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Racines257_juillet2014_Mise en page 1 20/06/14 11:39 Page46 RACINES. Vivre entre Sèvre et Loire | CULTURE AUTREFOIS (Collection Geneviève Paillereau) | Jupes pour les filles, shorts pour les garçons : la colonie Bernard-de-Lattre partait en car de Mouilleron-en-Pareds vers un camp sur la côte près de Saint-Jean-de-Monts. Vos souvenirs de colonies L’ami Pierre Perret les a si gaillardement chantées… Les colonies de vacances ont laissé de fantastiques souvenirs à des générations de “colons”, de monos ou d’encadrants… Vos témoignages. Par Yvelise Richard A lors que les premières colonies de vacances françaises voient le jour dans les années 1880 aux alentours de Paris, on assiste seulement à partir de 1897 aux créations des premières structures d’accueil pour les enfants sur le littoral de l’Ouest. Encore s’agissait-il à l’époque d’établissements de santé (comme le Pen-Bron, à La Turballe, sanatorium, doté de galeries d’héliothérapie – bains de soleil –). Ils relèvent à l’époque du ministère de la Santé. C’est à Noirmoutier que la paroisse parisienne de Saint-Pierre de Chaillot achète en 1912, le château du Pélavé pour installer sa colonie, l’une des premières dans le département. D’autres suivront. Plus tard. C’est surtout durant l’entre-deuxguerres et avec l’avènement du Front populaire que se développe ce système de vacances sur les côtes de Loire-Atlantique et de Vendée. On assiste tout d’abord à l’installation de colonies scolaires (comme la colonie des œuvres universitaires du Loiret, implantée aux Sables-d’Olonne en 1939). Alors que le suivi et la législation de ces établissements passent sous la tutelle du sous-secrétariat d’État aux Loisirs et aux Sports, dirigé en particulier par le célèbre Léo Lagrange, les colonies de vacances se répandent sous l’impulsion des municipalités de gauche qui envoient la “jeunesse des classes laborieuses” à La Tranche-sur-Mer (ville de Savigny-surOrge) ou au Château-d’Olonne (ville de Clermont-Ferrand). Partis de droite réac- | 46 | RACINES | Juillet 2014 | La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine Racines257_juillet2014_Mise en page 1 20/06/14 11:39 Page47 RACINES. Vivre entre Sèvre et Loire | tionnaire (le Parti Social français) ou associations catholiques (dont celles de Nantes) s’y mettent aussi et ouvrent des centres d’accueil : “Travail et loisirs” pour le premier à Notre-Dame-de-Monts ou aux Sables-d’Olonne ; colonie SaintJoseph au Croisic pour la seconde. Après le second conflit mondial, les colonies vont exploser en nombre (plus d’une centaine ouvrent sur le littoral ligérien). L’aspect social est alors mis en avant. Comités d’entreprise, mutuelles sociales agricoles (de la Sarthe et du Maine), fédération des pupilles de l’enseignement public (PEP) créent leur centre d’accueil à partir des années 1950. Dans la décennie suivante, c’est l’accès aux sports et aux loisirs que l’on privilégie, teinté d’apprentissage de vie en collectivité et de mixité sociale, tout en permettant l’autonomie et une plus grande individualisation de l’enfant. “ L’accès aux sports et aux loisirs teinté de vie en collectivité” Dans les décennies 70 et 80, les activités des colonies de vacances vont de plus en plus tourner autour des souhaits de loisirs des enfants. Depuis les années 90, la formule des colonies connaît une certaine désaffection, de la part des familles : coût en hausse, durées de séjour se réduisant (trois semaine à une seule !), normes de sécurité et d’encadrement plus contraignantes : les centres basés sur le littoral vendéen ferment progressivement, vendus par leurs propriétaires pour qui ils sont devenus une charge financière trop importante. CULTURE | TÉMOIGNAGES Mamie à la cuisine ! E n 1986, mon gendre a organisé un camp en Angleterre : il a emmené ses parents et sa bellemère (moi-même !) pour faire la cuisine. C'était toute une aventure avec la traversée en bateau et le mal de mer, la vie de colo avec les nuits sous la tente dans une