Emmanuelle LABORIT

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Emmanuelle LABORIT
 Anthropologie du Handicap et Éducation Inclusive DOSSIER « LE CRI DE LA MOUETTE » Emmanuelle LABORIT Renaud Julie N°étudiant : 2081210 Troisième année Education et Langage Année Universitaire 2010/2011 Université Lumière Lyon 2 Sommaire : Introduction_____________________________________________________________________ 3 I. Contraintes et Obstacles ____________________________________________ 4 1.1 Contraintes Médicales__________________________________________________________________4 -­‐ Diagnostics et Appareillages -­‐ Oralisation 1.2 La scolarité______________________________________________________________________________5 -­‐ Système scolaire -­‐ Professeurs/Élèves -­‐ Communication 1.3 Entourage Familiale____________________________________________________________________6 -­‐ Annonce du handicap et réactions -­‐ Attentes, Désillusions et Communication 1.4 Contraintes Sociales____________________________________________________________________7 -­‐ Relations et Communication -­‐ Le Rejet 1.5 Contraintes Psychologiques___________________________________________________________8 -­‐ Solitude et Peur -­‐ Construction Identitaire -­‐ Incompréhension et Impuissance II. Ressources et Facilitateurs_________________________________________ 9 2.1 Entourage Familiale____________________________________________________________________9 -­‐ Parents et Entourage -­‐ Marie : un lien unique 2.2 Washington et Système de communication_________________________________________10 -­‐ L’IVT et la Langue des Signes -­‐ Découverte de Washington 2.3 Ressources Matérielles et Sociales__________________________________________________12 -­‐ Le minitel -­‐ Amis et Intégration 2.4 Potentiels Personnels_________________________________________________________________13 -­‐ La Volonté -­‐ Le Baccalauréat -­‐ Une Militante -­‐ Le Théâtre -­‐ « Le cri de la mouette » Conclusion______________________________________________________________________16 Citations________________________________________________________________________ 17 2 Introduction En 1994, Emmanuelle LABORIT écrit avec la collaboration de Marie-­‐Thérèse CUNY, un ouvrage autobiographique : Le cri de la mouette. Ce livre fut traduit en neuf langues. Le titre du livre s’explique par le fait qu’enfant, Emmanuelle poussait des cris, ce qui entraînera un surnom : « la mouette ». En effet, Emmanuelle ne s’entendait pas : elle est née sourde profonde de naissance en 1972. Ce ne sera que vers l’âge de 7ans, qu’elle découvrira la langue des signes. À cette époque, cette langue est interdite en France. Malgré tout, un nouvel avenir apparaît, un nouveau monde s’ouvre à elle. L’adolescence fut un moment très difficile, mais Emmanuelle a su réagir. Une lutte acharnée et une immense volonté la conduisent à de grandes victoires sur elle-­‐même et sur la vie. Durant toute son enfance et adolescence, Emmanuelle LABORIT a du affronté une multitude d’obstacles. La société, dans les années 1980, n’est pas prête à accepter les différences et tente par tous les moyens (médicaux, scolaires, etc.) de cacher les handicaps, en essayant de faire entrer ces personnes dans leur monde entendant. Emmanuelle va tenter d’essayer de faire comprendre à la population que la langue des signes est un langue à part entière, qui permet la communication entre des être humains et qui de ce fait, a le droit d’exister légitimement. Dans ce dossier, je m’attacherai dans un premier temps à analyser contraintes et les obstacles qu’a rencontré Emmanuelle puis, dans un second temps, je me pencherai avec précision sur les ressources et facilitateurs. 