose sur l’observation de 2000 militaires
Classification de Vuong (1990, [20]) : 16 types d’anomalies
Cette publication française, jamais citée par les anglosaxons,
fait la synthèse des publications qui lui sont antérieures et
est sans doute la plus complète.
Elle regroupe les anomalies en 3 groupes :
- A : les anomalies isolées du trajet de l’artère poplitée ;
- B : les anomalies de trajet de l’artère poplitée associées à
une ou des lésions musculaires ;
- C : les anomalies musculaires sans anomalies de l’artère
poplitée. Celles-ci intéressent tous les muscles de la
région (gastrocnémien médial, latéral, semi-membraneux,
grand adducteur, gastrocnémien latéral, semi-tendineux,
bandes fibreuses).
Son intérêt est également de donner une idée de la fréquence
des diverses anomalies. Un trajet anormal de l’artère en
dedans d’un gastrocnémien médial normal est évalué à 35%
des cas alors qu’un trajet anormal de l’artère associé à une
quelconque anomalie de l’insertion du gastrocnémien médial
représenterait 45% des cas.
Classification
d’anomalies
de
Sperryn
et
al
(2000,
[15]) :
7
types
- les 5 premières sont celles de la classification de Rich et
al ;
- les 2 suivantes correspondent aux SAPP fonctionnels
(type F) :
. sans aucune anomalie anatomique ;
. avec anomalie musculaire ou fibreuse mineure.
RISQUES EVOLUTIFS D’UN PIEGE POPLITE
Il faut certainement faire immédiatement une différence
entre les pièges anatomiques où le risque évolutif est clair et
important et les pièges fonctionnels où le risque est
vraisemblablement beaucoup plus faible [19].
La compression anatomique extrinsèque intermittente
de la paroi artérielle entraîne des anomalies locales de type
athérosclérose. Il se produit une destruction de la lame élastique,
une dégradation des fibres musculaires lisses et une hyperplasie
conjonctive de l’intima avec rétrécissement progressif de la
lumière artérielle.
Les turbulences qui résultent du rétrécissement local
entraînent une dilatation post-sténotique, voire un anévrisme.
De ces anomalies irréversibles peuvent découler des
complications circulatoires majeures (thromboses, embolies
distales, ischémie aiguë, rupture d’anévrisme).
On comprend que le geste chirurgical devant tout piège
anatomique diagnostiqué soit un impératif.
Ces risques évolutifs ne sont pas mis en avant par les
auteurs (sauf peut-être Baltopoulos et al, [1]) en cas de piège
fonctionnel chez le sujet sportif, pas plus que chez les patients
présentant un piège asymptomatique. Il n’y a pas de place pour
une chirurgie préventive et celle-ci doit donc être réservée aux cas
où la gêne fonctionnelle, même discrète, peut la justifier. Dans ce
cas, le chirurgien ne retrouve habituellement pas de lésion
pariétale de l’artère.
Il faut souligner que la veine poplitée est plus facilement
compressible que l’artère. Il est donc tout à fait compréhensible
que cette compression puisse entrainer une symptomatologie liée
aux difficultés du retour veineux : dilatation des veines en amont,
œdème du mollet plus qu’un œdème distal, au pire
thrombophhlébite.
INCIDENCE DES PIEGES POPLITES
Réputé rare, le SAAP est sans doute méconnu et sousestimé. Là encore, il faut distinguer les deux types de pièges.
Les pièges anatomiques ont été estimé avoir une fréquence
de 0,165% dans une population de 2000 soldats [1] mais le
chiffre monte à 3,7% lors d’une étude cadavérique de 86 cas [7].
Les hommes sont réputés être beaucoup plus souvent touchés
que les femmes (jusqu’à 15/1, 72% pour Turnipseed [19]), peutêtre à cause des populations étudiées (militaires) et d’une activité
physique révélatrice plutôt plus importante. Le diagnostic est fait
à un âge moyen de 30-40 ans (43 ans pour Turnipseed, [19]). La
bilatéralité n’est pas une règle.