grande prairie, l'eau et les toilettes à 200 m et les jeunes mangeant dehors assis en cercle. La deuxième semaine, nous avons campé près d'une immense forêt. Les jeunes se levaient la nuit pour voir les biches qui se promenaient entre les tentes. Les écureuils venaient manger près de nous. Ils étaient si peu farouches, qu'à la fin du séjour, il fallait mettre toutes les provisions dans les cantines, ils mangeaient pain, chocolat, pommes ! L'installation était sommaire, pas de problèmes avec les jeunes. Nous avons “inventé” des soupes, fait soixante crêpes à deux dans un espace restreint (j'étais encore jeune !) Deux ans plus tard, j’ai recommencé avec mon beau-frère qui organisait un camp dans le Cantal. Cette fois, mon mari m'accompagnait. Nous n'étions que tous les deux pour faire la cuisine pour soixante personnes. Nous étions logés dans une grande maison. Le premier jour, cela a été un peu affolant : les menus étaient prévus à l'avance, mais il a fallu faire cuire les saucisses auvergnates pour soixante ! 4 kg de spaghettis, 5 kg de compote pour un repas, 10 kg de viande pour un pot au feu. Le papi a coupé des “montagnes” de pain ! Quelquefois des groupes d'enfants partaient pour la journée, mais il fallait préparer tous les repas à emporter ! Nous avions alors un peu de calme ! C'était vraiment familial. Le papi faisait les comptes, nous faisions les courses au magasin tout proche. Les jeunes faisaient leur vaisselle par équipe, dans une débauche d'eau, de bruit… et de casses. Les relations étaient comme avec les moniteurs et les enfants. “Mamie, tu restes pour la prochaine colo ?” Une arrière-grand-mère de la Plaine Bibliographie Pour aller plus loin sur cette thématique des colonies de vacances, nous vous recommandons la lecture des ouvrages suivants. • Le temps des vacances, revue 303 n°118, la revue culturelle des Pays de la Loire (2013). • Histoire des colonies de vacances : de 1880 à nos jours, par Laura Lee Downs, aux éditions Perrin (2009) ; • Notre gros coup de cœur pour le bel ouvrage de Daniel Picouly, largement illustré de photos d’époque : Les colonies de vacances, chez Michel Lafon (2006). Tous ceux qui sont allés en séjour en colonies y retrouveront des photos, des anecdotes et des moments importants d’enfance ou de jeunesse. | 47 | RACINES | Juillet 2014 | La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine Racines257_juillet2014_Mise en page 1 20/06/14 11:39 Page48 RACINES. Vivre entre Sèvre et Loire | CULTURE | AUTREFOIS Vive le “Char à voile” à Brétignolles ! (Jean Texier) V ingt-quatre ans comme directeur, économe ou animateur char à voile dans un centre de vacances à Brétignolles-sur-Mer laissent beaucoup de souvenirs. Durant les vacances scolaires, le centre fonctionnait, en été, avec 110 enfants (entre 6 et 14 ans) et 60 aux petits séjours. (…) Je fus donc animateur de l’activité char à voile. Le premier char fut construit avec les enfants au début des années 1980. Tubes de toile de tente, petites roues de vélo, siège en bois, tringle à rideau pour le mât et une feuille en plastique pour la voile. Un vrai bonheur ! Mais trop fragile. Après avoir modernisé et rendu fiable le prototype, dix chars furent réalisés dont trois comportaient deux places. Ils étaient de conception facile et sans soudure. Les enfants prenaient plaisir à mesurer, percer, visser et ils étaient fiers de leur travail. Les années suivantes, tout s’est accéléré. La première semaine, l’animation comprenait pour tous les enfants, la découverte du char à voile avec un ventilateur et une maquette (fonctionnement théorique) et la pratique sur la grande La découverte du char à voile sur la grande plage de Brétignolles. plage de Brétignolles-sur-Mer. La deuxième semaine, on préparait deux expéditions sur trois jours, de Brétignolles à la Chaume. Par équipe de deux, une préparation rigoureuse : découverte du milieu, alimentation, matériel, mécanicien, sécurité et reporter. Comme l’expédition ne roulait que le soir après 19 h, la découverte du milieu