3 I. Contraintes et Obstacles 1.1 Contraintes Médicales • Les Diagnostics et Appareillage La surdité d’Emmanuelle LABORIT n’a pas tout de suite été diagnostiquée. C’est son oncle qui, pour la première fois, a dit : « Emmanuelle crie parce qu’elle ne s’entend pas ». Personne ne voulait y croire, ni même le pédiatre. Ce n’est qu’à neuf mois qu’un spécialiste a prononcé les mots « née sourde profonde ». Dès lors, les médecins ont garanti qu’Emmanuelle parlerait un jour, sous réserve d’appliquer rigoureusement leurs consignes. Une rééducation orthophoniste fut donc mise en place ainsi que l’utilisation d’un appareillage. Il était également interdit de pratiquer le langage gestuel et de rencontrer des personnes sourdes car les parents auraient été déçus et choqués de constater qu’ils ne parlent pas. Toutes ces recommandations ont eu un lourd impact. En effet, les médecins ont cherché à intégrer Emmanuelle dans un monde entendant, en essayant par tout les moyens de la rendre la plus « entendante possible ». • Oralisation A cette époque, en France, la langue des signes était très peu connue et interdite. Les enfants sourds devaient porter un appareillage et pratiquer le plus possible l’oralisation. C’est ainsi que l’orthophoniste tenta de faire apprendre à Emmanuelle un maximum de syllabes et de mots. Cette pratique demande de gros efforts : elle consiste à répéter sans cesse les mêmes mots alors que bien souvent, les enfants n’en comprennent pas le sens. Durant toute sa scolarité, les professeurs ont également mis en avant cette démarche : interdiction des gestes au profit de l’oralisation. Cette pratique a eu des effets négatifs sur la scolarité des enfants car très peu arrivent à lire sur les lèvres et oraliser tous les mots. 4 1.2 La Scolarité • Système scolaire En maternelle, Emmanuelle était dans une école dite « normale ». Elle était cependant complètement mise à l’écart. La maîtresse, sans doute par manque de connaissances et d’informations, la laissait seule, sur une table au fond de la classe, à dessiner. Les dessins étaient son seul moyen d’expression : ils remplaçaient la communication. Ce n’est que vers l’âge de cinq ou six ans que Emmanuelle va intégrer une école avec des enfants sourds. Les classes sont oralistes. Elle n’est plus isolée mais l’apprentissage demeure difficile et ne peut se baser que sur des images. La compréhension des paroles prononcées par la maîtresse reste très limitée. A l’âge de onze ans, Emmanuelle réussit son examen d’entrée dans un collège, mais on ne l’accepte pas : «Votre fille est sourde profonde, c’est impossible». Cette injustice profonde sera perçue comme un acte de racisme. Pour continuer ces études, Emmanuelle devra donc aller à Paris car il y a des cours spécialisés, mais où la encore, la langue des signes est interdite. Il faut donc lire sur les lèvres et parler. A treize ans, Emmanuelle se révolte. Elle ne supporte plus de ne pas pouvoir signer en classe, de devoir cacher sa surdité. La réalité de ce monde la dégoute, elle ne veut plus travailler. Je pense qu’il est également utile et nécessaire de préciser dans cette partie sur le système scolaire que, en France, à cette époque (autour des années 90), l’éducation pour les sourds s’arrêtait au Baccalauréat. Même si quelques uns parvenait à aller à l’Université, le travail se voyait être multiplié par dix et une tierce personne était nécessaire. Tout cela montre bien les nombreux obstacles et surtout les nombreuses failles du système scolaire de l’époque. • Professeurs/Élèves Emmanuelle n’aime pas les maitresses d’écoles. En effet, beaucoup d’entre elles souhaitent faire ressembler les enfants sourds aux enfants entendants, en les empêchant de signer. Il y a donc obligation d’oraliser alors que les enfants ne comprennent pas ce que l’on dit en classe. Cette interdiction persistera jusqu’en 1991. Emmanuelle a le sentiment de devoir cacher sa surdité. De plus, le rapport avec les enfants entendants est très difficile. Même si la petite fille faisait des efforts pour parler, 5 les autres enfants riaient et se plaignaient de ne rien comprendre. C’est à partir de là