1 LE DROIT SOCIAL COMPARÉ Otto Kaufmann1 Readers are
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1 LE DROIT SOCIAL COMPARÉ Otto Kaufmann1 Readers are
Electronic Journal of Comparative Law, vol. 8.1 (March 2004), <http://www.ejcl.org/> LE DROIT SOCIAL COMPARÉ Otto Kaufmann1 Readers are reminded that this work is protected by copyright. While they are free to use the ideas expressed in it, they may not copy, distribute or publish the work or part of it, in any form, printed, electronic or otherwise, except for reasonable quoting, clearly indicating the source. Readers are permitted to make copies, electronically or printed, for personal and classroom use. Résumé La contribution, après un bref rappel des domaines du droit comparé en général, de ses assises et de la méthode d’approche de ce droit, expose les démarches de comparaison. Ces indications d’ordre général sont ensuite reprises pour le droit social dans ses deux composantes, le droit du travail et le droit de la sécurité sociale, domaine pour lequel est analysée la démarche fonctionnelle. Par la suite, le texte fait référence à la comparaison fonctionnelle en droit social de façon plus concrète, en insistant sur les problèmes d’ordre linguistique. Dans la deuxième partie, il est fait état de quelques buts de la comparaison, qui peuvent aussi concerner l’intégration au niveau européen. Table des matières I. Le domaine du droit comparé I.A A propos de la portée de « droit comparé » et de « droit social » I.A.1. Les préalables à l’exercice de la comparaison I.A.2. L’objet du droit comparé I.A.2.a Bases de la comparaison I.A.2.a.1 Le droit comparé : méthode et discipline juridique I.A.2.a.2 L’approche fonctionnelle I.A.2.b La nature du droit à comparer et les démarches de comparaison I.A.2.b.1 Le but assigné aux normes juridiques I.A.2.b.2 Le niveau de comparaison I.A.2.b.3 Le droit comparé comme instrument servant à l’interprétation I.A.2.b.4 La démarche comparative 1 Institut Max-Planck de droit social, Munich ; M.C. associé à l’Université Robert Schuman, Institut du travail, Strasbourg. 1 Electronic Journal of Comparative Law, vol. 8.1 (March 2004), <http://www.ejcl.org/> I.A.3 Le droit social I.A.3.a Le droit du travail I.A.3.b Le droit de la sécurité sociale ou l’assurance sociale I.B L’application de la méthode de comparaison fonctionnelle en droit social I.B.1 La fonctionnalité, l’interdisciplinarité et la langue I.B.2 Le droit du travail I.B.3 Le droit de la protection sociale II. Buts de la comparaison sociale II.A Choix du champ de comparaison et procédé II.A.1 Raisons et objectifs de la comparaison de droit social II.A.2 L’échelle de comparaison II.B La comparaison sociale comme élément pour l’intégration II.B.1 A propos de l’intégration II.B.2 Les instruments d’intégration et la comparaison de droit L’importance et l’utilité juridique du droit comparé sont reconnues,2 d’éminents auteurs ont depuis longtemps dégagé les principales règles de la comparaison juridique et montré les démarches les plus appropriées pour atteindre son objectif.3 Le droit comparé est ainsi devenu une science juridique.4 Le congrès international de droit comparé de 1900 est considéré comme étant à l’origine de la comparaison de droit,5 la comparaison de droit est cependant 2 E. Rabel, Aufgabe und Notwendigkeit der Rechtsvergleichung, Rheinische Zeitschrift für Zivil- und Prozessrecht, 1924, 279; également publié par Hueber, Munich, 1924; reproduit in Ernst Rabel, Gesammelte Aufsätze III, Arbeiten zur Rechtsvergleichung und zur Rechtsvereinheitlichung 1919-1954, par H.G. Leser, 1967, 1; également in K. Zweigert, H.-J. Puttfarken, Rechtsvergleichung, wissenschaftliche Buchgesellschaft, Darmstadt, 1978, 85. 3 De nombreux auteurs ont publié des ouvrages ou des articles de fond sur la comparaison. Pour ne citer que : E. Rabel, (cf. note 2). R. David, C. Jauffret-Spinosi, Les grands systèmes de droit contemporains, 11ème éd., Dalloz, Paris, 2002 ; (la première éd. de R. David date de 1964). K. Zweigert, H. Kötz, Introduction to Comparative Law (translated from the German by T. Weir), Oxford, Clarendon Press ; New York, Oxford University Press, 1998. O. Kahn-Freund, Comparative Law as an Academic Subject, The Law Quarterly Review, 1966, 40. Zweigert, Kötz, Einführung in die Rechtsvergleichung, Mohr, Tübingen, 3e éd. 1996 (première éd. de deux tomes 1969/71). L.-J. Constantinesco, Rechtsvergleichung, vol. 1 Einführung in die Rechtsvergleichung, 1971; vol. 2 Die rechtsvergleichende Methode, 1972; vol. 3 Die rechtsvergleichende Wissenschaft, 1983, Carl Heymanns, Köln e.a. M. Rheinstein, Einführung in die Rechtsvergleichung, par R.v. Borries, Beck, Munich, 1974; 2ème éd. 1987 (avec, en annexe, une importante bibliographie internationale). 4 La question sera soulevée infra. 5 H.C. Gutteridge, Le droit comparé, Pichon & Durand-Auzias, Paris, 1953, 38 (traduction de Comparative Law: An Introduction to the Comparative Method of Legal Study and Research, Cambridge, 1946). Certes l’objectif poursuivi par ce congrès, à savoir la reconnaissance et la légitimation de la pratique du droit en comparant des ordres juridiques, donc la juxtaposition, au niveau international, de problèmes juridiques et l’étude et l’élucidation des questions de définition et de méthode, marqua un tournant important pour le droit comparé. R. Saleilles, Rapport sur l’utilité, le but et le programme du Congrès (procès-verbaux) I, 15. 2 Electronic Journal of Comparative Law, vol. 8.1 (March 2004), <http://www.ejcl.org/> plus ancienne.6 Pourtant, on se doit de rappeler que le droit comparé n’a pas été accepté d’emblée par l’ensemble des juristes et que sa pleine reconnaissance n’a été acquise qu’après des décennies. Ainsi, la comparaison juridique était perçue par certains, comme un « jouet ésotérique » pour quelques spécialistes et dont l’intérêt n’en aurait été certain que pour quelques rares questions scientifiques.7 C’est surtout vrai pour ce qui est du droit social, car l’attention des comparatistes était davantage portée sur les branches de droit autres que le droit social.8 Les comparatistes de droit social ont été de ce fait peu nombreux et en raison de leur discipline juridique, quelque peu marginalisés. On a fini par s’intéresser explicitement au droit social comparé, dans ses deux composantes, le droit du travail et le droit de la sécurité sociale, à partir des années 1970.9 Le temps où on pouvait étudier ou pratiquer le droit (social ou une autre branche de droit) en restant cantonné dans le cadre national est définitivement révolu, et ceci à différents niveaux et occasions. Dans l’Union européenne, notamment, le regard sur les droits d’autres Etats membres, y compris le droit social, n’est plus considéré comme exotique, le droit communautaire formel est devenu omniprésent dans presque tous les domaines de la vie. Surtout, une organisation internationale telle que l’Union européenne ne saurait fonctionner et évoluer sans la comparaison de droit, qui est un moteur indispensable pour le rapprochement des Etats membres et de leurs législations. A vrai dire, la comparaison de droit est devenue une nécessité et a été de ce fait banalisée peu à peu. Elle concerne toutes les branches et professions de droit. Pensons non seulement aux chercheurs et enseignants, mais aussi, notamment, à l’avocat, au juriste s’intéressant aux affaires internationales ou travaillant dans une organisation internationale ou dans une administration nationale en contact avec l’étranger, sans oublier les responsables des ressources humaines ainsi que les conseillers des 6 L.-J. Constantinesco, Rechtsvergleichung, vol. I, 1971, 69 (Die Geschichte der Rechtsvergleichung). Il suffit de songer seulement aux discussions qui ont précédé et accompagné, au 19ème siècle, l’élaboration de grands textes tel que le code civil allemand, et qui furent menées par les créateurs du code et par des comparatistes dans d’autres pays. cf. P.ex. R. Saleilles, Essai d’une théorie générale de l’obligation d’après le projet de Code civil allemand, Paris, 1890 et 1901 ; E. Gaudemet, Raymond Saleilles et le Code civil allemand, dans L’œuvre juridique de R. Saleilles, Paris, 1914. 7 Cette affirmation concerne la situation en Allemagne ; elle figure dans K. Zweigert, H.-J. Puttfarken, Einleitung: Zur Notwendigkeit dieses Bandes, in Zweigert, Puttfarken, Rechtsvergleichung, op. cit. 1. 8 M. Ancel, Les grandes étapes de la recherche comparative au XXe siècle, Studi in Memoria di Andrea Torrente, 1968, 23 ; reproduit in Zweigert, Puttfarken, op. cit. 350. 9 R. Blanpain, Comparativism in Labour Law and Industrial Relations, in R. Blanpain et C. Engels (dir.), Comparative Labour Law and Industrial Relations in Industrialized Market Economies, 7th rev. edn., Kluwer Law International, The Hague [etc.], 2001, p. 3. D. Schiek, ‘Critical Comparative Law’ from a Labour Law Perspective, Hansa Law School Cahier No. 3, Groningen, 2003, 197. O. Kahn-Freund, Labour and the Law, 2e éd., Stevens, London, 1977. Le même auteur : Arbeit und Recht, 1979, Bund-Verlag, Frankfurt. H.F. Zacher (dir.), Methodische Probleme des Sozialrechtsvergleichs, Duncker & Humblot, Berlin, 1976. H.F. Zacher (dir.) Sozialrechtsvergleich im Bezugsrahmen internationalen und supranationalen Recht, Duncker & Humblot, Berlin, 1977; également reproduit in Hans F. Zacher, Abhandlungen zum Sozialrecht, publ. par B. v. Maydell et E. Eichenhofer, C.F. Müller, Heidelberg, 1993, 376. Pour une publication plus récente, v. notamment Bulletin de droit comparé du travail et de la sécurité sociale, COMPTRASEC, 1994, 1. 