Les pièges fonctionnels peuvent être considérés comme
des variantes physiologiques qui deviennent symptomatiques en
déclenchant des symptômes vasculaires ou neurologiques à
l’occasion de sollicitations intensives. Il y aurait un équilibre
entre les sexes, voire une prédominance féminine (66% pour
Turnipseed, [19]). La bilatéralité est retrouvée dans 87% des cas
par Turnipseed et al [19] tout en n’étant symptomatique des deux
côtés que dans 23% des cas. Touchant une population volontiers
très sportive, la moyenne d’âge de découverte est d’environ 20-25
ans (24 ans pour Turnipseed, [19]).
TABLEAU CLINIQUE
1 - L’artère piégée
Le tableau le plus habituel est celui d’une claudication
intermittente de jambe du sujet jeune ou d’âge moyen, uni ou
bilatérale, en dehors de tout contexte d’athérosclérose. Le
piège poplité serait retrouvé dans 20 à 50% des cas sur ce terrain.
La notion de sensation de crampe à l’effort est flagrante chez le
sportif mais il peut s’agir d’une symptomatologie se manifestant à
la simple marche sur quelques centaines de mètres lorsqu’il
existe un piège anatomique important. Certains pensent que la
marche serait plus perturbée que la course car le temps de
contraction musculaire est plus prolongé [16] : cette notion est
concevable en cas de piège anatomique, moins en cas de piège
fonctionnel où rentre en ligne de compte la notion de force
musculaire mise en jeu. Il faut noter qu’une période de repos
sportif imposée par la gêne fonctionnelle peut entraîner ensuite
une période totalement asymptomatique lors de la reprise des
activités : cette amélioration est liée à la diminution de la masse
musculaire liée au repos, avec diminution du piège fonctionnel
tant que le muscle n’a pas repris son volume, de la même façon
que l’on peut l’observer ce type de rémissions dans le cadre des
syndromes de loges.
D’autres symptômes peuvent être présents (douleurs
plantaires, paresthésies par compression associée du nerf tibial,
gonflement de la jambe et du pied par compression associée de la
veine poplitée, gêne douloureuse lors de la flexion prolongée du
genou).
L’aggravation progressive est habituelle, les symptômes
variant en fonction du degré d’activité en cas de piège fonctionnel,
de l’importance de l’obstruction et de la qualité de la circulation
collatérale compensatrice en cas de piège anatomique.
Les tableaux extrêmes sont la latence complète (peu
problématique !…) et l’ischémie aiguë par thrombose poplitée ou
par embolie distale, conséquence d’une évolution prolongée d’une
compression anatomique patente.
Les pouls distaux (tibial postérieur et pédieux) au repos sont
normaux sauf si un piège anatomique a pu entraîner des
modifications artérielles qui se traduisent par une asymétrie au
détriment du côté atteint. En cas d’anévrisme poplité, une
tuméfaction pulsatile peut être palpée. Des anomalies peuvent
être retrouvées à l’auscultation de l’artère poplitée en cas de
lésion établie.
Le même examen réalisé après effort peut déceler une
modification d’un souffle artériel à l’auscultation.
Si les symptômes douloureux sont très évocateurs d’une
pathologie artérielle en cas de piège fonctionnel, on ne retrouve
jamais de signes cliniques évocateurs d’une ischémie chronique
(douleur de repos, froideur des extrémités, décoloration cutanée
distale, lésions cutanées). Ceci n’est plus vrai en cas de piège
anatomique avec lésion artérielle secondaire.
L’observation de mollets constitutionnellement volumineux
est couramment faite chez les patients présentant un SAPP.
Les tests dynamiques sont primordiaux.
Il existe une abolition facile à reproduire des pouls distaux
lors de la flexion dorsale passive et/ou de la flexion plantaire
active de cheville, genou en extension, lorsqu’il existe un piège
anatomique franc.
En cas de piège fonctionnel, il faut généralement
employer des tests plus contraignants. L’abolition de pouls
n’est habituellement retrouvée que lors de la flexion plantaire
active contre résistance. Le meilleur test consiste sans doute à
prendre le pouls tibial postérieur en demandant au patient de
monter en demi-pointe bipodale puis monopodale. Cette
appréciation clinique est loin d’être toujours évidente et est
avantageusement remplacée par le même test réalisé à l’aide d’un
Doppler. L’étude au niveau du pouls pédieux est moins
performante car cette artère est plus inconstante et il peut se
produire un piège à la cheville lors des tests dynamiques.
