Dress code et petits secrets 2

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Dress code et petits secrets 2
Dress code et petits secrets
2
L'aventure américaine
Roman
Marianne Levy
© Marianne Levy 2015
Tous droits réservés
À celles qui me sont chères et
apprécieront le courage qu'il m'a fallu
pour m'aventurer hors du 6e
arrondissement.
Elles se reconnaîtront.
INTRODUCTION
Alfred de Musset écrit : on est souvent
trompé en amour, souvent blessé et souvent
malheureux ; mais on aime, et quand on est
sur le bord de sa tombe, on se retourne pour
regarder en arrière et on se dit : j'ai souffert
souvent, je me suis trompé quelquefois ;
mais j'ai aimé.
Sun Tzu affirme : tout l’art de la guerre
repose sur la duperie.
Mariah Carey chante que la solitude, ça
craint.
Et moi, Capucine : je suis 100% d’accord
avec eux.
1 1
Je déteste les certitudes, la vérité et le
parmesan. Ce n’est pas une question de
principe. Mais du pragmatisme. Un système
d’autodéfense pour me protéger de ces
inventions diaboliques qui finissent,
toujours, par être décevantes. Stop. Pas de
pensées négatives. C’est mal. Parce que dans
deux mois, c’est Noël. J’adore Noël. Pas de
certitudes. Pas de vérité. Et, pas de
parmesan. Juste de l’amour et j’ai tendance à
aimer beaucoup, passionnément, à la folie. Si
un jour je suis jugée pour ça, Bottega Veneta
pourra témoigner pour moi.
Je suis accro à l’esprit de Noël. Je
culpabilise donc lucidement. C’est toujours
comme ça, quand je suis stressée. Je pourrais
en sourire si ce n’était pas un euphémisme.
Et si je n’en étais pas réduite à comparer
mes chances de succès aux paroles d'un tube
2 des années 70. Réussir à New York, c'est
mettre le monde entier à ses pieds promet la
chanson. Certaines en sont tellement
convaincues qu'elles n'hésitent pas à le
chanter sur une scène à Broadway. Mais, à
ma connaissance, même Liza Minnelli ne
s'est jamais demandé si s'imposer dans le
monde entier garantissait de triompher à
New York. En même temps, elle, elle a déjà
embrassé Robert De Niro (avec la langue)
donc elle est au-dessus de ce genre de
préoccupations. Et même si c’était un bisou
pour de faux (ce qui restait à prouver, après
tout), le contact, lui, avait été réel, donc ça
comptait, non ?
Dommage, en tout cas, que Liza n’ait pas
d’opinion sur la question car c’est l'info dont
j'ai besoin. Faire craquer New York, c'est
mon programme de la semaine.
Un objectif à ma portée si l'on considère
que :
3 1. Après avoir été anorexiques
pratiquantes, ayatollahs du bio, fanatiques
des pattes de moutons puis de celles
d’éléphants, les New-Yorkaises s’étaient
toutes mises en tête de devenir Parisiennes.
Le chic ultime consistant, bien sûr, à y
parvenir sans y consacrer plus de la moitié
de la journée. Preuve irréfutable qu’en 2014,
les Américaines sont toujours optimistes
puisque même pour nous, Françaises, être
Parisiennes, c’est l’équivalent de trois jobs à
temps plein ;
2. Saint-Germain-des-Prés, Paris, France,
où je suis née, est le berceau historique de la
femme parisienne. Et représente, par
conséquent, l'équivalent du reste du monde
en matière de chic.
Et l’élégance est devenue mon job depuis
qu'avec mes amies, Karine et Marjolaine,
nous avons créé le blog Chic.com. Il suffit
d’avoir croisé cinq minutes Inès de La
4 Fressange
à
la
boulangerie,
pour
comprendre que constituer une équipe de
trois, c’est vraiment un minimum pour
maîtriser notre sujet. Elle est immense. Dans
tous les sens du terme. Ce n’est pas humain
de concentrer autant d’esprit et de chaleur
dans un seul corps parfait. Pour quelqu’un
qui cherche la preuve que Dieu n’existe pas,
c’est même une sérieuse piste…
Notre concept ? Aider les femmes à
devenir
elles-mêmes,
encourager
l’insubordination et en finir avec le lavage de
cerveau imposé par les magazines de mode.