prévoyait pour la journée les visites possibles sur le parcours. La colo Bernard-de-Lattre Enfant puis jeune fille, Geneviève Paillereau a participé aux colonies Bernard-de-Lattre, à Mouilleron-en-Pareds. Elle se souvient. “Nous partions pour le camp tous les étés durant trois semaines à tour de rôle, garçons ou filles. Nous défilions dans les rues de Mouilleronen-Pareds jusqu’au cimetière sur les tombes de Jean de Lattre de Tassigny et de son fils Bernard, tué en Indochine. Nous portions l’uniforme de Bernard (photos page 46) : jupe pour les filles, short pour les garçons. Le car de Mouilleron nous conduisait au camp situé entre Saint-Jeande-Monts et Notre-Dame-de-Monts, un peu avant la Parée des Joncs. Le car, nous l’appelions "l’écrémeuse" tant nous étions brassés. Le matin, après la levée des couleurs, il y avait inspection des lits et des valises au dortoir. Lorsque nous nous promenions dans la ville de SaintJean-de-Monts, nous étions en uniforme et avec les fanions. Les habitants de Saint-Jean nous regardaient et un jour, nous avons entendu : "oh les pauvres orphelines allemandes" !” “Le groupe Alimentation” préparait des menus équilibrés, énergétiques et réalisables sur le terrain, ainsi que leur budget. L’équipe “Matériel” devait tout préparer : de la toile de tente à la fourchette et la boîte d’allumettes. Les “Mécaniciens” préparaient des pièces de rechange pour intervenir directement et sans assistance. La “Sécurité”, c’était les trousses de secours, la localisation exacte des cabines de téléphone pour prévenir en cas de secours. Les “Reporters” avec caméra vidéo et appareil mémorisaient des instants extraordinaires. La troisième semaine, ce fut dur, dur mais que du bonheur ! Que d’excitation au départ ! Seuls les enfants géraient l’expédition. Les monos n’intervenaient pas et se laissaient guider. L’expédition, c’était des grands espaces mais aussi du sable mou, des rochers, une écluse à traverser, les courses à faire, préparer à manger, monter sa toile pour dormir, visiter les marais salants, le port des Sables et découvrir l’estran avec un intervenant. Chacun dans son rôle, aucune dispute… Les enfants se sentaient responsables. Moment extraordinaire que de les voir, fiers d’avoir réussi. Certains pleuraient de joie ou me sautaient ou cou en me disant “Merci”. Des moments qu’on n’oublie jamais. Du centre de L’Île-d’Olonne, ils utilisaient les barques et ramaient jusqu’à l’écluse de la Gachère. De là, ils récupéraient leurs vélos et rentraient sur Brétignolles. Après une douche et un dîner, allongés sur leur lit, ils regardaient les étoiles briller dans leurs yeux. En 1998, l’activité s’est arrêtée, puis ce fut ma retraite. Mais quand je regarde les vidéos ou quand je lis les commentaires des enfants, l’émotion est toujours présente. Jean Texier | 48 | RACINES | Juillet 2014 | La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine Racines257_juillet2014_Mise en page 1 20/06/14 11:39 Page49 RACINES. Vivre entre Sèvre et Loire | “Le maillot en laine de mémé” E n 1946, mon papa décide de m'envoyer en colonie de vacances. Le jour J, ma maman m’accompagne. Nous prenons le train, en gare de Chavagnes-les-Redoux, direction La Roche-sur-Yon. A la descente du train, vient la séparation d’avec ma maman : une cheftaine me prend en charge et nous montons dans un Autobus Vendéen, direction Longeville-sur-Mer. Tout était découverte.... nous traversons une forêt immense. Terminus dans une clairière. Surprise ! La guerre n'est pas finie : des Allemands en vêtements kaki, entourés de soldats français, fusil à la bretelle pour les garder. Impressionnant pour mes huit ans ! Les premiers coups de soleil : à l’époque, on n’a aucune information de prévention sur ce sujet. Au contraire, on nous encourage à prendre le soleil, torse nu sur le sable chaud. Le premier bain de mer : dans le trousseau, le maillot de bain figurait comme indispensable. Ma grand-mère Octavie m'avait tricotée un maillot à bretelles en laine. Surprise, sorti de l'eau le maillot