Il est trop tard dè mette s`main à s`cul quand on a tchi dins s`marone !

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Il est trop tard dè mette s`main à s`cul quand on a tchi dins s`marone !
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Il est trop tard dè mette s’main à s’cul quand on
a tchi dins s’marone !
dimanche 20 mai 2012, par La Pastèque
Ainsi donc, selon un 296ème rapport sur les capacités de production/approvisionnement électrique de la
Belgique en cas de mise à l’arrêt de ses réacteurs nucléaires dans le respect de la loi de 2003, notre pays
courrait le risque de se trouver ponctuellement et exceptionnellement en manque de jus si les fermetures
de Doel 1, Doel 2 et Tihange 1 prévues en 2015 devenaient effectives. Concrètement, dixit Melchior
Wathelet Junior [1], ci-devant secrétaire d’Etat à l’Energie, cela signifie que, « dans des circonstances très
spécifiques », à savoir un temps très froid et sans vent, en une fin de journée d’hiver marquée par une
production industrielle particulièrement intensive, l’approvisionnement en électricité « pourrait être mis
en difficulté ». En conséquence de quoi le gouvernement évitera sans doute de mettre simultanément la
clé sous le paillasson de ces trois unités productives.
On pourrait objecter que la probabilité de voir tous les éléments de ce scénario catastrophe s’assembler
est infime – voire nulle si l’on tient compte du fait que les hypothèses d’une réduction significative de la
demande et d’un recours aux importations n’ont pas été prises en compte dans ce nouveau rapport. On
pourrait mais, personnellement, je m’en abstiendrai. Partant du principe solidement ancré par mon
éducation que « gouverner, c’est prévoir », il me semblerait en effet mal venu de reprocher à nos
gouvernants de ne pas envisager tous les cas de figure, en ce compris les plus improbables.
Par contre, je ne vais pas me priver de dire ce que je pense de Junior lorsqu’il déclare avec la conviction
offusquée du chevalier blanc : « Depuis dix ans, on n’investit plus en Belgique car il n’y a pas de vision
sur les prix et les conséquences de la loi de 2003 » [2].
Certes, il n’a pas tort, Melchior, mais de deux choses l’une : ou il fait preuve d’une honnêteté intellectuelle
et d’une volonté de contrition en tous points remarquables, ou il prend les citoyens pour des cons et
s’exonère un peu vite de ses responsabilités. Or, sa sentence ayant été suivie d’une pique contre l’action
insuffisante de son prédécesseur, Paul Magnette, il semble bien que ce soit la seconde option qui prévale :
on est moins dans le mea-culpa que dans le coup bas. D’où mon envie de rappeler le secrétaire d’Etat à un
minimum de solidarité gouvernementale sachant que, comme on dit dans nos provinces, « Il est trop tard
dè mette s’main à s’cul quand on a tchi dins s’marone ! ». Car même s’il semble l’avoir oublié, Melchior
Wathelet Junior (à partir de mars 2008 ; son parti dès décembre 2007) fut aux affaires pendant une partie
non négligeable de ces dix années « sans vision » et endosse dès lors la responsabilité de l’inaction qu’il
prétend dénoncer. A moins de considérer, bien sûr, que chaque ministre décide seul de la politique menée
sur ses matières, politique que le gouvernement ne partagerait ni ne soutiendrait… Ce qui apparaît, il faut
l’avouer, un petit peu trop gros à avaler.
Peu importent en fin de compte les personnes et les partis, ce que X a dit et que Y n’a pas fait. Le désolant
dans cette affaire, c’est la concrétisation d’un échec annoncé et l’incapacité sinon le refus de ses
responsables de l’assumer pleinement pour éviter que le même processus ne génère à l’avenir les mêmes
résultats. La sortie de Junior Wathelet constitue de ce point-de-vue une formidable occasion gâchée de
redorer le blason du politique. Il eut suffit pour cela d’éviter la tentation du croc-en-jambe à
l’adversaire/partenaire et de reconnaître que oui, les gouvernements aux affaires depuis 2004 ont failli
collectivement à leurs responsabilités sur ce dossier ; oui, ils sont restés sourds aux mises en garde qui
leur étaient adressées ; oui, ils auraient pu et du prendre des mesures rendant la sortie du nucléaire non
seulement possible mais aisée.
Car la situation actuelle est tout sauf une surprise. Depuis des années, les organisations
environnementales dénoncent sans relâche la passivité des gouvernements successifs sur ce dossier
nucléaire, leur manque de « vision » et d’une ligne politique claire indispensable aux investissements dans
les énergies alternatives. Electrabel lui-même avait d’ailleurs fini par s’énerver de la situation et dénoncer
les atermoiements estimant que « dans une matière aussi fondamentale pour l’économie nationale, il est
essentiel que des décisions claires soient prises et communiquées. Il s’agit de donner aux opérateurs,
actuels ou potentiels, et à leur personnel la visibilité dont ils ont besoin pour programmer leurs activités
et leurs investissements » [3]. Dans leurs analyses et leurs exhortations à agir, les ONG prédisaient ce à
quoi le gouvernement se dit aujourd’hui confronté : des capacités de substitution trop faibles pour
compenser sans risque l’arrêt des premiers réacteurs. Malheureusement, « c’est comme si elles pissaient
dans un violoncelle »… Et on peut parier sans risque sur le fait qu’il en sera de même au cours des
prochaines années pour d’autres de leurs augures ignorées voire méprisées avant que les faits ne
viennent les confirmer. Je vous en épargnerai la liste, histoire de préserver votre moral.
Allez, à la prochaine. Et d’ici là, n’oubliez pas : « Celui qui voit un problème et ne fait rien fait partie du
problème. » (Gandhi)
Notes
[1] Déclarations lors de l’émission « Mise au point », séquence « L’indiscret », du dimanche 13 mai
2012 sur La Une (RTBF télé).
[2] Déclarations lors de l’émission « Mise au point », séquence « L’indiscret », du dimanche 13 mai
2012 sur La Une (RTBF télé).
[3] Communiqué de presse d’Electrabel lors de la négociation du programme du gouvernement Di
Rupo, décembre 2011.