que Emmanuelle a éprouvé un sentiment de colère pour les entendants : la plupart d’entre eux ne cherchaient pas à faire des efforts et la démarche devait toujours venir d’elle. • Communication « Jusqu’à l’âge de 7 ans, il n’y a pas de mots, pas de phrases dans ma tête. Des images seulement ». Emmanuelle avait un réel désir de communication mais elle ne pouvait s’exprimer. Pendant très longtemps, elle n’a pas compris pourquoi elle ne parvenait pas à se faire entendre, pourquoi elle, elle était différente. En l’absence de mots et de structuration de la pensée, elle n’avait aucune notion de la temporalité, de l’individu… Tout cela a participé à son exclusion. Au collège et lycée, elle se révolte et ne comprend pas cette interdiction de la langue des signes. Les professeurs s’obstinent à parler et les élèves ne disent rien, ne connaissant même pas cette nouvelle langue. Cette interdiction de s’exprimer et de communiquer par les signes affectera énormément la jeunesse d’Emmanuelle. Une révolte, mêlée à une crise d’adolescence se manifestera. 1.3 Entourage Familiale • Annonce du handicap et réactions « Le choc a été rude ». En effet, ses parents n’ont pas tout de suite admis la situation de handicap dans laquelle se trouvait leur fille. C’était tout simplement impossible : ils était dans une phase de sidération. Après avoir consulté plusieurs spécialistes, dans l’espoir d’un autre diagnostic, ils furent confrontés à la réalité : leur fille était « née sourde profonde ». De cette conclusion s’en est suivit beaucoup d’interrogations : Pourquoi nous ? ; D’où vient cette malédiction ? ; Est-­‐ce l’hérédité génétique ?... Ils se sentaient coupables et culpabilisaient. À la suite de cette annonce, la deuxième phase est alors apparue : l’impuissance. Ils étaient en état de choc et ne savaient plus quoi faire, ni même comment jouer avec leur fille. • Attentes, Désillusions et Communication La mère d’Emmanuelle a fait son deuil et a su créer un lien, une communication différente avec sa fille. Cependant, le père s’est longtemps senti exclu. Il ne comprenait 6 pas le rapport mère-­‐fille qui les unissait. Tout échange était incompris entre le père et sa fille. « Mon père a longtemps gardé l’espoir de me voir m’éveiller d’un long sommeil ». Il y a donc eu une véritable souffrance et de nombreuses désillusions. Ce père, qui rêvait tant de partager sa passion pour la musique, se voit devoir réadapter ses attentes vie à vie de son unique enfant. Plusieurs scènes de disputes, liées aux problèmes de communication, ont eu lieu entre Emmanuelle et son père. 1.4 Contraintes Sociales • Relations et Communication Jusqu’à l’âge de 7ans, Emmanuelle n’avait pas encore de réel système de communication. Sa mère était la seule personne avec qui elle réussissait à communiquer. Celle-­‐ci ne lui interdisait pas de faire des gestes. C’est à partir de là qu’un système de communication est né entre la mère et la fille. Ce langage était très réduit : ils s’agissait de gestes imaginés, une sorte de « code ombilical ». La communication d’Emmanuelle reposait donc uniquement sur le contact avec sa mère. Pour entrer en contact avec elle, la petite fille devait lui tirer les manches, lui tourner la tête, dans l’espoir que sa mère communique et lui explique au mieux les discussions des entendants. La mère fut également pendant longtemps l’intermédiaire entre le père et sa fille. Emmanuelle et son père ont beaucoup souffert du manque de compréhension et communication. Cet obstacle ne se limitait pas seulement au cadre familial, mais à toute personne souhaitant entrer en contact avec Emmanuelle. • Le rejet Les réunions de famille ou d’amis étaient des moments particulièrement difficiles pour Emmanuelle. Elle se sentait exclu. Beaucoup de bouches bougeaient, sans qu’elle ne puisse en comprendre le sens. De plus, sa mère étant occupée à table, elle perdait toute communication. À de multiples