Avec les anciennes références - Haut Conseil de la santé publique

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Avec les anciennes références - Haut Conseil de la santé publique
La prise en charge
des maladies chroniques
à l’étranger
Le disease management, ou organisation coordonnée des soins, est appliqué aux
maladies chroniques dans de nombreux pays (États-Unis, Allemagne, Royaume‑Uni).
Cette méthode est-elle adaptable au système de santé français ?
Des pistes de réflexion pour la France
E
n France, la dérive des dépenses de santé est
continue depuis des années. Depuis 1996, année à
partir de laquelle le Parlement a fixé un objectif de
dépenses par une enveloppe déterminée appelée Objectif
national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) dans
le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale,
pas une seule fois celui-ci n’a été respecté.
Les travaux du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie [16, 18] montrent que tous les postes de
dépenses augmentent de façon structurelle sous l’effet
de l’allongement de la durée de vie, de l’évolution du
coût des traitements, des comportements consuméristes
vis-à-vis du système de santé, et de la croissance des
prises en charge à 100 %. À titre d’exemple, les prises
en charge à 100 % avaient progressé de 11 % pour la
seule année 2003. C’est pourquoi les maladies coûteuses suscitent le même intérêt dans l’ensemble des
pays riches, compte tenu du contexte de maîtrise des
dépenses de santé. Le descriptif de la prise en charge
des maladies chroniques – et en conséquence coûteuses
—, dans les pays de niveau économique comparable à
celui de la France, a fait l’objet d’un rapport exhaustif
de l’Inspection générale des affaires sociales en 2006
[6]. L’objectif de cet article est de présenter la prise en
charge des maladies chroniques à l’étranger dans le
cadre de programmes de disease management, après
avoir défini ce terme, puis le domaine d’application et les
contraintes du disease management. Le cas particulier
des États-Unis sera détaillé, car c’est dans ce pays que
le disease management a été mis en œuvre dans les
années quatre-vingt-dix. Nous insisterons sur les applications de ce concept au Royaume-Uni et en Allemagne
compte tenu de leurs points communs avec la France,
la couverture quasi universelle de la population par le
système de santé, et aussi en raison de modalités de
financement et de fonctionnement comparables en Allemagne et pour l’originalité des réformes mises en place
au Royaume-Uni. Enfin, nous présenterons l’intérêt et
les limites de la mise en œuvre du disease management
dans le cadre du système de santé français.
Dr Anne-Laurence
Le Faou
MCU-PH, Paris VII,
Hôpital Européen
Georges Pompidou
Assistance publique–
Hôpitaux de Paris,
responsable de
l’unité de liaison
d’addictologie
La prise en charge des maladies
chroniques aux États-Unis : les programmes
de disease management
Le système de santé américain
Le système de santé repose sur une assurance liée
à l’emploi (les Health Maintenance Organizations de
Nixon) ou personnelle et deux systèmes financés par
la fiscalité (Medicare, Medicaid) [22].
Les États-Unis ont révolutionné leur système de soins
à partir de 1993, date de l’échec de la réforme Clinton,
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Les affections de longue durée
de façon à maintenir sa structure de financement privé,
quand la plupart des pays d’Europe étaient en train de
réviser leur système de financement pour conserver
intact leur système de soins à financement socialisé.
Des organisations de gestion coordonnée des soins,
les Managed Care Organizations (MCO), ont été développées. Les sociétés d’assurances achètent des services médicaux « clés en mains », incluant des soins
ambulatoires et hospitaliers. Des contrats déterminent
les procédures de soins et les prix entre les payeurs et
les prestataires de soins.
Les caractéristiques communes des MCO sont :
1. La prime unique prépayée couvrant l’ensemble
des risques. Les MCO perçoivent un forfait annuel quels
que soient le prix et le volume des soins fournis. Les
primes sont néanmoins calculées à partir des types
de soins et des volumes consommés par la population
couverte.
2. Une panoplie de prestations ambulatoires et hospitalières : prévention, soins aigus, soins postopératoires,
rééducation, optique et soins dentaires. La coordination
des soins est assurée par des case managers (médecins
généralistes, infirmiers spécialisés) qui « gèrent » la prise
en charge du patient en organisant son parcours dans le
système de soins, en particulier en minimisant l’usage
inapproprié des services mis à sa disposition : des
rappels à l’ordre du patient hyperconsommateur sont
prévus. Pour l’accès à des soins hors MCO, le patient
doit payer sans remboursement possible.
