Épisode 19: les nouveaux rois

Épisode 19: les nouveaux rois
- Miaaaaou?
- Dorénavant, tu vas passer tes vacances ici! s'enthousiasma Delkahn. Ça va te changer du
bordel de ton maitre, tu verras!
La petite bête au pelage noir et au regard jaune perçant examinait les environs, sans bouger
pour autant. Les appartements du sorcier et de l'héritier du dragon raté se ressemblaient en de
nombreux points, si ce n'est l'entretien. Delkahn recevait souvent les autres membres du
groupe chez lui, alors pour cela il veillait continuellement à garder son logement dans un état
décent, ce qui n'était pas le cas pour Carnhage. Il avait eu des rats, semble t'il. Mais ceux-ci
moururent prématurément, sans que celui-ci n'en devine la cause. Son chat était déjà plus
robuste, et supportait l'environnement depuis son emménagement il y'a deux ans. Mais selon
Azrioth, l'animal était déjà condamné. Il avait déjà préconisé la piqûre, ce à quoi l'enfant du
dragon crût à une bonne blague.
L'animal commença à se déplacer vers la pièce principale lorsqu'il renifla une bonne odeur.
Le sorcier lui avait préparé une gamelle pleine, faite avec des aliments de choix, pour lui
souhaiter la bienvenue.
- N'empêche, c'est complètement con comme nom Helloween, dit le sorcier en croisant les
bras pendant que le chat remuait dans sa gamelle, je reconnais bien Carnhage et son
imagination à la noix! Quel jeu de mot pourri! Si encore ça avait un sens!
Lorsque Helloween eut fini de manger, il chercha un endroit où se poser pour dormir. Il n'y
avait pas d'arbre à chats comme chez Zertsaf, ni chez Azrioth. Le sorcier improvisa, en posant
un coussin moelleux sur son bureau, mais l'animal choisit son canapé.
- Hé ben… je vois qu'on a des goûts de luxe! commenta Delkahn, amusé. Bon, sujet
suivant! Pour savoir si on va bien s'entendre, tu préfères les tic tac menthe ou les tic tac
fruités? (il lui tendit deux boites de dragées) Attention, tu n'as pas le droit à l'erreur!
L'animal le fixa avec deux yeux injecté de sang. Il se contenta de l'ignorer, et commença à
dormir…
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- Heu? Qu'est ce qui t'amène? demanda Zertsaf, abasourdi par la tenue de son camarade.
Delkahn se tenait au pas de la porte, rouge de sang après avoir essuyé de nombreuses
griffures, et sa cape était en lambeau. C'était presque comme s'il sortait d'un champ de
bataille, après avoir vu mille morts. Mais il n'en était rien.
- J'ai recueilli un putain de chat! dit le sorcier en guise d'explication.
Il ne voulait pas dire que c'était celui de Carnhage, actuellement parti en voyage sans le
consentement de son maitre. Il lui avait fait jurer de garder le secret.
- Eh ben, fais-le cuire et donne le aux corbeaux, plaisanta le borgne. J'ai déjà fait ça à un
pigeon qui passait trop près de moi sur la terrasse…
Delkahn ne releva pas l'ironie.
- J'aurais besoin de conseils pour m'occuper de cette bestiole! Et comme t'as aussi un
chat…
La prêtresse Coronès, qui se tenait sur le pas de la porte, jugea bon d'intervenir:
- Oui mais nous ça n'a rien à voir! On a élevé notre Willy dès le début! C'est pour ça qu'il
est tout trognon, pas vrai mon doudou?
L'animal, un chat tigré dans les tons gris/noir, avait une bien meilleure allure que celui de
Carnhage. C'était difficile d'imaginer deux êtres cosmiques s'en occuper aussi bien. Même s'il
se refusait à l'admettre, Zertsaf pouvait tout à fait faire preuve d'une certaine sensibilité.
- Bah tu sais… au fond c'est surtout la prêtresse Coronès qui s'en occupe! admit Zertsaf.
Mais j'avoue que c'est moi qu'il préfère! Il est toujours sage avec moi.
- C'est parce que tu le gave dès que j'ai le dos tourné! rouspéta l'invocatrice de familier. Si
tu ne lui faisais pas les yeux doux en lui achetant sans arrêt une nouvelle mascotte pour jouer,
il te mettrais la misère lui aussi!
- Il a fait quoi? demanda le sorcier, intéressé.
La prêtresse fit la moue.
- L'autre jour, on regardait la télé tranquille, puis Willy est monté sur mes genoux. Il été
tellement attentionné sur le coup, que je l'ai pris dans mes bras pour lui faire un câlin!
