Cefai et trom en 2001

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Cefai et trom en 2001
In: Les formes de l'action collective, Daniel Cefaï et Danny Trom (dir), Paris, Éditions de l'EHESS, 2001
DAVID SNOW
ANALYSE DE CADRES ET MOUVEMENTS
SOCIAUX
La frame perspective, telle qu'elle s'est développée dans le domaine des mouvements sociaux (Benford, 1997 ; Benford & Snow, 2000 ; Gamson, 1992 ; Snow,
Rocheford, Worden & Benford, 1984; Snow & Benford, 1988, 1992; Tarrow,
1994) focalise son attention sur le « travail de la signification » par où les militants
et autres participants aux mouvements sociaux s'engagent. Cette construction du
sens concerne aussi d'autres acteurs, comme par exemple ceux qui s'opposent à
un mouvement social, les élites ou encore les médias, c'est-à-dire l'ensemble des
acteurs liés aux intérêts, aux objectifs et aux défis que relèvent les organisations
d'un mouvement social11. Contrastant avec l'appréhension traditionnelle des
mouvements sociaux comme des porteurs de croyances et de significations
préexistantes, classiquement conceptualisées en termes d'idéologies, cette
perspective les appréhende comme des « agents signifiants » (signi-fying agents),
engagés dans des activités de production, de maintien et de reconduction du sens
pour leurs partisans, leurs opposants ou leurs sympathisants. Comme les médias,
les autorités locales, l'État, et les représentants d'autres instances de décision, les
mouvements sociaux sont impliqués dans ce qui a été appelé une « politique de la
signification » (politics of signification) (Hall, 1982). Le verbe « cadrer » est
utilisé ici pour conceptualiser ce travail de la signification, qui est une des activités
que les adhérents et les dirigeants des mouvements sociaux font de manière
continue. Pour reprendre nos propres termes, « ils attribuent du sens, interprètent
des événements et des conditions pertinentes, de façon à mobiliser des adhérents
et des participants potentiels, à obtenir le soutien des auditoires et à favoriser la
démobilisation des adversaires » (Snow & Benford, 1988, p. 198). Les produits de
cette activité de cadrage, dans l'arène du mouvement social, sont appelés des «
cadres de l'action collective », définis comme « des ensembles de croyances et de
significations orientées vers l'action » qui « inspirent et légitiment les activités et
les campagnes » des segments organisationnels d'un mouvement social (SMO)
(Benford & Snow, 2000 ; Gamson, 1992, p. 7 ; Snow & Benford, 1992).
L'abondante littérature consacrée à la mise à l'épreuve empirique de cette
perspective dans le domaine des mouvements sociaux a été passée en revue
ailleurs et a fait l'objet de bilans critiques (Benford & Snow, 2000). Plutôt que
1
Les organisations d'un mouvement social (SMO) désignent l'ensemble des composantes organisationnelles engagées dans un mouvement social.
1
d'en proposer une nouvelle synthèse, je vais ici rendre compte des fondements
empiriques et théoriques de la frame perspective, esquisser brièvement ses rapports
avec des approches apparentées, que l'on rassemble de manière lâche sous le
vocable d'analyse culturelle, et indiquer des manières de rendre les processus de
cadrage et les cadres d'action collective accessibles à l'étude empirique.
Plutôt que de partir directement des fondements théoriques et des pierres
angulaires de la frame perspective, je procéderai de manière pragmatique et
séquentielle, en racontant d'abord comment les problèmes ont été progressivement
résolus dans le mouvement même de la recherche empirique. Cette perspective a été
développée à travers de nombreux programmes de recherche, à partir de diverses
observations empiriques concrètes et de questions qui ne recevaient pas à l'époque
de réponses satisfaisantes dans les théories dominantes des mouvements sociaux.
Puis j'aborderai la question des liens entre cette perspective et les courants théoriques
plus larges à l'intérieur desquels elle trouve son ancrage.
Le problème de l'alignement biographique et expérienciel
L'intérêt pour ce qui sera appelé plus tard un processus de cadrage remonte au
début des années soixante-dix, époque où j'ai effectué une enquête ethnographique sur les processus de recrutement et de conversion dans le mouvement
bouddhiste Nichiren Shoshu aux Etats-Unis (Snow, 1993). Cette enquête d'une
durée de deux ans, conduite selon les méthodes de l'observation participante, m'a
amené à m'interroger sur la manière dont des individus qui, à l'origine, n'ont pas
ou peu de connaissance de ce mouvement et aucune affinité avec lui, non
seulement adoptent ses croyances, mais redéfinissent leur identité dans les termes
mêmes de ces dernières. Culturellement étrangers à ce mouvement, ils se rendent
aux réunions, ils acceptent d'expérimenter ses rituels, et après plusieurs mois, ils
s'approprient ses croyances religieuses, adoptent les pratiques dont elles font
partie, et en font le socle de la revitalisation de leur biographie et de la
reconfiguration de leur identité. Les modalités de cette conversion sont devenues
l'objet d'une curiosité persistante, d'autant plus que les instruments théoriques
pour saisir ce genre de processus étaient à l'époque peu satisfaisants.
Les sciences sociales permettaient certes de les décrire par exemple en termes
d'adoption d'un nouveau « point de vue » (Burke, 1965, p. 99), de bouleversement
de l'« univers du discours » (Mead, 1962 , p. 89) ou du « système de sens » (Berger,
1963 , p. 61), de « transformation de l'identité » (Shibutani, 1961) ou de «
changement de paradigme » cognitif (Jones, 1978). Cependant, si ces concepts
désignent ou identifient un processus de transformation, ils ne rendent pas
compte du dispositif central au travers duquel ce changement se produit.
L'enquête sur le recrutement dans la secte Nichiren Shoshu révélait l'importance des
réseaux familiaux, des relations d'amitié et d'interconnaissance (Snow, 1993 ;
Snow, Zurcher & Ekland-Olson, 1980) de même que celle des processus de
conversion dans l'intensité de la participation au mouvement (Snow, 1993 ; Snow
& Phillips, 1980). Plus tard, il est apparu clairement que cette première analyse
laissait dans l'ombre un aspect important de l'affiliation, à savoir les processus
discursifs qui se déroulent dans le groupe et qui permettent d'aligner les
2
interprétations biographiques des membres sur la perspective du mouvement.