3. Une coopération effective entre professionnels de
santé, structures de soins et sociétés d’assurances :
le partage des informations concernant les malades, la
coordination des médecins des secteurs ambulatoire
et hospitalier, des pharmaciens, et aussi le partage
des gains et des pertes financières éventuelles liés
aux conduites diagnostiques et thérapeutiques sont
les moteurs des intérêts communs des MCO. Les systèmes d’information concernant les patients sont donc
primordiaux dans ces organisations.
4. Une éducation des assurés au bon usage des
soins : l’assuré n’est pas libre d’accéder à tous les
soins et doit suivre un certain nombre de procédures.
Dès leur adhésion, les patients suivent des programmes
de formation à l’usage rationnel du plan.
Contrairement à l’ensemble des pays industrialisés,
l’approche américaine considère que seul le consommateur (le malade) est responsable du contrôle des
dépenses, par le contrôle de la demande de soins,
ce qui ne peut se produire dans le système de libre
marché de l’offre. Car si la densité hospitalière en soins
aigus est très faible en comparaison de l’Allemagne et
de la France, les années 1950-1980 avaient conduit
à des excès considérables de capacités hospitalières
et d’investissements technologiques dans le cadre
d’une industrie de la santé et de la logique de libre
entreprise (the American entrepreneurship), ainsi qu’à
des tarifs très élevés pratiqués par tous les acteurs
du système de soins. Ces tarifs sont à l’origine de la
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part très importante des dépenses de santé dans le
produit intérieur brut des États-Unis. C’est seulement
avec le développement des MCO que la restructuration
du secteur de la santé s’est accélérée, avec la mise
en place de plateaux techniques ambulatoires à la fin
des années quatre-vingt au sein des complexes hospitaliers, des systèmes d’information performants et
des programmes de prévention structurés, basés sur
des preuves scientifiques et évaluées.
Définitions du managed care et du disease management
Le managed care est un procédé permettant aux professionnels de la prévention, du diagnostic et du traitement
d’une maladie donnée de se mettre d’accord sur des
standards de pratique, des profils professionnels et des
coûts destinés à prendre en charge la maladie [13].
Dans le cadre du managed care américain, les décisions des médecins, des patients et des hôpitaux sont
contrôlées et des mécanismes incitatifs utilisés pour
réduire les coûts : limitation de l’accès aux spécialistes,
liste limitative de médicaments autorisés, protocoles
de soins et prescription encadrée, conventionnement
sélectif des médecins et des établissements de santé, et
adaptation de la rémunération des praticiens en fonction
du suivi des recommandations de pratique.
Le disease management est un des outils clés que
les MCO utilisent pour contrôler les coûts des systèmes
de santé et assurer la qualité des soins.
Un certain nombre de prérequis sont indispensables
à la mise en œuvre d’un programme de disease management [21] :
l une connaissance de base permettant de quantifier
la structure économique de la maladie ;
l des recommandations de pratique clinique spécifiques ;
l un système d’organisation des soins qui permette
de coordonner les différents professionnels ;
l un outil d’amélioration de la qualité permettant un
feed-back pour adapter les protocoles et l’organisation
des soins.
En conséquence, les maladies pouvant faire l’objet
de programmes de disease management ont les caractéristiques suivantes :
l des dépenses médicamenteuses élevées ;
l des résultats mesurables (variables biologiques,
état de santé) ;
l des possibilités importantes d’un retour rapide
sur investissement ;
l l’existence de larges variations de pratiques tant
cliniques que thérapeutiques.
Ces critères sont réunis dans un nombre restreint de
maladies. Il s’agit de maladies chroniques pour lesquelles
les soins aux patients peuvent ne pas être adéquats si
le patient est ballotté entre les différents producteurs de
soins. En effet, au milieu des années quatre-vingt-dix, les
traitements des maladies chroniques correspondaient à
70 % des dépenses de santé aux États-Unis [19], d’où
la mise en place d’outils destinés à prévenir les compli-
La prise en charge des maladies chroniques à l’étranger
cations de la maladie, à augmenter la qualité de vie des
patients et à réduire la pression financière sur le système
de santé [2]. Ainsi, une prise en charge efficiente des
patients atteints de maladies chroniques pouvait réduire
le besoin de traitement d’épisodes aigus et subaigus [10].
Les maladies concernées sont par exemple l’asthme,
le diabète et les maladies coronariennes.