3 Electronic Journal of Comparative Law, vol. 8.1 (March 2004), <http://www.ejcl.org/> partenaires sociaux qui sont actifs au niveau international.10 Un grand nombre de juristes, sans forcément se réclamer comparatistes, prennent non seulement connaissance des grandes évolutions dans d’autres ordres juridiques et se familiarisent avec les produits de la comparaison, mais appliquent parfois des normes provenant d’un droit étranger, du moins des règles juridiques inspirées par d’autres droits. Mais l’intérêt du droit comparé va au-delà. On ne peut ainsi qu’approuver l’opinion d’un auteur selon lequel comparer c’est d’abord un plaisir.11 Enfin, la comparaison peut être bien passionnante.12 Et on peut y ajouter que le plaisir va de concert avec l’utilité, car la comparaison peut déboucher sur des résultats concrets pour la connaissance juridique (scientifique) et pour la pratique. La comparaison peut ainsi avoir un caractère uniquement scientifique ou bien être menée dans le but de réaliser une entreprise législative novatrice (v. infra). La présente contribution vise à illustrer ce qui vient d’être esquissé. Après la présentation de certains aspects du droit comparé et l’explication de données relatives au droit social (I.), il est fait état de quelques situations concernant des aspects concrets de la comparaison en droit social (II.). I. Le domaine du droit comparé Le sujet ici n’étant pas uniquement le droit comparé tout court, mais essentiellement le droit social comparé, il y a lieu de définir les termes de « droit comparé » et « droit social ». Après ces indications générales, sera étudiée l’application des principes de comparaison au droit social. I.A A propos de la portée de « droit comparé » et de « droit social » Il convient notamment de juxtaposer les éléments « discipline ou science » et « méthode » du droit comparé, pour ensuite se pencher sur le terme de « droit social ». Il semble également opportun de rappeler certaines exigences, sans lesquelles la comparaison ne paraît pas réalisable. I.A.1. Les préalables à l’exercice de la comparaison Un travail de comparatiste requiert, outre le savoir-faire de tout juriste, une disponibilité propre à la comparaison. En effet, le comparatiste ne saurait se retrancher derrière le droit dont il a initialement appris les règles et la structure qui conditionnent l’approche juridique. 10 P.ex., pour les employeurs, l’UNICE (Union des confédérations d’industrie et des employeurs d’Europe) ; pour les salariés la CES (Confédération européenne des syndicats). 11 J.-P. Laborde, Le droit social comparé : pourquoi et comment ?, Bulletin de droit comparé du travail et de la sécurité sociale, COMPTRASEC, 1994, 4 préc. 12 R. David, Les avatars d’un comparatiste, Economica, Paris, 1982. 4 Electronic Journal of Comparative Law, vol. 8.1 (March 2004), <http://www.ejcl.org/> Parce qu’il fait référence à plus d’un ordre juridique, le comparatiste doit forcément faire preuve d’une volonté - et capacité - d’adaptation certaine. Il se doit surtout de ne pas considérer « son droit » comme contenant les normes parfaites, « justes », ou même que ce droit contiendrait a priori la solution la plus adéquate pour un problème ou une situation. Il doit notamment accepter l’apprentissage d’un autre droit et doit acquérir une certaine aisance dans le contact avec un droit étranger, pour aborder des difficultés diverses qui se présenteront à coup sûr dans la pratique de la comparaison. Ce qui paraît digne d’être souligné, c’est que la comparaison se doit d’être neutre ; il ne saurait être question de trancher sur la valeur de normes ou d’un ordre juridique;13 ce qui compte, c’est la réalité, étant entendu qu’un ordre juridique se place toujours dans un ensemble sociétal. Des connaissances sur la société toute entière dans laquelle le droit visé est conçu et appliqué paraissent indispensables ; le cadre strictement juridique est donc trop étroit, car le droit reflète des réalités dont il dépend. Le comparatiste doit enfin surmonter des obstacles d’ordre linguistique, à un point du moins qu’il lui soit possible de comprendre le sens exact de la règle de droit étrangère dans le contexte de l’ordre juridique qui lui est propre. Cette affirmation mérite cependant une remarque explicative. Le comparatiste « actif » doit connaître la langue du droit observé et analysé.14 Cependant, l’apprentissage des règles de droit étrangères ne paraît pas exclu sans la connaissance de la langue du droit à étudier, à la condition que l’approche du droit étranger, sa présentation se fassent de façon précise et claire de sorte à ce que la portée et le sens de son contenu soient transposés sans équivoque dans la langue cible. La précision linguistique prend alors une place prépondérante pour le comparatiste chargé de présenter le droit étranger. C’est à ce niveau d’apprentissage d’un droit, dans le but d’élargir les connaissances du juriste et non pour l’application des règles du droit étranger en pratique, que le droit comparé a acquis sa place dans les programmes d’études juridiques et qu’il pourrait jouer un rôle plus important à l’université, notamment.15 I.A.2. L’objet du droit comparé Le terme « droit comparé » est en fait ambigu. Le terme allemand de « Rechtsvergleichung » (comparaison de droit) paraît plus transparent, mais manque aussi de précision.16 Le terme de 13 Dans ce sens également R. Sacco, Einführung in die Rechtsvergleichung, Nomos, Baden-Baden, 2001, 15. 14 Ce constat vaut pour la même langue parlée dans plusieurs pays. Le français juridique de la Suisse ou du Québec se différencie quelque peu du français de France ; le juriste autrichien ou le juriste germanophone suisse utilisent des expressions non pratiquées voire non connues en Allemagne ; et vice versa. 15 L’insertion de la comparaison dans la formation juridique à l’université a commencé au début du 20ème siècle. L.-J. Constantinesco, vol. I préc, 162. V. p.ex. H. Kötz, Alte und neue Aufgaben der Rechtsvergleichung, Juristenzeitung, 2002, 257. La question est de savoir, à ce propos, s’il est suffisant de proposer aux étudiants des cours et des filières facultatifs et s’il ne vaudrait pas mieux d’aller plus en avant et d’élargir l’offre, voire rendre l’initiation au droit comparé plus largement obligatoire (v. infra les développements sur la nécessité de la connaissance de langues). 16 Il est vrai, cependant qu’on utilise aussi le terme de « vergleichendes Recht » ; ce n’est cependant pas le droit qui compare, mais le droit est sujet de comparaison. 5 Electronic Journal of Comparative Law, vol. 8.1 (March 2004), <http://www.ejcl.org/> droit comparé désigne le but visé, à savoir la comparaison juridique. Le droit comparé s’identifie donc avec la comparaison de droits, de normes et d’ordres juridiques. I.A.2.a Bases de la comparaison Le droit comparé nécessite pour son exercice un ordre juridique ou une branche de droit, tel que le droit social, p.ex., sur laquelle sera dirigé l’attention du comparatiste. Il observera avec un « zoom juridique » l’ensemble de cette branche de droit ou se contentera des détails d’une branche de droit. La comparaison s’exerce donc à échelle variable, la focalisation pouvant changer et concerner la micro- et la macro-sphère du droit. Mais ce constat ne fait pas pour autant apparaître la nature, ni les spécificités du droit comparé. Il convient de rechercher ce à quoi il sert et de quoi il est composé. I.A.2.a.1 Le droit comparé : méthode et discipline juridique La méthode est au service du droit comparé, elle est fonction de l’intention du comparatiste. Elle dépend aussi des normes à analyser, car la démarche à suivre pour la comparaison de normes d’un ordre juridique d’un pays industrialisé et moderne selon l’acception dans la tradition européenne p.ex., se différencie sans aucun doute de celle qui s’impose pour la comparaison du droit d’un pays émergeant ou en voie de développement. C’est vrai lorsque la comparaison vise le droit de tel pays influencé par d’autres ordres juridiques, notamment par une ancienne puissance coloniale, mais c’est encore plus prononcé lorsqu’elle concerne le droit traditionnel ou coutumier (v. infra I.B). D’aucuns font la différence en fonction du but de la comparaison et du niveau de comparaison, qui est soit micro-, soit macroscopique.17 La comparaison microscopique vise à clarifier les contenu et portée de normes, la comparaison macroscopique se destine à l’explication des structures essentielles des ordres juridiques ; c’est grâce à cette dernière approche qu’il est possible de reconnaître des familles de droit. La comparaison microscopique peut servir à atteindre des objectifs théoriques (approfondissement des connaissances) ou des objectifs pratiques (p.ex. législation).18 Il semble incontestable, que la comparaison macroscopique suppose celle au stade microscopique, qui doit la précéder afin de permettre l’acquisition des connaissances à partir desquelles des approches à grandes échelles peuvent se faire (v. infra). Si l’on adhère aux développements faits ci-dessus, on constate que le droit comparé est alors à la fois une discipline, une science juridique, et une pratique juridique au niveau international ;19 la comparaison de droit ne peut être exercée en dépassant le cadre national. La science tout court est internationale parce que les problèmes sont semblables au niveau international, et il est par conséquent de même pour la science juridique.20 En effet, si la pratique juridique peut être assimilée à une discipline, on peut certainement accorder au droit 17 Constantinesco, op. cit., vol. I, 260 et s. 18 Constantinesco, op. cit. vol. I, 261. 19 Outre qu’au niveau international, la comparaison de droit peut se faire au niveau inter-local. La comparaison de droits d’Etats fédérés est réalisée au niveau national. 20 Zweigert, Puttfarken, op. cit., 3. 