« Des sacrements crédibles et désirables » Le baptême et la

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« Des sacrements crédibles et désirables » Le baptême et la
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Retour sur la journée d’approfondissement avec le Père Bernard Sesboüé, théologien
- 2ème partie -
« Des sacrements crédibles et désirables »
Le 18 mars 2010, environ 140 personnes ont vécu une journée de formation et de rencontre sur le thème des
sacrements, avec le théologien jésuite Bernard SESBOUE, au Centre Diocésain de Pastorale de ClermontFerrand.
Quelques points d’attention, proposés non pas en guise de transcription des interventions du P. Sesboüé, mais en
manière d’écho ou de synthèse…
Le baptême et la confirmation, sacrements de l’identité chrétienne
La sphère d’expérience concernée dans ces sacrements
Pour le baptême, il s’agit du mystère vital de l’eau. Mystère ambivalent, car si elle est nécessaire à la
vie, l’eau peut être porteuse de mort. Il y a une référence cosmique dans le mystère de l’eau. L’eau est
aussi ce qui lave, purifie. L’Eglise des 1ers siècles quant à elle voyait dans les eaux du baptême une
référence aux eaux « maternelles ».
Le baptême est une plongée et une sortie de l’eau. Lorsque Jésus reçoit le baptême de Jean dans le
Jourdain, toute la symbolique de sa mort et de sa résurrection à venir est présente. La référence du
baptême des chrétiens, c’est ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth.
Dans la confirmation, l’huile, aux symbolismex divers, est le symbole principal. L’huile, c’est à la fois
ce qui pénètre, intériorise et consacre. C’est aussi ce qui guérit (cf le Bon Samaritain) et fortifie (cf
l’image de l’athlète, chez St Paul). L’huile symbolise encore la joie et la fête…
La référence historique est ici aussi celle de Jésus : il est l’oint (Christ) de Dieu… mais pas par de
l’huile ! Jésus est oint par l’Esprit de Dieu.
Le baptisé-confirmé, c’est celui qui participe à l’onction de Jésus-Christ. Il est un « alter Christus » (et
non pas seulement le prêtre !) parce qu’il est pleinement configuré au Christ prêtre, prophète et roi.
Plus largement, chacun des 7 sacrements est une actualisation dans notre vie, sous une forme
particulière, d’un don du Christ. N’est sacrement que ce que le Christ a institué comme don pour son
Eglise. Et celle-ci ne les institue pas elle-même, mais elle les reçoit. L’Eglise est constituée elle-même
par les sacrements et ne peut les inventer.
Le geste du Christ au fondement des sacrements de baptême/confirmation
Jésus a-t-il institué le baptême et la confirmation ? Nous observons un paradoxe : il n’y a aucun geste
ni aucune parole formelle d’institution par Jésus de ces deux sacrements. Dans les évangiles, on ne
trouve que l’adresse finale en Mt 28, 16-20.
Que dire alors d’une « institution » ? Jésus a été baptisé d’eau mais aussi de sang.
Il a reçu le baptême de Jean dans le Jourdain (et le baptême chrétien reste un baptême de pénitence et
pour le pardon des péchés : cf Ac 2, 38). Au cours de cette véritable théophanie trinitaire, cette scène
devient le baptême et la confirmation de Jésus - premier temps de la future Pentecôte.
Mais cela ne suffit pas. « Je dois être baptisé d’un autre baptême… », un baptême de sang, sur la
Croix. C’est Jésus lui-même qui assimile son mystère de mort et résurrection à un baptême. La
voilà, si l’on peut dire, l’institution de ces deux sacrements.
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Et le baptême des Douze ? Les apôtres n’ont pas reçu le baptême chrétien. Leur baptême, c’est le
compagnonnage de Jésus, leur présence à la scène du lavement des pieds, leur participation (faible) au
mystère de la Croix, leur foi renaissante (à la Pentecôte)…
On voit dès lors qu’il n’y a pas lieu de séparer baptême et confirmation. Il faut au contraire souligner
leur complémentarité. Car le mystère pascal va bien de Pâques jusqu’à la Pentecôte. C’est pourquoi
nous disons que la confirmation est le parachèvement du baptême. Ne réduisons donc pas la
confirmation à un sacrement de chrétiens engagés !
Quelle unité/distinction, alors ? Les Actes des Apôtres sont le reflet de situations diverses : on
rencontre par exemple des baptisés qui « ne savaient même pas qu’il y avait un Esprit Saint » ! (Ac 8,
14-17) Il existe donc déjà une distance entre les deux rites… Mais ceci ne suffit pas pour fonder une
séparation entre les deux sacrements.
La séparation viendra pour des raisons pastorales : lorsque, en Occident, l'extension de l’Église dans
les campagnes va empêcher l’évêque de célébrer lui-même tous les baptêmes, les prêtres seront alors
délégués pour les célébrer ; mais l’Occident choisit de réserver la confirmation à l’évêque (pour bien
signifier que c’est lui qui a la responsabilité des sacrements dans son diocèse) : celle-ci est alors
reportée dans le temps jusqu’à une visite pastorale de l’évêque... Et en séparant de plus en plus ces
deux sacrements dans le temps, on va s’interroger de plus en plus sur la signification de la
confirmation. (NB : Les chrétiens orthodoxes peuvent ici nous rappeler des choses importantes : pour
eux, le convive de l’eucharistie, c’est le baptisé-confirmé.) Quoi qu’il en soit, baptême et confirmation
incorporent aussi les chrétiens dans une Eglise concrète, une Eglise locale.