Le disease management vise également à renforcer la
responsabilité du patient dans la prise en charge de sa
maladie. Cela suppose une communication claire avec
des patients aux caractéristiques différentes, notamment
socio-économiques. Au Canada, Booth a montré que,
si l’ensemble de la population diabétique de l’Ontario
avait un taux d’hospitalisation comparable à celui des
groupes socio-économiques les plus favorables, près
de 40 000 séjours hospitaliers auraient pu être évités
au cours d’une période de sept ans [5].
Le développement du DM aux États-Unis
Le concept du disease management a été développé
outre-Atlantique au début des années quatre-vingt-dix
par l’industrie pharmaceutique dans un contexte où la
découverte de nouveaux médicaments est de plus en
plus difficile et coûteuse et dans lequel les stratégies
marketing de l’industrie pharmaceutique souhaitent
placer le médicament comme l’un des maillons d’une
prise en charge des pathologies [22]. Dès le milieu des
années quatre-vingt-dix, le marché du disease management s’est restructuré au détriment des laboratoires
pharmaceutiques et de nouvelles entreprises se sont
créées dans le créneau économique que représente le
disease management dans le système de santé américain. Elles proposent leurs services aux assureurs
santé sous la forme de plates-formes téléphoniques.
Des professionnels de santé formés aux méthodes de
conseil téléphonique, les disease managers, contactent
directement les patients de façon proactive et selon
quatre axes : l’éducation du patient à la santé, à sa
maladie ainsi que son éducation thérapeutique, le soutien
à la motivation (coaching), la coordination des soins, le
suivi des paramètres biologiques intégrant un système
d’alerte. Les fonctions de disease managers sont réalisées essentiellement par des infirmières formées
qui ont à leur disposition des logiciels leur permettant
de recueillir les données sur les patients suivis (paramètres biologiques notamment) ; de dispenser des
recommandations adaptées selon un schéma d’entretien codifié et exhaustif (statut clinique, observance
médicamenteuse, problématique actuelle comme un
tabagisme par exemple, objectif de prise en charge,
conseil éducatif et programmation d’un nouvel appel).
Les patients pouvant entrer dans ces programmes sont
sélectionnés par une procédure de stratification des
risques de maladies dans la population couverte par
une assurance santé. Ainsi, les données comptables
des assureurs comportent un codage des pathologies
permettant en général l’identification de trois groupes
de patients : les patients à risque élevé (3 à 5 %) ; les
patients à risque intermédiaire (20 à 40 %) et les patients
à faible risque (la majorité des personnes couvertes).
Le niveau d’intervention croît en fonction du risque.
Le succès apparent du disease management aux ÉtatsUnis a conduit à son adoption en Europe, notamment
en Allemagne et au Royaume-Uni.
Les opportunités de développement
du disease management en Europe :
les cas de l’Allemagne et du Royaume-Uni
L’Allemagne
Pays précurseur en termes de protection sociale organisée par l’État, le pays s’est caractérisé par une culture
de négociation (unions des médecins, caisses de sécurité
sociale), mais pas de culture de prévention. Les réformes
concernent la maîtrise des dépenses de soins. L’État a
donné un rôle décisionnel croissant aux caisses.