L'importance de ces processus discursifs était largement sous-estimée si j'en
juge d'après mes notes de terrain concernant les moments où, en tant que
chercheur, j'étais amené à attester publiquement de mon engagement devant
d'autres membres du groupe lors de séances collectives de méditation et de
prière. Que l'on soit appelé à déclarer publiquement son engagement n'a rien
d'étonnant, puisqu'il s'agit là d'une activité routinière du mouvement. Les
membres du mouvement connaissaient les raisons de ma présence ; j ' étais néanmoins traité comme un membre du groupe, probablement parce que je participais
pleinement à toute la palette des activités du mouvement : méditation
individuelle ou collective, réunions, recrutement de nouveaux membres dans la
rue. L'incident suivant illustre parfaitement la nature et l'importance des alignements entre les individus et le groupe, que mes collègues et moi-même thématiserons peu de temps après comme un « processus d'alignement de cadre »
(Snow, Rochford, Worden & Benford, 1986).
Appelé par les dirigeants à témoigner de ma foi, je me suis précipité vers le devant
de la salle là où les dirigeants étaient assis, à côté de l'autel contenant les rouleaux
sacrés que nous venions de réciter pendant quarante minutes. J'ai immédiatement
indiqué les raisons de mon engagement dans le mouvement Nichiren Shoshu en
soulignant mes intérêts de chercheur et mon statut de doc-torant en sociologie à
l'université. J'ai précisé que bien que je participe pleinement aux prières et aux
activités du mouvement, j'étais « trop sceptique » pour croire que la prière et la
méditation étaient à l'origine d'événements heureux comme la naissance d'une
fille en bonne santé quelques mois auparavant. J'ai affirmé que malgré ce
scepticisme, je continuerai de prier tant que je serai membre du mouvement. «
Après tout », ai-je ajouté, « je n'ai rien à y perdre, peut-être que je tirerai en effet
un bénéfice de la prière ».
Dès que je me suis rassis par terre à ma place, un dirigeant a proposé une
interprétation de mon intervention en phase avec les intérêts et les visées prosélytes
du mouvement. S'adressant aux personnes qu'il jugeait comme des adhérents
potentiels, il affirma :
« Voyez, de bonnes choses vous arrivent lorsque vous priez. Vous ne devez pas
nécessairement croire dans les pouvoirs de la prière. Dave dit qu'il est trop sceptique pour
croire que la prière procure toutes sortes de bienfaits. Mais de bonnes choses lui sont arrivées
depuis qu'il a commencé à prier et, avec le temps, il fera le rapport entre la prière et les
bienfaits dans sa vie. Donc, comme Dave, il n'est pas nécessaire de croire dans les pouvoirs
de la prière. Dès lors, pourquoi ne pas essayer de prier? Vous n'avez rien à y perdre ! »
La relecture de mes notes de terrain et des enregistrements antérieurs ainsi que
la poursuite de mon travail d'observation participante dans le mouvement firent
apparaître de plus en plus clairement que cet incident particulier n'était pas isolé.
En effet, l'alignement (alignment) les unes aux autres des expériences et des
biographies des membres, qu'ils soient potentiels et actuels, et leur ajustement
(fitting) avec le point de vue du mouvement devenaient saillants et constituaient
des traits continus des relations à l'intérieur de la secte. En d'autres termes, une
bonne partie des conversations et des activités des membres entre eux, ou des
3
membres et de leurs invités, impliquait cet alignement ou cet ajustement.
L'analyse de ces observations avec B. Rochford révélait que cette activité
d'alignement était également présente et qu'elle prenait, dans le mouvement Hare
Krishna aux États-Unis qu'il étudiait à la même époque2, la forme de traits
continus des activités discursives. Un examen plus approfondi de mon matériau
d'enquête et la consultation de la littérature sur d'autres mouvements montrèrent
toutefois que cette activité d'alignement n'avait pas nécessairement partout les
mêmes caractéristiques. Dans certains cas, l'alignement entraînait une
transformation relativement dramatique que les personnes ce faisaient de leur
biographie ; dans d'autres cas, il provoquait des changements plus subtils dans la
compréhension ou l'interprétation de certains aspects de la trajectoire
biographique ou de certaines expériences originales; en d'autres cas encore, il
élargissait la perspective du mouvement à des événements du monde qui
n'étaient pas perçus auparavant comme pertinents, comme étant hors du ressort
du mouvement3.
Ces divers éléments d'observation et d'analyse révélaient que les processus de
recrutement et de participation dans le domaine des mouvements sociaux étaient
bien plus complexes que ne le suggérait la littérature disponible sur la question.
Mais on ne disposait pas à l'époque de l'outillage conceptuel permettant de
formaliser ces données et de les théoriser. Les processus de recrutement et de
participation étaient soit expliqués en termes de caractéristiques psychosociales,
comme la dépossession relative, la non-congruence des statuts, la perte d'identité,
l'aliénation ou la stigmatisation4, soit attribués à des correspondances
idéologiques préfigurées. Parfois, ils étaient tout simplement escamotés,
considérés comme non problématiques dans un contexte de montée en puissance
de la théorie de la mobilisation des ressources5. Ainsi, la boîte à outils théorique dans
le domaine de l'étude des mouvements sociaux n'était-elle pas d'un grand secours
si l'on voulait rendre compte de manière adéquate des processus d'alignement
observés. Aucun schème théorique n'était disponible pour appréhender et analyser
ces processus de manière analytique. Entre 1984 et 1986 nous avons mis en place
l'outillage conceptuel que l'on appelle aujourd'hui la frame perspective.
Le mouvement Nimby* à Austin et le séminaire sur Goffman
Alors que les efforts conceptuels pour rendre compte des processus d'alignement
se poursuivaient, nous effectuions, Léon Anderson et moi-même, une étude sur le
2
. Burke Rochford est professeur de sociologie au Middlebury Collège,Vermont, et l'auteur de Hare
Krishna in America (1985). Ces observations communes et ces analyses convergentes nous
conduisirent à explorer de manière plus systématique les relations entre processus d'alignement et
recrutement
(Snow & Rochford, 1983).