pesait le triple et descendait jusqu'aux chevilles ! (le synthétique n'existait pas !). Programme de la journée. Lever, toilette rapide, rassemblement au carré. Chaque équipe avec son fanion, tous au garde à vous, le chef disait “Équipe Surcouf” , réponse tous en cœur, “sans peur et sans reproche” ensuite montée des couleurs, minute de silence. Rompez (discipline) Grand voyage : de Longeville-sur-Mer à Saint-Vincentsur-Jard, à pied, bien sûr. Visite de Bélesbat, la résidence secondaire de Georges Clemenceau, baptisée la Bicoque. Arrivés sur place, les Allemands construisaient une digue en pierres devant la maison. Ensuite visite et commentaires historiques par le chauffeur personnel de Georges Clemenceau. “Au secours des Américains” Supplice : Petit déjeuner, café au lait, imbuvable pour moi. Je le vomissais à la sortie du réfectoire ! Jeux de nuit. Nous sommes réveillés en plein sommeil. “Levez-vous vite, vite. Un avion américain vient d’être abattu par la DCA Allemande. Il faut porter secours aux Américains perdus dans la forêt de Longeville.” (Souvenir traumatisant). Jeux de piste. À la recherche du trésor en présence de ma cheftaine, je lui propose une direction “par là, c'est plus rac”. Bien sûr, elle n'avait rien compris à mon langage (Rac = Raccourci) ! Et en fin de journée, la descente des couleurs ! Emond, du Bocage CULTURE | Que du bonheur ! A h les colos ! Que de bons souvenirs ! J’ai été monitrice diplômée de l'Éducation nationale, et les colos auxquelles j'ai participé dépendaient de l'île d'Yeu. Elles s'effectuaient en Auvergne, dans les Pyrénées ou dans le Bordelais à La Brède, et ce pendant trois semaines, entre1964 et 1967. Comme les enfants se connaissaient déjà tous entre eux, que j'assurais le “patro”, et que la religieuse directrice passait l'année scolaire avec eux, les difficultés d'adaptation étaient aplanies : ça évitait les crises de cafard. Il fallait prendre le bateau à Port-Joinville, puis le car vers le site de la colo. En cours de route, montaient les monos qui vivaient sur le continent. (…) Un des souvenirs auquel je pense à chaque fois que je passe dans les Landes, c'est l'arrêt pipi. Eh oui, les sanitaires étaient rares au bord de la route, et les besoins se faisaient dans les champs de maïs... Les dortoirs étaient gardés par une mono, et tous les soirs je disais un petit mot et faisais à chacun un petit bisou. Les nuits d'orage, forts bruyants en montagne, effrayaient les enfants dont l'âge s'échelonnait jusqu'à 13 ou 14 ans. Ces nuits-là, ceux qui ne dormaient pas se mettaient devant la porte ouverte, et on regardait les éclairs, tout en démystifiant l'aspect diabolique du paysage et en chantant. (…) Quand j'écoute ceux qui actuellement ont en charge les enfants, et qui doivent respecter des normes de sécurité draconiennes, je repense aux moments vécus... et j'ai une trouille rétroactive : certaines portes des dortoirs ne fermaient pas… Il me revient aussi un accident sur un rocher ou une fille s'était ouvert le crâne. Nous l'avons soignée avec la trousse de secours, puis descendue de la montagne sur notre dos avant qu'elle puisse être prise en charge et emmenée à l'hôpital. De nos jours, l'hélico serait arrivé très vite. Après ces journées épuisantes (24h sur 24) mais si enrichissantes (pas pour le porte-monnaie), il fallait rentrer à Port-Joinville. À Fromentine, les derniers francs étaient dépensés par les enfants en babioles, et surtout en glaces. En ce temps-là, on voyageait sur l'Auguste-Durand, bateau qui reliait l’île au continent. Le mal de mer était fréquent, donc les glaces remontaient de l'estomac et il y avait du vomi de tous les coloris. La colo se terminait en couleurs !!!! Les souvenirs de ces années de colo se résument ainsi : que du bonheur ! J’espère que pour les enfants, il en a été de même. Joëlle Coutand, Beaurepaire | 49 | RACINES | Juillet 2014 | La reproduction ou l'utilisation sous quelque forme que ce soit de nos articles informations et photos est interdite sans l'accord du magazine