Depuis 1989, l’action sur la demande a été forte avec
une hausse très importante des tickets modérateurs (y
compris pour les médicaments concernés par les prix de
référence) et une participation forfaitaire des assurés
au financement des hôpitaux. Les réformes mises en
œuvre dans les hôpitaux allemands correspondent à
celles instaurées en France, mis à part le fait que la
densité en lits ainsi qu’en médecins y est plus élevée
et que les outils de restructuration y ont été introduits
en un temps record (budget global en 1994 et coût par
pathologie en 1996). Une concurrence entre caisses
de sécurité sociale a été instaurée en 1996, avec libre
choix de la caisse par les assurés sociaux pour inciter à
une meilleure gestion du risque et réduire le nombre de
caisses [39]. Un système de compensation de risque
entre les caisses a alors été introduit, basé sur des
critères sociodémographiques (âge, sexe, nombre de
bénéficiaires de pensions d’invalidité ou d’indemnités
liées à la maladie) et économiques (assurés coûtant
plus de 20 450 euros par an). Les assurés ont rapidement exercé leur possibilité de choix de caisses,
notamment en faveur des caisses d’entreprise dont
les cotisations étaient plus faibles (quasi-doublement
des assurés entre 1996 et 2003) car les personnes
ayant un emploi sont en meilleure santé que les autres
personnes. Les caisses ayant intérêt à n’assurer que de
nouveaux membres indemnes de pathologies chroniques,
le gouvernement a ajouté des programmes de disease
management dans le système de péréquation des fonds
des caisses de sécurité sociale. L’instauration de ces programmes date de 2002 et a concerné quatre groupes de
pathologies : diabète, maladies coronariennes, asthme,
bronchopathies chroniques obstructives et cancer du
sein [7]. Ainsi, les caisses ont bénéficié d’une mesure
incitative pour prendre en charge les patients atteints
de maladies chroniques. Le gouvernement estimait que
ces programmes seraient un moyen de :
l réorganiser les soins des malades chroniques,
fragmentés entre le secteur ambulatoire et hospitalier,
les institutions et les professionnels ;
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Les affections de longue durée
l coordonner la prévention, le traitement et la réadaptation ;
l faire participer les patients au processus de
soins ;
l évaluer régulièrement les résultats des traitements ;
l et développer les fonctions de filtre pour l’accès
aux spécialistes et aux hôpitaux (gatekeeper) pour les
médecins traitants.
Les programmes de disease management font l’objet
d’un contrat commun entre l’ensemble des caisses de
sécurité sociale d’une région (le Land), l’association
régionale des médecins libéraux et un certain nombre
d’établissements de santé. Les caisses définissent
le contenu des programmes à partir de recommandations nationales précisées par des textes fédéraux. Les
programmes de disease management contiennent des
éléments obligatoires : la définition d’un médecin traitant
qui coordonne l’ensemble des soins et filtre l’accès aux
spécialistes et autres prestataires de soins ; la définition
d’un protocole de soins conforme aux recommandations professionnelles ; l’implication du patient dans
le processus de soins ; la mise en œuvre de systèmes
d’information entre les professionnels de santé ainsi
qu’entre professionnels de santé et caisses ; une formation des professionnels et des patients au programme ;
une évaluation. En conséquence, le médecin traitant a
un rôle clé car il décide de l’inclusion des patients dans
un programme et perçoit une rémunération spécifique
qui vient en plus des budgets versés annuellement par
les caisses aux associations de médecins et qui sont
répartis entre les praticiens par ces associations. Des
incitations financières complémentaires sont versées
au praticien pour la tenue des dossiers des patients
et pour la réalisation de sessions d’éducation thérapeutique (de l’ordre de 20 euros pour chacune des
tâches). En échange de ces rémunérations supplémentaires, le médecin doit transmettre aux caisses
un certain nombre de données démontrant le respect
des recommandations de pratique. En conséquence,
le médecin a intérêt à inscrire des patients dans les
programmes de disease management. En 2006, près de
deux millions de personnes y étaient inscrites, dont les
trois quarts souffrant de diabète. Les caisses aussi ont
intérêt à sélectionner les patients atteints des maladies
bénéficiant d’un programme de disease management,
car elles perçoivent des sommes fixes par le fonds
de péréquation des caisses de sécurité sociale (par
exemple, 1 200 euros pour l’inscription d’un diabétique).
Ce mécanisme a été retenu afin d’éviter que les caisses
ne sélectionnent que les personnes en meilleure santé
en les attirant par des taux de cotisation plus faibles
que les caisses concurrentes. Enfin, les patients sont
encouragés à participer à des séances d’éducation thérapeutique par une réduction des tickets modérateurs et
des franchises. Le disease management à l’allemande
n’a donc que très peu de points communs avec les
méthodes utilisées aux États-Unis.
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La logique de compromis entre les autorités sanitaires,
les financeurs et les professionnels est une caractéristique du pays (pas seulement dans le secteur santé)
et pourrait lui permettre de contribuer à l’évolution de
l’organisation du système de soins. Les handicaps
du système tiennent aux nombreuses structures, à la
forte densité médicale et la faible densité des autres
professionnels de santé. La réforme de juillet 2003 a
été mal acceptée par les médecins, car le paiement par
le patient d’une somme forfaitaire par trimestre pour
consulter un médecin et bénéficier du remboursement
par les caisses, accompagné de la mise en place d’un
ticket modérateur incompressible, ont conduit à une
diminution de leurs revenus. Les caisses de sécurité
sociale ont dégagé un excédent de 10 milliards euros dès
le premier semestre 2004. Des hôpitaux publics ont été
vendus depuis 2003 et, économiquement, l’Allemagne a
renoué avec la croissance après une phase de récession
économique (le gouvernement table désormais sur 2,3 %
de croissance en 2007, avant 2,4 % en 2008).