Fondamentalement, l’unité et la distinction entre le baptême et la confirmation est du même ordre
que l’unité et la distinction du mystère de Pâques et le mystère de Pentecôte. Tout comme il y a un
même rapport d’unité et de distinction entre les personnes du Fils et de l’Esprit...
Le baptême nous conforme à la mort et à la résurrection du Christ, la confirmation nous donne la
plénitude de l’Esprit. Baptême et confirmation constituent l’Alliance entre Dieu et les hommes : Dieu
vient à l’homme et propose son Alliance, Il vient pardonner et diviniser, Il vient mettre son sceau...
Cette Alliance nécessite une parole performative du croyant...
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Après un temps d’appropriation en carrefours des deux apports, un grand nombre de questions
a surgi !
Entre autres : Que signifie l’efficacité du sacrement ? Quelle place à la liberté de l’homme ? Qui est à
l’origine des sacrements, Jésus ou Jésus-Christ ? Comment passer de la « théorie » à la pratique ? Quel
est l’agir de Dieu dans le sacrement ? N’avons-nous pas un problème de langage, non adapté ?
Comment gérer le décalage entre ce que propose l’Eglise et certaines demandes en matière de
sacrements ?, etc.
Voici quelques éléments supplémentaires apportés par le P. Sesboüé.
L’origine des sacrements, c’est Jésus et Jésus-Christ. Au regard de l’histoire de l’humanité,
l’événement de Jésus de Nazareth est un événement minuscule de l’histoire, local et passé. Mais c’est
aussi un événement transhistorique, en ce sens que nous y lisons un événement divin, qui franchit les
limites de l’espace et du temps : c’est pourquoi il a valeur et efficacité pour aujourd’hui.
L’agir de Dieu, dans le sacrement, est transcendant ! Nous ne pouvons pas en avoir une
représentation. Cette action transcendante de Dieu, nous ne pouvons la regarder que dans la manière
dont le Christ, image du Père, l’accomplit/l’a accomplie.
L’efficacité des sacrements ne passe pas par la matérialité mais par la signification, à partir de leur
réalité de signe. Dans ce cas, tout ce qui peut valoriser la préparation et la célébration, est bien sûr à
favoriser. Il y a déjà une causalité dans la préparation, car la personne se situe déjà dans la dynamique
sacramentelle. Le geste extérieur va la transformer, car elle se prépare et va vivre ce geste dans la foi.
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Mais la liberté de l’homme, est-elle de peu d’importance ? Pour B. Sesboüé, il n’y a pas de
sacrement s’il n’y a pas de réponse de la foi et de la charité ! Dans le sacrement, un geste de Jésus est
posé sur moi, mais cela ne me dispense pas de la foi - car ce geste est un don. C’est d’ailleurs pourquoi
le baptême des petits enfants a son importance, à côté du baptême des plus âgés, car dans ce cas de
figure, l’accent est mis sur le don gratuit de Dieu, sur le fait que Jésus est bien venu pour tous sans
exception et sans condition.
Une autre question se pose : celle de l’âge « idéal » pour recevoir la confirmation… A cause des
évolutions historiques, la question est devenue pastoralement complexe – et normalement, tout comme
le pratiquent encore les Orthodoxes, c’est le baptisé-confirmé qui est l’hôte de l’Eucharistie. Si la
confirmation n’a pas été donnée pendant l’enfance, que faire ? A l’étonnement des auditeurs, le P.
Sesböué donne pour sa part une réponse claire : pas durant l’adolescence ! Selon lui, il vaut mieux
alors attendre l’âge adulte (ou la post-adolescence), car le jeune adolescent est quelqu’un qui se
cherche dans l’angoisse… et c’est particulièrement difficile pour lui de vivre un engagement.
Cependant, comment juger de la foi des autres ? Pour un pasteur, ce discernement et cette décision
sont redoutables. Comment en effet juger de la vie intérieure réelle d’une personne ? Comment juger si
une demande est en lien avec une foi balbutiante ou si elle est seulement et exclusivement une
demande de « service public » faite à l’Eglise, le besoin d’un rite social ? « Le travail de l’accueil, plus
que nécessaire, ne répond pas à tout »…
Pour B. Sesboüé, nous sommes sur une véritable ligne de crête, et risquons toujours de tomber d’un
côté ou de l’autre : soit du côté d’une trop grande rigueur qui risque « d’éteindre la mèche » ; soit, à
force de toujours accepter, du côté d’une dévalorisation dans la conscience publique de la valeur du
baptême – ou du sacrement en général. « L’Eglise doit-elle se condamner à donner automatiquement
les sacrements ? », demande le P. Sesboüé.
Ceci étant, il est important de ne pas oublier qu’il y a des personnes qui ne savent pas verbaliser leur
foi. Le tout est bien de percevoir une démarche humaine profonde. Alors, il y a une vraie chance pour
la foi !
Quant au « problème de langage », B. Sesboüé propose de le relativiser. Certes, l’Incarnation s’est
réalisée dans un contexte spécifique et en un moment historique précis, et le langage biblique reflète ce
contexte. Mais il ne faudrait pas pour autant transposer tous les termes du Symbole sans vérifier qu’il
y ait vraiment correspondance avec le sens initial. Si le sacrifice peut être compris de manière juste
comme le don de soi, on trouve cependant ce mot à toutes les pages de l’Evangile… qu’en faiton alors ?
Laurence Attenelle