Le Guide des instruments anciens et modernes
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Le Guide des instruments anciens et modernes
les dossiers pédagogiques INSTRUMENTS ANCIENS ET MODERNES Conception graphique composite (compositeagence.fr) ! Guide des instruments anciens et modernes ! L'instrument de musique n'est rien sans son interprète : qu'il soit ancien ou moderne, il ne sonnera bien qu'entre des mains expertes. Le son dépend donc de la technique et de la culture de l'artiste, autant que de son instrument. Grâce à ce guide, découvrez les différences principales entre instruments modernes et anciens, pour comprendre la démarche entreprise par Laurence Equilbey avec Insula orchestra. 1 INSTRUMENTS ANCIENS ET MODERNES Dossier pédagogique Introduction Depuis la fin du XIXème siècle, les progrès techniques dans la fabrication des instruments ont permis de gagner en puissance et en confort ; parfois au détriment de la couleur et de la possibilité d'articulation. Le grand chef autrichien Herbert von Karajan (1908-1989), connu pour sa direction du Berliner Philharmoniker, visait l'obtention d'un son pur, sans aspérités, avec de grandes lignes tendues et un espace sonore saturé. Aujourd'hui, un certain retour aux calibres et caractéristiques des instruments anciens, avec une sonorité plus individuelle, tend à être revendiquée. ! La famille des cordes Les principales différences entre les instruments anciens et modernes reposent dans l'utilisation, pour les premiers, de cordes en boyau et d'archets anciens (à la forme convexe, c'est-à-dire tournée vers l'extérieur comme un arc, contrairement à la facture moderne, de forme concave, pliée vers l'intérieur — voir illustration ci-dessous). Le son est plus pesant, simplifié. ! ! Du violon ancien au violon moderne Le violon appartient à la famille des cordophones frottés, terme qui désigne une mise en jeu avec un archet. Par sa forme, il descendrait de la lira da braccio et de la vièle moyenâgeuses, ou encore du rebec. Les premiers violons auraient été manufacturés en Italie, dès 1500. Dans sa forme ancienne, il se distingue assez peu de la viole de gambe. Plus difficile à jouer cependant, il demeurait réservé aux professionnels, notamment de la ! !! ! Le violon comprend de 83 à 85 pièces. En voici quelques unes... éclisses) 1- volute 2- chevillier 3- chevilles 4- sillet 5- touche 6- manche 7- filet 8- table 9- arête (jointure des 10- chevalet 11- ouïes 12- tendeur 13- cordier 14 - mentonnière 15- bouton ! Et l’archet, tout autant (ou presque !) !! © Musicologie.org 2 danse, et aux ménestrels tandis que les aristocrates lui préféraient la viole de gambe. A cette époque, la musique était un passage obligé dans l'éducation d'un gentilhomme. Loin d'un usage populaire, le violon va plutôt s'imposer dans la musique savante. En Italie, la famille des cordes forme bientôt la base de l'orchestre. Le violon, « soprano » du pupitre, est accompagné par des instruments semblables et de tailles différentes : le violino piccolo, plus petit, la basse de violon. Ces modèles, aujourd'hui disparus, ont évolué jusqu'au XVIIIème siècle pour former la famille actuelle des cordes : violon, alto, violoncelle et contrebasse (ce dernier étant le plus grave). !!! De gauche à droite : violon, alto, violoncelle et contrebasse © Musicologie.org La manufacture de l'instrument a été dominée par des familles de luthiers italiennes comme les Amati, les Stradivari et les Guarneri, au cours des XVIIème et XVIIIème siècles. Les modifications les plus importantes vont intervenir après 1750, avec de grands luthiers français comme Nicolas Lupot (1758-1824). Le manche est incliné vers l'arrière, les pièces internes sont renforcées, comme la barre d'harmonie, une baguette de sapin qui parcourt l'intérieur de la caisse de résonance de l'instrument. Ces évolutions permettent au son de gagner en puissance, et aux artistes virtuoses de s'exercer dans des salles plus grandes. Elles s'adaptent aussi aux nouvelles écritures musicales, avec l'installation du vibrato à la fin du XIXème siècle comme un élément de base de base de l'expression, et une articulation des notes plus facile