Sport, industrie et tourisme : un lien qui ne faiblit pas

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Sport, industrie et tourisme : un lien qui ne faiblit pas
LE DAUPHINÉ LIBÉRÉ | MARDI 20 JANVIER 2015 | 5
VOTRE RÉGION
HAUTE­SAVOIE | Votre rendez­vous mensuel avec le Comité départemental olympique et sportif (Cdos)
Sport, industrie et tourisme :
un lien qui ne faiblit pas
À l’occasion des 20 ans de
la Maison départementale
des sports, Le Dauphiné
Libéré se penche chaque
mois sur l’évolution du
sport en Haute-Savoie.
Aujourd’hui, volet n°3 : le
sport, l’industrie et le
tourisme
TROIS
QUESTIONS À…
André Falcomata
Secrétaire général de la Confédération
générale des petites et moyennes
entreprises de Haute-Savoie (CGPME),
et président du FC Chéran
S
i les relations entre l’in­
dustrie et le sport, que ce
soit professionnel ou
amateur, existent depuis très
longtemps, la ficelle qui les
lie a, elle, évolué avec le
temps, se fragilisant à des en­
droits avec la crise et le dé­
part de certaines entreprises
de notre département, mais
se solidifiant par ailleurs. Du­
rant ces vingt dernières an­
nées, des entreprises ont
marqué notre département
grâce à leur investissement
dans le monde sportif.
« Le sport en entreprise, j’y crois »
Ü Pour vous, que représente le lien entre le monde de
l’entreprise et le sport ?
«Pour moi, il y a plus qu’un lien purement commercial entre
le sport et les sociétés, même si l’engagement de ces
dernières est de plus en plus important dans le monde
sportif. Les entreprises accompagnent depuis longtemps
tout ce qui, dans leur environnement sociétal, pourrait
permettre l’épanouissement de leurs salariés. Aujourd’hui,
on nous dit qu’en entreprise, il faut faire du dialogue social.
Je suis persuadé qu’à l’avenir, on nous dira : “Il faut faire du
sport”.»
Ü Dans l’avenir, le sport au sein de l’entreprise peut devenir
Somfy au service du sport
haut­savoyard
Somfy a misé sur le sport et le biathlon. Comme ici où nous voyons le logo sur le fusil du double champion olympique Martin Fourcade. Photo ZOOM
Il est difficile d’emprunter
l’Autoroute blanche, qui mè­
ne à Cluses, sans apercevoir
cette photo géante du biath­
lète Martin Fourcade placar­
dée sur les murs de l’entre­
prise Somfy. Une façon pour
le groupe industriel de la Val­
lée de l’Arve, spécialisé dans
la motorisation et l’automati­
sation, de planter le décor et
de clamer son soutien au
sport : « Depuis le début des
années 90, nous sommes in­
vestis dans le sport et notam­
ment dans les sports de mon­
tagne, puisque nos racines
sont en Haute­Savoie. Nous
avons commencé par le ski
de vitesse, de descente, puis
l’alpin avant d’arriver au
biathlon avec Poiret, De­
frasne et aujourd’hui Martin
Fourcade », explique Jean­
Michel Jaud, directeur de la
communication interne chez
Somfy. un choix que salue le
maire de Cluses, Jean­Louis
Mivel : « Le choix de Somfy
n’était pas le plus facile. En
s’alliant au biathlon, sport
noble, elle a suivi son aventu­
re personnelle, qui bat au
rythme de l’exigence ».
Mais l’entreprise haut­sa­
voyarde ne veut pas se limi­
ter à la carrière de ces sportifs
et les aide également dans
leurs reconversions, comme
Vincent Defrasne, employé
et directeur de la fondation
Somfy : « Notre objectif est
d’aider les sportifs durant
leur carrière professionnelle,
mais aussi après », ajoute
Jean­Michel Jaud.
Des sportifs chez Tefal
Arrivée à Rumilly en 1961,
l’entreprise spécialisée dans
les articles culinaires Tefal a
connu un véritable boum
dans les années 80­90. Une
période où la société créait
jusqu’à 200 postes par an
dans son usine de 3 000 mè­
tres carrés de Rumilly. Une
période qui correspond éga­
lement à de très bons résul­
tats sportifs pour les clubs de
la commune haut­savoyarde,
puisque le club de rugby a
atteint l’élite nationale au dé­
but des années 90 et les foot­
balleurs la troisième division.
Mais pour Paul Rivier, PDG
de Tefal entre 1979 et 99, son
entreprise n’a eu aucun lien
avec cette réussite sportive.