6 Electronic Journal of Comparative Law, vol. 8.1 (March 2004), <http://www.ejcl.org/> comparé d’être à la fois une méthode et une discipline de droit, voire une science.21 I.A.2.a.2 L’approche fonctionnelle Le droit comparé n’est pas une méthode formelle ou unique de confrontation de normes juridiques. Il peut être fait recours à diverses méthodes de comparaison qui varient certainement en fonction des droits à comparer, du droit à approcher et à apprendre, à analyser et à confronter ou juxtaposer, le cas échéant. Les objets de comparaison sont nombreux et l’approche fonctionnelle ouvre un grand nombre de voies et débouche sur des solutions diverses, selon la priorité choisie. Ce qui compte pour la comparaison, c’est le résultat du travail d’analyse du droit. La méthode utilisée pour arriver au but recherché est par conséquent l’approche fonctionnelle. L’approche fonctionnelle semble bien être une exigence du droit. Grâce à elle, le comparatiste peut dégager l’essence profonde et la signification et voir quelle est la solution qu’elles sont susceptibles d’apporter à un problème ou à une situation données.22 En connaissance des normes d’un droit, le comparatiste observe ce qui se passe pour un état de fait retenu. Cette façon d’observer se vérifie également lorsqu’il s’agit de créer des règles, de trouver des solutions à un problème donné. Par la comparaison, on transforme par conséquent une démarche scientifique pour analyser des faits dépassant le cadre strictement national. Toutefois, ce qui peut paraître indispensable et incontournable, connaît des exceptions. Ainsi, lorsque des droits ont été octroyés par le colonisateur ou ont été volontairement calqués et transposés, on n’a pas, préalablement, recherché la meilleure solution par des recherches et expériences dans la société qui est gouvernée par le nouveau droit.23 Le choix est le résultat d’un état de force ou d’une décision politique de plein gré. Dans beaucoup de pays d’Afrique, le droit a été imposé. Un droit étranger est ainsi devenu le droit national, l’ancien droit (coutumier, souvent) ayant été remplacé. Pourtant, l’ancien droit subsiste et trouve souvent application, parfois même de façon exclusive, souvent de façon concomitante, la solution étant normalement fonction des faits et situations. Dès lors existe le risque que la compréhension de la situation juridique ne soit pas totale, mais partielle et erronée, à moins d’être investi de connaissances particulières et spécifiques. Même le droit moderne, de source européenne et imposé est parfois appliqué par référence à d’autres règles et nécessite, dans ce cas, pour son interprétation, des moyens et connaissances particuliers. Si le juriste « européen » veut maîtriser ce phénomène, il sera bien obligé, non seulement de dépasser son cadre juridique d’origine, mais partiellement le cadre juridique tout court ; il doit faire appel à des services lui ouvrant la voie de la compréhension Le droit, de quelque forme qu’il soit, indépendamment de son fondement et de ses origines, est placé dans un contexte sociétal dont la connaissance est indispensable pour sa compréhension et pour son 21 Constantinesco affirme qu’en dépit des contradictions ouvertes, tous les comparatistes s’accorderaient à dire que le droit comparé est à la fois une méthode et une science. Seuls quelques uns l’affirmeraient, mais tous l’accepteraient. Constantinesco, op. cit. vol. I, 323. 22 V. infra I.A.2.b et I.B. 23 J. Lambert, La contribution du droit comparé à l’étude des problèmes du sous-développement, in Problèmes contemporains de droit comparé, tome II : Problèmes divers de droit comparé, 1962, reproduit in Zweigert, Puttfarken, op. cit., 270. 7 Electronic Journal of Comparative Law, vol. 8.1 (March 2004), <http://www.ejcl.org/> interprétation. Un constat me paraît essentiel : le droit comparé n’est pas du droit matériel. Il est un instrument qui sert à cerner les contenu et fonctionnalité du droit matériel. I.A.2.b La nature du droit à comparer et les démarches de comparaison L’exemple du droit social en général et des droits du travail et de la sécurité sociale en particulier démontre que l’étendue du travail de comparaison dépend dans certaines matières de la conception retenue. I.A.2.b.1 Le but assigné aux normes juridiques R. David constate qu’il n’y a pas de différence entre les ordres juridiques, entre les règles de droit qui sont destinées à trouver application lors d’une situation donnée, en fonction du but qui leur est inhérent. M. Rheinstein explique le problème par la nécessité de procéder à une comparaison du rôle que joue le droit. Il faut par conséquent partir de la situation que l’on a qualifiée en Allemagne par un terme difficilement traduisible, à savoir par vorrechtliches Problem. Cette démarche signifierait que le comparatiste « quitte la plate-forme du droit »,24 pour se pencher sur une situation réelle, un état de fait, en dehors de l’emprise de normes juridiques. En réalité, il importe tout simplement de constater quelle situation ou quel problème existe. On recherche par la suite les règles de droit qui trouvent application à la situation. A la vérité, le comparatiste choisit une situation, par exemple la réalisation d’un risque social, pour ensuite rechercher les solutions prévues par la loi applicable. Ainsi, un tel comportement aura pour conséquence l’application de telle sanction ou l’absence de sanction. p.ex., l’homicide est sanctionné ; la sanction peut différer selon le droit applicable, mais elle est prévue. En droit social, l’approche se résume par la recherche de la couverture de tel risque social. Une telle situation ouvre droit à telle prestation sociale ou implique telle obligation. En droit du travail, il s’agit éventuellement de savoir comment sont organisées les relations entre les partenaires sociaux dans l’entreprise ou à un autre stade. La comparaison vise la norme qui peut constituer la base du droit à comparer, notamment la constitution, la loi ou d’autres règles de droit. En droit social ce sont en premier lieu les normes qui gouvernent les relations de travail et la protection sociale auxquelles le comparatiste s’intéresse. Ces normes de droit dépassent dans la plupart des ordres juridiques le droit social stricto sensu et à l’inverse les normes d’autres branches sont à prendre en considération, de sorte que le travail de comparaison doit s’étendre à plusieurs autres branches de droit. Que l’on prenne comme sujet de comparaison le droit social ou une autre branche de droit, l’objet de la comparaison n’est en fait jamais la seule norme légale,25 mais un ensemble de règles de droit, telles qu’elles sont appliquées dans le contexte de la société concernée toute entière. La jurisprudence intervenue pour l’interprétation des règles de droit est également sujet à 24 Littéralement problème ou situation précédant l’apparition du droit. H.F. Zacher, Vorfragen zu den Methoden der Sozialrechtsvergleichung, in H.F. Zacher (dir.), Methodische Probleme, op. cit., 41ss ; également reproduit in Hans F. Zacher, Abhandlungen zum Sozialrecht, op. cit., 329. 25 Comprise ici comme objet de comparaison, dans ce sens qu’il s’agit du droit applicable à une situation. Il ne paraît pas envisageable de concentrer la comparaison sur une seule norme. 8 Electronic Journal of Comparative Law, vol. 8.1 (March 2004), <http://www.ejcl.org/> comparaison.26 Il est sans importance que le droit observé soit du droit écrit ou non ; le cas échéant, l’importance que revêt chacune des cibles est différente. La doctrine, si elle ne fait pas directement l’objet de comparaison, est un instrument de premier ordre pour l’interprétation des règles de droit que l’on veut inclure dans l’analyse comparative. I.A.2.b.2 Le niveau de comparaison On a appelé la comparaison évoquée ci-dessus le droit comparé horizontal.27 Des normes de niveau égal sont en jeu. Le droit comparé ne se résume pas à servir la comparaison de droit matériel. En effet, lorsque la comparaison a pour objet le droit international, elle concerne le plus souvent le droit formel coordonnant des droits nationaux. Il peut y avoir des exceptions. Le droit européen de caractère supranational, qui n’existait pas en pratique lors des premières études de droit comparé, contient des particularités qui ont certainement des implications sur la comparaison. La comparaison de normes internationales a été appelée comparaison verticale.28 La tâche devient alors plus compliquée qu’elle ne l’est déjà avec le seul droit national, car il y a une situation de hiérarchie de normes, le droit international primant, en principe. Néanmoins, plus que d’autres branches de droit, le droit social, notamment le droit de la sécurité sociale a été formé et développé par des normes internationales ; celles-ci peuvent être pourvues de mécanismes de sanction contraignants, comme c’est le cas dans l’Union européenne, ou non. Ce rapport vertical est donc un sujet pour le droit comparé. I.A.2.b.3 Le droit comparé comme instrument servant à l’interprétation Le caractère supranational du droit communautaire a pour conséquence son application sans réserve, parfois immédiatement, parfois par transposition en droit national des Etats membres. Il faut souvent rechercher si une règle nationale visée relève du champ d’application du droit communautaire ou en échappe. Cette recherche, que pratique notamment le juge communautaire, fait-elle partie du droit comparé ? La réponse est affirmative au moins pour ce qu’il importe de connaître le droit national et d’en déterminer la portée par rapport au droit communautaire. Le droit comparé est alors l’instrument qui sert à l’interprétation du droit communautaire. I.A.2.b.4 La démarche comparative La question est de savoir ce que fait le comparatiste. Il est évident qu’il faut saisir le droit de façon scientifique parce que la connaissance de la structure, celle des règles édictées, est indispensable. Selon certains auteurs, tels que M. Rheinstein, il convient d’avoir recours à la classification du droit visé dans une des grandes familles de droit. Il recherche ensuite le concept sociologique du rôle que joue le droit en tant que phénomène de société. 26 Un exemple de comparaison basée sur la jurisprudence : M. Le Friant, La comparaison entre dispositions conventionnelles : la position de la Cour de cassation ne fait pas école outre-Rhin, Droit social, 1999, 904. 27 H.F. Zacher, Einleitung: Horizontaler und vertikaler Sozialrechtsvergleich, in H.F. Zacher (dir.), Sozialrechtsvergleich im Bezugsrahmen internationalen und supranationalen Rechts, op. cit., 9. 