- Super… soupira Delkahn. Et ensuite?
- Il est parti après m'avoir pété dessus.
- Heu… d'accord! Mais du coup c'est ça ton secret Zertsaf? Tu lui donne des friandises à
manger?
- Entre autres oui. J'ai toujours été apprécié par les êtres primitifs. Regarde Carnhage.
Delkahn se demanda intérieurement si celui-ci ne venait pas à l'instant d'être prit d'une
violente quinte de toux.
- Il ne peut pas te blairer… répondit néanmoins celui-ci.
- Mais non! J'ai pas grand-chose à faire aujourd'hui, si tu veux je peux m'occuper de te le
dresser!
Delkahn déglutit violemment. L'idée en elle-même lui donnait froid dans le dos. Même s'il
lui assurait que l'animal ne risquait rien, ça restait Zertsaf. Sa lucidité tout comme sa moralité
vis-à-vis des êtres vivants était toute relative.
- Ah mais… pourquoi pas? Mais… comment dire… Tu comptes lui faire quoi?
Zertsaf ne sembla pas comprendre où il voulait en venir.
- Eh bien le voir! Pour comprendre ce qu'il ne va pas chez lui et tenter une approche par un
dialogue pacifique! Et si ça marche pas, un lavage de cerveau.
- Ah… et c'est sans risques?
- Sans risques?
- Il n'aura aucune séquelle?
- Juste mentale. À supposer qu'on en arrive là, bien sûr.
- Bon d'accord.
Après tout, ce n'était pas son chat…
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Lorsqu'il arrivèrent dans l'appartement du sorcier, Zertsaf fronça immédiatement son nez.
L'air ambiant y était très lourd. Il vit dans les ténèbres de la pièce principale un fatras d'objets
sur le sol, pour la plupart brisés. L'ordinateur qui trônait habituellement sur le bureau avait été
caché dans les placards pour éviter que l'animal ne touche ce trésor.
- Bah où il est encore passé ce con? se demanda Delkahn.
- J'imagine que c'est la chose noire qui vient de passer devant moi en pissant sur mes
pompes! se renfrogna l'enfant du chaos.
Delkahn sursauta intérieurement. Le pire venait déjà de se produire.
- Euh… si tu pourrais juste…
- Pas de panique! le coupa Zertsaf, qui semblait deviner ses pensées. C'est des vieilles
pompes, je comptais m'en débarrasser juste après. Tu peux ouvrir tes rideaux pour qu'on y
voit mieux?
- Euh ouais, désolé!
Lorsque le sorcier laissa enfin filtrer la lumière dans son appartement, l'animal partit se
cacher derrière le canapé. Zertsaf fut à même de contempler le carnage qui avait été fait en
l'espace de si peu de temps.
- Dis voir… tu l'as choisi dans une animalerie ou c'est quelqu'un qui te l'a refilé?
Delkahn pensa à son véritable maître, Carnhage. Il songea qu'il ne risquait rien à s'enfoncer
encore plus dans les mensonges.
- Ouais c'est ça! C'était dans une annonce.
- Et le proprio ne t'as pas dit pourquoi il voulait s'en débarrasser?
- Il a dit qu'il ne pouvait pas s'occuper de toute une portée, alors il a refilé la plupart de ces
bêtes.
- Mouiii… c'est l'argument habituel, soupira Zertsaf. T'as été chez lui? T'as rien vu de
suspicieux?
- Ça devient de plus en plus difficile…
- Hé bien, maintenant que tu le dis, je me rappelle que c'était la jungle chez ce type! Un
sacré bordel! Je me suis cru dans un bidonville souterrain!
- Ha oui…
- Et c'est pas tout! Y'avait plein de détritus au sol, dont de la bouffe! Le chat il devait
respirer la poussière par le nez, tellement c'est mal entretenu chez lui! C'est scandaleux! Si ça
se trouve c'est pour ça que ce pauvre chat est tout détraqué!
Zertsaf se contenta d'observer les méfaits de l'animal calmement.
- Oui, c'est sûrement de là d'où vient le problème. La pauvre bête n'a jamais été dressée.
C'est quoi son p'tit nom?
- Helloween, soupira le sorcier. J'ai gardé celui de son précédent maitre.
- Hum… il a bon goût!
Delkahn le regarda sans comprendre. Il s'assit sur la seule partie de son canapé qui n'avait
pas encore été marqué par le chat puis demanda à son camarade omniscient son diagnostic.