3
3. Ces observations aboutirent à un papier sur le processus d'alignement, le recrutement et la participation dans les mouvements sociaux, présenté au colloque de l'Université de Michigan en 1984.
4
On trouve une critique de ces approches psychosociologiques dans Zurcher & Snow, 1981, p. 449454
5
Voir par exemple les commentaires de McCarthy & Zald (1977) sur l'ubiquité et la permanence
des revendications dans leur travail inaugural sur la mobilisation des ressources
4
problème de plus en plus pressant des sans-abri6. Dans la première moitié des
années quatre-vingt, à Austin, Texas, comme dans la plupart des grandes villes
américaines, les sans-abri se sont faits non seulement de plus en plus visibles dans
les parcs et les rues, mais ils sont aussi devenus un « problème » majeur pour les
municipalités. Notre attention a été attirée en parti culier par les tensions
croissantes entre certains quartiers et la municipalité d'Austin, qui tentait
d'implanter un nouveau service d'accueil de l'Armée du Salut. Le service
d'accueil existant n'était pas seulement trop exigu pour répondre aux besoins
pressants en raison de la forte croissance de la population des sans-abri, il était
surtout situé sur un terrain dont la propriété était convoitée dans un contexte
d'expansion de la métropole et de développement du centre ville. La
relocalisation de ce service s'est avérée particulièrement difficile, le projet
migrant de voisinage en voisinage, en raison de fortes résistances locales qui
constituaient des illustrations frappantes du phénomène Nimby7. Une des
caractéristiques centrales de ces mouvements réactifs à Austin était de présenter le
quartier et ses résidents, comme menacés par l'implantation de l'Armée du Salut
dans le voisinage. Cependant, l'Armée du Salut était identifiée aux valeurs de la
charité chrétienne ; il leur fallait dès lors trouver une cible moins estimée. Ce fut la
catégorie des sans-abri affluant vers Austin et aboutissant à l'Armée du Salut qui
servit d'exutoire. Comme l'affirmait un activiste :
« Les gens croient que l'on ne peut pas combattre l'Armée du Salut parce qu'elle est bonne.
Mais on peut donner l'apparence du mal à n'importe quoi. Donc, nous nous concentrons sur
les sans-abri de passage et nous insistons sur la menace qu'ils font peser sur les résidents du
quartier, en particulier sur les femmes et les enfants. »
C'est en effet ce que firent les activistes locaux, « cadrant » les sans-abri de
passage comme des ivrognes, des criminels potentiels et des pervers sexuels,
prompts à s'infiltrer dans le quartier, à cambrioler les maisons et à violer les
femmes. Dans un cas, des affiches furent collées sur les portes des maisons avec la
mention : « Voulez-vous que vos femmes se fassent violer et vos enfants
molester ? » Dans un autre cas, des résidents se rassemblèrent devant la mairie
avec des pancartes portant l'inscription : « Les vagabonds et les enfants, ça ne se
mélange pas ». La menace des sans-abri était supposée peser sur les personnes
les plus vulnérables. Un des activistes soulignait combien le quartier menaçait de
devenir un endroit inapproprié pour élever des enfants tandis qu'un autre s'indignait
en demandant si la municipalité mesurait « l'impact qu'auront ces sans-abri
célibataires sur les écoliers, les femmes, les familles ». L'université catholique
locale, située à proximité du site potentiel d'implantation, s'est jointe à la
protestation, formulant de manière similaire son opposition en termes de danger
pour les étudiants : « Nous devons être capables de rassurer le millier de jeunes
du campus, mais je ne pense pas que nous le puissions » (Snow & Anderson 1993,
p. 97), résumait le président du conseil d'administration de l'université
6
7
Ce projet aboutit à la publication de Snow & Anderson, 1993
Ces mouvements Nimby se sont multipliés aux États-Unis dans les années quatre-vingt lorsque des
résidents de quartiers urbains ou suburbains se sont sentis menacés par l'implantation i services sociaux jugés
indésirables comme des abris, des foyers, des centres de soin.
5
.
*
Nimby = « Not In My Backyard ». (NdT. )
Alors que ces mouvements locaux tentaient de mobiliser les citoyens et de
persuader les responsables politiques des dangers de l'implantation du service
d'accueil dans leur quartier de résidence, l'Armée du Salut et ses partisans procédaient à un contre-cadrage qui consistait tantôt à détourner l'attention du public
des sans-abri masculins vers les femmes et les enfants sans abri, tantôt à présenter
les sans-abri masculins comme des victimes plutôt que comme des agresseurs
potentiels. Ainsi, les réunions d'information et de conciliation dans les locaux de
la municipalité étaient-elles le théâtre d'un affrontement de « cadres » entre les
activistes locaux et les partisans de l'Armée du Salut.
Dans cette enquête, nous ne disposions pas encore des termes de « cadre » et de «
cadrage » comme outils conceptuels pour décrire et analyser les activités de
production de sens qui sont au cœur de ce genre de mobilisation8. Le déroulement
de l'enquête a coïncidé avec un séminaire autour du travail d'Erving Goffman,
que j'ai organisé à l'université du Texas, consacré en particulier à la lecture de
Frame Analysis (1974). C'est au cours de ce séminaire qu'il est apparu que le
concept de frame pouvait être étendu à l'étude des mouvements sociaux et qu'il
offrait une prise conceptuelle sur les processus d'alignement et sur les aspects
signifiants, discursifs des interactions, à la fois à l'intérieur des mouvements et
entre les mouvements et d'autres acteurs organisés (adversaires, élites, médias,
publics, contre-mouvements) et à l'intérieur du champ dans lequel ils s'affrontent.
Cette maturation s'est faite en collaboration avec R. Benford et S. Worden, qui y
ont trouvé un intérêt immédiat en relation avec leur thèse en cours9. Les
fondements de la frame perspective trouvèrent alors leur première expression
(Snow, Rochford, Worden & Benford, 1986) ; ils connaîtront rapidement une
série de prolongements et de développements10.