28 Cf. note précédente. 9 Electronic Journal of Comparative Law, vol. 8.1 (March 2004), <http://www.ejcl.org/> On peut, en effet, classifier les ordres juridiques ; il y a des familles de droit, des ordres et espaces juridiques différents. Mais l’unanimité sur la classification des grands ordres juridiques n’est pas faite. On connaît, d’un côté, les droits continentaux européens, basés essentiellement sur le droit romain, les droits germaniques, le droit canonique. L’influence des droits allemand et français, notamment, est parfois assez forte, ces droits ont parfois été repris, tels quels ou modifiés. A ce « civil law » s’oppose le « common law », les droits angloaméricains. Enfin, il y a les droits qui ont pour fondement la religion, d’autres enfin qui ont des racines diverses. C’est p.ex. le cas de nombreux droits africains. Un ordre juridique, qui ne comptait pas parmi les moindres, à savoir le droit des pays socialistes, a disparu, à l’exception de quelques rares pays. La diversité entre les familles de droit est réelle, mais parfois elle cache des ressemblances étonnantes, qui se révèlent grâce à l’approche fonctionnelle dont se sert le comparatiste. C’est notamment vrai pour des ordres juridiques qui connaissent le droit social,29 dans son acception originelle, car ces droits doivent leur développement à des phénomènes partout semblables : l’industrialisation allant de pair, dans les relations de travail, avec le salariat. La protection contre les accidents du travail par l’assurance sociale se substituant à la responsabilité, p.ex., est un résultat de ce phénomène.30 Les formes organisationnelles permettant de faire face à ce risque, étaient et sont nombreux, mais la finalité, à savoir la protection du travailleur et la disculpation de l’employeur, étaient et sont identiques. La méthode fonctionnelle permet de vérifier ce constat pour cette branche de la protection sociale, indépendamment des différences dans l’organisation et la gestion. Le concept de famille juridique n’a par conséquent plus cours pour le droit social, seule la recherche de la fonctionnalité fait sens. C’est du moins vrai pour ce qui est du droit de la protection sociale stricto sensu, dans la mesure où la notion de « famille de droit » est maintenue, le droit du travail peut en être imprégné parce qu’il s’agit avant tout de droit privé. I.A.3 Le droit social L’approche comparative peut varier, selon la conception que l’on retient de la branche de droit qui fait l’objet de la comparaison. Pour la détermination de l’étendue du droit social tel qu’il est visé par le droit comparé, il faut s’entendre sur la notion de droit social à retenir. En partant p.ex. du droit des pays romans et notamment du droit français, la notion de droit social est large. En effet, le terme de « droit social » comprend le droit de la sécurité sociale ou, plus largement, la protection sociale. Or, ailleurs, ce terme a une signification plus étroite ou est inconnue avec cette double acception, comme p.ex. en droit allemand, où la notion de « Sozialrecht » ne comprend que le droit de la sécurité sociale ou de la protection sociale 29 Les anciens pays socialistes connaissaient, certes, le droit social. Son volet protection sociale n’a pourtant pas fait l’objet de recherches particulières. Ceux qui travaillaient avaient droit à la protection sociale, étaient des assurés; la distinction entre l’assurance sociale et les autres techniques de protection sociale était sans importance ou au plus secondaire. La même dénomination recouvrait dans ces pays des réalités différentes que celles dans les pays de l’Europe de l’ouest, notamment. 30 Certes, l’indemnisation intégrale n’était pas et n’est pas visée par l’assurance accidents, mais il est largement admis que l’abandon de la responsabilité patronale a constitué un succès. 10 Electronic Journal of Comparative Law, vol. 8.1 (March 2004), <http://www.ejcl.org/> comprise dans un sens étroit.31 Les droits des pays anglophones, anglo-saxon et américain, comportent des particularités sémantiques par rapport aux deux droits évoqués. Ainsi, le terme de « Social law » est dépourvu de signification et semble surtout être utilisé en dehors de ces pays. Il y a en revanche un « welfare law », un « social protection law » ou encore un « social security law ». Au Royaume uni le droit social peut être compris comme toutes les mesures qui ont trait à la « Welfare-State-Legislation ». Le terme de Social Security (sécurité sociale) est bien établi aux Etats Unis ; mais le champ d’application du Social Security Act de 1936 est restreint et ne couvre pas le risque maladie. Le terme anglais à retenir pour couvrir ce qui est visé par « Sozialrecht » et « droit de la sécurité sociale » est peut-être « social security legislation ».32 Toutefois, la portée de ce terme peut être large et couvrir des domaines se trouvant en dehors de ce que l’on a l’habitude d’appeler « sécurité sociale ». I.A.3.a Le droit du travail On peut comprendre le droit du travail comme couvrant l’ensemble des règles juridiques relatives au travail subordonné.33 Le droit du travail peut être compris comme étant le droit spécial des travailleurs non indépendants ; c’est une approche traditionnelle en droit allemand.34 Le droit du travail contient en tout cas des normes particulières, qui sont largement codifiées en France dans le code du travail, mais contenues dans des textes épars en Allemagne.35 En plus de la loi, le droit du travail connaît d’autres normes de droit. La convention collective est une source primordiale en droit du travail, et son importance au niveau international et communautaire réelle,36 même si la nature des conventions collectives tend à se modifier, notamment par le recours de plus en plus fréquent aux clauses d’ouverture, qui devraient permettre de mieux adapter les normes gouvernant une branche d’industrie entière aux réalités au niveau local, dans l’entreprise. De nombreux textes communautaires ou nationaux prévoient expressément le recours à des accords collectifs pour transposer en droit national des principes élaborés au niveau européen notamment sous forme de directive. Un exemple en est la réglementation en matière de temps de travail et de durée 31 Selon la conception allemande, le terme de « Sozialrecht » comprend en premier lieu l’assurance sociale, mais la protection sociale dans un sens plus large est également visée, car les prestations en font parties. La terminologie européenne s’imposant de plus en plus, on utilise également le terme « sozialer Schutz » ou « Sozialschutz » (protection sociale), qui est plus large que celui d’assurance sociale. 32 La portée de chaque terme pourrait être définie en recourant au procédé retenu en droit communautaire (v. supra), à moins que le terme ne soit clair en soi. 33 J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, Droit du travail, 20e éd., Dalloz, Paris, 2000, 5. 34 Toujours valable la définition de Hueck-Nipperday, Lehrbuch des Arbeitsrechts, 6e éd., Vahlen, Frankfurt, 1959, 5 : « Arbeitsrecht ist das Sonderrecht der unselbständig tätigen Arbeitnehmer ». 35 La RDA avait codifié le droit du travail dans un « Arbeitsgesetzbuch ». L’idée d’un futur code du travail pour l’Allemagne unifiée était en fait dès le début vouée à l’échec. 36 Sur les principes, v. P. Rodière, La convention collective en droit international, Litec, Paris, 1986. 11 Electronic Journal of Comparative Law, vol. 8.1 (March 2004), <http://www.ejcl.org/> du travail.37 Un rôle important est également dévolu à la jurisprudence et il convient d’en tenir compte pour la comparaison du droit du travail. En Allemagne, dans certains domaines, elle dicte même la ligne à suivre au législateur, non seulement par l’interprétation de textes mais par l’annulation ou la suppression, le cas échéant, de dispositions législatives, contraignant le législateur à agir en conséquence ; la Cour constitutionnelle allemande (Bundesverfassungsgericht) est investie de ce pouvoir. Dans de nombreux pays, le droit du travail est devenu encore plus complexe par l’importance qu’a pris le phénomène du travail apparemment indépendant. Si le droit du travail était exclusivement national, il ne l’est plus, aujourd’hui ; du moins est-il exposé à des influences transnationales, internationales ou supranationales. Le droit international du travail, qui est avant tout constitué par des conventions d’organisations internationales, régionales ou universelles, gouverne les relations de travail au niveau international.38 En Europe, on connaît deux sources européennes de droit international. Le Conseil de l’Europe se distingue notamment par la Charte sociale européenne, qui génère la comparaison de droit d’une façon particulière. En effet, par les procédures de contrôle prévues, les experts qui en sont chargés en application de la charte peuvent contribuer au développement du droit du travail dans les Etats signataires de la charte, parce que leurs conclusions peuvent inciter à des modifications ; des modifications doivent du reste être réalisées si l’Etat signataire en cause veut appliquer un droit conforme à la Charte.39 Le droit communautaire a une importance particulière en raison de son caractère supranational ; les nouveaux textes relatifs à la société européenne et surtout à l’implication des travailleurs nécessiteront, pour leur application, la comparaison de droit.40 I.A.3.b Le droit de la sécurité sociale ou l’assurance sociale En ce qui concerne la sécurité sociale, c’est le droit qui contient les règles y relatives, qui est à comparer. Il est essentiel de définir le concept de sécurité sociale.41 On s’aperçoit, du reste, qu’il peut être préférable d’utiliser le terme plus large de « protection sociale » et chercher la fonction qui est dévolue aux différentes normes. 