Apprentissage lecture 1 - Institut Libre de Formation des Maîtres

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Apprentissage lecture 1 - Institut Libre de Formation des Maîtres
Odile BERNARD
Intervention du 17/X/2009
Pour l’Institut Libre de Formation des Maîtres
L’apprentissage de la lecture
I- Introduction :
Savoir lire, écrire et compter est la pierre d’angle de l’édifice scolaire, les fondations
nécessaires à tous les autres apprentissages et études. Ceci depuis l’invention de l’imprimerie
qui a permis la diffusion des livres. Auparavant la transmission des « savoirs » de maîtres à
élèves se faisait oralement. La lecture et la copie des manuscrits étaient réservées à une petite
fraction de la société, les moines, qui dans le silence de leurs monastères, cheminaient dans la
connaissance de Dieu par la lecture et la méditation de l’Ecriture sainte. Cet exercice se
nomme la « Lectio-divina » cf. discours de Benoît XVI aux Bernardins, 13 sept. 2008.
Ainsi le jeune enfant qui rentre « à la grande école » tout fier de son cartable neuf, entreprend
un apprentissage qui sera la clé d’ouverture à tous les autres… d’où le nom de cours
préparatoire donné à la première classe de l’école élémentaire. Il faut donc apporter beaucoup
d’attention et de sérieux à l’enseignement de la lecture.
Pendant des générations cet apprentissage fut considéré comme fondamental et sa méthode
alphabétique comme une référence universelle à tel point que l’on dit couramment pour toute
initiation à une nouvelle discipline : le B.A.BA de la cuisine, aussi bien que du dessin, de la
couture ou de l’informatique. Certaines collections de manuels ne portent pas le titre : ABC
du Bac.
La question de l’enseignement de la lecture et sa pédagogie restent, depuis la seconde moitié
du XXe siècle, préoccupante pour les ministres de l’Education Nationale et pour les
inspecteurs d’académies ; elles furent l’objet de nombreuses réformes… dont les résultats
sont si pitoyables que l’on envisage dorénavant (et jusqu’à… désormais) de commencer cet
apprentissage dès les petites et moyennes sections de l’école maternelle.
On pourra multiplier les observatoires, colloques, centres de recherches et d’innovations dans
ce domaine en vain tant que l’on ne voudra pas utiliser des méthodes qui respectent le mode
de fonctionnement du cerveau.
Nous sommes dans la situation d’un voyageur égaré qui cherchant le Nord s’obstine à
marcher dans la direction du soleil…
II- Brefs rappels :
L’acte de lire nous est si familier et son apprentissage si lointain que nous ne nous rendons
plus compte des procédés et des étapes nécessaires : cf. texte cité par Thérès Kuche dans
« Léo et Léa » le livre du professeur :
« Un jour, il se fit un déclic dans ma tête. Maman avait ouvert sur la table de la
salle à manger la méthode Regimbeau : je contemplais l’image d’une vache et les
deux lettres c, h, qui se prononçaient ch. J’ai compris soudain qu’elles ne
possédaient pas un nom à la manière des objets mais qu’elles représentaient un
son : j’ai compris ce que c’est qu’un signe. J’eus vite fait d’apprendre à lire. »
Simone de Beauvoir
Mémoires d’une jeune fille rangée
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Il s’agit là d’un « enfant surlecteur » expression de M. S. Dehaene dans son ouvrage « Les
Neurones de la lecture » ed. Odile Jabob, 2007 c’est-à-dire un enfant qui trouve lui-même le
code par déduction. Ce type d’élève n’a pas besoin de professeur, mais ce n’est pas le cas
général.
Qu’est-ce que lire ?
C’est associer un son (phonème) à sa représentation graphique (graphème) d’une ou plusieurs
lettres, ex le son o = au = eau un même phonème correspond à plusieurs graphèmes.