Fondements théoriques
Mon intérêt pour le concept deframing et pour son opérationnalisation dans la
recherche s'est formé de manière inductive plutôt que déductive, c'est-à-dire à
partir d'observations empiriques, ancrées dans le travail de terrain. La frame
perspective dans le domaine des mouvements sociaux s'est en effet épanouie
dans la conjonction entre ces expériences de recherche et le séminaire de
8
Bien entendu, les concepts d'idéologie et de rhétorique étaient disponibles. Mais leur valeur
analytique était faible car tous deux escamotaient le caractère émergent et fortement interac-tionnel
de ces luttes discursives
9
La thèse de Benford (1987) portait sur les activités de cadrage dans le mouvement antinucléaire,
celle de Worden (1987) sur des conflits de voisinage à Austin abordés dans la perspective de
l'interactionnisme symbolique.
10
Deux colloques sur les mouvements sociaux, l'un à Amsterdam en 1986, l'autre à AnnHarbor en
1988, ont été l'occasion d'étendre et d'approfondir cette perspective, en particulier avec R. Benford.
Voir Snow & Benford ( 1988, 1992). Voir aussi les prolongements théoriques dans Benford (1993a,
1993b) puis les mises en perspective et les clarifications dans Benford & Snow (2000) et Snow &
Benford (2000).
6
réflexion sur Goffman. Mais les fondements de cette perspective sont aussi bien
dans les travaux qui influencèrent Goffman lui-même, en particulier ceux de
William James (1950), d'Alfred Schutz (1962) et de Gregory Bateson (1972). En
s'en inspirant, Goffman parvenait, dans F rame Analysis, à dégager une
perspective théorique susceptible d'aider à comprendre comment les personnes
répondent à la question « Que se passe-t-il ici ? » lorsqu'ils passent d'une situation
à une autre. Pour Goffman, les cadres offrent une réponse à cette question, en ce
qu'ils permettent d'identifier le genre d'activité en cours11. Les personnes activent un
schème d'interprétation qui transforme ce qui « autrement serait une scène
dénuée de sens en quelque chose de sensé ». Elles l'utilisent « pour localiser,
percevoir, identifier et étiqueter un nombre infini d'occurrences concrètes »
(Goffman, 1974, p. 21).
En cherchant à identifier des cadres fondamentaux, ces « schèmes de compréhension disponibles dans notre société », Goffman suggère que les cadres ne
sont pas réinventés de toutes pièces chaque fois que l'on passe d'une situation à
une autre, mais qu'ils existent en tant qu'élément de la culture d'un individu ou
d'un groupe et qu'ils renferment par avance les significations pertinentes pour
chaque situation. Comme il l'affirme en réponse aux objections formulées par
Denzin et Keller (1981) à rencontre de Frame Analysis, « les cadres sont une
partie centrale de la culture et sont institutionnalisés de diverses manières »
(Goffman, 1981). Cette affirmation suggère une orientation structuraliste de
l'analyse goffmanienne des cadres, et certains n'ont pas hésité à traiter celle-ci
comme une approche de part en part structuraliste12. Il me semble cependant que
l'on peut repérer dans le travail ethnographique de Goffman de nombreuses
ambiguïtés qui plaident pour une lecture plus interprétative et contextuelle des
opérations de cadrage. Un travail interprétatif est requis lors de la confrontation à
une nouvelle situation ou une nouvelle rencontre. Surtout, il faut décider, même
si c'est instantanément, quel cadre appliquer, mais ces cadres primaires sont euxmêmes soumis à des transformations à travers ce que Goffman appelle des «
modalisations » et des « fabrications ». Ces transformations peuvent être
éphémères ou pérennes, ce qui semble indiquer que les cadres sont soumis à des «
changements historiques » (ibid.) et non pas des entités culturelles statiques. Par
ailleurs, il existe des moments et des situations de la vie sociale dans lesquels la
pertinence des cadres existants est ouverte au doute, comme par exemple dans des
contextes de mobilisation. Ces remarques suggèrent donc que Frame Analysis est
également traversé par un courant interprétativiste, constructionniste.
C'est celui-ci qui a retenu notre attention car il procurait le levier conceptuel et
théorique recherché afin d'analyser les processus d'alignement et les opérations de
cadrage dans les protestations relatives aux sans-abri à Austin ou, pour R. Benford,
dans les revendications du mouvement antinucléaire. Cette affinité entre nos
observations de terrain et des aspects de Frame Analysis n'est pas une coïncidence,
si l'on considère que les activités des membres des mouvements sociaux ont cours
dans des situations où la pertinence des cadres culturels existants est devenue
11
Les cadres fonctionnent également de cette manière chez Bateson ( 1972) mais, selon Goffman
(1974), il existe un nombre significatif de différences entre les deux approches.
12
Voir en particulier les commentaires de Gonos (1977) sur l'œuvre de Goffman
7
ambiguë, parfois même soumise à conflit et à contestation. C'est précisément dans
ces contextes que le travail interprétatif que l'on associe aux cadres d'action
collective a le plus de chances de s'épanouir. Après tout, une des fonctions des
mouvements sociaux, particulièrement de ceux qui émergent en premier dans un
cycle de protestation, est de fournir des cadrages alternatifs à ce qui semblait relever
auparavant de l'ordre de la malchance ou de la fatalité, en le transformant en
injustice sociale ou en transgression morale qui appelle l'action (Gamson, Fireman
& Rytina, 1982 ; Moore 1979 ; Turner, 1969).
Cependant, pointer le genre de contexte qui pouvait requérir une activité
collective de cadrage ne signifie pas que celle-ci obéisse à une logique qui
échappe à toute contrainte. Bien au contraire, nous prétendons que les cadres de
l'action collective, comme les processus dont ils procèdent, sont insérés dans un
contexte culturel plus large. C'est par ce biais que la dimension structuraliste de
Frame Analysis resurgit dans notre définition des cadres cardinaux (master frames)
qui contraignent les activités de cadrage de mouvements spécifiques dans un
cycle de protestation. Us « fonctionnent de manière analogue à un code linguistique
» au sens où ils fournissent « une grammaire qui ponctue et connecte
syntaxiquement des schèmes ou des événements dans le monde » (Snow&
Benford, 1992).