37 La directive communautaire relative à l’aménagement de la durée du travail laisse aux Etats membres le choix des instruments de transposition. En France les principes sur la semaine des 35 heures (remodifiés depuis les dernières élections législatives) sont adaptés par convention collective; la loi allemande sur la durée du travail constitue dans ce sens une fidèle transformation de la directive communautaire en droit national en ce qu’elle permet aux partenaires sociaux de poser les règles en la matière. 38 G. Lyon-Caen, A. Lyon-Caen, Droit social international et européen, 8e éd., Dalloz, Paris, 1993, 1. 39 R. Birk, Arbeitsrecht und Rechtsvergleichung - Die Kontrolle der Einhaltung der Europäischen Sozialcharta, Zeitschrift für vergleichende Rechtswissenschaft, ZVglRW, 2000, 48. 40 Directive 2001/86/CE du conseil du 8 octobre 2001 complétant le statut de la société européenne pour ce qui concerne l’implication des travailleurs, JO n° L. 294 du 10 novembre 2001. Directive 2002/14/CE du PE et du conseil du 11 mars établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, JO L. 80 du 23 mars 2002. 41 F. Schmid, Sozialrecht und Recht der sozialen Sicherheit. Die Begriffsbildung in Deutschland, Frankreich und der Schweiz, Duncker & Humblot, Berlin, 1981. 12 Electronic Journal of Comparative Law, vol. 8.1 (March 2004), <http://www.ejcl.org/> La sécurité sociale constitue l’ensemble des mesures à caractère obligatoire destinées à garantir les individus contre les conséquences financières de certains risques sociaux: maladie (soins et indemnités), chômage, invalidité, décès, risques professionnels, vieillesse, charges familiales et maternité. Il s’agit là d’une définition classique analytique basée sur la convention OIT n° 102.42 Il est cependant difficile de trouver une définition applicable à tous les systèmes de sécurité sociale. Des systèmes de protection sociale tels que le système français, ne prennent pas en considération le risque chômage qui est détaché de la sécurité sociale stricto sensu.43 Il convient de rechercher une définition plus large, tout en gardant à l’esprit ces conceptions classiques et en respectant celles qui ont été retenues par des conventions au niveau international.44 Ainsi, la comparaison de la sécurité sociale dans une acception classique, mais sur une base plus large que celle de la convention n° 102, aboutit à des résultats quelque peu différents lorsqu’on retient la conception fonctionnelle, apparue pour la première fois dans la Déclaration de Philadelphie en 1944. La conception classique est dépassée car elle n’englobe pas l’ensemble des dispositifs relatifs à la protection sociale, le comparatiste qui s’y reporterait ne tiendrait pas compte du droit social dans son entité ou bien - s’il rendait compte du système tel qu’il est véritablement conçu, il serait peu fidèle à la conception juridique qu’il prendrait pour point de départ. Le résultat serait partiel. Quant à l’approche fonctionnelle, c’est le but visé par le dispositif de protection sociale qui est retenu. Ainsi, tout instrument qui sert à réaliser la sécurité sociale entre dans le champ d’application de la comparaison. La conception analytique de la sécurité sociale est particulièrement utile au niveau international, justement parce qu’elle énumère les différentes branches de sécurité sociale et permet ainsi de déterminer avec précision le champ d’application matériel de la sécurité sociale, donc de la loi y relative. Pour cette raison la classification en système « Bismarckien » et « Beveridgien » est dépassée, sauf, toutefois, pour en déterminer l’origine qui explique la forme organisationnelle et le champ d’application personnel originel. Si le droit de la sécurité sociale est essentiellement territorial, il importe d’insister sur l’importance des instruments de sécurité sociale au niveau international.45 Ces instruments peuvent être multilatéraux ou bilatéraux, complets ou partiels quant à leur champ d’application, universels ou régionaux. Les conventions de sécurité sociale, notamment bilatérales, servent alors de « règle de conflit » en ce sens que l’instrument international indique le droit applicable, sans qu’il admette, à l’instar du droit international privé, le renvoi 42 Convention no 102 concernant la norme minimum de la sécurité sociale du 28 juin 1952. 43 Cette exclusion se comprend parfaitement, en raison du développement historique particulier en France. Mais le risque de chômage est certainement un risque social. 44 V. aussi H.F. Zacher, Zur Anatomie des Sozialrechts, Die Sozialgerichtsbarkeit, 1982, 329. 45 B. v. Maydell, Die dogmatischen Grundlagen des inter- und supranationalen Sozialrechts, VSSR, 1973, 347. O. Kaufmann, La sécurité sociale dans les relations entre la France et les pays d’Afrique francophone au sud du Sahara, P. Lang, Frankfurt e.a., 1989. Lyon-Caen, op. cit. 13 Electronic Journal of Comparative Law, vol. 8.1 (March 2004), <http://www.ejcl.org/> de retour.46 Le droit communautaire est supranational et unique, à cet égard. Bien que le droit communautaire ne donne pas de définition exhaustive du droit de la sécurité sociale, le Règlement CE 1408/71 qui est le texte central en matière de protection sociale indique les branches de sécurité sociale entrant dans son champ d’application ; toute législation qui y est relative est ainsi visée par le règlement, qui donne la notion de législation dans son art. 1er, relatif aux définitions.47 La CJCE a précisé la portée de la notion et en a fixé les limites. La CJCE n’interprète pas le droit national mais se contente d’affirmer ou d’infirmer la compétence du droit communautaire. Elle ne fait que délimiter le champ d’application du droit de la sécurité sociale, elle ne dicte pas aux Etats membres la politique en matière sociale, ces derniers restant maîtres de leurs systèmes de protection sociale, quant à la forme et quant au contenu. I.B L’application de la méthode de comparaison fonctionnelle en droit social Dans tous les cas d’espèce de comparaison, il convient de respecter certains procédés, afin d’éviter des résultats inexacts. Il s’ensuit que la comparaison en droit social peut connaître certaines particularités, mais il n’y a pas de différences fondamentales, les règles et principes essentiels trouvant application indépendamment de la branche de droit. I.B.1 La fonctionnalité, l’interdisciplinarité et la langue L’approche fonctionnelle étant alors la méthode permettant d’atteindre le but de la comparaison, il faut bien se rendre compte que les normes de droit ne sauraient être comprises en dehors du contexte qu’elles gouvernent. Il n’est certainement pas indispensable de fournir la preuve que la compréhension du droit suppose la compréhension de la société. Pour l’acquisition de telle connaissance, il faut déborder le cadre du droit, l’interdisciplinarité devenant alors une nécessité. L’utilisation active du droit étranger, celle qui permet non seulement de comprendre les règles et principales normes, mais leur application, suppose la connaissance parfaite de la langue de ce droit. Le nombre d’exemples est grand et ils touchent à des domaines très variés, de sorte qu’il faut faire un choix, une présentation exhaustive étant exclue. I.B.2 Le droit du travail En droit du travail, on peut citer l’exemple de la représentation du personnel. Ainsi, lorsqu’on 46 B. v. Maydell, Sozialrechtsvergleichung und internationales Sozialrecht (Kollisionsrecht/Konfliktsrecht), in H.F. Zacher (dir.), Methodische Probleme, op. cit., 97. 47 Ainsi, selon l’art. 1er j) le terme ‘législation’ désigne les lois, les règlements, les dispositions statutaires et toutes autres mesures d’application, existants ou futurs, qui concernent les branches et régimes visés par le règlement. La CJCE a jugé que cette définition se caractérise par son contenu large, englobant tous types de mesures législatives, réglementaires et administratives adoptées par les Etats membres. La notion de législation doit être comprise comme visant l’ensemble des mesures nationales en la matière, à savoir les dispositions statutaires, les régimes des expatriés, les régimes facultatifs, les régimes coloniaux ; sont concernés les droits existants et futurs. L’élément essentiel est le rattachement à une législation d’un Etat membre. 14 Electronic Journal of Comparative Law, vol. 8.1 (March 2004), <http://www.ejcl.org/> parle du Betriebsrat allemand, on sait qu’il s’agit de l’institution dans l’entreprise qui a son pendant en France dans le comité d’entreprise. Il ne me paraît cependant pas opportun d’utiliser le terme de comité d’entreprise. Car, si les deux institutions se voient attribuées de par la loi des tâches comparables, leur composition respective démontre la réalité d’une structure et un mode de fonctionnement différents. Les différences sont réelles et importantes. La traduction par « conseil d’entreprise » ne fait pas l’unanimité ; souvent, le Betriebsrat est désigné en français par conseil d’établissement. C’est, il est vrai, la traduction littérale, le Betrieb étant d’abord assimilé à un établissement, avant d’être étendu à l’entreprise. Néanmoins, le Betrieb peut se confondre avec l’entreprise (Unternehmen). C’est le cas lorsqu’un seul établissement existe. De plus, en utilisant le terme de « conseil d’entreprise »,48 le comparatiste se rapproche d’un terme connu en droit national (français), sans pour autant créer de synonyme chargé de significations et particularités juridiques. L’exemple du droit de grève fait apparaître de grandes différences d’un pays à un autre, et il faut bien se garder de conclure à la hâte. Le fait que la grève n’est pas un droit individuel et que son exercice est soumis à des conditions très strictes et formalistes, en Allemagne par exemple, ne signifie nullement que la liberté de faire grève soit amputée. Que le droit de grève soit un droit individuel ou un droit collectif est également sans incidence sur l’exercice du droit ; mais cette différence peut être d’importance certaine pour la bonne compréhension du monde du travail dans un pays. De plus quand bien même la grève est dans tel acte juridique un droit individuel, son exercice suppose la collectivité. Ce domaine