reprises, elle allait tirer le bras de sa mère, pour qu’elle ne l’oublie pas. Bien souvent, la petite fille partait s’isoler dans une autre pièce. Un rejet est également apparu à l’adolescence. Emmanuelle, en pleine période de crise, avec une volonté de liberté, s’est sentie profondément rejetée par ce monde entendant. Elle et ses amis, également atteins de surdité, ne se mélangeaient pas et ne 7 communiquaient pas avec les entendants. Ils se sentaient rejetés. Plusieurs scènes illustrent bien ce propos : leurs réunions en petit groupe dans un fast-­‐food où le directeur les prie de partir ou bien le différent avec la police où celle-­‐ci fait semblant de ne pas les comprendre et les enfermera pour une garde à vue. Nous pouvons même mentionner les hommes malhonnêtes qui ont cherché à profiter d’elle, pensant qu’elle ne pourrait rien dire étant donné sa situation de handicap… Toutes ces épreuves ont contribué à enrichir, chez l’adolescente, une haine et révolte pour ce monde d’entendants. 1.5 Contraintes Psychologiques • Solitude et Peur Le silence fait partie du quotidien d’Emmanuelle. « Le silence a donc un sens qui n’est qu’à moi, celui de l’absence de communication ». Quand la petite fille devait rester seule le soir à la maison, le silence, la peur et les angoisses l’envahissaient. Le noir était pour elle synonyme de non-­‐communication, de silence, créant ainsi une panique. En effet, Emmanuelle se sert de ses yeux pour tout voir, tout maîtriser. Dès lors que le noir s’installe, il engendre une perte de contrôle. Ne pouvant pas exprimer et expliquer ses peurs, cela créait chez elle des véritables angoisses. Elle ne manque pas de préciser, dans son livre, que l’on ne doit jamais laisser seul, le soir, un enfant sourd. Au delà de l’angoisse de la solitude et du silence, Emmanuelle a pendant très longtemps eu peur de la mort. Ce mot était pour elle très mystérieux : elle n’en connaissait pas le sens, mais elle avait malgré tout compris que son chat ne reviendrai plus, que c’était fini. De cette constatation en est apparue une hypothèse : Je suis la seule à être différente, je ne grandirais donc pas et je vais bientôt finir et partir. Emmanuelle, jusqu’à l’âge de 5ans, n’a jamais rencontré d’adultes sourds. Elle croyait donc que les enfants sourds restaient petits toute leur vie et mourraient. C’est ainsi qu’elle a généré cette peur de la mort qui ne disparaîtra que vers l’âge de 7ans. • Construction Identitaire Emmanuelle a mis beaucoup de temps à comprendre qui elle était. Lorsqu’elle a compris que Emmanuelle, c’était elle, elle a enfin pu réaliser qu’elle avait une existence, avec un passé, et devant elle, un futur. Ces notions, qui paraissent d’une grande simplicité, 8 apparaissent comme un véritable obstacle lorsque la communication est impossible. Grâce à la langue des signes elle apprendra énormément, mais à l’adolescence, tout bascule. Emmanuelle se cherche et va tester ses propres limites. Elle repousse ses parents et se construit à l’aide de ses amis. Elle est en pleine révolte, une révolte contre ce monde imparfait et si peu tolérant, dans lequel elle se sent si mal. Cette crise s’achèvera à l’âge de 17ans, avec une réelle prise de conscience. • Incompréhension et impuissance Durant sa jeunesse, Emmanuelle s’est heurtée contre de nombreux « murs », le plus souvent à cause de l’incompréhension et du manque de connaissances des gens. Le système scolaire a été le plus gros obstacle dans lequel elle fut impuissante. Il est très difficile pour une petite fille d’essayer de lutter contre un système qui refuse tout dialogue et toute nouveauté. Le plus souvent, on l’a empêchée d’exprimer son mécontentement et ses idées. L’incompréhension ne se limite malheureusement pas à cela. En effet, la population des entendants, par peur le plus souvent, repousse les personnes différentes et refuse le contact. Bien souvent, elle et ses amis se sont vus