Il faut souligner que ces abolitions de pouls peuvent
être parfaitement physiologiques puisqu’on les retrouve dans
53% des cas,
voire plus chez des sujets totalement
asymptomatiques [6]. Leur existence dans un contexte
symptomatique évocateur prend une tout autre importance.
2 – La veine piégée
Elle a été individualisée par Connel [22]. La notion de
gonflement du mollet à l’effort doit faire évoquer la possibilité d’un
piège de la veine poplitée. On peut noter une tension douloureuse
à la simple palpation du mollet ou à la mise en flexion dorsale
passive de la cheville. Ce piège est, pour certains, à l’origine des
syndromes de loges [10] qui seraient créés par l’œdème latent du
mollet. Il est évident que la veine est comprimée avant l’artère
mais la symptomatologie qui en découle est plus discrète.
LES EXAMENS PARA-CLINIQUES
1 – L’artère piégée
L’examen Doppler est l’examen minimum pour authentifier
un probable piège poplité et ses conséquences sur l’artère poplitée
et le flux artériel. Des modifications peuvent être mises en
évidence au repos au niveau poplité lorsqu’il existe un piège
anatomique (entraînant une sténose et/ou une dilatation
évolutives dans le temps) alors que la diminution du flux pouvant
aller jusqu’à l’oblitération complète n’est mise en évidence que
lors des tests dynamiques en cas de piège fonctionnel et est
appréciée en aval, au niveau de l’artère tibiale postérieure.
Un Doppler pendant lequel l’examinateur réalise une flexion
dorsale passive de la cheville et demande une flexion plantaire
active contre laquelle il s’oppose éventuellement à l’aide de sa
seule main libre ne peut montrer d’anomalie que s’il existe un
piège anatomique franc. La plupart des examens sont
actuellement réalisés de cette façon et risquent de donner
des faux négatifs.
Dans la grande majorité des cas de pièges fonctionnels,
beaucoup plus souvent rencontrés par le médecin du sport, ces
tests seront insuffisants car ils ne reflètent pas l’activité
susceptible de générer la gêne fonctionnelle ; les forces mises en
jeu sont notablement insuffisantes et la réponse sera faussement
négative. Nous avions commencé par réaliser des tests « à quatre
mains » de façon à pouvoir opposer une résistance plus forte au
patient [11] mais il est finalement plus simple et plus performant
de demander à celui-ci de monter en demi-pointe monopodale. Il
faut être conscient que la contrainte musculaire de ce test reste
néanmoins inférieure à celle qui est provoquée lors d’efforts
physiques. Le sujet porte son poids mais il n’existe pas la
contrainte dynamique d’une foulée. Le piège artériel provoqué par
la flexion dorsale de la cheville est peu souvent rencontré en
pratique sportive (position talon bas en alpinisme…) : il est simple
de réaliser le Doppler en demandant au patient de laisser
descendre ses talons tout en étant positionné la pointe du pied
sur le bord d’une marche. Dans le cas de suspicion d’un piège
poplité chez le sportif, il faut exiger que le Doppler soit réalisé
selon ce protocole simple, utilisant le poids du patient et ne
nécessitant qu’un seul examinateur.
Dès l’arrêt de l’épreuve positionnelle qui a pu induire
l’interruption du flux artériel, on peut observer une hyperhémie
réactionnelle pendant quelques dizaines de secondes et qui se
traduit par un flux diastolique au Doppler.
Plusieurs auteurs [14] [16] [18] [21] proposent l’utilisation de
l’index de pression systolique (IPS) comme marqueur de
l’insuffisance circulatoire par piège poplité de la même façon que
ce test est utilisé dans la recherche de l’endofibrose iliaque
externe chez le cycliste. Cet indice, qui est le rapport PA
systolique à la cheville / PA systolique humérale, est
normalement légèrement supérieur à 1 au repos. Si une
diminution modérée de cet indice après effort est normale chez un
sportif entraîné (dilatation des anses capillaires, ouverture de
shunts artério-veineux), son effondrement est pathologique (<0,5).