illustre bien par ailleurs que la prise en compte de la vie sociétale toute entière est une condition première à la comparaison, ceci déjà au premier niveau, celui de la compréhension et de la description des règles de droit. La représentation du personnel par le délégué du personnel en droit français en est un autre exemple. Cette structure n’a pas de pendant en droit allemand, mais elle doit être pris en compte lorsque l’on compare la représentation dans l’entreprise telle qu’elle est prévue par les deux droits. En droit du travail, toujours, la notion de « cadre », désignant une certaine catégorie d’employé, joue un rôle certain. La définition de cette notion, sa portée doivent cependant être connues pour procéder à une comparaison, à une juxtaposition de normes de différents ordres juridiques. En s’en tenant à la comparaison franco-allemande, il ne s’agit pas seulement de résoudre la difficulté de traduction. Peut-on traduire le terme de cadre par « leitender Angestellter », qui est le terme utilisé en droit allemand ? A l’inverse, est-il opportun de traduire « leitender Angestellter » par cadre ou est-il préférable de choisir un terme tel que « employé dirigeant » ? Il faut être conscient que la notion a, dans chacun des deux ordres juridiques, une acception bien différente. En droit français, on connaît les cadres subalternes, les cadres moyens et les cadres supérieurs, certaines catégories de personnes, tels les ingénieurs, leur étant assimilées. La formation initiale est un critère pour la notion. En droit allemand, en revanche, est à priori « leitender Angestellter » le travailleur salarié qui occupe une position hiérarchiquement très élevée dans l’entreprise, la formation n’étant à priori pas déterminante. 48 Cette traduction est du reste ancienne : cf. Les documents du travail, Bulletin mensuel de l’association française pour le progrès social, 1928, 141. 15 Electronic Journal of Comparative Law, vol. 8.1 (March 2004), <http://www.ejcl.org/> I.B.3 Le droit de la protection sociale En matière de protection sociale, le comparatiste se doit également d’être très vigilant afin d’éviter toute erreur de compréhension du droit étranger. Le problème commence avec la traduction de la discipline même.49 La recherche de la fonction d’une norme ou d’un ensemble de normes n’est pas menée par le recours aux seuls instruments de la branche de droit concernée. Il faut favoriser l’approche interdisciplinaire qui paraît même nécessaire.50 En ce qui concerne par exemple le système des prestations familiales, sa fonction est d’octroyer une prestation, lorsque certaines conditions sont remplies. Mais il ne suffit pas de constater que le système accorde des prestations pour l’éducation et la prise en charge d’un ou de plusieurs enfants : la notion d’enfant à charge est différente, selon le droit concerné. Toute l’étendue des règles ne se laisse pas toujours aisément cerner, la conception globale du système peut être différente dans chaque pays, ce qui a des conséquences directes sur les prestations et même sur l’infrastructure, notamment pour la jeune enfance. De plus, en Allemagne le système des prestations familiales relève maintenant du droit fiscal, ce qui nécessite une approche en conséquence. La gestion des différents régimes de protection sociale, se présente sous une apparente diversité qui cache cependant parfois de fortes ressemblances. On fait état de l’autogestion (Selbstverwaltung) des caisses et institutions d’assurance sociale allemandes, et on répand l’idée que cet instrument serait unique. Néanmoins, en France aussi, la gestion est confiée aux partenaires sociaux, le paritarisme n’étant cependant pas strict. Des dispositions contraignantes prévoient dans les deux pays la possibilité de réduire dans certains cas la liberté de gestion des partenaires sociaux. La loi allemande p.ex. prévoit expressément sa priorité sur toute disposition convenue entre les représentants des partenaires sociaux appelés à exercer l’autogestion ; cela vaut pour le catalogue des prestations et pour les modalités de service. De fait, la portée de l’ « autogestion » ne correspond pas à l’importance qui lui est a priori attribuée dans la conception juridique allemande. Une notion-clé en droit de la sécurité sociale est celle d’ayant droit. Normalement, elle est sans équivoque déterminée par le droit applicable, étant entendu que sa portée varie d’un ordre juridique à l’autre. Il importe de rechercher quelle est la conception que la société concernée lui réserve pour en déterminer le contenu exact. Il suffit donc d’analyser les règles de droit spécifiques pour connaître la portée de la notion d’ayant droit pour telle branche d’assurance sociale. Or, dès lors qu’on s’intéresse à des sociétés où les rapports entre les individus sont susceptibles d’être gouvernés par plus d’une règle de droit, la solution peut être toute différente. Ainsi, les droits de protection sociale de certains Etats d’Afrique noire francophones connaissent-ils le statut d’ayant droit et prévoient-ils le service de certaines prestations sociales à l’instar du droit français, sur lequel ils sont calqués. En dépit des dispositions légales qui désignent sans équivoque les ayants droit, des personnes qui n’en font pas partie selon le droit moderne, mais qui sont à considérer comme faisant partie de la famille dans un sens traditionnel, sont admises à bénéficier de certaines prestations sociales. On se trouve alors confronté à des situations qui ne sauraient être comprises sans la 49 Sur la définition indépendamment du terme retenu, v. supra. 50 P.ex. P. Hunot, Droit du travail et culture sociale. L’exemple allemand, L’Harmattan, Paris, 1999. 16 Electronic Journal of Comparative Law, vol. 8.1 (March 2004), <http://www.ejcl.org/> connaissance des réalités de la société qui font que le droit traditionnel, qu’il contienne une règle spécifique expresse ou non, complète le droit moderne. L’apport du droit traditionnel est accepté, souvent seulement de fait, parfois en droit.51 En matière de retraite, la comparaison ne fait pas seulement état d’éventuelles divergences organisationnelles et gestionnaires, mais elle fait apparaître, pour cette branche aussi, la nécessité de l’interdisciplinarité. Car la comparaison d’une retraite allemande avec une retraite française, p.ex., ne peut se faire que lorsqu’on tient compte du fait que la prestation est soumise à impôt dans l’un, et en partie seulement soumise à impôt, en droit, et largement exonérée, de fait, dans l’autre Etat, du moins pour les retraites hors fonction publique en droit allemand.52 Au niveau de la retraite complémentaire, le fait qu’il s’agisse en France d’une prestation obligatoire, assise sur la répartition, tandis qu’en Allemagne elle est presque toujours facultative et constituée par capitalisation, démontre qu’il est très important de savoir ce qui se cache derrière les notions qui sont utilisées dans les parties des ordres juridiques que l’on veut analyser et comparer. La comparaison dans ce même domaine des retraites, peut être prise comme exemple pour l’importance de la traduction bien choisie. Le terme d’assurance vieillesse désigne, en droit français, p.ex., une branche de l’assurance sociale définie sans équivoque. Or, le terme d’assurance vieillesse n’a pas le même sens ou pas la même portée en droit allemand. Car, si l’assurance vieillesse peut être désignée par « Altersversicherung », la branche d’assurance sociale allemande qui correspond à l’assurance vieillesse française, est plus large que la protection vieillesse et englobe le risque invalidité. Pour cette raison, il est préférable de s’en tenir à la traduction littérale de « Rentenversicherung », qui correspond à l’assurance pension. Au-delà des termes, il est primordial de désigner avec exactitude ce qui est l’objet de la comparaison. Car, dans la mesure où une branche d’assurance sociale couvre en vérité deux risques, le risque invalidité et l’éventualité de la vieillesse, toute la conception en dépend.53 Enfin, l’absence d’un terme utilisé dans le droit national des textes législatifs et réglementaires étrangers ne signifie pas que son équivalent n’existe pas. Ainsi, en Allemagne, le terme invalidité, qui y est pourtant courant, n’est repris par aucun texte de l’assurance sociale, contrairement au code de sécurité sociale français qui contient l’expression « assurance invalidité ». Le livre VI du code social allemand (Sozialgesetzbuch, SGB VI), qui contient les dispositions relatives à l’assurance pension fait référence à la diminution de la capacité de gain (Minderung der Erwerbsfähigkeit). Cet exemple démontre, une fois de plus, que le comparatiste doit partir d’une situation pour trouver la solution et l’état de droit et qu’il doit se garder de faire des constats précipités. 51 Selon le droit français de la sécurité sociale, le statut polygame n’ouvre pas droit à prestations. Le cas échéant, c’est l’épouse pour laquelle a été posée la première demande de prise en charge, qui est considérée comme ayant droit. Si elle quitte définitivement le territoire français, la sécurité sociale accepte généralement la demande de prise en charge faite pour une autre épouse de l’assuré. 52 Le débat est lourd de conséquences, car la Cour constitutionnelle (Bundesverfassungsgericht) a jugé que le législateur n’est pas en droit de traiter différemment les fonctionnaires et les retraités du régime général. La Cour a constaté une inégalité de traitement et a déclaré les dispositions légales incriminées non conformes à la constitution, le législateur a par conséquent l’obligation de remédier à ce problème. BverfG 6 mars 2002 2BvL 17/99. 53 En fait, la vieillesse n’est pas un risque, mais une éventualité. 