prier de partir. Les gens ne comprennent pas, ne savent pas et cela suscite en eux de la peur. Face à ces réactions de masses, Emmanuelle est impuissante. Le monde est imparfait. Il reste de nombreux efforts à fournir pour espérer une égalité et un échange entre entendants et sourds. C’est par la lutte, l’information et la diffusion que les choses pourront avancer progressivement. En attendant, de nombreuses personnes en situation de handicap ont souffert de cette incompréhension, en étant le plus souvent impuissant face à tant de problèmes. II. Ressources et Facilitateurs 2.1 Entourage Familiale • Parents et Entourage Emmanuelle ne manque pas de préciser, tout au long de son livre, la chance qui lui a été donnée d’avoir des parents qui l’ont toujours soutenue. Le choc de l’annonce du handicap passé, ses parents se sont montrés très ouvert. En effet, le langage des signes était interdit mais malgré tout, ils ont été près à voyager pour trouver une solution et 9 une aide pour leur fille. Ils ont fait le sacrifice de laisser leur bébé, Marie, aux grands-­‐
parents afin de tenter une nouvelle forme de communication avec leur fille. Leur investissement fut total : tous deux apprirent la langues des signes, en deux ans, par amour pour leur fille et pour l’épanouissement familial. De plus, après le voyage à Washington, le père d’Emmanuelle, psychiatre, a décidé de s’occuper de personnes sourdes en ouvrant pour la première fois des consultations en langue des signes. Leur soutien fut aussi financier. Ils n’ont jamais hésité à offrir à Emmanuelle des choses permettant sont épanouissement. En effet, par amour pour leur fille, ils ont payé le voyage, les écoles spécialisés, les appareillages, les médecins, des cours par correspondance, mais aussi le minitel, qui à cette époque revenait très cher. Au delà de l’aspect matériel et de l’investissement personnel, ils ont toujours soutenu Emmanuelle, même dans les moments les plus critiques, lors de l’adolescence. Que se soit des engagements politiques à sa réussite théâtrale, ils ont toujours été très fiers de leur fille et ils ne manquaient pas de lui dire. • Marie : un lien unique Marie est née quand Emmanuelle avait 7ans. Au fil du temps, la relation entre les deux sœur est devenue fusionnelle. Marie a trois ans quand Emmanuelle lui apprend déjà la langue des signes. Très fière de pouvoir transmettre son savoir à sa petite sœur, Emmanuelle lui apprend ainsi à écrire et signer. Marie comprend très vite et arrive facilement à passer de l’oral aux signes. À cinq ans, elle signe comme une vraie sourde et devient aussi l’interprète de sa grande sœur. Marie est d’une grande aide pour Emmanuelle : elle téléphone et traduit pour sa sœur jusqu’à l’arrivé du minitel. C’est grâce à la présence de sa petite sœur qu’elle a pu avancer, en se détachant de sa mère à l’adolescence. Les deux sœurs sont complices. Ce fut un véritable soutient pour Emmanuelle. 2.2 Washington et Système de communication • L’IVT et la Langue des Signes Un jour, le père d ‘Emmanuelle a entendu quelque chose a la radio, un miracle qui allait bouleverser la vie de toute la famille. L’émission de radio révèle l’existence et l’histoire de Alfredo CORRADO, parlant la langue des signes, « un langage à part entière, qui se parle dans l’espace, avec les mains, l’expression du visage, du corps ! ». Ses parents sont 10 sous le choc d’apprendre qu’une personne en situation de surdité s’exprime et a réussi à faire des études universitaires à Washington. La joie mais aussi la rage apparaissent : un nouvel espoir d’avenir apparaît mais un sentiment de trahison de la part du corps médical émerge. Ce père, en manque et en désire de communication avec sa fille, décide donc de partir à Vinciennes, près de Paris à l’IVT (International Visual Théâtre) dirigé par Alfredo. La rencontre fut déterminante dans la vie d’Emmanuelle. Pour la première fois, la petite fille