Le Royaume-Uni
Une couverture maladie universelle a été proposée dès
1942 [1], et la création du National Health Service a
été effective en 1948. Le principe d’un financement
principalement fiscalisé garantit un accès universel,
une définition d’objectifs de santé publique avec des
financements dédiés et déterminés a priori. Les médecins
y exercent sous contrat avec le National Health Service
et le système se caractérise par une culture de santé
publique étatisée et une succession de réformes visant
à en augmenter l’efficience. Sa capacité d’adaptation
et d’évolution rapide a été démontrée à de nombreuses
reprises : lors du choc de la réforme du quasi-marché
mis en place par le gouvernement Thatcher ; lors de
l’arrivée du gouvernement Blair au pouvoir, qui a renforcé
la politique mise en œuvre précédemment tout en augmentant les fonds publics dédiés à la santé [22].
La mise en place du disease management au sein du
NHS s’inspire directement de l’expérience américaine
et poursuit les mêmes objectifs : l’amélioration de la
qualité des soins et une réduction des hospitalisations
(diminution de 5 % des hospitalisations non programmées
avant 2008). Ces objectifs doivent être atteints en développant la prise en charge des malades chroniques par
les services de santé primaire, les services sociaux et les
associations [29]. Pour mettre en place des programmes
de disease management, le gouvernement britannique
a fait appel à une entreprise américaine spécialisée,
United Health. Le fonctionnement du disease management
anglais est basé sur des infirmières expérimentées pour
lesquelles le NHS improvement plan a créé en 2004 une
nouvelle fonction clinique, les community matrons [30].
Ces community matrons sont formées à l’identification
et à la prise en charge des patients les plus à risque :
évaluation des besoins physiques, psychologiques et
sociaux ; fonction de prescription encadrée ; coordination
des soins, éducation thérapeutique. Cette infirmière
La prise en charge des maladies chroniques à l’étranger
expérimentée prend en charge une cinquantaine de
patients. Le ministère de la Santé a financé cette nouvelle catégorie d’infirmières pour mettre en place sa
politique. À terme, ces postes devraient être financés
par les cabinets de généralistes et de professionnels
de santé bénéficiant d’une autonomie de gestion, les
Primary care trusts. Les patients dont le risque est
intermédiaire sont pris en charge par le généraliste,
qui est incité à assurer le suivi des patients par un
mécanisme de rémunération à la performance, le Quality
and outcomes framework [28]. Le système se compose
de 147 indicateurs correspondant à un certain nombre
de points et à chaque point correspond une dotation
complémentaire à la dotation par capitation [11]. De
nombreux indicateurs concernent les patients atteints
de maladies chroniques. La participation des médecins
à ce programme s’est faite sur la base du volontariat
et les résultats en termes de points ont été exceptionnellement bons dès 2005. Les exigences en termes de
performance devraient croître, même si le gouvernement
britannique cherche à favoriser l’acceptabilité de cette
démarche par les médecins.
Le programme, nommé Evercare, a débuté en 2003
et les autorités britanniques ont décidé de le généraliser en 2005 après une évaluation réalisée par United
Health montrant que les patients étaient très satisfaits
des modalités de prise en charge, que les infirmières
estimaient leurs missions renforcées, que les médecins
trouvaient que leur charge de travail avait été allégée.
Les voies d’amélioration reposaient sur une meilleure
identification des patients à risque, sur l’utilisation de
systèmes d’information et sur la possibilité d’offrir aux
patients des services infirmiers sept jours sur sept et
24 heures/24 [27].
Ce n’est plus la maîtrise des dépenses de santé qui
est la priorité depuis 1997, mais la qualité des soins
et l’accueil des patients. Si le niveau de couverture du
risque santé est élevé, l’accès au système de soins a
longtemps été limité par un rationnement des professionnels et des structures. Cette situation a rapidement
évolué depuis les années deux mille. Ainsi, tout en
augmentant de façon croissante la part de la santé dans
le produit intérieur brut, la prévention et la promotion de
la santé sont restées des éléments structurants de ce
système (rémunération des médecins pour la prévention
primaire et les dépistages, par exemple).