Personne ne mérite d’être condamné à vivre
en apnée dans une robe pour échapper à
l’excommunication stylistique. Un truc
subversif donc révolutionnaire donc français
d’après la presse américaine. Pour nous, c’est
plutôt une démarche altruiste. Un
engagement fashion 2.0 qui nous a
propulsées à la tête d'une petite start-up. La
5 preuve qu'il ne faut jamais se moquer de la
gentillesse. Non seulement c’est mal, mais
aussi, totalement anti-économique. Qui
aurait en effet parié que notre philanthropie
allait nous conduire jusqu'aux États-Unis
d'Amérique pour la tournée : French women
perfection, an unbearable truth ! En VF : La
Perfection des femmes françaises, une insupportable
vérité !
Une évidence que personne ne semblait
pourtant avoir remarquée depuis que j’étais
descendue de l’avion. Quel stress ! Même
l'officier de l'immigration de l'aéroport JFK,
formé pour détecter ce qu'un passager aurait
la mauvaise idée d'essayer de lui dissimuler,
n'avait pas réalisé à qui il avait affaire. Ce
qui était effrayant - qui n’a pas quelques
petites choses à cacher ? - et rassurant à la
fois. Je ne m’étendrai pas sur le sujet car ma
confession couchée sur du papier mettrait en
6 péril au moins 1 % de ce qui reste de la forêt
amazonienne. Or dans le magazine d’Air
France, j’avais lu qu’il n’en restait plus
grand-chose. Ce qui était très préoccupant,
car sept milliards d’êtres humains avaient
besoin d’oxygène et comptaient donc sur
elle pour respirer. Aucune philanthrope un
peu sérieuse n’accepterait donc d'être
responsable d'un truc pareil.
— Le chauffeur de taxi, lui non plus,
n'eut pas l'air tellement concerné lorsque, à
peine installée dans sa cabine, j'essayais de
lui faire prendre conscience de l'impact de
l’esprit Rive gauche sur la civilisation
française et, donc, sur le monde occidental.
— Pas anglais, pas anglais, m'interrompitil.
Je répondis :
— OK.
Comme c’était courageux quand même
de travailler comme ça, sans comprendre le
7 moindre mot. Cela me rappela les jeunes
années de Don Corleone. Il était vraiment
trop chou Vito tout seul sur Ellis Island, au
milieu de tous ces immigrants. Un jour,
j'aimerais adopter un enfant comme lui.
J'étais attendrie. Je m'appliquais à offrir mon
sourire le plus sympathique au chauffeur. Le
guide Pourquoi la chaleur humaine n'a pas de
prix? m’avait appris que ce genre d’initiatives
comptait plus qu'un pourboire. D'abord, il
ne sembla pas remarquer mon effort.
Finalement, je réussis à établir un contact
visuel. J'accentuai mon sourire.
— Vous cherchez le sexe, c'est ça ? lâchat-il.
Deux évidences jaillirent dans mon
cerveau :
1. Son anglais n’était pas si mauvais,
finalement ;
2. Il ne réalisait pas que c’était dangereux
de tenter un truc romantique avec moi.
8 — Je ne peux pas, je suis Française !
Il me lança un regard suspicieux. La
tension était perceptible. Un coup d'œil à
travers la fenêtre de la voiture jaune me
suffit pour réaliser que je n'avais pas du tout
envie d'être débarquée sur un trottoir miteux
du Queens où les maisons couleur Lexomil,
qui ressemblaient à des baraques alignées
séparées par des herbes folles et des grillages
rouillés,
étaient
une
représentation
cauchemardesque du rêve américain. Au loin
se dessinaient Manhattan et sa ligne de
gratte-ciel, il fallait tenir. Même dans ce
contexte hostile.
— Depuis quand les Françaises ont-elles
arrêté de s'intéresser au sexe ? questionna-t-il
enfin.
J'étais sur le point de hurler. Très
mauvaise idée. Je pris la seule décision
raisonnable en de telles circonstances. Je
sortis mon iPhone et tapais un message
9 furieux à l'attention de mon amie Marjolaine.
Je n'aurais JAMAIS dû vous écouter.
La tournée de Chic aurait dû commencer
en limousine. Je souffffffre !!!!!