réalise qu’elle n’est pas seule, qu’elle n’est plus destinée à mourir enfant et que la communication est possible. Un avenir était possible. Dès lors, en quelques jours à l’IVT, Emmanuelle se construit et comprend qui enfin qui elle est. Le bonheur se profil, un nouveau monde se dessine et la vie va commencer. Emmanuelle va enfin obtenir des réponses à ses angoisses et peurs. Une nouvelle relation aux autres et au monde apparaît. Petit à petit Emmanuelle se construit et organise sa pensée. • Découverte de Washingtons Après la naissance de Marie, les parents d’Emmanuelle confient la petite sœur aux grands-­‐parents et décident de partir à Washington, la « ville des sourds », pour apprendre la Langue des signes. Ils partent avec le groupe d’IVT. Là encore, ce fut un nouveau choc, une révolution : les gens signent partout, en toute liberté. Emmanuelle et ses parents constatent pour la première fois des discutions entre plusieurs sourds. De plus, beaucoup de personnes entendantes, surtout des professeurs parlent la langue des signes. En France, les gens sont gênés et se cachent alors qu’à Washington aucun complexe n’apparaît. Ce voyage fut très enrichissant. Emmanuelle a compris pour la première fois qu’elle était sourde. Cela voulait donc dire qu’elle allait apprendre un nouveau langage, qui lui permettrait de communiquer, de travailler, d’avoir un avenir. Les parents d’Emmanuelle apprennent également beaucoup grâce à l’aide d’un interprète. Emmanuelle apprendra les signes en trois mois, ses parents en deux ans. 11 2.3 Ressources Matérielles et Sociales • Le Minitel À quinze ans, les parents d’Emmanuelle lui ont offert le plus beau cadeau de l’époque : le Minitel. Cet objet magique permet la communication sans intermédiaire. Il participe activement au développement de lien social. Elle peut enfin communiquer librement avec ces amis par écrit. La jeune fille en pleurera de joie car c’est pour elle un pas de plus vers la liberté, l’indépendance. Cet outil permet également à l’adolescente de garder une certaine intimité et proximité dans ses relations aux autres, surtout avec sa meilleure amie. Cependant cet appareil a encore des limites : il coûte cher et malgré le fait que Emmanuelle n’est plus besoin d’un intermédiaire, les messages s’affichent sur l’écran de télévision et tout le monde a donc accès à la conversation. Cela lui vaudra d’être démasquée par ses parents sur certaines bêtises. • Amis et Intégration La première grande amie d’Emmanuelle fut Claire. Les deux amies se sont rencontrées lors du voyage à Washington. Elles deviennent vite inséparables et feront ensemble du théâtre. A l’adolescence, Emmanuelle s’intègre dans une groupe, où ils passent leurs journées à signer le plus possible, se révoltant contre les entendants. Même si l’adolescence a été un moment particulièrement difficile et sensible, la présence de ses amis fut une échappatoire, une épaule et un soutien précieux. Ils avaient le besoin d’être ensemble et communiquer sans cesse. De plus, le passé de ses amis lui permet de se rendre compte de sa chance. En effet, beaucoup d’enfants n’ont pas eu la chance d’avoir un soutien familial. Nombreux sont ceux qui se sont vus rejeter par leur famille. L’une de ses amis confiera que ses parents lui ont toujours fait croire qu’elle était la seule sourde sur terre, et qu’elle devait donc s’intégrer et le cacher le plus possible. Ainsi, tous ces parcours ont permis à Emmanuelle de réaliser sa chance. Cela a aussi renforcé sa volonté et ses engagements. 