Le cerveau gauche travaille toujours de manière analytique en découpant les graphies en
plus petite unité : la lettre. Il la reconnaît grâce à ce qu’il a déjà appris, puis il procède par
essais d’assemblages jusqu’à ce qu’il trouve une solution connue et reconnue qui ait du sens
sachant que sa mémoire de travail est courte 2 ou 3 signes à la fois. Notre cerveau ne lit
jamais de manière globale simplement un cerveau exercé à la lecture procède très rapidement
dans les différentes étapes du décodage. Ce sont les recherches menées grâce aux IRM qui ont
pu mettre en évidence les parties du cerveau mises en action dans l’exercice de la lecture et
leur mode de fonctionnement.
Le cerveau a donc besoin de 2 compétences :
1- la reconnaissance et la discrimination des sons ;
2- la perception et la reconnaissance des formes et leur orientation dans l’espace
(b / d / p / q // e / a, // m / n // s, z //) ;
3- puis la maîtrise de la reproduction des formes pour l’apprentissage de l’écriture.
Ainsi donc on comprend que pour qu’un enfant qui a envie de lire puisse y parvenir il faut
qu’il ait la maturité nécessaire c’est-à-dire les prérequis, la compétence.
C’est le travail des classes maternelles qui favorise l’éveil des sens, les capacités de
discrimination, de tri, de mémorisation mais aussi la latéralisation, le développement du
langage et de l’habileté manuelle qui sera nécessaire au graphisme, cf. Ghislaine WettsteinBadour, ed. Eyrolles, 2006 « Bien parler, bien lire, bien écrire ».
On dit couramment d’un enfant qui perd sa première dent de lait qu’il est en mesure
d’apprendre à lire. En effet, il franchit une étape, il quitte la petite enfance pour acquérir une
plus grande autonomie.
Selon les civilisations les enfants étaient éduqués de différentes manières, mais on rencontre
fréquemment un passage entre 6 et 8 ans où l’enfant quitte sa mère (ou sa nourrice) pour être
confié à d’autres maîtres notamment chez les Romains, on le voit aussi dans l’éducation des
futurs chevaliers.
Pour grandir, devenir autonome l’enfant a besoin de repères pour structurer son intelligence.
Rappelons-nous l’étymologie de « éduquer » e-ducere, conduire vers l’extérieur.
L’apport des Neurosciences met en évidence les différentes parties du cerveau qui travaillent.
L’hémisphère droit est le siège des perceptions sensorielles, des émotions, c’est lui qui
reconnaît les formes et les couleurs mais quand un signe graphique est un symbole ou un
code c’est l’hémisphère gauche du cerveau qui l’analyse et prend le relais.
Aussi quand on oblige les enfants de petite et moyenne section de maternelle à reconnaître
leur nom d’après la silhouette du nom c’est un apprentissage global. D’ailleurs l’enfant ne lit
pas il dirait aussi bien son nom si on intervertissait une lettre ex : caroline/coraline. Pour bien
comprendre il est très utile de relire avec attention le document de Mme G. Wettstein-Badour
du 01/10/2009, Lecture et Ecriture à l’école maternelle.
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III- Les différents moments d’une leçon
1- Présentation :
La petite histoire vivante, brève, contenant de nombreuses répétitions ou allitérations de la
lettre ou du son nouveau aide l’enfant à se souvenir. Beaucoup de méthodes proposent des
comptines pour chaque son étudié cf. documents joints : Léo et Léa mais chaque enseignant à
ses propres goûts littéraires.
On peut avoir une image référent : ch de cheval/ou ch ch bruit du train ; f de feu ou ff du
vent ; c de coq.
Histoire, image, mots référents, un geste sont des repères qui aident l’enfant à mémoriser.
Ecrire la lettre dans les deux écritures celle du livre et celle du cahier. L’introduction des
2 majuscules d’imprimerie et cursive est, en début d’année, une surcharge qui troublent ceux
qui ont plus de mal, ex : d, d la partie ronde est à gauche, D, D, la partie ronde est à droite.