Chez le patient non sportif présentant un piège anatomique,
l’insuffisance circulatoire peut être diagnostiquée sur des chiffres
plus modérément abaissés. La mesure de la PA à la cheville est
beaucoup plus facilement effectuée à l’aide du Doppler qu’à
l’auscultation.
L’écho-Doppler ajoute à l’examen précédent la visualisation
des vaisseaux en particulier grâce aux données couleur. Le trajet
artériel, ses anomalies, la sténose permanente ou lors des tests
dynamiques et l’éventuel retentissement en aval peuvent être
appréciés.
L’artériographie puis l’angiographie numérisée ont
longtemps été les examens de choix pour déceler les anomalies
artérielles permanentes (trajet anormal, sténose, dilatation,
anévrisme) ainsi que les rétrécissements ou oblitérations lors des
tests dynamiques. Elles ne donnaient aucune notion sur les
éventuelles anomalies musculaires.
L’IRM standard permet de déceler les anomalies
anatomiques du creux poplité et l’angio-IRM visualise
parfaitement les rétrécissements ou oblitérations artériels. Il faut
néanmoins savoir que l’acquisition des images lors des tests
dynamiques nécessite une contraction musculaire soutenue
pendant 20 à 30 secondes et qu’il faut utiliser un système de
lanières (une pour chaque pied) contre lesquelles le patient
pousse de la pointe des pieds en flexion plantaire et qu’il tient luimême à la main pour exercer une résistance. Ces deux conditions
techniques, pas toujours faciles à faire réaliser par le patient,
sont source d’erreurs par défaut.
2 – La veine piègée
Le Doppler au repos élimine une éventuelle thrombophlébite,
les tests dynamiques peuvent objectiver la compression et une
phlébographie peut montrer une compression permanente ou
seulement lors des tests dynamiques.
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
Chez les mêmes patients sportifs, une symptomatologie
douloureuse du mollet peut faire discuter le syndrome de loge
chronique, en sachant que les syndromes de loges postérieures
sont rares à la différence des syndromes d’insuffisance veineuse
profonde, ne se traduisant jamais par des varices superficielles
mais que l’on peut suspecter sur les coupes IRM que les patients
apportent souvent.
Il importe également d’éliminer une éventuelle compression
par un kyste poplité ou par une exceptionnelle tumeur
desmoïde. Le kyste adventiciel artériel est un kyste mucoïde
provenant du genou et qui envahit l’adventice artériel
TRAITEMENT
Nous n’insisterons pas sur les gestes complexes qui peuvent
être réalisés en cas d’anomalies anatomiques artérielles patentes
et qui sont du domaine de la chirurgie vasculaire. Les indications
opératoires sont formelles.
Dans le cas des pièges fonctionnels, les indications reposent
sur la gêne effective du patient. Le geste consiste à simplement
libérer l’arcade du soléaire. Le patient doit être prévenu qu’il
conservera une longue cicatrice poplitée en Z. Les activités
physiques sont reprises dans les 3 mois post-opératoires.
II – LES AUTRES SYNDROMES VASCULAIRES
Nous n’avons pas retrouvé d’autres syndromes compressifs
artériels au niveau de la jambe dans la littérature et n’en n’avons
jamais rencontré.
Au niveau du pied l’artère pédieuse peut être comprimée soit
par un laçage trop énergique, soit, si l’on en croit une publication
très récente dans la littérature [23] par la compression d’un
muscle pédieux anormal se dirigeant vers le premier orteil, en
flexion dorsale active de cheville et des orteils.
CONCLUSION
Le SAPP est une des grandes causes de syndrome
douloureux d’effort de jambe du sujet jeune. La notion de
crampes du mollet doit le faire rechercher en priorité, bien avant
les plus rares syndromes des loges postérieures. La demande
d’un examen Doppler comportant des tests dynamiques simples
mais respectant des critères techniques satisfaisants permet une
franche orientation vers le diagnostic.
Les pièges anatomiques sont d’une grande variété, ont un
risque évolutif péjoratif très important et leur découverte impose
rapidement un geste chirurgical.
Le piège poplité fonctionnel est celui qui est le plus
souvent rencontré en traumatologie du sport, sans anomalie
anatomique, si ce n’est une hypertrophie musculaire, et son
traitement chirurgical n’est justifié que si la symptomatologie
l’exige.
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