COP 22 : Avis de tempête sur le climat, les états doivent être encore

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COP 22 : Avis de tempête sur le climat, les états doivent être encore
COP 22 : Avis de tempête sur le climat, les états doivent être encore
plus fermes dans leur ambition
Présente à Marrakech, la Fondation Nicolas Hulot décrypte chaque jour
les négociations à travers sa météo du climat
2016 est l’année la plus chaude jamais enregistrée, avec son lot morbide
d’évènements
climatiques
extrêmes
et
leurs
conséquences
humanitaires. 2016 est aussi marquée par deux événements : l'entrée en
vigueur avec une rapidité remarquable de l’Accord de Paris et l’élection
d’un président climato-sceptique à la tête des Etats-Unis. A Marrakech,
la COP 22 entre ainsi dans une zone de turbulence. Côté méthode et
calendrier, les 108 pays qui ont ratifié l’accord sont dans un brouillard qui
risque de persister. Côté pays du Sud, l’orage menace à nouveau sur les
financements climat et la place de l’adaptation... Deux conditions pour
retrouver la stabilité et peut-être un anticyclone : les états doivent être
encore plus fermes sur leur ambition, se préparer à la relever dès 2018
et accélérer dans la transition vers une économie neutre en gaz à effet
de serre à horizon 2050 & les pays développés doivent concrétiser leurs
promesses de financement, notamment en augmentant leurs dons pour
l’adaptation des pays du sud. Le soleil qui brille sur des énergies
renouvelables toujours plus compétitives devrait les inciter à franchir le
pas.
Du brouillard jusqu’en 2018 ?
Alors que 108 pays ont ratifié l’accord de Paris, la COP22 va inaugurer
la 1ère réunion ministérielle (« CMA ») de l’accord de Paris, à l’ordre
du jour : agenda, calendrier, et modalités de mise en oeuvre de l’accord
de Paris. Si les pays sont encore divisés sur la méthode, ils sont
d’accord pour faire de la COP 24 en 2018 le prochain grand rendez-vous
politique pour aller plus loin avec un accord de Paris pleinement
opérationnel d’ici là.
En ce qui concerne les contributions nationales (NDC), il s’agit de
définir les règles qui s’appliqueront et le calendrier pour y arriver. Il serait
important que les états s’engagent sur des cycles d’action de 5 ans et
précisent les volumes financiers mobilisés et leurs stratégies
d’adaptation. Malheureusement certains pays, comme l’Arabie Saoudite,
bloquent l’adoption de nouvelles règles.
A Marrakech, les pays devaient définir les modalités du bilan
intermédiaire et dialogue facilitateur de 2018, pour en faire un
véritable moment politique, suffisamment puissant pour réviser les
copies des Etats et accélérer le passage à l’action. Discussion qui n’aura
pas abouti entre négociateurs et se poursuivra sous la responsabilité des
présidences et des ministres.
Des orages sur les financements climat et l’adaptation
Sur financements, les pays donateurs ont récemment démontré via des
projections OCDE qu’ils seraient en capacité d’atteindre 100 milliards de
dollars en 2020. Mais comme lors de la COP 21, la méthode comptable
interroge les ONG et ne fait toujours pas consensus dans les pays en
développement. Ils projettent un doublement des financements pour
l’adaptation d’ici 2020 mais ces chiffres ne sont pas consolidés, peu
décaissés sous forme de subventions et ne priorisent pas assez les pays
les plus fragilisés et pauvres (PMA). Cela reste insuffisant pour tendre
vers l’équilibre visé par l’Accord de Paris et les pays en développement
demandent un quadruplement d’ici 2020 des fonds pour l’adaptation.
Pour la FNH, la France doit prendre sa part et concrétiser une
augmentation de ses financements à l’adaptation sous formes de dons.
Sur l’adaptation, la tension est forte avec plusieurs sujets de
crispation:
• Les pays bailleurs vont ils se décider à recapitaliser le Fonds pour
l’Adaptation à hauteur de 80 millions de $ pour 2017 ?
