AVERTISSEMENT 0.1 Comme son nom l`indique, le présent

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AVERTISSEMENT 0.1 Comme son nom l`indique, le présent
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AVERTISSEMENT
0.1 Comme son nom l’indique, le présent ouvrage ne comporte que des
principes de droit des conflits armés. Or, les principes d’une matière ne
sont pas toute la matière. Cet ouvrage n’est donc pas un traité, à peine un
manuel. Il s’agit plutôt d’une introduction à une matière immense qu’il est
exclu de vouloir couvrir en quelque 800 pages.
À titre indicatif, la Bibliography of International Humanitarian Law
applicable in Armed Conflicts de l’Institut Henry Dunant (1987) comportait près de 600 pages de titres d’ouvrages, articles et documents…
On comprendra par conséquent que dans ce volume, bien des sujets ne
sont pas abordés : le droit de la guerre sur mer 1, les règles de la neutralité,
le problème des réfugiés, etc. ; d’autres sont seulement effleurés. Telles sont
les contraintes de l’édition et celles que l’auteur s’est données : se limiter à
l’essentiel. Il n’est cependant pas sûr que tout le monde aura la même conception de l’essentiel. Y a-t-il d’ailleurs place à l’accessoire dans une matière
telle que celle-ci ? C’est dire s’il y a une part d’arbitraire dans la sélection des
sujets traités, mais ceci est inhérent à un ouvrage de « principes ».
Pour les mêmes raisons, l’analyse de la doctrine (immense dans ce
domaine) est loin d’être exhaustive. D’une part, dans le souci de coller le
plus possible à l’actualité, on s’est surtout efforcé de tenir compte des développements doctrinaux récents quitte à ne pas toujours reprendre systématiquement les ouvrages plus anciens. Mais d’autre part, rester à jour paraît
de plus en plus difficile avec les événements de ces dernières années où
l’on a assisté à une accélération de l’intérêt pour le droit international
humanitaire en général. Il ne se passe plus une semaine sans que ne sortent
un article, une monographie ou un ouvrage touchant de près ou de loin au
droit des conflits armés.
1 Sur cette partie de la matière, The Law of Naval Warfare – A Collection of Agreements and Documents with Commentaries, ed. by N. Ronzitti, Dordrecht ; Nijhoff, 1988, xviii et 888 p. ; DOSWALD-BECK,
L., « Le Manuel de San Remo sur le droit international applicable aux conflits armés sur mer », RICR,
1995, pp. 635-648 ; texte du Manuel ibid., pp. 649-694 ; XXVIe Conférence internationale de la CroixRouge et du Croissant-Rouge, 3-7 déc. 1995, rés. 3, RICR, 1996, pp. 71-72 ; BOELAERT-SUOMINEN, S., International Environmental Law and Naval War. The Effect of Marine Safety and Pollution Conventions During International Armed Conflict, Newport (R. I.), Naval War College, 2000, 365 p.
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PRINCIPES DE DROIT DES CONFLITS ARMÉS
Ne parlons pas de la progression exponentielle des actes institutionnels
relatifs à la matière : en trois ans, entre août 1990 et août 1993, le Conseil
de sécurité a adopté plus de 200 résolutions, soit autant qu’au cours des dix
années qui précèdent, et pas mal d’entre elles intéressent le droit des conflits armés !
La mise à jour de la matière devient donc une course contre la montre
dont il est de plus en plus difficile de suivre le rythme. Cet ouvrage n’a pas
de point final et il ne peut en avoir. L’auteur demande donc l’indulgence du
lecteur qui regretterait de ne pas voir traiter telle question ou figurer telle
étude récente ou plus ancienne.
De toute façon, rien ne remplace les textes légaux : non reproduits dans
cet ouvrage, ils ont été publiés dans divers recueils 1 et sont indispensables à la compréhension du texte.
0.2 Discipline juridique comme les autres branches du droit (infra § 1), le
droit des conflits armés doit être traité avec le souci de rigueur et de logique propre à toute analyse juridique.
Il est cependant difficile d’en faire un exercice intellectuel ignorant la
réalité ignoble qu’il recouvre. Le droit des conflits armés est en effet le droit
de toucher l’être humain dans ce qu’il a de plus fondamental : sa liberté,
son intégrité physique, sa vie.
Or, rester dans l’abstraction des règles sans voir ce qu’elles impliquent,
jongler avec des concepts où l’individu se réduit à une catégorie légale et où
la souffrance ou la fin d’une chair et d’une pensée ne sont que les conséquences « normales » d’une situation juridiquement définie, c’est peut-être
faire du droit et raisonner en droit, ce n’est pas réfléchir en homme de
morale et de raison.