Et pourtant aujourd’hui, le
rugby évolue en Fédérale 2
(4e niveau français) et le foot
en PHR (8e échelon national).
Une chose est sûre : les
murs de Tefal ont accueilli
des sportifs, mais pas dans
n’importe quelles condi­
tions : « Au départ, cela a été
une sollicitation, nous avons
répondu à une demande. On
a ouvert nos portes à un
joueur de rugby, quand Ru­
milly était en quatrième divi­
sion.Puis petit à petit, il y a eu
d’autres sportifs », raconte
Paul Rivier avant d’ajouter :
« Mais si on prenait un spor­
tif, c’était pour faire son tra­
vail. Ce n’était pas notre poli­
tique de créer des faux em­
plois pour que les joueurs
aient un salaire en plus de ce
qu’ils touchaient avec le
club. On ne faisait pas de ca­
deaux. Tant que l’on pouvait
arranger oui, mais pas au dé­
triment de l’entreprise. On
ne fait pas “joujou” avec les
emplois ».
Depuis, la crise économi­
que est passée par là, les en­
treprises ont changé leur fu­
sil d’épaule. Mais le lien en­
tre l’industrie en le sport n’a
pas disparu en Haute­Sa­
voie. Il s’est simplement
adapté à ce contexte diffé­
rent.
Antony CORREIA
une nécessité ?
«Si il y a une vingtaine d’années on pouvait parler d’un
phénomène de mode, aujourd’hui dans un format de vie qui
s’accélère, on a de moins en moins le temps de s’occuper de
notre corps. De plus, je pense que les chefs d’entreprise
prennent conscience que l’action régénératrice du sport
devient une nécessité dans le monde du travail. Un salarié
bien dans son corps -et forcément dans sa tête- est plus
productif. Les Japonais l’ont bien compris en proposant aux
employés des lieux et des temps de détente et d’exercices
physiques au sein même des entreprises. Et je suis certain
que l’on y viendra. Aujourd’hui, des entreprises comme
Synpeak propose tout un arsenal de méthodes de coaching
individuel ou collectif au service des entreprises.»
Ü Cette initiative d’intégrer le sport au sein de l’entreprise
doit s’effectuer sous l’impulsion des employés ou de
l’entreprise ?
«Je pense que l’entreprise peut être le déclencheur d’une
prise de conscience mettant en adéquation sport et bienêtre physique et mental. En fait, je ne vois que le monde du
travail pour offrir le temps nécessaire à ce qui devient une
nécessité vitale, en dehors du circuit traditionnel des compétitions. Mais cela doit s’imaginer sur la base d’un volontariat
mutuel négocié et non de textes réglementaires imposés.
En tout cas, moi, le sport en entreprise, j’y crois !»
Propos recueillis par Richard FAVRE
TÉMOIGNAGE
Yann Laphin : « Le marché
du ski s’est contracté »
TÉMOIGNAGE
Denis Bouchet : « Un territoire sportif »
«L
e conseil général s’est
bien impliqué dans les
événements sportifs ces
vingt dernières années, af­
firme Denis Bouchet, vice­
président du Conseil géné­
ral de Haute­Savoie délégué
au tourisme et à la monta­
gne. On soutient notamment
les villes étapes du Tour de
France qui regroupent
beaucoup de monde au bord
des routes, avec des images
exceptionnelles de notre dé­
partement. On soutient éga­
lement beaucoup les coupes
du monde de ski, avec en
particulier des aides finan­
cières sur les infrastructures.
«C
es vingt dernières
années, la taille du
marché de l’industrie du
ski a évolué, explique
Yann Laphin, directeur de
la communication du
Groupe Rossignol. Il s’est
vraiment contracté depuis
la fin des années 80. Notre
usine de Sallanches (Dy­
nastar, groupe Rossignol),
est désormais la seule usi­
ne de production à grande
échelle en France. Nous
avons réussi à préserver le
savoir­faire de Sallan­
ches. Cette implantation
en Haute­Savoie a du
sens. Tout comme le made
in France a du sens. Le
groupe Rossignol repré­
sente plus de 50 % du
marché français et nous
avons des liens très étroits
avec Chamonix. Nous
pouvons tester nos pro­
duits à quelques minutes
de route du site de fabri­
cation.
De plus, nous sommes
près des clients, des ma­
gasins et des lieux de pra­
Pour Yann Laphin : « Le made in
France a du sens ». Photo archives Le
DL/Greg YETCHMENIZA
tique. Nous allons conti­
nuer à investir, avec des
investissements significa­
tifs pour le site de Sallan­
ches. C’est une vitrine
pour le haut de gamme »,
Propos recueillis
par A.C.