Quand on aborde les sons complexes le mot de référence est très utile o de rose, au de jaune,
eau de château ; er de clocher, ez de nez, et de poulet, ai de maison, ei de reine, etc.
Sans tomber dans une dérive trop théâtrale ou l’importance de la forme éclipserait le fond.
L’enthousiasme et la conviction du maître dans la présentation suscitent et captive l’intérêt
des jeunes auditeurs. Il est bienvenu de varier le mode de présentation tout en respectant la
progression logique et structurante de la leçon.
2- Discrimination auditive – écoute du son :
Il est important que l’enfant prononce bien le son. Il faut bien expliquer comme on place
sa langue, ses lèvres et faire sentir où se forme le son sur les lèvres « f », au fond de la bouche
« c », au fond de la gorge « g ».
Signalons : La méthode « Apprendre à lire avec Sami et Julie » de G. Flahault-Lamorère,
orthophoniste et A. Cecconello qui montrent avec beaucoup de schémas très utiles comment
se prononcent les lettres.
On peut proposer différents exercices oraux assez vivants. On s’arrangera pour que chaque
enfant participe à son tour.
a) proposer des mots : les enfants disent s’ils entendent ou non le son. On peut procéder
comme à « Pigeon vole » ;
b) repérer si le son est au début ou à la fin du mot puis dans quelle syllabe on entend le
son ;
c) plus tard donner une syllabe « car » et chercher des mots qui commencent par car puis
des mots qui finissent par « cre ».
3- Discrimination visuelle : dans les deux écritures minuscule d’imprimerie, minuscule
cursive.
Il s’agit de repérer la forme de la lettre
c o e r s c n c u,
cesocxvrc
roc, sac, col, lac
calcul, cocorico, éric
même si on ne peut encore lire tous les mots.
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4- Lecture assemblage consonne-voyelle
On peut utiliser 2 couleurs : rouge pour les voyelles bleu ou blanc pour les consonnes.
c
a
o
u
c
la
lo
lu
le
li
a
é
i
o
u
c
puis lecture de syllabes
ca – co – cu, ac, ic, oc, uc, éc
cla – cle, cli, clo, clu, clé
puis des mots
col, lac, école, luc, cave,
puis de phrases
luc va à l’école
il a vu le sac
5- La fiche d’exercices écrits
Permet d’utiliser, d’assimiler ce que l’on vient d’apprendre. Il faut proposer plusieurs
exercices mais ne pas exiger que l’enfant plus lent ou qui a des difficultés fasse tout. Les
fiches doivent être claires.
6- 2e leçon
-
faire redire l’histoire,
-
faire montrer le nouvelle lettre,
-
lecture au tableau ou sur le livre de syllabes,
-
donner du sens aux syllabes,
oc – comme roc, occuper
cal comme calcul, caler, décalquer,
car ne l’oublions pas la lecture est au service du sens.
7- Dictée de syllabes, mots courts
Plus tard de courtes phrases avec de petites lettres mobiles :
-
écoutez la syllabe ;
-
faites le geste ;
-
écrivez prendre les lettres et les placer sur la table.
Cela oblige l’enfant à sortir et assembler les lettres l’une après l’autre de gauche à droite.
Il est plus commode de corriger.
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On peut transformer les mots écrits, ex. : rusé, rosé, rasé, lac, bac, sac.
Ranger les lettres soigneusement : tous les « a », tous les « e ».
8- Lecture sur un livre
Règle ou signet cartonné pour suivre et changer de ligne.
9- 3e lecture à la maison
Et le lendemain matin en classe : lettres, syllabes, mots, courtes phrases. Si possible une
petite phrase différence pour chacun.
10- Révisions et petit contrôle après l’étude de 4, 5 ou 6 lettres apprises. On peut
s’inspirer d’exercices d’autres manuels pourvu qu’il n’y ait aucune lettre, ni aucun mot qui
n’ait été appris.