J'allais appuyer sur envoyer mais ses
arguments me revinrent en mémoire. "La
limousine est en effet très tentante, avait-elle
reconnu. Cela dit, mon petit, je ne crois pas
que cela soit une initiative opportune.
Comment vendre le chic à la française, si la
première chose que nous décidons est
d'adopter le chic à l'américaine ?" Karine
avait tranché laconique : "Limo : 0; Taxi : 1".
Discussion close.
Depuis que nous avions lancé Chic.com
nous appliquions la règle de la majorité. Sans
exception. Sans drames, non plus. Ce qui
remettait totalement en cause la théorie
selon laquelle le nombre trois est très
10 mauvais en matière d'amitié féminine mais
très propice aux amitiés masculines. Tout ça
parce que pour une raison étrange les trois
mousquetaires étaient quatre mais n'avaient
pas souhaité communiquer sur le sujet. Or,
non seulement, trois est un nombre paisible
mais, surtout, il était pour nous un nombre
porte-bonheur. Notre blog était devenu la
drogue légale de dizaines de milliers de
lectrices en France. Sans doute, conquises
par la déclaration d'indépendance qu'il
représentait. Une bouffée salvatrice de
liberté stylistique. Le cauchemar de toutes
les fashion polices du monde.
— Bon, t'as pas l'air d'être l'une de ces
centaines de filles qui débarquent chaque
année à NYC pour réussir en Amérique. Je
les connais bien ces filles. Elles se mettent à
gémir au premier obstacle. Souvent, un
cafard qui s'approche trop près de leur
portable. Et illico presto, elles reprennent le
11 train pour JFK direction le trou perdu d'où
elles n'auraient jamais dû essayer de sortir.
Non seulement le chauffeur de taxi me
paraissait maîtriser un nombre conséquent
de mots de la langue anglaise mais il semblait
même être un fin observateur du monde qui
l'entourait. Je l'écoutais respectueusement.
— Ça se trouve, tu vas peut-être même
arriver à tenir jusqu'à la fin du mois. Et
laisse-moi te dire que cela n'aura vraiment
rien à voir avec le fait que tu viens de Paris,
France !
— Pas Paris ! Paris, Saint-Germain-desPrés, ce qui est très différent !!!
— OK, chérie, je suis pas débile, j'ai
compris. Je m'appelle Moe, c'est la seule
manière que j'ai trouvée pour vivre avec le
prénom Maurice que ma mère a eu la
mauvaise idée de me donner. Non
seulement, je sais situer Saint-Germain-desPrés sur un plan mais en plus, j'en conserve
12 un excellent souvenir, dit-il rêveur.
Comment je peux t'aider ?
Dans ma vie d'avant, celle atrocement
déprimante de femme faire-valoir d'un
businessman à succès, j'aurais ouvert la
fenêtre et hurlé : "Police, police !"
Convaincue qu’un inconnu ne peut pas vous
vouloir du bien. Mais, c'était avant ma
rencontre avec Karine un jour de désespoir
au Big Store, le paradis du shopping Rive
gauche, à Paris. Ma vie avait basculé parce
que j'avais pris le temps d'écouter une belle
inconnue. Alors, je devais donner sa chance
à Moe et son taxi déglingué étrangement
équipé d'un écran de télé. Deux journalistes
impeccablement lookées y donnaient les
dernières nouvelles du monde.
— Moe, oui, je crois que vous pouvez
faire quelque chose pour moi. Pouvez-vous
me dire ce que vous savez de ce genre de
filles, vous devez les conduire dans
13 Manhattan à longueur de journée ? dis-je en
pointant du doigt l’image sur l’écran. Je dois
rencontrer des filles comme ça, bientôt.
— Ces filles, tu te moques de moi,
chérie ?
— Non, Moe, c'est très sérieux et très
important !
— Tu réalises qu'une guerre mondiale,
c'est peanuts par rapport à l'enfer qu'elles
sont capables de créer ? T'as vu les talons
qu'elles portent ?
Je jetai de nouveau un coup d'œil à
l'écran.
— Bien sûr que je vois leurs talons ! Ce
sont des stillettos basiques Jorge Garcia de la
saison dernière…
— Non, regarde mieux, c'est pas ça !