17 Electronic Journal of Comparative Law, vol. 8.1 (March 2004), <http://www.ejcl.org/> II. Buts de la comparaison sociale En matière sociale, outre la connaissance du droit étranger pour des raisons diverses, la réalisation de convergences, plus rarement de l’harmonisation, peut être un but de la comparaison. Elle peut également servir au rapprochement de législations ou à consolider et approfondir une structure juridique sur laquelle est basé un ensemble organisationnel tel que la Communauté européenne (v. supra). II.A Choix du champ de comparaison et procédé La comparaison juridique repose sur un motif et est réalisée selon certains procédés. II.A.1. Raisons et objectifs de la comparaison de droit social Le droit comparé a sa raison d’être là où la solution à un problème ou une situation donnée ont été soumises à une règle ou norme. La recherche dans la comparaison de droit social peut avoir un intérêt scientifique personnel, mais également servir une cause plus concrète, quand il s’agit par exemple d’entreprendre d’importantes modifications législatives.54 La raison la plus noble est le décloisonnement des espaces juridiques nationaux pour permettre le regard vers l’extérieur et faciliter celui de l’extérieur sur le droit national, ce qui n’est pas réalisable sans comparaison. Il s’agit de comprendre le droit étranger, d’en dégager les fondements, les fonctions, de saisir la portée de ses règles. Cette connaissance est même devenue indispensable. La compréhension peut servir la science juridique en tant que telle, comme elle peut être d’application immédiate et avoir des répercussions dans différents domaines, dans l’économie, la politique. Les grandes modifications législatives, notamment, sont souvent précédées par des recherches dans d’autres ordres juridiques, où le problème en cause a pu être résolu. Evidemment, il importe, lorsque l’on s’apprête à reprendre des solutions découlant de l’application d’un droit étranger, de tenter de saisir sur quelles bases elles sont assises, si le système ainsi décelé est acceptable dans le propre pays ; il faut, en outre, vérifier si l’ensemble de la société admettra ces solutions.55 La comparaison peut ne concerner que la recherche scientifique comparative.56 La recherche scientifique - peut-être même fondamentale -, est a priori moins orientée à la pratique et vise 54 Il est vrai qu’il est difficile de faire une telle distinction, dans la mesure où l’exercice de la comparaison peut concerner plusieurs aspects qui sont liés. Cf. I. Zajtay, Über die Ziele und Methoden der Rechtsvergleichung, in I. Zajtay, Beiträge zur Rechtsvergleichung - Ausgewählte Schriften, Mohr, Tübingen, 1976, 54. 55 Dans ce sens, également O. Kahn-Freund, On Uses and Misuses of Comparative Law, in O. KahnFreund : Selected Writings, Stevens, London, 1978, 294 (304 s.). 56 V. R. David ; C. Jauffret-Spinosi, op. cit., 9. 18 Electronic Journal of Comparative Law, vol. 8.1 (March 2004), <http://www.ejcl.org/> la compréhension systématique du droit étranger et, en même temps, du droit national.57 Surtout, R. David l’affirmait déjà : il n’est pas de sociologie juridique, pas de philosophie du droit qui puisse être élaborée de façon satisfaisante en considérant un seul système. Il en est de même pour les droits pénal, commercial et d’autres branches encore, qui ne peuvent être bien maîtrisés et compris que par le recours au droit étranger. L’étude d’un droit étranger, la comparaison de droit, peut être menée avec l’objectif de trouver des voies pour procéder à l’amélioration de règles jugées insuffisantes dans le propre droit. La comparaison est le préalable à l’amélioration de situations insuffisantes, par exemple en matière d’emploi, domaine qui est préoccupant dans plusieurs pays et pour lequel les débouchés ne sauraient être trouvés au seul niveau national.58 On cherche dans un autre ordre juridique des pistes de solutions adéquates. On a - justement dans le domaine du droit social dans son acception large - des domaines d’intervention multiples, qui peuvent aboutir à la création de règles de droit international. Le droit européen plus particulièrement est difficilement concevable sans comparaison juridique, car tout en laissant subsister les droits nationaux, il contient des règles impératives et s’applique immédiatement. Le droit social comparé peut servir à la coordination bi- et multilatérale. Parfois, on a tenté d’y avoir recours pour créer un espace harmonisé ou, d’une façon plus réaliste, un espace de convergences (v. infra). II.A.2. L’échelle de comparaison A ce niveau, on évoque un aspect que l’on pourrait inclure dans la méthode.59 Comme pour la comparaison de droit en général, la comparaison du droit social se fait aux niveaux micro- et macroscopique (v. supra). Mais il paraît possible de procéder à des distinctions plus pointues encore. Le droit social comparé comprend trois principaux niveaux. Le premier est celui de la description, qui suppose la compréhension du système juridique. La description d’un système juridique étranger relève bien du droit comparé, bien qu’il ne s’agisse là que d’exposer les règles de fonctionnement. On explicite cependant ces règles dans une autre langue que celle dans laquelle elles ont été conçues. Et c’est déjà assez compliqué ; car il faut éviter de dénaturer le sens des règles juridiques,60 de prendre garde à 57 Ex. H.F. Zacher (dir.), Der Versorgungsausgleich im internationalen Vergleich und in der zwischenstaatlichen Praxis, Duncker & Humblot, Berlin, 1984. O. Kaufmann, F. Kessler, B. v. Maydell (dir.), Arbeits- und Sozialrecht bei grenzüberschreitenden Sachverhalten - Droit social et situations transfrontalières, Nomos, Baden-Baden, 1998. 58 Un exemple : A. Supiot (rapporteur général), Au-delà de l’emploi. Transformations du travail et devenir du droit du travail en Europe, Flammarion, Paris, 1999. 59 Parmi les premières réflexions, qui ne visaient alors pas le droit social : J. Kohler, Über die Methode der Rechtsvergleichung, Zeitschrift für das Privat- und öffentliche Recht der Gegenwart, 1901, 273. G. Langrod, Quelques réflexions méthodologiques sur la comparaison en science juridique, Revue internationale de droit comparé, 1957, 353. Les deux textes sont reproduits in Zweigert, Puttfarken, op. cit., 18 et 225. 60 La mise en garde est également rappelé par R. David ; C. Jauffret-Spinosi, op. cit., 9 s. 19 Electronic Journal of Comparative Law, vol. 8.1 (March 2004), <http://www.ejcl.org/> l’utilisation d’expressions dont le sens est préétabli.61 Une approche historique peut contribuer à une meilleure compréhension d’un système.62 Le deuxième niveau est celui de l’analyse du système étranger. On dégage alors les ressemblances et les dissemblances entre les droits concernés. C’est à ce niveau que les solutions jurisprudentielles et la doctrine sont d’importance primordiale. L’analyse se fera souvent à la lumière du droit national, c-à-d. que la pertinence des questions pour lesquelles on recherche la réponse est dictée par les préoccupations et problèmes décelés dans le même domaine du propre espace juridique. Il importe cependant d’éviter une analyse du droit étranger en s’appuyant sur les solutions du propre droit. C’est possible en s’attachant à la fonctionnalité de la règle de droit. En revanche, il sera souvent difficile de faire la distinction entre ces deux premiers degrés.63 Ensuite, au troisième niveau, c’est la comparaison dans le sens étroit du terme, c-à-d. confrontation de normes de systèmes juridiques différents. Souvent, la comparaison est faite pour une application pratique. Bien entendu, il ne s’agit nullement d’une appréciation de valeur, d’une pondération des droits en présence, mais de déceler la solution la plus appropriée pour un état de fait, un problème, qui relève d’une branche de droit. C’est à ce niveau qu’il est possible de tirer profit des expériences étrangères pour une mise en place de nouvelles règles dans un domaine déterminé, dans le contexte de l’ensemble de la société. Il importe donc de vérifier si la solution du droit étranger, reconnue apte pour la maîtrise du problème, est entièrement ou partiellement transposable dans le droit national, pour y produire l’effet souhaité. On peut ainsi rechercher la solution la plus adaptée à un problème déterminé, ce qui correspond à l’approche fonctionnelle. Ce triple niveau de comparaison semble accepté, mais la signification de chaque niveau d’approche peut être différente.64 II.B La comparaison sociale comme élément pour l’intégration 61 Un exemple récent en langue française: O. Kaufmann, F. Kessler, P.A. Köhler, Le droit social en Allemagne, Kluwer, Bruxelles, 2ème éd., 2001. Antérieurement, pour l’assurance sociale M. Froment, A. Rieg (dir.), Introduction au droit allemand, t. II, éd. Cujas, Paris, 1984, p. 223 ss. 62 P.A. Köhler, H.F. Zacher, en collab. avec Ph.-J. Hesse (dir.), Un siècle de sécurité sociale. 1881-1981. L’évolution en Allemagne, France, Grande-Bretagne, Autriche et Suisse, C.R.H.E.S. Nantes, 1982. Sur l’influence de droits sur le système juridique national (dans des domaines autres que le droit social), v. O. Beaud, P. Wachsmann, La science juridique française et la science juridique allemande de 1870 à 1918, PUS, Strasbourg, 1997. 63 En exemple : Peter Abrahamson et al., Comparing Social Welfare Systems in Nordic Europe and France, vol. 4, Copenhagen Conference, MIRE-DREES, Paris, 1999, Rencontres et recherches. Comparer les systèmes de protection sociale en Europe, vol. 2, 1996. 64 Ainsi, H.F. Zacher, Vorfragen zu den Methoden der Sozialrechtsvergleichung, in H.F. Zacher (dir.), Methodische Probleme, op. cit., 22 , utilise les termes erkennen, verstehen, bewerten (reconnaître, comprendre, évaluer) ; il semble cependant que le terme bewerten (évaluer) ne doive pas être compris dans son acception de valeur, car ce serait contraire à l’essence même du droit comparé, à savoir le constat et l’acceptation de la différence. J.-P. Laborde, Le droit social comparé : pourquoi et comment ?, préc., distingue les étapes de la reconnaissance de l’altérité, du discernement des ressemblances, et constate, ensuite, ni différence radicale, ni ressemblance radicale. 