11- Fréquence des apprentissages :
pour les voyelles 1 par jours ;
pour les consonnes nous restons 2 jours sur une lettre ;
Beaucoup de livres présentent 2 ou 3 sons sur une même page :
un, in, ain, ein,
ien, oin
ai, ei, et, er
C’est trop, il faut morceler, et pour cela, créer des fiches intermédiaires.
La prudence demande d’aller assez lentement plutôt que d’avancer trop vite et
s’apercevoir que les enfants confondent.
12- Lors de révisions ou le 2e jour d’étude d’une lettre ou d’un son on peut inventer ou se
servir de jeux de lecture.
cf. 70 activités pour un apprentissage efficace de la lecture de Françoise Bellanger,
editions Retz en choisissant ce qui respecte un apprentissage alphabétique de la
lecture.
13- Jeux collectifs :
Chapi – chapo. Chaque enfant a un mot ou une étiquette représentant un objet (château,
chaussette, savon, …
et doit venir le déposer dans le chapo si on entend ch.
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le corbillon : on fait passer un petit panier, celui qui l’a en main dit je mets dans mon
corbillon un lion ou autre mot se terminant par on.
-
Coucou, hibou et chacun trouve un mot en ou etc.
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14- Activités individuelles
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Dictées muettes de la pédagogue Montessori permettent de renforcer l’assimilation
des sons et aussi à ceux qui sont plus rapides d’aller de l’avant.
-
Former des mots avec des petits cartons sur lesquels sont écrits des syllabes
ex. : car – ta – ble
-
Former des phrases avec des étiquettes sur lesquelles sont écrits des mots.
ex. : chat
petit
chasse
le
souris
les
15- La répétition : fastidieuse pour l’adulte indispensable pour tout apprentissage : que
ce soit en sport ou en musique, il en va de même pour la lecture. Les exercices
répétitifs permettent de mémoriser, d’assimiler. Les connexions neuronales se font
plus rapidement et le déchiffrement devient plus rapide, la lecture plus courante.
16- Parmi les outils pédagogiques utilisés
L’emploi du geste utilisé par la pédagogie Jean Lui Rils et les méthodes de lecture
s’appuyant sur les travaux et découvertes de Madame Borel Maisonny – qui est à
l’origine de la profession des orthophonistes est une aide précieuse.
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car le geste oblige l’enfant à déchiffrer une lettre après l’autre ;
-
le geste engendre l’activité cérébrale ;
-
Il constitue une mémoire de plus et aide l’enfant à retrouver le son signifié par la
lettre ou l’inverse.
Ce geste qui accompagne l’enfant dans son apprentissage n’et pas le langage des signes
propres aux sourds-muets. C’est une approche sensorielle, une mémoire du corps qui
permet aux enfants plus « kinestésiques » de réussir aussi bien que l’enfant «visuel »,
« auditif » ou « audiovisuel ».
Pourquoi toutes ces techniques ? Parce que les enfants ont plus de mal à intérioriser, à
passer à l’abstraction qu’auparavant. Aussi se sert-on davantage des canaux sensoriels
pour éveiller l’intelligence (lire à l’intérieur), parvenir à se représenter mentalement et à
comprendre (prendre avec soi, s’approprier) assimiler, pénétrer le sens des choses.
« invibilia per visibilia » aller à l’invisible par les « choses » visibles.
Ce long exposé un peu technique, a pour but de montrer toutes les étapes logiques et
progressives de l’apprentissage matériel, du décodage, du déchiffrement exact, préalable
à la lecture qui est la compréhension.
Les défenseurs des méthodes globales ou abusivement appelées analytiques qu’ils partent
du texte et vont tout de suite au sens. Mais comment accéder au sens d’un texte
indéchiffrable. C’est mettre les enfants dans la situation de Champollion alors qu’ils n’en
ont pas encore la maturité ni la culture.
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