• Comment atteindre ENFIN l’équilibre entre financements adaptation et
atténuation établi par l’Accord de Paris, à quelle échéance ?
• Comment communiquer sur ces efforts supplémentaires en matière de
financement de l’adaptation ?
• Quelle approche sur l’agriculture ? Les pays du Sud veulent prioriser
l’adaptation des pratiques et la sécurité alimentaire quand les pays
développés ont la mauvaise idée de prioriser les agro-carburants
avec tous les problèmes que cela pose.
Des éclaircies attendues de la France sur la relève de son ambition et
ses objectifs à horizon 2050 ?
La présentation par l’Allemagne de son plan à 2050, les annonces de la
Chine assurant de sa publication rapide d’un exercice similaire montrent
que les Etats du G7 se préparent à honorer leur promesse de publier
une feuille de route à horizon 2050 compatible avec l’objectif des 2°C
tandis qu’une plateforme 2050 sera lancée en fin de semaine. La FNH
attend de la France qu’elle s’engage à son tour dans cet
exercice. Actuellement, la France s’appuie sur la loi sur la transition
énergétique à horizon 2030, la PPE et la SNBC (-75% "Facteur 4 » à
horizon 2050, -40% 2030 et des budgets carbone jusqu’en 2028, révisés
tous les 5 ans). Ensemble, ces documents de planification représentent
des avancées importantes mais ne sont pas suffisants pour respecter
l’objectif fixé dans l’accord de Paris d’atteindre la neutralité en émissions
de gaz à effet de serre dans la 2ème moitié du siècle et ne permettent pas
d’aborder les grandes mutations industrielles et sociales nécessaires.
Une problématique illustrée par le récent fiasco sur la mise en oeuvre
d’une taxe carbone sur la production d’électricité à partir de
charbon. Quand la France se décidera-t-elle à envisager
sérieusement la fermeture de sites et créer les outils adaptés pour
assurer une transition juste ?
Commerce et climat en attendant le dégel
Faire le lien entre le commerce et lutte contre le réchauffement
climatique est fondamental pour réussir à mettre en place l’Accord de
Paris. Dans un sens, le commerce doit faciliter, entre parties de l’Accord
de Paris, le déploiement des technologies utiles et les investissements
dans les énergies renouvelables et discriminer les produits polluants et
les énergies fossiles notamment les plus émettrices comme le pétrole
issu des sables bitumineux. Dans l’autre, ceux qui remettent en cause la
réussite de l’Accord de Paris pourraient être sanctionnés
commercialement. C’est pourquoi l’UE doit revoir de fond en comble sa
politique commerciale et arrêter de négocier et signer des accords
commerciaux aveugles aux enjeux du 21ème siècle. Le CETA en est le
parfait exemple. Quand le commerce redeviendra-t-il un moyen servant
des objectifs plus élevés comme la protection des écosystème, la lutte
contre le réchauffement climatique et la protection des droits humains et
non plus une fin en soi ?
Plusieurs rapports sont publiés aujourd’hui :
• un pré-rapport de l’Organisation Météorologique Mondiale, qui devrait
qualifier 2016 d’année la plus chaude jamais enregistrée avec une
température 1,2°C au dessus de la moyenne de l’ère pré-
industrielle. Un rappel de l’urgence à agir d’autant plus qu’il fait le
lien avec les évènements climatiques extrêmes qui ont jalonnés
l’année. Rappelons que l’ouragan Matthews a fait plus de 500
morts à Haïti.
• un rapport du Global Carbon Project qui établit la relative stabilité des
émissions de GES en 2016 et la décorrelation apparente entre
GES et croissance au niveau mondial. Pour autant, les Etats ne
sont toujours pas sur un chemin compatible avec l’objectif de rester
bien au dessous des 2°C.
• un rapport de la Banque Mondiale sur le lien entre pauvreté et
catastrophes naturelles