12 2.4 Potentiels personnels • La Volonté Emmanuelle LABORIT était une enfant et maintenant une femme remarquable. C’est grâce à une lutte au quotidien, une envie de se dépasser et d’aller au bout d’elle-­‐même, qu’elle a pu accomplir tant de choses. Malgré les difficultés de la vie et une société en retard, la persévérance et la volonté se sont révélées être le secret de cette réussite matérielle et personnelle. Je m’attacherai donc à décrire, dans les points qui suivent, ses actions accomplies grâce à sa grande volonté. • Une Militante Emmanuelle a toujours eu un sentiment de révolte face aux injustices de ce monde. C’est tout naturellement qu’elle s’investit dans des combats qu’elle croit légitimes et qui lui tiennent à cœur. Dès son plus jeune âge, Emmanuelle se révolte contre l’interdiction de la langue des signes et cherche, par tous les moyens, à l’enseigner aux autres enfants. En classe, elle tente de tenir tête et de prouver aux professeurs que la langue des signes permet la compréhension et la communication des élèves. Elle poursuivra se combat de diffusion et d’intégration de la langue des signes. Cette volonté vient du fait qu’elle ne se considère pas comme une « personne handicapée » : elle a un mode de communication, un langage, des amis, un travail et un avenir. C’est la société qui la rend « handicapée ». À 17 ans, Emmanuelle découvre les campagnes d’informations sur le Sida. Elle remarque cependant que toutes ces démarches ne sont faites que par des entendants, pour des entendands. Il n’y avait aucun sous-­‐titrage à la télévision, aucune information. Elle appelle cela une « non assistance à personne en danger de mort ». De plus, le sigle portait à confusion : le virus était représenté par un rond orange, orné de piquants. Les personnes en situation de surdité l’interprétaient ainsi : « Sida égale soleil, égale danger ». Leur seule précaution était donc de ne pas s ‘exposer au soleil. Elle s’engagera ainsi au sein de l’association AIDES afin de répandre l’information au plus grand nombre. Emmanuelle est aussi très touchée de constater le mépris qu’ont les politiciens à l’égard des personnes en situation de handicap. « Il existe trois millions et demi de sourds qui (…) sont appelés à voter comme tout le monde ». En effet, au delà de l’absence de sous-­‐titrages 13 lors de discours politiques à la télévision, ce sont les paroles de certains ministres qui sont les plus révoltantes : « Vous devez d’abord parler, pour pouvoir vous intégrer dans le monde des entendants », «Parlez et vous vous intégrerez ». C’est à cause de tous ces interdits, de toutes ces paroles et de toute cette injustice qu’elle va s’engager politiquement, dans des manifestations, pour la reconnaissance du langage des signes et l’accès à une éducation complète pour tous. • Le Baccalauréat Grâce a beaucoup de volonté et de persévérance, Emmanuelle LABORIT a obtenu le Baccalauréat. Ce ne fut cependant pas évident. Tous les jours, Emmanuelle devait lire des livres ou le dictionnaire pour comprendre ce qui avait été prononcé par les professeurs. Elle cherche à se dépasser, à atteindre la perfection et n’abandonne pas. En 1991, à 19ans, l’adolescente passe son BAC : la pression et la peur conduisent à un échec. Pour ne pas se décourager, les parents d’Emmanuelle l’autoriseront, en plus de l’école, à prendre des cours par correspondance, afin de comprendre tout ce qui lui échappait en classe, avec l’oralisation. Après une ultime année d’efforts et des heures de révisions, elle obtient son BAC avec une bonne note. Joie et fierté se mêlent, Emmanuelle a réussit. Elle peut enfin s’envoler vers un autre horizon : le théâtre. • Le Théâtre Emmanuelle a commencé le théâtre comme amatrice, seulement pour s’amuser. À 19ans, au moment du BAC, un metteur en scène, Jean DALRIC, la contacte et lui propose le rôle féminin principale pour une nouvelle création dans « Les Enfants du silence ! ». Jean DALRIC va offrir à Emmanuelle une chance incroyable. Ayant appris la langue des signes préalablement, il va former pendant neuf mois l’adolescente pour le rôle de Sarah. Emmanuelle décidera cependant de passer en premier lieu son BAC. Une fois celui-­‐ci obtenu, elle s’envolera dans le monde du théâtre : un vrai travail. Emmanuelle réussit sa première, après plusieurs mois de lourdes répétitions. L’émotion n’envahit pas seulement Emmanuelle : son entourage est en larmes et le public est ému. Les critiques sont formidables et la pièce est nominée aux Molières. « C’est la première fois qu’une comédienne sourde est nominée pour un Molière ». Le verdict tombe : pour la première fois, une personne en situation de surdité est reconnue comme comédien professionnel et reçoit le Molière de révélation de l’année, en 1993. 