POÈMES D`AVANT (1930)
Transcription
POÈMES D`AVANT (1930)
POÈMES D’AVANT (1930) Mes amis sont partis ou morts sans dire pourquoi. Je reste seul sur le pavé où la boue gicle partout et ne m’ atteint pas. Mes amis sont partis ou morts sans dire pourquoi. Je suis avec eux dans ce pré où l’ herbe pousse partout et ne m’ atteint pas. + Dans ces climats pourris qu’ on nomme tempérés les arbres se lamentent aux printemps avariés, les oiseaux sidérés piétinent toutes les vases, les chansons mort-nées se perdent dans les glaces, et les pensées errantes ne savent où se poser. + Vais-je m’ affliger de ma carcasse changeante et du temps à la bruine quand les fleurs du prunier me font signe de vivre ? Vais-je me réjouir de ma peau élastique et du soleil brûlant quand les fleurs du pommier me font signe de mourir ? Bientôt ma propre densité m’ éloignera de ces pôles absurdes. 443 ŒUVRE POÉTIQUE Je serai mon propre reflet dans la conscience abstruse. Un soir de fin du monde vit passer la horde silencieuse des enfants estropiés. Halluciné leur groupe insensible galopait dans l’ étrange, vers les destinées mortes, où l’ aurore boréale imitait le matin. Les positions dangereuses de l’amour provoquent les arthritismes indéfrisables. DAHOMEY Amours habiles des baleines dans les plaines liquides roses de toutes les méduses. Germes sphériques des tortues enfouis dans le sable alchimique où l’ or cuit lentement. Et vous cynocéphales impurs qui ricanez devant le cancer blanc qui marche à reculons sans grâce et sans raison. DRAME POTAGER Le lion et le dompteur sauvage sont partis bras dessus, bras dessous, visiter les semis printaniers. Gantée de vert silence la couleuvre fidèle les accompagne. Deux yeux sortis de terre contemplent de très bas la vie et son mystère. Le lion s’ attendrit et le dompteur distrait recompte les années. Un tourniquet-matin danse dans les tulles d’ eau. Le dompteur se bat les flancs et bâille. Midi perpendiculaire, tout s’ évapore. Le tendre lion allongé, amasse la terre autour des mains pâles fraîchement replantées. + 444 POÈMES D’AVANT (1930) Bûcheron embiellé, sur qui donc tapez-vous ? L’ enterrement du comte empoisonné a réuni les formes noires du souvenir. La pâleur de la jeune duchesse n’ étonnera personne en ce jour où le rouge s’ interdit la grand-croix du duc son mari. + Pareillement mortes la joie et la tristesse gisent devant mon âme qui flotte sans habits. + Au secours, vous autres, le fil de fer m’enlace ! Passé le guet-apens des verdures, le mort étonné s’ entend lire la sentence inégale des gestes retrouvés. Sur les pentes déclives où des formes s’ écharpent la mémoire s’ incurve aux aspérités des mains sans doigts qui palpent les contours du moi. Et les sensations pâles égouttent la présence invisible des ongles qui croissent, et des cheveux s’enroulant pour eux seuls. Nul appui dans le noir où le bruit sans écho engendre le secret, et les peurs disparates. + Cet homme couvert de ciel qui regarde dans le noir, c’ est Lui. La dame dont la vague étincelle luit, c’ est Elle. Le monstre qui sommeille à mes pieds la nuit et bruit. Une main couverte de doigts doucement appareille. En lui chauffant les ongles on pourrait encore le sauver. 445 ŒUVRE POÉTIQUE LA PATRIE EN DANGER Arme ton bras fier soldat et bois de l’ anis comme un brave pour amortir tes flatulences au moment des assauts. Ta mère qui t’ a baisé pleure silencieusement en supputant la prime de ton prochain cadavre et la hausse du café. En avant, prends courage, ta femme n’ est pas abandonnée. Ton nom est toujours là pour couvrir la paternité d’ un rasta. + Les dieux sont ennuyés d’ avoir perdu la lance des seuls pompiers de plomb, fondue à la chaleur des vierges impudiques. + Comme les archers blessés portant des corps à paraître, le muscle abandonné se meut à revers sur la route orpaillée. À mi-jour et le cœur sis à dextre, dans les débris du temps où les pas sont mortels. Il s’ inscrit sang nouveau sous l’ orbe des demoiselles. + « Immensément ivre et ricanant ce starter de l’ inconscient. » « À force de jouer à la corde cette petite fille se transforme en facteurs essentiels, à savoir des mamelles et des becs. » + 446 POÈMES D’AVANT (1930) « La femme au grand bassin qui mange une marguerite pourrait être une danseuse de l’ Opéra Comique. » + « Quel émoi dans ses admirables yeux de phoque, quelle grâce dans cette petite tête et les moustaches éparpillées. » + « La mère de famille à son retour d’ âge s’ offre violemment à l’ amour devant ses enfants qui ne comptent plus. Sa maturité mugissante se masque de parfums et de corsets. » + « Le petit Jésus s’ en va-t-à l’ école, et la grande chanteuse nous bouffera les foies avec sa robe à venin. » + « Réflexes hurlants de l’ homme expérimenté vivant comme un pigeon, pour l’ honneur de la science et l’ extermination des mâles. » 447