Un manque pour La Clusaz
P
révue le week­end du 20 et 21 décembre, la Coupe
du Monde de ski de fond de La Clusaz a dû déclarer
forfait en raison du manque de neige. Une perte pour
la station, qui avait misé sur la visibilité de l’événe­
ment. « Le manque n’est pas quantifiable. Vu que
c’était le premier week­end des vacances de Noël,
nous n’avons quasiment pas eu d’annulations. Par
contre au niveau des touristes à la journée et surtout
médiatiquement, avec les belles images que procure
ce genre de compétition, nous perdons beaucoup »,
affirme Aurélie Forge, attachée de presse de La Clu­
saz.
A.C.
Denis Bouchet, vice-président du
Conseil général de la HauteSavoie. Photo archives Le DL/Ch.B.
Le tourisme sportif en Hau­
te­Savoie s’est élargi ces
dernières années avec le dé­
veloppement des compéti­
LA PHRASE
}
tions de sport nature. Il y a
un développement des trails
l’été et du ski de randonnée
l’hiver. L’ETG en Ligue 1 est
également une plus­value
pour notre département.
D’une façon générale, il y a
un lien qui est de plus en
plus fort entre le tourisme et
les pratiques sportives. Chez
le client, il y a de plus en plus
un côté santé, un côté sportif
qui apparaît. Les gens sont
plus sensibles à cela. Notre
département est aujourd’hui
un territoire sportif, été com­
me hiver ».
Propos recueillis
par A.C.
LE REGARD DU CDOS
Thierry Coulon : « Les liens ont toujours existé »
«E
ncequiconcernelesport
et l’entreprise, les liens et
les angles d’approche sont
multiples mais ils ont toujours
existé, explique Thierry Cou­
lon, président du Comité dé­
partemental olympique et
sportif (Cdos). Bien sûr au ni­
veau local, on pense tout de
suite à un partenariat entre un
club et un industriel sous une
forme ou sous une autre. Cela
peut aller du patron qui em­
bauche des joueurs à un grou­
pe qui associe son image à un
club dans le cadre du sponso­
ring. L’idée étant de donner
une notion de dynamisme à
l’entreprise. Il y a aussi les en­
treprises dont l’objet est pure­
ment sportif (Dynastar). Le dé­
partement est particulière­
ment bien placé dans
l’industrie du sport outdoor en
pleine évolution. Au plus haut
Thierry Coulon, président du
Cdos. Photo archives Le DL/M.H.
niveau, le CNOSF a des parte­
naires industriels et les sportifs
de haut niveau en reconver­
sion pour les qualités démon­
trées durant leur carrière sont
très recherchés pour intégrer
de grands groupes. Quant à
l’impact du sport sur le déve­
loppement touristique et l’ap­
port en image des événe­
ments sportifs, tous les grands
temps forts du sport de ces
vingt dernières années ont
certainement apporté un plus
àlafréquentationdestouristes
dans le département et à la re­
connaissance de celui­ci en
France et au­delà. Le Tour de
France, événement télévisé le
plusimportantaveclesJeuxet
la Coupe du Monde de foot, a
offert de grands moments à la
Haute­Savoie. Toutes les or­
ganisations d’importance
­que ce soit par exemple le
Kandahar à Chamonix, les
coupes du monde de ski, le
marathon d’Annecy, l’Ultra
Trail du Mont­Blanc, The
Evian Championship…­ con­
tribuent aussi, chacune à leur
niveau, à une promotion tou­
ristique du département. »
Propos recueillis par A.C.
Il y a 50 ans, on mesurait la force de son
entreprise par ses machines et sa main­
d’œuvre. Puis ça a été par son chiffre
d’affaires, ensuite son bénéfice. Aujourd’hui
c’est la communication qui est importante.
Les entreprises vont donc vers le haut niveau,
l’élite. Ce n’est plus pour les clubs locaux.
~
Paul Rivier, PDG de Tefal de 1979 à 1999
LE CHIFFRE
46
En pourcentage, c’est la part des
emplois de la filière des sports outdoor
en Haute-Savoie par rapport à toute la
région Rhône-Alpes. Notre département
compte en effet 2 656 des 5 774 emplois recensés
dans la région en 2013. C’est ce qu’a révélé
l’organisme l’observatoire Outdoor Sports Valley
dans son observatoire.

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