Le droit des conflits armés est et n’est pas un droit comme les autres, car
si c’est le droit des victimes, c’est aussi le droit de l’horreur ; l’enseignant
faillirait à sa mission s’il se limitait à dire l’un et à ignorer l’autre. J. Pictet se
demandait à juste titre :
1 E. g. SCHINDLER, D. and TOMAN, J., The Laws of Armed Conflicts, Leiden-Geneva, Sijthoff-Heury
Dunant Institute, 1973 (1e éd.) et 1981 (2e éd.), 795 p. et 923 p. ; pour l’édition en français revue et augmentée, id., Droit des conflits armés, Genève, CICR »Institut H.-Dunant, 1996, XLIII et 1470 p. ; ROBERTS,
A. and GUELFF, R., Documents on the Laws of War, Oxford, Clarendon Press, 1989, XII et 509 p. ; CICR,
Manuel de la Croix-Rouge internationale, Genève, 1983, 767 p. ; CICR, Droit international régissant
la conduite des hostilités, Genève, 1990, 201 p. ; Code de droit international humanitaire, publ. par
E. David, D. Vandermeersch, F. Tulkens, Bruxelles, Bruylant, 2007 (3e éd.) ; pour un excellent choix de
textes issus de la pratique et de la jurisprudence, voy. aussi SASSOLI, M. and BOUVIER, A., How does Law
Protect in War ? Cases, Documents and Teaching Materials on Contemporary Practice in International Humanitairian Law, Genva, ICRC, 1999, 1493 p.
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« Les organisations de la Croix-Rouge ne pourraient-elles pas participer à la diffusion
d’ouvrages et d’images montrant les misères de la guerre – sans se complaire dans la
description de l’horrible – ses fatales conséquences, mêmes lointaines, et tout ce qui est
de nature à ‘démythifier’ la guerre ? » 1
L’auteur partage ce souci : même « propre » et menée dans le respect
des formes légales, la guerre reste « sale ».
D’une « saleté » absolue.
C’est pour rappeler cette banalité, la banalité monstrueuse qui se cache
derrière le discours froid et désincarné du droit des conflits armés, que certains extraits classiques de la littérature ou de témoignages sur la guerre
ont été insérés en contrepoint de l’exposé juridique. L’horrible n’a pas toujours été évité, non par complaisance, mais simplement parce que c’est une
réalité que les dissertations techniques les plus sophistiquées ne doivent
pas réussir à masquer.
Ce faisant, le présent ouvrage veut s’adresser tant au cœur qu’à la raison
de son lecteur.
0.3 Fruit d’un enseignement dispensé depuis vingt ans à la Faculté de droit de
l’Université Libre de Bruxelles dans le cadre d’un troisième cycle en droit international, cet ouvrage 2 s’est nourri et enrichi des nombreuses complicités que l’auteur
a trouvées auprès des collègues, des amis, des étudiants et de l’internationale des
partisans du droit humanitaire.
L’auteur voudrait dire à chacun ce qu’il lui doit, mais la liste serait trop longue et
le risque d’oubli trop réel… L’auteur tient toutefois à exprimer une reconnaissance
particulière
– à la Faculté de droit de l’Université Libre de Bruxelles dont le professeur L. Ingber, son actuel doyen, a été le promoteur patient et confiant de cet ouvrage ;
– au professeur J. Salmon pour son soutien amical de tous les instants ;
– au professeur D. Turp et à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, qui
invitèrent l’auteur à y enseigner la présente matière en hiver 1991, le temps de la
guerre du Golfe… ;
– à P. Klein, O. Corten, A. Daems et E. Robert ces mousquetaires de l’assistance
« humanitaire » pour les diverses missions qu’ils acceptèrent de remplir dans ce
domaine ;
– à I. Arnoldy pour son assistance technique toujours souriante et son art de
dompter le traitement de texte ;
1
PICTET, J., « les principes fondamentaux de la Croix-Rouge et la paix », RICR, 1984, p. 75.
L’auteur accueillera avec reconnaissance toute remarque et observation que le lecteur voudra bien
lui adresser (Centre de droit international, Faculté de droit, Université libre de Bruxelles, av. F.D. Roosevelt, 50, 1050 Bruxelles ; tél. : 32/2/650 34 00 ; fax : 32/2/650 35 21 ; [email protected]).
2
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PRINCIPES DE DROIT DES CONFLITS ARMÉS
– à Marie-Jeanne, Charlotte et Quentin pour leur compréhension à l’égard d’un
compagnon et d’un père plus souvent présent sur les champs de bataille des spéculations doctrinales que sur ceux du quotidien…
30 octobre 1993.
0.4 L’épuisement plus rapide que prévu des 1e et 2e éditions de l’ouvrage a contraint l’auteur à rédiger cette 3e édition, sans pouvoir y apporter tous les remaniements de forme et de fond qu’il eût souhaités. Cette solution a paru toutefois
préférable à un re-tirage pur et simple de la 2e édition, eu égard à l’évolution vertigineuse du droit des conflits armés.
L’auteur a donc conservé la présentation initiale de l’ouvrage en y introduisant
les éléments nouveaux tirés de la pratique de ces 5 dernières en matière de droit
des conflits armés, et notamment :
– conventions : protection du personnel des N. U. (1994), armes à laser (1995),
mines (1996-1997), Cour pénale internationale (1998) ;
– droit dérivé : Tribunal pénal international pour le Rwanda (1994), diverses résolutions du Conseil de sécurité et de l’A. G. des N. U. (1994-1998), XXVIe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (1995) ;
– jurisprudence : avis de la CIJ sur les armes nucléaires (1996), arrêt sur le génocide (1996), décisions du TPIY (1995-1998) et du TPIR (1997-1998) ;
– doctrine : projet de code de la Commission du droit international (1996).