— Écoutez Moe, c'est quand même mon
job, ça. Je conseille aux femmes ce qu'elles
pourraient acheter pour se sentir bien dans
leur peau. Faire connaissance avec des Jorge
14 Garcia, cela peut être, pour certaines, une
bonne façon de commencer.
— Non, chérie, ce que tu vois, ce sont
des armes. Et ces filles qui les portent
n'hésitent jamais à appuyer sur la gâchette.
T'as pas entendu parler du pauvre gars qui
est mort d'une commotion cérébrale après
avoir été attaqué par ces objets de malheur ?
— Vous voulez dire vraiment attaqué ?
— Oui, m'dame.
C’était fou comme révélation mais pas
illogique. Il fallait être un robot pour se lever
à 2 heures du matin et être encore capable
de faire la couverture de Elle à l'heure du
déjeuner. Il était presque 13 heures et ces
filles, qui avaient pris l'antenne au beau
milieu de la nuit, auraient pu mettre au
chômage la moitié des top-modèles de New
York. C’est-à-dire 80 % des filles qui
exerçaient cette profession sur notre planète.
Moe poursuivit :
15 — Je les connais très, très bien ces
journalistes américaines. Car, quand elles
montent dans mon taxi, la plupart d'entre
elles se contentent de lancer un vague
bonjour et de m’indiquer leur destination.
Ensuite, elles passent leurs coups de
téléphone. Et, là, j'ai presque peur car la
moitié du vocabulaire qu'elles utilisent est
emprunté à un manuel de survie du corps
des Marines. T'as pas l'intention d'aller toute
seule à ton rendez-vous, au moins ?
Moe avait le visage inquiet. Presque celui
d'une native du 6e arrondissement qui
soudain prend conscience qu'elle ne pourra
se rendre au Big Store le jour des soldes que
dix minutes après l'ouverture du magasin.
Je souris. Soulagée. Rien de grave ne
pourrait m'arriver puisque nous étions trois.
Et que nous avions réussi à échapper à un
talentueux producteur français qui avait
décidé que ses désirs étaient la réalité.
16 Autrement dit un gars sans foi ni loi, option
sanguinaire. Nous étions donc prêtes à
affronter les États-Unis d'Amérique.
Dès demain, M et K, c'est comme ça que
nous nous appelions entre nous, me
rejoindraient à New York pour lancer la
promo de notre guide. Première étape : une
longue
interview
dans
l'émission
d'information matinale Hello USA. Je serai à
l'antenne car depuis le début, j'étais le visage
de Chic.com. Mais tout irait bien car mes
amies et partenaires seraient à mes côtés. Le
travail en équipe, c’était notre secret. Nous
formions la meilleure équipe du monde.
Dommage que le chic ne soit pas une
discipline olympique…
Le taxi de Moe sortit du dernier tunnel
qui débouchait sur Manhattan. Ça y est,
j'étais à New York. Pour de vrai. Et,
franchement, je ne connaissais rien d'aussi
beau que cette ville en automne. Nous
17 avions décidé d'établir notre camp de base
dans Chelsea, au sud, la partie la plus
européenne de l'île. Personne ne peut
résister aux charmes de ses petites maisons
en brique parfaitement alignées le long de
rues paisibles et protégées des regards
indiscrets par de hauts arbres et une
végétation soignée.
L'énergie communicative et bien connue
de la cité commençait à me gagner. J'étais
euphorique. Comme si j'avais bénéficié
d'une demi-heure de shopping gratuit à
l'étage couture du Big Store local. Le décalage
horaire n'aurait aucun effet sur moi. Un petit
coup d'œil sur mon reflet dans le rétro de la
voiture me le confirma.
— Merci vraiment Moe pour tous vos
précieux conseils.
— Laisse-moi t'en donner deux p’tits
derniers, dit-il. Mords toujours la première et
quand je parle de mordre, ce n'est pas une
18 image. Et n'oublie jamais ce que ce pays doit
à La Fayette !
À cet instant mon téléphone émit une
petite sonnerie. Un SMS de mes amies surgit
sur l'écran. Il était aussi effrayant
qu'elliptique.
01.45 - Karine
Réunion Skype. 18 heures, heure de
NYC.
19 J'espère que ce premier chapitre
vous a plu !
En attendant la parution de DCPS 2
fin octobre, vous pouvez ...
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