Prises ensemble, ces remarques indiquent que la frame perspective, que mes
collègues et moi-même avons contribué à définir, contient un élément
constructionniste et un élément structuraliste13. Notre priorité était toutefois de
procéder aux innovations conceptuelles requises par nos enquêtes de terrain et non
pas de préserver l'intégrité de l'œuvre de Goffman. Plus tard, la frame
perspective s'est enrichie ; appliquée et ajustée à d'autres terrains, elle s'est
étendue de manière productive et a été reliée à d'autres perspectives théoriques.
On trouve un bon exemple de ce type d'hybridation dans l'appel récent en faveur
d'un traitement plus discursif des activités de cadrage collectif (Fischer, 1997)
qui trouve son inspiration dans l'approche dialogique de M. Bakhtine et de son
cercle (Steinberg, 1998,1999). La jrame perspective est ainsi en constante
évolution.
Connexions avec l'analyse culturelle
Avec le « tournant culturel » dans les sciences sociales, les défenseurs de l'analyse
culturelle se sont intéressés à leur tour à l'étude des mouvements sociaux. La
frame perspective leur est apparue comme un accès privilégié au domaine des
mouvements sociaux, ce qui s'est traduit par de nombreux appels à collaboration.
Mais leur volonté de prendre en compte plus sérieusement la culture s'est aussi
accompagnée d'une critique récurrente de la frame perspective (Hart, 1996 ;
Kane, 1997 ; Polletta, 1997 ; Steinberg, 1998, 1999 ; Williams & Kubal, 1999).
Bien qu'ils adressent de nombreuses questions à cette perspective, la critique qui les
rassemble porte sur le fait qu'elle ignore ou minore l'ampleur de l'ancrage des cadres
13
Ces deux aspects de la perspective ont été identifiés et présentés dans Williams & Benford (2000)
sous l'expression « les deux faces des cadres de l'action collective ».
8
d'action collective dans des codes culturels et des structures sociales
préexistants14.
Il me semble que nos premiers travaux (Snow et al, 1986 ; Snow & Benford,
1988, 1992) n'ont pas tant ignoré le lien entre cadres de l'action collective et
contexte culturel plus large qu'été insuffisamment attentifs à la nature de cette
relation, en raison de la nature de nos intérêts initiaux. Récemment, avec R.
Benford, nous avons insisté sur le fait que les cadres et les processus de cadrage sont
contraints par le contexte culturel dans lequel ils s'enracinent (Benford & Snow,
2000). Il convient dès lors de spécifier la teneur de ces contraintes.
Il est toutefois nécessaire de savoir préalablement comment conceptualiser ces
codes culturels et ces structures sociales sous-jacents, et comment saisir les traits et
les fonctions des cadres en relation avec ces codes et ces structures. Faut-il
concevoir ceux-ci comme rigides, relativement inélastiques, selon une vision très
déterminante de la culture ? Ou bien leur organisation est-elle plus flexible et leur
application plus souple ? Ma réponse, adossée à mon expérience de recherche, est
que les codes culturels sont probablement d'une grande variabilité et que la
pertinence des cadres de l'action collective est d'autant plus ouverte que ces
cadres sont plus flexibles, moins rigides, plus ambigus, face aux situations et aux
événements qu'il s'agit d'interpréter. Cet argument peut être illustré en
considérant la relation entre, d'un côté, les cadres de l'action collective et les
processus de cadrage et, de l'autre, trois concepts fondamentaux d'usage courant
dans l'analyse culturelle : les schèmes, les idéologies, les récits.
Cadres et schèmes
Examinons d'abord la relation entre « schèmes » et cadres. Le concept de schème
renvoie aux structures du savoir ordinaire ; il est couramment utilisé en
psychologie et en anthropologie cognitives, ainsi que dans le domaine de l'intelligence artificielle. Les schèmes sont définis comme des « structures de savoir
» qui consistent en majeure partie en attentes apprises et acquises à propos d'objets
par rapport auxquels on s'oriente. Des expressions telles que « schèmes de
personnes » (« un savoir organisé portant sur des personnes particulières ou des
types de personnes »), « schèmes de rôles » (« un savoir organisé portant sur les
comportements attendus d'occupants de positions sociales particulières ») ou «
schèmes d'événements » (« un savoir organisé portant sur des séquences
d'événements dans des situations familières ») sont couramment usitées (Howard,
1995).
Définis de manière encore plus succincte comme « des attentes à l'égard de
personnes, d'objets, de situations dans le monde » (Tannen & Wallat, 1993), les
schèmes ont un air de famille frappant avec les cadres, lorsque ces derniers sont
compris comme des structures de significations préexistantes qui informent sur ce
qui se passe (what is going on). Cependant, comme Tannen & Wallat l'a souligné,
14
D'autres commentaires critiques soulignent que la frame perspective est excessivement
volontariste et stratégique, et qu'elle porte trop peu attention au caractère polyphonique des
discours. Je ne crois pas que ces critiques soient irrémédiables. L'espace ici est trop restreint pour
développer une réponse circonstanciée.
9
les schèmes doivent être distingués des « alignements qui sont négociés dans des
interactions particulières » (ibid.), c'est-à-dire précisément des opérations de
cadrage. Ainsi peut-on affirmer que les schèmes et les cadres interagissent dans le
cours d'une interaction entre au moins deux individus ou groupements d'individus.
Dans ces interactions, lorsque les schèmes sont divergents ou contradictoires, le
cadre fournit le socle interprétatif qui aligne les schèmes que les participants
apportent avec eux dans l'interaction. Ainsi, cadre et schème ne sont pas
synonymes : les schèmes sont en relation de détermination mutuelle avec les
cadres, ces derniers produisant une réponse interprétative plus ample et une
définition plus large de « ce qui se passe ».
