Témoignages ORPER AJRD sur enfants sorciers

Transcription

Témoignages ORPER AJRD sur enfants sorciers
Témoignages ORPER AJRD sur enfants sorciers
Quelques témoignages
Extrait d’une lettre (août 2002) du père Zibi, directeur actuel de l’ORPER, à Josyane PEREZ,
présidente de l’Association Cœur Soleil :
… En passant sur une route sablonneuse devant un centre de santé, j’ai trouvé un groupe de jeunes
qui criaient « kende liboso mpe boma ye », ce qui veut dire « avance et écrase le ». Au début, je ne
savais pas de quoi il s’agissait : en avançant, j’ai vu un petit garçon squelettique, tout nu, couché dans
le sable. Son corps était couvert de plaies infectées contenant des asticots. Encore une autre victime
du phénomène de la sorcellerie qui est à la base de la souffrance de beaucoup d’enfants rejetés dans
les rues de Kinshasa. Personne n’était capable de nous dire d’où venait le garçon. La seule possibilité
de protéger le petit qui, selon nous, n’avait pas plus de huit ans, était de le prendre. Ne pouvant nous
occuper immédiatement de lui à cause de ses plaies, nous avons décidé de recourir aux Sœurs de
Calcutta. S’il y a quelqu’un qui fait des vrais miracles, ce sont elles. Aujourd’hui, un mois après, notre
garçon guérit ses plaies mais ne peut pas encore parler à cause du traumatisme subi, mais il sait déjà
sourire et danser. Les sœurs lui ont donné le nom de Camille parce que nous l’avons trouvé le jour du
saint Camille.
Extrait d’une lettre internet (avril 2004) du père Zibi, directeur actuel de l’ORPER, à Josyane
PEREZ, présidente de l’Association Cœur Soleil :
Cela fait une semaine aujourd’hui depuis que je suis revenu de Bandundu et je n’ai pas vraiment eu le temps
pour m’asseoir devant l’ordinateur. J’ai eu aujourd’hui une histoire incroyable, je crois que Néné t’en avait
déjà parlé un peu. Il y avait 2 sœurs religieuses qui sont venues chez moi ce matin pour me parler du cas d’une
fille accusée de sorcellerie à Mbandaka. Son père a deux femmes dont une à cinq reprises a accouché des
enfants mort-nés. Les parents sont allés finalement chez le pasteur d’une secte pour demander ce qui se passait.
Le pasteur leur avait dit que c’était leur fille qui a tué tous ces enfants. Pour que l’enfant avoue, le pasteur avait
décidé de la repasser avec un fer. Ainsi, le mois de février la fille s’est retrouvée dans le centre des sœurs.
Dimanche passé, les membres de sa famille, des jeunes du quartier armés des machettes et des couteaux,
accompagnés de 5 soldats sont venus au centre pour prendre la fille et la brûler, en menaçant les sœurs si elles
ne leur livraient pas la fille, ils vont brûler le centre.
J’ai réussi ce matin à contacter la MONUC et le Ministre de l’Intérieur qui à ma surprise a réagi très
rapidement en téléphonant au Gouverneur de Mbandaka. Il y a 30 minutes, j’étais en contact
téléphonique avec les sœurs qui m’ont dit que le Gouverneur lui-même, avec ses policiers, était chez
elles. Ils sont en train de chercher le pasteur et les soldats qui sont en fuite. La sœur m’a dit que tout
un quartier où habitait la fille était comme envoûté et qu’ils parlaient déjà de 11personnes que la fille
avait tué. Tenant compte de la situation, le Gouverneur avait laissé ses policiers au centre pour
protéger les enfants. Ce samedi, la fille va venir à Kinshasa, et en attendant elle sera logée à
Yahuma dans l’ORPER.
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Extrait d’un communiqué (octobre 2003) de l’AJRD (Association des Jeunes de la Rue pour
le Développement) :
Au cours de ces dernières années, est apparu dans notre pays un phénomène nouveau. De petits garçons et de
petites filles avouent eux-mêmes être des enfants sorciers. Les voisins, les familles et surtout les pasteurs
affirment détenir des preuves irréfutables des pratiques maléfiques des enfants. Ces propos sont repris par
certains médias, des théologiens de tout bord et certains professeurs d’université de renommée.
Mais quelles sont donc les manifestations de cette prétendue sorcellerie dont parle tout ce gotha ? Notre
Association des Jeunes de la Rue pour le Développement (A.J.R.D.) en a recensé quelques unes, vécues par les
enfants accusés de sorcelleries dont certains sont aujourd’hui membres de l’association. Un enfant précoce qui
soulève des questions embarrassantes pour les adultes, un enfant turbulent, un enfant qui a tendance à beaucoup
manger, un enfant au ventre bedonnant, souffrant de Kwashiorkor… Tous les malheurs d’une deuxième femme
qui n’arrive pas à concevoir, des jeunes gens qui n’arrivent pas à se marier sont l’œuvre des enfants qui ont le
malheur de faire partie de cet environnement familial.
C’est sur la base de ces accusations, que nous nous trouvons aujourd’hui à la rue, rejeté par nos familles. Ces
attaques proviennent presque toutes des Eglises de la Chrétienté. Nos pères et mères affirment avoir découvert
que nous sommes des sorciers après avoir beaucoup prié. En réalité, ils reprennent le discours de certains
Pasteurs qui font de la question des enfants sorciers leur fond de commerce. Certains de ces prétendus hommes
de Dieu ont ouvert des centres d’hébergement pour enfants sorciers. Ces centres leur permettent d’une part de
rançonner les parents des enfants obligés de payer le pasteur pour qu’il guérisse l’enfant de la sorcellerie et
d’autre part d’avoir une main d’œuvre gratuite taillable et corvéable à merci. D’autres pasteurs reçoivent même
des subventions des organismes internationaux. La virulence des propos de ces pasteurs, de certains médias à
l’encontre des enfants prétendument sorciers a amené, dans plusieurs cas, des habitants de quartiers à brûler ou
à lapider certains d’entre nous.
L’AJRD rejette ce comportement de certains pasteurs, parents et dirigeants comme irresponsables, inhumains et
criminels. L’on ne peut en effet concevoir qu’une société incapable d’assurer à ses enfants les droits de l’homme
aussi élémentaires que la nourriture, l’éducation et le logement, fasse de ces victimes qu’elle a elle-même
fabriquées des criminels dangereux. Le phénomène des Enfants de Rue, n’en déplaise aux pasteurs, est la
résultante de la situation économique et sociale catastrophique que vit notre pays. Ce phénomène s’étend à
toutes les grandes villes de notre pays : Kinshasa, Lubumbashi, Mbuji-Mayi; Matadi etc
Nous enfants de la Rue, nous déclarons la guerre à l’ignorance, l’obscurantisme et la misère en organisant des
grandes manifestations jusqu’à ce que nos revendications soient prises en compte. Nous appelons toutes les
ONG de défense des droits des enfants : le Centre Lokole, le Centre Professionnel des Jeunes Désoeuvrés
« Liboso Mwana », l’Atelier Théâtre-Action, Save the children, la Croix Rouge, Médecins sans frontières,
Avocats sans frontières, Oxfam, REJEER à soutenir notre action. Votre soutien peut revêtir plusieurs formes.
Vous pouvez signer notre appel, nous envoyer un message de soutien, écrire aux autorités pour leur demander
de satisfaire nos revendications…
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