20 Electronic Journal of Comparative Law, vol. 8.1 (March 2004), <http://www.ejcl.org/> L’intégration sociale peut être à la fois un but et un moyen de rapprochement de législations émanant d’ordres juridiques différents, à la condition que le cadre général s’y prête. C’est le cas de la communauté européenne, qui regroupe par une construction originale puisque supranationale, les Etats membres. Elle n’a pas vocation pour se substituer aux Etats membres, au contraire, le principe de subsidiarité obligeant, nombreux sont les domaines qui sont laissés dans le champ de compétence des Etats membres. Mais la communauté européenne encourage des tentatives d’intégration dans le domaine social, qui sont réalisées par des règles particulières et spécifiques.65 Pour y arriver, la comparaison juridique semble être indispensable. Du reste, dans le but d’améliorer la protection sociale, on a initié au niveau communautaire de nouveaux procédés ; suite à la politique des convergences et la coopération renforcée, on a ainsi créé la méthode de la coopération ouverte, qui débouche sur une évaluation supranationale et qui se sert du moins implicitement de la comparaison (v. infra). II.B.1. A propos de l’intégration L’intégration européenne telle qu’elle a été réalisée jusqu’à maintenant, repose sur un ensemble de normes juridiques. Il s’agit d’abord du traité de Rome et des traités ultérieurs le modifiant et le complétant, avec les libertés fondamentales qui constituent en quelque sorte les piliers pour l’exercice effectif du droit communautaire. Il s’agit du droit dérivé, notamment des règlements, directives, décisions, déclarations, résolutions, recommandations et avis, mais également de conventions et accords internationaux, notamment les accords d’association. Surtout, il y a la jurisprudence de la Cour de justice CJCE. Ces institutions et instruments de droit favorisent non seulement l’intégration européenne, mais impliquent la comparaison de droit. Elle est aussi bien nécessaire pour l’établissement des différents textes et instruments juridiques, par exemple pour leur éventuelle transposition en droit national que pour leur interprétation par les juridictions nationales et par la CJCE. Le droit social des différents Etats membres participe à l’intégration européenne, dans la mesure où il est adapté au droit communautaire ou interprété à la lumière de ce dernier ;66 il agit comme facteur d’intégration, dans la mesure où il est sujet à transformations et modifications pour être conforme au droit communautaire, voire, ce qui semble plus rare, pour précéder des développements communautaires. La comparaison de droit est en tout cas toujours au centre, peu importe que son rôle soit expressément souligné, ou non. Il convient de ne pas perdre de vue que l’intégration sociale n’est pas du tout uniforme, mais au contraire caractérisée par une grande diversité. De plus, elle est sujet à modification, au fur et à mesure que le droit communautaire et les relations entre ce droit et les droits nationaux évoluent. L’état d’intégration dans le domaine social dépend du développement du fondement du droit social communautaire. La question est de savoir s’il est suffisamment développé et consolidé pour se présenter comme un droit indépendant, qui, par la transformation dans le droit 65 O. Kaufmann, Das Arbeits- und Sozialrecht als Integrationsmedium - Vergleichende Aspekte -, Zeitschrift für ausländisches und internationales Arbeits- und Sozialrecht, ZIAS, 2001, 187. 66 V. p.ex. S. Hennion-Moreau, L’influence du droit communautaire sur le droit interne, Droit social, 1992, 736. 21 Electronic Journal of Comparative Law, vol. 8.1 (March 2004), <http://www.ejcl.org/> national ou par l’application directe et immédiate au niveau national produit une force intégrante telle que la question de l’existence d’un tel droit peut être affirmée.67 Actuellement, le droit social communautaire est un faisceau de règles de coordination, renforcé par son caractère supranational. Les Etats membres se réservent un droit de résistance, qui vaut certainement également en matière sociale.68 II.B.2 Les instruments d’intégration et la comparaison de droit Les intérêts du domaine social, tels qu’ils sont contenus notamment dans les articles 42 et 136 ss. du traité, ont été pendant longtemps mis au second plan. L’harmonisation sociale n’est plus un moyen jugé apte à faire progresser l’Europe sociale, l’objectif est la réalisation de convergences de droits, ce qui permettrait d’avancer de façon significative. En effet, la communauté européenne poursuit, depuis 1992, une stratégie des convergences. Depuis la décision d’orienter les objectifs de lutte pour l’emploi aux priorités économiques et viceversa, les politiques communautaires peuvent être plus pondérées, mieux adaptées par rapport aux différents domaines et branches. L’insertion, dans le traité, d’un chapitre « emploi » a ainsi pu permettre de renforcer les convergences grâce à l’établissement de lignes directrices. Le but est même de pratiquer une politique sociale cohérente, bien que le chemin pour y arriver soit encore long. Depuis le sommet de Lisbonne en 2000, on utilise également la 67 W. Däubler, Auf dem Weg zu einem europäischen Arbeitsrecht ?, in L. Krämer, H.-W. Micklitz, K. Tonner (dir.), Recht und diffuse Interessen in der Europäischen Rechtsordnung, Nomos, Baden-Baden, 1997, 441. 68 Que l’on songe à l’arrêt de la Cour constitutionnelle allemande au moment de la ratification du traité de Maastricht. Selon ce « Solange-Urteil », la légitimité du droit communautaire peut être vérifiée par le recours au droit national. La primauté du droit communautaire n’est pas contestée par la Cour constitutionnelle, mais la question s’est posée de savoir s’il y a des exceptions à la priorité communautaire ou si la primauté connaît des limites. Dans un premier temps, la Cour constitutionnelle a affirmé que les droits fondamentaux de la Loi fondamentale priment le droit communautaire tant qu’il n’y a pas un catalogue de droits fondamentaux communautaire établi par le PE ; elle affirmait sa compétence de statuer aussi longtemps qu’une garantie communautaire des droits fondamentaux n’est pas établie (BVerfGE, 37, 277, Solange-Beschluß, décision I « jusqu’à ce que »). Par la suite, la Cour constitutionnelle a constaté l’existence d’une garantie communautaire des droits fondamentaux et a renoncé à se référer à la Loi fondamentale pour décliner sa compétence et ceci pour aussi longtemps que la protection des droits fondamentaux à l’encontre des pouvoirs de la Communauté est garantie par le droit communautaire et notamment grâce à la CJCE à un niveau correspondant aux exigences de la Loi fondamentale (BVerfGE 73, 339, Solange-II-Beschluß). Les actes d’une organisation supranationale concernent les destinataires des droits fondamentaux en Allemagne et, partant, les garanties de la Loi fondamentale ainsi que les compétences de la Cour constitutionnelle ; cependant, la jurisprudence de la Cour constitutionnelle sur l’application du droit communautaire en Allemagne est rendue dans une relation de coopération avec la CJCE (BVerfGE, 89, 155 ; décision Maastricht du 12 octobre 1993). Enfin, en dernier, la Cour constitutionnelle a jugé qu’un recours constitutionnel basé sur la violation de droits fondamentaux par le droit communautaire dérivé n’est pas recevable sans la preuve de la part du requérant que le droit communautaire et y compris la jurisprudence communautaire depuis la décision « Solange-II » de la Cour constitutionnelle est moins protecteur que le niveau requis. Pour cette raison, les motifs de la demande de recours doivent démontrer que la protection du droit fondamental spécifique n’est pas assurée ; pour ce faire, il convient de juxtaposer la protection du droit fondamental au niveau européen à celle du droit national, comme le fait la Cour constitutionnelle depuis la décision « Solange-II » de 1973 (BVerfGE 73, 339, du 7 juin 2000). V. aussi, pour la France, C. Grewe, H. Fabri, Le conseil constitutionnel et l’intégration européenne, RiDH, 1992, 277. 22 Electronic Journal of Comparative Law, vol. 8.1 (March 2004), <http://www.ejcl.org/> méthode de coordination ouverte, qui trouve ses sources dans la politique économique et monétaire ; cette méthode est pratiquée, à l’instar des politiques de l’emploi, par la détermination de lignes directrices, que les Etats membres devraient transposer en droit national ; ils sont en tout cas tenus d’en tenir compte dans la fixation des politiques à mener. Les deux méthodes visent à réaliser une convergence dans chacun des domaines concernés. La stratégie des convergences est poursuivie selon une procédure juridique, tandis que la coordination ouverte est soumise à une procédure politique. Il ne s’agit cependant pas de présenter ici les rouages de ces procédés d’intégration.69 Ce qui importe, ici, c’est le constat que les convergences ne peuvent être établies et que la méthode de la coordination ouverte ne peut être réalisée sans la comparaison juridique du droit concerné, eu égard à l’environnement sociétal. La comparaison de droit à pratiquer pour avancer les convergences sociales est horizontale et verticale, puisque et des droits nationaux et le droit supranational communautaire sont impliqués. Même si ce dernier n’est pas d’application contraignante en matière de convergences, les résultats obtenus par la comparaison paraissent susceptibles de renforcer les convergences sociales et, en conséquence, l’état d’intégration. La comparaison est alors au service de l’intégration. Le fait que la commission européenne tente une évaluation des résultats obtenus aux niveaux nationaux peut renforcer la pratique de la comparaison dans ce domaine, en tout cas apporter de nouveaux aspects. 69 M. Göbel, Von der Konvergenzstrategie zur offenen Methode der Koordinierung. EG-Verfahren zur Annäherung der Ziele und Politiken im Bereich des sozialen Schutzes, Nomos, Baden-Baden, 2002. VDR (dir.), Coordination ouverte de l’assurance vieillesse dans l’Union européenne, DRV-Schriften vol. 36, Frankfurt, 2002. 23