Jacques Delors: « Mon candidat pour la Commission: Pascal Lamy»

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Jacques Delors: « Mon candidat pour la Commission: Pascal Lamy»
Jacques Delors: « Mon candidat pour la Commission: Pascal Lamy»
Béatrice Delvaux
Jacques Delors: « Mon candidat pour la Commission: Pascal Lamy»
Le Soir, 12 octobre 2013
Invité du Grand Oral Le Soir/RTBF, l’ancien président de la Commission européenne donne son
avis sur l’Europe et dévoile le nom de son favori pour reprendre la Commission : Pascal Lamy.
Trois jours pour réinventer l’Europe : c’est ce qui a poussé – encore ce samedi jusque 17H –
plus de 6.000 personnes à se ruer vers Bozar pour participer aux débats multiples, rencontrer
et interpeller des intervenants prestigieux, polémiques, culturels ou politiques.
Ce rendez-vous organisé par le « Nouvel Observateur » en lien étroit avec Le Soir, De
Standaard et la RTBF était placé sous le patronage de Jacques Delors. L’ex-président de la
Commission européenne est un mythe, devenu aussi l’incarnation de cette Europe dont
beaucoup sont orphelins. Jeudi soir, lorsqu’il est entré devant 2.000 personnes sur la scène de
la salle Henri Le Boeuf, l’applaudimat était impressionnant. Le public veut lui dire qu’il l’aime
c’est une évidence. Lorsqu’on lui fait part de cette remarque, il sourit et nous confie que lorsqu’il
se promène dans les rues de Bruxelles – une ville (et un pays) qu’il adore – il est arrêté tous les
deux mètres par des gens qui veulent le saluer, lui dire leur affection.
« Il faut rappeler Jacques Delors », lançait avec force Guy Verhofstadt vendredi soir, à ses
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co-débatteurs et ex-premiers ministres comme lui, italien et espagnol, MM.Monti et Zapatero.
Revenir ? Vous le découvrez à l’écoute du Grand oral, Jacques Delors ne dirait pas non, bien
au contraire, si son âge (88 ans), ne l’en empêchait pas. A défaut d’y aller lui, il donne le nom
de son candidat préféré : Pascal Lamy, qui fut son collaborateur et termine son mandat de
directeur de l’Organisation Mondiale du Commerce. Lorsque nous lui dévoilons le choix de
Delors, Pascal Lamy nous répond, vendredi dans les couloirs du colloque, avec un léger sourire
: « Il y a un lien filial entre lui et moi… »
« Au conseil des ministres européen, c’est le bazar »
« Ils sont 28. Ils veulent tous parler et personne ne prépare vraiment ces discussions. Si par
exemple, il y avait un conseil des ministres des affaires générales et qu’on se mette d’accord
sur le fait qu’on va, par rapport à tel projet, défendre deux ou trois points, alors ça deviendrait
clair. Mais c’est le bazar. Je veux dire qu’il faut donc des méthodes de travail nouvelles. Et
l’idée fausse pour Sarkozy et Mme Merkel à un moment : le conseil européen, c’est eux qui
décident. Enfin,. Ils se réunissent quatre fois par an – les conseils des ministres nationaux
toutes les semaines –, ils vont saisir les problèmes d’une manière géniale ?! Non, la méthode
de travail est contestable ! »
« Mon favori à la prochaine candidature à la présidence de la Commission ? Pascal Lamy »
Jacques Delors refuse de critiquer Manuel Barroso, l’actuel président de la Commission,
pourtant très controversé et souvent accusé de tous les maux qui frappent cette Commission
paralysée. Mais il donne le nom de son candidat favori à ce poste : « On va m’accuser de
favoritisme, mais le meilleur candidat serait Pascal Lamy (actuel directeur de l’OMC) ». « Il fait
peur à certains qui le jugent comme un socialiste devenu libéral, adepte de la mondialisation ?
« Il fait peur aux gens qui aiment se faire peur la nuit ! Qui ont besoin d’un cauchemar chaque
nuit. Ils se le créent eux-mêmes. Dans tout son travail, Pascal Lamy a montré que sur le plan
économique la liberté nécessite des marchés mais nécessite une régulation. C’est d’ailleurs le
type même de l’économie allemande : économie sociale de marché ».
Extrémismes et populismes ? « Tout peut arriver ».
La montée des extrémismes et des populismes en Europe rappellent une période noire de
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l’histoire, peut-on comparer aux années 30 ?
« Tout peut arriver. J’avais 10 ans, en France,. Même pas, j’avais 5 ou 6 ans, mon père était
mutilé de la guerre de 14-18 et j’ai vu les fractions de droite qui arrivaient avec des cannes avec
des clous au bout, etc. Une partie du déclin de la France, dans ma jeunesse, j’ai ressenti ça, est
venu ça. Et donc ça peut revenir, les extrémistes peuvent revenir quand des peuples n’en
peuvent plus ou ne comprennent plus ».
Belgique : « Je suis plus optimiste qu’il y a trois ans »
« Sur la Belgique, je suis plus optimiste qu’il y a trois ans. Les nerfs sont moins à vif qu’il y a
deux-trois ans. Alors, avec les élections, ce qui se passera… mais je reste optimiste quand
même ».
Quand vous entendez la NV-A (qui est le parti nationaliste flamand qui est largement en tête
des sondages) dire que finalement son programme politique peut se résoudre dans l’Europe,
que la Belgique peut se dissoudre un jour dans une Europe des régions. Pensez-vous que c’est
possible ? Les Catalans disent la même chose etc.
« D’abord aucun conseil européen n’acceptera de prendre une décision comme ça »
Donc pour vous c’est impossible que l’Europe valide un jour une séparation du pays ?
« Non. c’est une sorte de fuite en avant. Si ça continue comme ça, les historiens diront en 2040
que le nombre des frontières a été multiplié par deux, le nombre des pays par deux et tout cela
sans que la paix soit venue dans le monde. Il faut faire attention. Nous sommes à un moment
clé de ce point de vue. A force de se replier sur soi, de chercher une identité par agressivité aux
autres, on risque de créer un monde fulgurant, un monde plein de menaces : une poudrière ».
« Les Diables rouges peuvent faire que les gens retrouvent la Belgique. »
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« Peut-être c’est un feu de paille mais je suis absolument – indépendamment que je suis un
supporter acharné de l’équipe –, émerveillé par ce rassemblement autour de cette équipe
nationale. »
Et pour vous, il peut y avoir un sens politique au-delà du simple engouement sportif ?
« Oui, oui. Je pense que cela peut exister. Que les gens retrouvent la Belgique »
« Mon projet pour l’Europe : L’Europe utile ! »
« Moi j’ai un projet. Je vous ai dit : l’Europe utile ! L’Europe utile aujourd’hui. L’Europe est
chamboulée, perturbée et elle manque actuellement d’institutions solides, d’institutions qui
fonctionnent clairement – que les citoyens comprennent – et aussi de visions. Pour les grandes
idées, on n’a qu’à se réunir à quelques uns, élaborer quelque chose et puis l’annoncer, mais la
philosophie ce n’est pas l’urgence ».
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