L’auteur reste conscient des lacunes de la présente version, mais l’exhaustivité
ne peut être la vertu majeure d’un ouvrage de « principes »…
30 octobre 1998.
0.5 Cette 4e édition reste fidèle aux précédentes dans l’esprit et dans la forme. Les
ajouts résultent, pour l’essentiel, de la jurisprudence (considérable) des TPI, de la
CIJ, de la Commission des réclamations Erythrée/Ethiopie, de la Cour européenne
des droits de l’homme, des travaux de la CDI sur la responsabilité des États, de
l’actualité factuelle (conflit du Kosovo en 1999, conflit afghan en 2001-2002, conflit
irakien depuis 2003) et de certains nouveaux instruments de droit des conflits
armés : Protocole additionnel à la Convention de La Haye de 1954 sur les biens culturels (1999), circulaire du Secrétaire général sur les règles applicables aux forces
de maintien de la paix (1999), Protocole additionnel à la Convention sur les droits
de l’enfant concernant l’utilisation d’enfants dans les conflits armés (2000), éléments constitutifs des crimes visés au Statut de la CPI (2000), 5e Protocole à la
Convention de 1980 sur les restes explosifs de guerre (2003), 3e Protocole additionnel sur l’adoption d’un signe distinctif additionnel (2005), diverses résolutions
de l’AGNU et du Conseil de sécurité.
Cette fois encore, la doctrine n’a pas pu être dépouillée de manière
systématique : le droit des conflits armés a le vent en poupe et donne lieu à énor-
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mément d’études. Tant mieux pour la discipline, tant pis pour l’exhaustivité qui
n’est certainement pas la vertu majeure du présent ouvrage.
Certaines sections ont, par ailleurs, été revues et rationalisées pour tenir compte
des évolutions tant de la matière que de la pensée de l’auteur, notamment pour ce
qui concerne le droit applicable aux conflits armés internationaux et celui régissant
les conflits armés internes (cfr. infra § 1.66, 1.116 ss.) …
L’auteur s’est aussi attaqué à la tâche ingrate, sinon impossible, de renuméroter les
paragraphes (en ce compris les renvois infra et supra, et les différentes tables …)
pour tenir compte des ajouts, mais entre-temps, l’actualité s’ajoutant à l’actualité, de
nouveaux ajouts se sont imposés et il a fallu insérer de nouveaux paragraphes. Qu’on
ne s’étonne donc pas de trouver encore quelques numéros de paragraphes accompagnés de lettres (a, b, etc). Des erreurs de numérotation sont également possibles.
L’auteur prie le lecteur de l’en excuser.
L’auteur souhaite remercier Mme Pascale Heirmann pour son aide à la mise au
point de nombreux ajouts de la 4e édition ;
30 août 2007.
0.6 Pas de changement radical dans cette
5e
édition. Principales nouveautés :
– une synthèse de l’excellent Guide interprétatif du CICR sur la participation directe aux hostilités ;
– une présentation révisée de la notion de conflit armé ;
– l’intégration des rapports des commissions d’établissement des faits étables à la suite de certains épisodes récents du conflit israélo-palestinien
(guerre de Gaza, « flotilles de la paix », guerre du Liban) ;
– le traitement de la jurisprudence pertinente de ces quatre dernières
années, du Harvard Project adopté en 2009 et des travaux de la CDI,
notamment ceux relatifs aux effets des conflits armés sur les traités
(2011).
Parallèlement à cette 5e édition en français, la 2e édition en russe de
l’ouvrage est sortie en 2011. Sur ce point, l’auteur souhaite exprimer au
CICR une reconnaissance qui va, évidemment, bien au-delà de la simple
convenance de forme : c’est la délégation du CICR en Russie qui avait pris
l’initiative d’une traduction de l’ouvrage à la fin des années 90 sous l’impulsion dynamique Mme Laura Olson. Le flambeau a été repris à la fin des
années 2000 à la suite d’une suggestion du Professeur Xavier Philippe, alors
membre de la délégation du CICR à Moscou. Le travail a été mené et poursuivi avec l’enthousiasme infatigable de l’actuel chef de délégation, PierreEmmanuel Ducruet, et l’assistance de M. Valeri Markovitch Oulianov qui a
réussi la performance de traduire, et surtout, d’adapter au « génie de la
langue » russe quelque 1100 pages d’un texte qui, outre sa technicité,
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PRINCIPES DE DROIT DES CONFLITS ARMÉS
comporte beaucoup de formulations propres au « génie de la langue » française. L’auteur n’a pas assez de mots pour remercier le CICR ainsi que
chacune de ces personnes et exprimer son admiration à l’égard de ce fantastique travail de traduction et d’édition.
M. Oulianov, malade, est, malheureusement décédé quelques mois après
avoir terminé cette magnifique traduction. Puisse cette préface rendre
hommage à ses talents d’homme de lettres et de droit.
15 juin 2012.