Cadres et idéologie
Même si l'on accepte que les cadres fournissent le socle interprétatif qui aligne des
schèmes disparates, on peut toujours avancer que la réponse interprétative
apportée est enracinée dans une structure culturelle plus ample ou plus profonde,
ou procède d'un faisceau d'idées et de croyances intersubjectivement partagées,
qui prend la forme d'une idéologie. Si l'on admet que les cadres de l'action
collective sont liés d'une manière ou d'une autre à des idéologies préexistantes,
cela signifie-t-il que les cadres sont déterminés par une idéologie ou qu'ils en
découlent ? La position défendue ici est plutôt dérivative (Snow & Benford,
2000) que déterministe. Nous appréhendons l'idéologie comme un large faisceau,
faiblement intégré, de croyances et de valeurs, fonctionnant alors comme terreau
culturel et comme ressources pour les processus de cadrage. Ceux-ci se
caractérisent alors par l'articulation, c'est-à-dire le panachage, l'amplification,
l'accentuation de segments d'idéologies existantes. Les cadres de l'action
collective sont donc enracinés, à des degrés divers, dans des idéologies
disponibles, sans être déterminés par elles et sans leur être isomorphes. Du point
de vue de la frame perspective, les idéologies constituent un stock de ressources
culturelles dans lequel on puise en vue de construire les cadres de l'action
collective. Elles facilitent et contraignent dans un même mouvement les processus
de cadrage. Les cadres de l'action collective peuvent alors être définis comme des
ensembles de croyances et de significations émergentes, qui articulent des
idéologies de manière innovante et en amplifiant des aspects. On trouve des
exemples de tels processus dans le mouvement non violent de Ghandi ou dans le
mouvement des droits civiques de Martin Luther King. Ainsi, si l'on se réfère aux
principes énoncés par Ghandi dans ses écrits et discours, qui se sont mués en un
cadre majeur de mobilisation essaimant dans le monde, on constate qu' ils se
présentent comme un assemblage hétéroclite d'idées issues de l'hindouisme, du
bouddhisme, du christianisme. Ses biographes ont relevé ce qu'il a puisé dans des
traditions différentes, et qu'il a articulé de manière inédite. On trouve chez M. L.
King le même genre d'assemblage puisque s'y sont amalgamés des principes du
ghandisme, du christianisme, de la constitution américaine. Ils forment un cadre
majeur puissant, reformulant la question des « droits » (le cadre majeur des droits
civiques) :
« Aucun dirigeant ne s'était exprimé de la manière dont King l'a fait. Avec ce mélange
10
inédit de thèmes chrétiens familiers, de théorie démocratique classique, de philosophie de
la non-violence, il a apporté un cadre très attractif et accessible en vue de la lutte. Il
convient de noter que la variété de ces thèmes assurait des points de contact idéologiques
avec ceux des médias (et du public en général). Des libéraux laïques pouvaient demeurer
indifférents à la lecture de la théologie chrétienne de King, mais étaient séduits par ses
références à la théorie démocratique. Et ainsi de suite. Pour le dire de manière concise, la
variété des thèmes soulevés par King, ainsi que leur résonance réelle, conférait à sa pensée
(et au mouvement qu'il allait pour beaucoup symboliser) un pouvoir d'attraction d'une
ampleur inégalée. » (Me Adam, 1996.)
Ces exemples montrent empiriquement que les cadres de l'action collective sont
partiellement dérivés des idéologies disponibles, au travers d'un processus conjoint
d'articulation et d'amplification. Mais ils suggèrent en même temps que
l'attractivité des cadres est liée aux traditions et aux modèles culturels. Surtout,
les cadres spécifient la manière dont des revendications sont produites, soutenues,
voire contestées et altérées. Ils ne renvoient donc pas à des entités cognitives,
insérées dans des systèmes d'idées cohérents et clos ; leur essence sociologique
réside dans l'interaction sociale située. Dialogiques, ils sont empiriquement
observables dans les conversations ordinaires, les débats ou les polémiques qui
saturent les activités dans les mouvements sociaux.
Cadres et récits
Une dimension majeure du tournant culturel dans les sciences sociales a été la
redécouverte du récit ; on a pris conscience du fait que les personnes racontent des
histoires, qu'elles confèrent un sens à leur expérience en configurant des épisodes
ou des péripéties dans des narrations. En général, la notion de récit est utilisée pour
faire référence à une sorte de « structure culturelle interprétative ». L'organisation
séquentielle (l'ordonnancement temporel) et la configuration thématique (la mise
en intrigue) d'événements, d'actions et d'expériences actuelles, passées ou
imaginaires sont donc les traits caractéristiques du récit (Franzosi, 1998; Maines,
1993; Polletta, 1998). Si la confection de récits constitue une procédure de sens
commun pour faire sens de ce qui arrive, il convient de noter que tous les récits
n'ont pas la même saillance : certains sont tellement répandus qu'ils en viennent à
fonctionner comme des légendes ou des contes populaires qui informent la
compréhension, l'interprétation et la narration des événements, des actions et des
expériences dans le présent.
Puisque nos « cadres cardinaux » (master frames) - par exemple le langage les
droits civiques - assurent ce genre de tâche intégrative et coordinatrice en
fonctionnant comme « des algorithmes majeurs qui contraignent les orienta-ions
et les activités d'autres mouvements temporellement et écologiquement ssociés »
(Snow & Benford, 1992), il convient de se demander si les récits et
cadres d'action collective, y compris les cadres cardinaux, ne sont pas des
îppellations d'un seul et même phénomène. La réponse est négative. Si ces
lotions partagent un air de famille, il semble que la portée des fonctions interprétatives des narrations soit plus ample et plus diffuse que celle des cadres
d'action collective. Cela ne signifie pas que les cadres d'action collective sont
subsumés par les narrations, ou vice versa, mais qu'ils se connectent clairement
11
entre eux de diverses manières. Un de leurs points d'intersection est la manière
dont le processus narratif ordonne des événements en un récit cohérent. Ainsi les
processus discursifs qualifiés d'« articulation » et d'« amplification » de cadre
(Snow et al., 1986) peuvent-ils contribuer à la confection d'un récit cohé-rent, par
exemple en liant de manière inédite des événements qui semblaient jusqu'alors
déconnectés. Un autre point d'intersection concerne la relation entre les
processus de cadrage et leur « résonance culturelle ». Le potentiel mobilisateur
des cadres d'action collective dépend de leur degré de résonance avec des récits
culturels de plus grande amplitude (Snow & Benford, 1988), donc ce que l'on a
appelé leur « fidélité narrative » (Fisher, 1984). On dira, à titre d'hypothèse, que
plus le degré de « fidélité narrative » des processus de cadrage sera élevé, plus
leur potentiel mobilisateur sera importanti. Un troisième point d'intersection entre
cadres et récits concerne les cas où la pertinence des cadres cardinaux se diffuse
au-delà du champ d'action d'un mouvement : il en vient à fonctionner comme un
genre de récit majeur dans la société, débordant ainsi la seule sphère de l'action
collective. Enfin, les cadres et les récits sont imbriqués dans la construction
d'identités collectives, chacun fournissant des mécanismes alternatifs qui
contribuent au développement, au maintien, à la reproduction et à la
transformation des identités collectives (Polletta, 1998 ; Snow & McAdam,
2000).