Celui-ci ne se fit pas prier:
- À ce stade, soit je l'achève pour abréger tes souffrances, soit je fais le lavage de cerveau!
Y'a pas à discuter avec une bestiole pareille! D'autant que j'ai pas envie qu'il me griffe…
- Tu te préoccupes vraiment de ça? demanda le sorcier, surpris.
- Bah oui! Je vais pas refiler des microbes à Willy quand je serais de retour! Bon! On va
faire comme ça! Tu vas tenir Helloween pendant que je vais lui rentrer dans la tête. Il risque
de se débattre!
Incapable de trouver quoique ce soit pour contrer son raisonnement, Delkahn s'exécuta. Il
attrapa une paire de gants pour se protéger, puis sortit brusquement l'animal de sa cachette en
soulevant le canapé dans les airs.
- Je vois que tu maitrises enfin les bases! commenta Zertsaf. Mais tâche de rester
concentré, ou Helloween finira écrasé sous le meuble!
En effet, l'animal trop apeuré par ce spectacle gardait les yeux rivés sur le meuble qui
flottait dans les airs. Delkahn perdit patience et usa de sa volonté pour attirer l'animal à lui
comme un aimant. Celui-ci n'eut pas le temps de comprendre de quoi il en retournait avant
d'être piégé par les serres de son maitre adoptif.
- C'est bon! décréta Zertsaf. Tu peux reposer ton canapé maintenant!
- Mon canapé?
En tournant la tête, il constata que le meuble était rentré dans le plafond. Il s'était encore
laissé aller avec la lévitation d'objets.
- Oups! Ça fait rien! C'est le proprio qui paye!
- Si tu le dis! Bon! Je vais commencer avant qu'il ait fini de te bouffer les mains!
L'animal se contorsionnait dans tous les sens pour échapper à l'étreinte. Zertsaf s'approcha
calmement de lui, et lui posa un doigt sur le nez. Helloween cessa brusquement de s'agiter et
son regard se vida. Il restèrent ainsi pendant une demi minute, tandis que l'enfant du chaos
murmurait quelque chose dans une langue inconnue. Il émergea de sa torpeur, avec un regard
étrange:
- C'est fini pour lui…
- Quoi? Tu veux dire qu'il est mort? s'exclama Delkahn en se demandant comment il allait
pouvoir expliquer cela à Carnhage.
- Hein? Mais non! C'est réglé! Il est tout neuf, tout frais! Je l'ai rebooté, pour faire simple.
Il faut maintenant que tu lui apprennes comment se comporter avec toi et tout se passera bien!
Delkahn étouffa un soupir de soulagement. Vraiment, il était bon d'avoir quelqu'un comme
Zertsaf. Son attitude pouvait laisser à désirer, mais il était capable de faire des miracles sans
sourciller!
- Tu es sûr qu'il va se calmer?
- Absolument! Tu ne doutes quand même pas de moi? Et sinon, regarde-moi cette gueule!
Il lui tendit l'animal qu'il venait de ramasser au sol. Celui-ci semblait serein, et fixait le
sorcier avec de grands yeux innocents.
- Ah! C'est parfait! Merci! Je ne sais pas ce que je ferais sans toi!
- Pas de problèmes! Mais magne-toi de finir l'écriture de l'émission sur le film The
Expendables 2! Parce que les délais entre chaque émission sont de plus en plus grands!
- C'est promis!
Ce soir-ci, Delkahn put dormir normalement. Helloween avait été transformée! C'était
devenu un chat adorable en l'espace d'un instant. Ce pouvoir mystique de contrôle mental de
son camarade l'intriguait. C'était un pouvoir bien utile dans toutes sortes de situations. Il se
promit de lui demander de lui enseigner cela un jour…
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- Helloween! J'ai fais les courses! cria Delkahn le lendemain , en cours d'après midi.
Regarde ce que j'ai acheté pour toi!
Lorsqu'il arriva dans la pièce principale, ses yeux se révulsèrent. Son disque dur externe,
qui était constamment rattaché à son ordinateur, gisait au sol, dans un triste état. Le clavier en
lui-même était souillé, et une odeur caractéristique s'en échappait. Helloween arriva sur lui
avec son air innocent.
Des yeux rouges de flammes accueillirent le petit chat, qui fut jeté par la fenêtre sans
ménagement. L'animal atterrit trois étages plus bas, sur le capot d'une voiture. Le sorcier,
décidément d'une humeur massacrante, gardait un sourire froid de psychopathe, alors qu'il
baissait les stores pour se retrouver dans le noir total.
- Non, vraiment! Personne n'a le droit de toucher à mon ordinateur! Personne!