Intérêt et limites de la mise en œuvre
du disease management dans le cadre
du système de santé français
Il apparaît que la prise en charge des maladies chroniques par des programmes de disease management
semble appropriée aux systèmes dans lesquels une
organisation coordonnée des soins est la règle : le
système américain et le système britannique, ainsi que
les systèmes de santé qui s’en inspirent.
En effet, les limites actuelles d’application de ce
concept en France sont les suivantes : des enveloppes
financières distinctes entre la ville et l’hôpital, un système
hospitalo-centré, des difficultés liées à la démographie
médicale (malgré l’augmentation du numerus clausus à
7 100 en 2008) et paramédicale, des obstacles culturels
comme la difficulté du médecin à renoncer à certaines
tâches comme celles de coordination, de gestion ou
encore des tâches d’éducation qui pourraient être mieux
faites par des professionnels formés, les modalités
actuelles de rémunération des professionnels de santé
libéraux et l’aspect encore insuffisamment développé
de la politique des réseaux de soins, débutée en 1996,
dans la prise en charge des maladies chroniques [23].
Enfin, les difficultés du politique à investir dans de nouveaux métiers du système de santé sont manifestes,
compte tenu des finances de l’assurance maladie et
de la résistance des professionnels de santé. Quant à
l’assurance maladie, elle a un rôle principal de financeur
bien qu’elle s’efforce de développer des programmes
de santé publique (programmes financés par le Fonds
national de prévention, d’éducation et d’information
sanitaires, les unions régionales des caisses d’assurance maladie, les médecins conseils chargés de la
prévention au niveau régional), et sa marge d’autonomie
reste très faible par rapport à la situation de l’Allemagne
notamment. Les recommandations de pratique de la
Haute Autorité de santé (HAS) sont aisément accessibles
à tous les praticiens, mais les outils permettant l’application aisée des recommandations et la surveillance
de cette application font défaut.
Enfin, l’idée selon laquelle le disease management
peut à la fois améliorer la qualité des soins et réduire
les coûts est intuitive et séduisante. Cependant, elle
est controversée, comme en témoignent de nombreuses
publications [3, 15, 32].
Conclusion
La mise en œuvre de programmes de disease management dépend fortement de l’organisation du système
de santé. Aux États-Unis, pays précurseur dans la mise
en place de programmes de disease management, les
MCO permettent de réunir les critères d’une prise en
charge coordonnée des maladies chroniques pour la
population couverte par une assurance maladie (17 %
de la population n’est pas couverte). Le Royaume-Uni
reste l’exemple du pays à culture de santé publique
dans lequel la prise en charge des maladies chroniques
est intégrée dans un système de rémunération des
médecins à la performance. Quant à l’Allemagne­, c’est
le pays le plus proche de la France pour le financement,
l’organisation du système de santé et le choix des
réformes effectuées. Les réformes mises en œuvre
en Allemagne depuis 2002 sont impopulaires auprès
des médecins en particulier, mais elles sont appliquées
rapidement. L’État fédéral tient à juguler les déficits
tout en modernisant le système de santé. C’est sans
doute de l’expérience pragmatique allemande que la
France doit s’inspirer en première intention, bien que
de nombreux freins, tant institutionnels que culturels,
adsp n° 59 juin 2007
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Les affections de longue durée
apparaissent pour une prise en charge opérationnelle
des maladies chroniques via les techniques de disease
management. Pour parvenir à l’objectif, les caisses de
sécurité sociale devraient être partie prenante avec une
autonomie décisionnelle et financière pour favoriser des
initiatives locales et/ou régionales. La rémunération à
l’acte du médecin généraliste pourrait être transformée en
forfait pour la prise en charge des maladies chroniques.
Il faut effectivement que les rémunérations forfaitaires
des médecins soient incitatives, ce qui pose un problème
de financement. En outre, des systèmes informatiques
50
adsp n° 59 juin 2007
d’aide à l’application des recommandations de pratique
devraient être proposés et des formations organisées
pour faciliter l’acceptabilité de la démarche par le médecin
traitant. Enfin, l’outil de disease management ne peut
fonctionner que s’il existe un échange d’infor­ma­tions
médicales. C’est une question non encore résolue dans
le système de santé français. Malgré ces réserves,
l’objectif de qualité de prise en charge des maladies
chroniques doit devenir une réalité objectivée par des
données quantifiées et des informations qualitatives
recueillies auprès des patients. V

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