à nuancer. Le son se standardise avec la facture moderne, plus propre, en même temps que l'instrument gagne en maîtrise et en nuance. INSTRUMENTS ANCIENS ET MODERNES Dossier pédagogique La famille des vents Eux aussi ont considérablement évolué avec la musique romantique (1820–début du XXème siècle). Techniquement, cela correspond à l'ajout de clefs (les « touches » sur l'instrument), la modification des perces (intérieur du tuyau) et embouchures (pièce à l'extrémité du tuyau par laquelle le musicien souffle). L'interprète bénéficie d'une plus grande flexibilité du son, plus uniforme par rapport à un instrument ancien. La maîtrise de ce dernier demande des années d'apprentissage mais se justifie par des timbres plus caractéristiques malgré un volume sonore inférieur. ! ! De la trompette naturelle à la trompette à pistons Le principe fondamental de l'instrument est l'émission du son grâce à la vibration des lèvres de l’interprète sur l'embouchure. On trouve des stéréotypes en bois chez les aborigènes, et les premiers instruments en métal apparaissent sous la Haute-Antiquité, avec la buccina romaine ou le salpinx grec. Jusqu'au XIXème siècle, la trompette reste dépourvue de pistons. Appelée « naturelle », d'une grande simplicité apparente, les notes sont uniquement produites par le !! !! !! !! !! !! ! contrôle du souffle et des lèvres de l'instrumentiste. On ne peut donc émettre qu'une série de notes partielles ; ce contrôle permanent rend la virtuosité plus difficile à atteindre. Les plus talentueux parviennent néanmoins à la maîtrise du registre aigu (clarino) et se distinguent dans des œuvres où l'instrument imite la voix humaine. Si elle incarne à l'époque baroque la fonction héroïque avec sa sonorité riche et chatoyante, la trompette se démode dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Afin de lui offrir plus de souplesse chromatique, les tonalités se multiplient avec l'apparition de trompettes en fa, sol, si bémol ou la ; on expérimente aussi des techniques de jeu comme le bouchage (modifier la hauteur du son en plaçant la main dans le pavillon, d'où il jaillit) que de fabrication (on lui ajoute des clés, comme sur une clarinette, ou des coulisses, comme sur un trombone). Mais ces tentatives, peu satisfaisantes, sont abandonnées. Vers 1815, l'invention du piston par Heinrich Stölzel est un tournant pour la trompette. A la coordination des lèvres, du souffle et de la langue, s'ajoutent la dextérité des doigts. Le principe du piston, comme la coulisse, permet d'allonger le tuyau unique que compose la trompette et de modifier la hauteur du son, autrement dit la note. Peu après, sa rencontre avec l'artisan Friedrich Blühmel à Berlin mena à l'invention de la trompette à deux puis trois pistons. La trompette moderne était née, dotée d'une gamme chromatique complète. ! Cornu ou busina de la Rome antique. Cet instrument était sonné par des officiers et pouvait mesurer jusqu’à 3 mètres de long. Le tuyau passait sous un bras, et le pavillon par-dessus la tête. © Musicologie.org !! !! !! ! !!! Trompette naturelle du XVIIIe siècle © Musicologie.org Mécanisme du piston © Musicologie.org Pourquoi des instruments anciens ? Les instruments anciens aujourd'hui sont utilisés, nous l'avons compris, pour leurs timbres uniques. Pour Stéphanie Paulet, premier violon d'Insula Orchestra, il s'agit d'établir des correspondances entre une musique spécifique et un instrument. Il faut comprendre l'évolution de la musique et trouver l'instrument qui répond à ce qu'elle propose. L'emploi des instruments d'époque permet enfin de réinterpréter les annotations des partitions par leurs compositeurs, surtout concernant les intentions de 3 dynamique et d'intensité. Les éditions modernes les modifiaient en effet régulièrement, pour rééquilibrer les différents pupitres au sein de l'orchestre. Avec le jeu des instruments anciens, la partition originelle peut être reprise fidèlement ; c'est alors un nouveau travail d'interprétation qui s'ouvre pour le chef d'orchestre et ses musiciens : un travail sonore, qui vise à trouver les instruments appropriés à la salle, à la vision du chef et à l’harmonie d’ensemble. !