Que faut-il conclure quant aux liens qu'entretient laframe perspective avec
l'analyse culturelle? Trois remarques permettent de résumer en conclusion la
position ici défendue. Premièrement, les cadres de l'action collective ne sont pas
déterminés par des codes culturels préexistants - que ceux-ci soient conçus en
termes de modèles, de schèmes, d'idéologies ou de récits - mais ils en sont
partiellement dérivés. Deuxièmement, les cadres et les processus de cadrage qui
les engendrent contribuent à la reproduction et à la transformation des codes
culturels qui pourtant les contraignent. Enfin, la relation entre, d'une part, les
cadres et les processus de cadrage et, d'autre part, leur contexte culturel élargi, est
dynamique et interactive.
Orientations de la recherche et ses défis
Les enjeux empiriques de ces clarifications conceptuelles sont multiples. La
question centrale qui se pose est de savoir comment saisir empiriquement les
cadres de l'action collective et les processus de cadrage. La réponse dépend pour
partie de la problématique qui retient l'attention du chercheur. Ainsi peut-on
s'intéresser au lien entre le développement des cadres de l'action collective ou
leurs effets sur diverses activités des mouvements sociaux, qu'il s'agisse du
recrutement, de la mobilisation, de leurs résultats ou de leurs réalisations. Peu
importe si ces effets sont importants. La question d'identification et de la localisation des cadres se pose avec force ainsi que celle de leur déploiement et de
leur impact. Jusqu'à présent, les recherches se sont focalisées essentiellement sur
la première question ; elles ont repéré empiriquement des cadres et des cadres
cardinaux et spécifié leur fonction dans le développement d'un mouvement. Dans
le cas du mouvement écologique, par exemple, plusieurs cadres ont été identifiés,
12
dont un « cadre de justice environnementale » (Çapek, 1993), un « cadre de sortie
de la technologie » (Gamson, 1992), un « cadre de la préservation » (Diani, 1995),
un « cadre du paysage » (Trom, 1999). Par ailleurs, plusieurs de ces travaux
spécifient les fonctions de pronostic, de diagnostic, et de justification ou de
motivation (rationale) liées au processus de cadrage (Wilson, 1973 ; Benford &
Snow, 2000). La fonction de diagnostic comprend les opérations visant à trouver
des causes, à attribuer des responsabilités, à blâmer des coupables, à identifier des
victimes dans une situation problématique. La fonction de pronostic recouvre la
formulation d'une solution possible et son articulation sur la situation
problématique, ainsi que les stratégies d'action qui vont en découler. Le cadrage
motivationnel renvoie à la production des raisons de l'engagement dans l'action et à
la sélection de vocabulaires de motifs appropriés (Benford, 1993b). Ces recherches
montrent que les cadres de l'action collective sont connectés à la production de
mobilisations, de revendications et de protestations. Ces enquêtes sont menées à
l'aide de méthodes de collecte de données inspirées de l'analyse thématique ou de
l'herméneutique textuelle, de l'observation ethnographique, souvent participante,
sur des sites de mobilisation (Benford, 1993a; Çapek, 1993 ; Gamson, 1992), de
l'analyse documentaire et de l'exploitation d'archives (Babb, 1996 ; Clemens,
1996 ; Gerhard &Rucht, 1992; Voss, 1996).
Ces travaux sont toutefois demeurés silencieux sur les processus au travers
desquels les cadres se développent. Étant donné que l'activité de cadrer est une
sorte de travail interprétatif qui se fait dans le cours d'interactions entre diverses
configurations d'acteurs, la compréhension de la transformation des cadres
implique une analyse serrée des discours des mouvements et des contremouvements, en particulier de leurs dirigeants ou de leurs membres significatifs
(Fine, 1995 ; Fisher, 1997 ; Johnston, 1995 ; Steinberg, 1998, 1999). Un pan
entier de la recherche dans ce domaine s'est ainsi attelé à analyser les processus
discursifs qui précèdent le passage à l'écrit et qui sous-tendent la formation des
identités collectives et des causes publiques. Trop nombreux pour être tous cités,
on mentionnera ici le travail de W. Gamson (1992) sur la manière dont les
participants à des « groupes centrés » entrent dans des argumentations et des
controverses autour de questions sociales et politiques (affirmative action, énergie
nucléaire, risque industriel, conflit israélo-arabe). Bien que les groupes centrés
soient des contextes suscités artificiellement par le dispositif d'enquête, l'étude de
Gamson montre qu'ils constituent un instrument utile pour accéder
empiriquement aux processus discursifs au travers desquels des enjeux publics
sont cadrés. L'étude de M. W. Steinberg (1999) sur les « répertoires de discours »
des fileurs de coton anglais au xixe siècle montre que les cadres « sont des produits
relationnels de désaccords entre contestataires et détenteurs du pouvoir », et sont
enracinés dans un terrain culturel dynamique et conflictuel, des « champs
discursifs » (ibid.). Cependant, si cette interprétation « dialogique » semble bien
documentée par des données textuelles, l'analyse de Steinberg butte sur l'obstacle
que rencontre toute analyse historique, rendant cette approche partielle et
incomplète : les archives et autres textes (journaux, pamphlets et minutes,
documents administratifs, policiers et judiciaires) sont eux-mêmes les produits de
13
séries complexes d'activités de cadrage. L'analyse fait donc l'impasse sur les
activités dialogiques et scripturaires qui elles-mêmes engendrent des textes.