14 • « Le cri de la mouette » « Lorsque j’ai voulu faire ce livre, certaines personnes m’ont dit : «Tu n’y arriveras pas». Oh si ! Quand je décide de faire quelque chose, je vais jusqu’au bout. Je voulais y arriver. J’avais décidé d’y arriver ». C’est son obstination qui, malgré les remarques, lui a permis de réaliser cet ouvrage. Elle explique comment, de son langage des signes comme vraie culture et de son français un peu scolaire, ce livre est né. Il s’agit, pour Emmanuelle, de laisser une trace dans le temps. Dans ce témoignage de vie, elle peut enfin se livrer sans contraintes. Au-­‐delà d’une volonté personnelle, la rédaction de cet ouvrage a pour objectif d’être porteur d’un message, d’un engagement fort : l’utilisation de la langue des signes comme langue première, permettant ainsi à tous Hommes d’être des « humains communicants ». Emmanuelle croit profondément en l’espoir qu’un jour, ces deux mondes partageront et communiqueront ensemble. 15 Conclusion J’ai choisi cet ouvrage car la situation de surdité m’intéresse. En effet, depuis cette année, j’ai pu, grâce à L’Université Lumière Lyon 2, m’inscrire dans un cours de Langue des Signes. Ainsi, depuis le début de l’année 2010/2011, toutes les semaines, j’assiste à un cours de LSF. J’ai réalisé la complexité de cette langue mais aussi sa précision. On ne se rend pas compte à quel point, grâce à nos mains, nous pouvons nous exprimer avec exactitude. Je peux donc tout à fait comprendre qu’Emmanuelle LABORIT lutte pour l’acceptation et la reconnaissance cette langue. En la pratiquant, on s’aperçoit très vite qu’elle est indispensable et vitale pour ces personnes. C’est un moyen de communication à part entière, qui leur permet de vivre normalement, de s’exprimer, de travailler, de partager… Je pense que si la population était plus informée et si la formation à la langue des signes était accessible à tous, les obstacles ne serait plus les mêmes. La tolérance remplacerait la peur. Ce livre est très enrichissant et fort en émotions. Il révèle toutes les injustices auxquelles sont confrontées les gens qui ne rentrent pas dans le cadre de la « normalité » de la société. Les témoignages permettent de réaliser les difficultés quotidiennes auxquelles se heurtent les personnes en situation de handicap. Au delà des obstacles, se livre nous montre les potentiels, la volonté d’Emmanuelle. Situation de handicap ne signifie pas échec bien au contraire, et cet ouvrage nous le prouve. Emmanuelle est parvenu à se dépasser et à accomplir de grandes choses. Il s’agit d’une véritable leçon de vie. 16 CITATIONS • « Le monde ne peut pas et ne doit pas être parfait. C’est sa richesse. » • « C’est la société qui me rend handicapée, qui me rend dépendante des entendants. » • « L’amour, c’est se dépasser soi-­‐même, essayer d’accepter l’autre tel qu’il est. Avec ses différences. » • « C’est tiffiti (difficile) de comprendre le monde, mais on se débrouille. » • « Tout est difficile, la moindre des choses simples pour un enfant entendant était une difficulté pour moi. » • « La musique est un langage au-­‐delà des mots, universel. C’est l’art le plus beau qui soit, il réussit à faire vibrer physiquement le corps humain. » • « Je vois comme je pourrais entendre. Mes yeux sont mes oreilles. J’écris comme je peux signer. Mes mains sont bilingues. Je vous offre ma différence. Mon cœur n’est sourd de rien en ce double monde. » 17 18 

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