Étienne Klein
Transcription
Étienne Klein
LA PHYSIQUE ET L’IDEE D’HARMONIE Etienne Klein (CEA Saclay) L’idée que la diversité du réel puisse être expliquée par une unité sous-jacente est sans doute aussi ancienne que la pensée elle-même : les grandes mythologies la racontent, les premiers philosophes l’affirment, et la science moderne en a repris le programme en unifiant d’abord les différentes conceptions du mouvement, puis celle de la matière. De ce pari métaphysique, la physique a fait la vérité de sa démarche : identifier les objets vraiment élémentaires, isoler les lois fondamentales, chercher à les raccorder jusqu’à pouvoir les unifier, fournir de l’ensemble la description la plus globale qui puisse être. Nous montrerons que, dans cette quête, l’idée évolutive d’harmonie n’a cessé de jouer un rôle moteur, souvent décisif, même si les espoirs que celle-ci suscite ont parfois été déçus. N’a-t-elle pas toujours été perçue comme un gage d’universalité et d’exactitude ? À des fins d’illustration, nous reviendrons sur quelques épisodes-clé de l’histoire de la physique : Kepler et l’harmonie des sphères, Galilée et l’unification du mouvement, Maxwell et l’électromagnétisme, Max Planck et la formule du corps noir, Paul Dirac et l’antimatière, Einstein et la relativité générale… Cela nous permettra de mettre en lumière le statut central qu’a acquis, dans le formalisme de la physique actuelle, la notion d’invariance, notamment lorsqu’elle renvoie à des symétries abstraites (non strictement géométriques). La symétrie serait-elle le meilleur symptôme de cette « poésie de l’ordre » qu’est l’harmonie ?