Nous avons tenté récemment de saisir empiriquement ces processus de
cadrage « au ras du sol » en examinant la manière dont les processus discursifs
appelés « amplification » et « articulation » de cadres ont contribué àl' élaboration,
à la diffusion et au maintien de cinq cadres enchevêtrés dans un groupe
d'extrême-droite en Arizona (Snow & Miller, 2000). Les données collectées se
composent de 38066 lignes de notes de terrain et d'enregistrements audio de
conversations, de discours et de discussions qui ont eu lieu dans le contexte de
réunions hebdomadaires. L'analyse vise à identifier d'abord les thèmes (enjeu,
acteur, activité, événement) évoqués dans la discussion (au total, 114 thèmes), puis
à repérer selon quelles combinaisons ils sont amplifiés et articulés dans des cadres.
Les thèmes et les cadres sont alors mesurés en fonction de la place qu'ils occupent
dans le discours (définie comme le volume total des paroles enregistrées sur la
période d'observation) et relativement les uns aux autres ; ils sont aussi analysés
en relation avec les performances de trois séries d'acteurs/locuteurs (leaders,
personnes invitées, membres actifs). Les résultats de l'analyse suggèrent que le
nœud du processus de cadrage se situe dans les processus conjoints d'articulation
et d'amplification plutôt que dans l'unicité des thèmes eux-mêmes. Les groupes
restreints des dirigeants jouent un rôle central dans ces processus. La manière
dont ces thématiques sont reliées entre elles et dont elles sont soupesées confère
aux cadres leur singularité. De plus, il est hautement significatif que les cadres
d'action collective du groupe émergent de façon continue dans le cours des
réunions : ces cadres sont des entités dynamiques, indissociables des opérations
de leur configuration, plutôt que des entités statiques et réifiées. Le coût en temps
d'une telle enquête est toutefois très élevé, car elle nécessite non seulement de
procéder à une observation ethnographique de longue haleine mais aussi d'accéder
aux discours constitutifs du processus de cadrage et de les reconstruire.
Un autre pan de la recherche s'est attelé à analyser les conséquences et les
implications des cadres sur le recrutement de personnels, la mobilisation de ressources, l'identification d'organisations collectives et l'efficacité en termes
d'objectifs. Ces travaux appréhendent les cadres comme des variables indépendantes et focalisent l'attention sur leurs effets. Concernant les opportunités
politiques, W. Gamson et D. Meyer (1996) ont ainsi soutenu que l'amplitude
avec laquelle celles-ci facilitent ou contraignent les activités des mouvements
sociaux dépend de la manière dont ces activités sont cadrées par les acteurs du
mouvement et par d'autres acteurs avec lesquels ils sont en relation ; les identités
personnelles et collectives à l'œuvre dans les mouvements sociaux sont
directement liées aux processus de cadrage (Hunt, Benford & Snow, 1994 ;
Snow & McAdam, 2000). Toutefois, ces remarques tiennent plutôt de spéculations
théoriques et reposent souvent plus sur des anecdotes que sur des investigations
systématiques.
On trouve une étude plus systématique des effets du cadrage dans l'enquête sur
l'impact local de quinze mouvement sociaux de sans-abri, actifs dans huit villes
américaines dans les années quatre-vingt (Cress & Snow, 2000). En empruntant
14
aux techniques de l'analyse qualitative comparative (Ragin, 1987), l'observation
ethnographique a permis de rendre compte du poids relatif des variables
organisationnelles, tactiques, politiques et celles relatives au cadrage, de la
manière dont elles interagissent et se combinent dans la réalisation des objectifs
des mouvements sociaux. Les objectifs de ces quinze mouvements sociaux de
sans-abri sont au nombre de quatre : définition de la réalité, accumulation de
ressources, reconnaissance de droits et réparation de dommages. Parmi les quatre
séries de variables examinées, les cadres diagnostiques et pronostiques sont
opérants dans tous les processus d'action. La variable « viabilité organisationnelle »
est sans doute capitale, mais l'étude montre l'importance de la variable « opérations
de cadrage ». Une telle enquête montre que les cadres peuvent être conçus comme
des variables et qu'il est possible d'en évaluer les effets sur les activités des
mouvements sociaux.
Au terme de ces considérations une conclusion en deux temps, relative à la
manière d'étudier empiriquement les cadres d'action collective et les processus de
cadrage, s'impose. Ces cadres peuvent être saisis par les mêmes méthodes et
procédures que tout autre phénomène social (analyse de contenu, approche
herméneutique, analyse de discours, observation ethnographique). Toutefois, la
réponse à cette question dépend de manière ultime de ce qui retient l'attention du
chercheur: l'identification et la localisation des cadres, leur production ou leur
développement, soit les facteurs qui facilitent ou contraignent ces processus, leurs
implications et leurs conséquences en termes d'efficacité d'un mouvement social.
Conclusion
Ces dernières années ont connu une prolifération des recherches inspirées de la
frame perspective appliquée aux mouvements sociaux, au point qu'une revue de
ces travaux a été proposé dans une livraison récente de VAnnual Review of
Sociology (Benford & Snow, 2000). Toutefois, les fondements de cette perspective, ses liens avec l'analyse culturelle et ses implications méthodologiques
pour la conduite des recherches ont été peu discutés. Cet article visait à combler
cette lacune. Il est une invitation à poursuivre la réflexion théorique sur les
mouvements sociaux, à l'enrichir conceptuellement, à la rendre plus sophistiquée
et à la monnayer en investigations empiriques.
(Traduit de l'anglais par Danny Trom.)
15
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Pour une synthèse de travaux qui documentent empiriquement cette hypothèse, voir Benford &
Snow (2000).
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