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L’invité
Interview : Christophe de Margerie
Vous faites une véritable déclaration d’amour aux PME,
n’est-ce pas un peu démagogique quand on est le patron de
Total ?
Certainement pas. Pour moi les PME sont le nerf de la guerre d’un
pays comme la France. Le dynamisme de notre industrie passe par
les PME, d’ailleurs Total en fait travailler un grand nombre. Pour
moi c’est essentiel de garder ce nœud de développement social et
sociétal autour de nos grands sites de production.
Concrètement que faites-vous ?
On a signé le Pacte PME en 2007 et depuis 10 ans la société “Total
Développement Régional” a aidé plus d’un millier de PME françaises,
ce qui représente 15 000 emplois créés ou maintenus et 60 M€
d’engagements financiers. On aide aussi beaucoup de PME à pénétrer
dans les 130 pays où nous sommes implantés. Peut-être manque-t-il à
beaucoup de PME françaises, pour mieux se développer à l’étranger,
non pas la volonté ni les moyens, mais plutôt l’obstination…
Les prix de l’énergie s’envolent, est-ce une conséquence de la
spéculation ? Existe-t-il un moyen d’enrayer ce phénomène ?
Tordons le cou à cette idée de la spéculation. Elle est tout à fait
marginale, les métiers du pétrole étant parmi les plus surveillés au
monde. La vérité c’est qu’il existe une grande transparence dans
le mécanisme de formation des prix. Simplement on est confronté
à l’augmentation de la population mondiale, 1 milliard d’habitants
au début du XXème siècle, 7 milliards aujourd’hui et probablement 9
milliards en 2050. Il y a de fortes chances qu’on se retrouve pendant
de longues années encore avec une demande soutenue en produits
énergétiques, même si la croissance baisse. Alors pour agir sur les
prix, reste l’amélioration de l’efficacité énergétique, cela représente
des aubaines extraordinaires pour les PME françaises sur la recherche
comme sur la technologie.
Vous pensez qu’on aura toujours de l’énergie ?
On n’a pas de problème de ressources d’énergie, il y aura toujours
de l’énergie. Regardez ce qui se passe avec les gaz de schiste. Le
problème c’est de savoir à quel prix et quels peuvent en être les
éventuels inconvénients.
Justement le gaz de schiste, on refuse de l’exploiter en France.
C’est une hérésie. Regardez ce qui se passe en Amérique du Nord.
On assiste à un véritable rééquilibrage des ressources énergétiques,
ce qui induira forcément à terme des changements géopolitiques
importants. Aujourd’hui l’Amérique est autosuffisante en gaz
et le prix de celui-ci est très bas sur son marché, ce qui améliore
mécaniquement la compétitivité de ses entreprises. Des économistes
estiment l’impact des gaz de schiste sur le PIB américain à 1,1 % en
2013, et son effet en termes de création d’emplois directs et indirects
à 1 million en 2014.
Mais les gaz de schiste ont très mauvaise réputation.
La fracturation hydraulique existe depuis la nuit des temps mais
certains l’ont très mal utilisée, provoquant cette image négative.
Ce n’est pas la fracturation en elle-même qui pose des problèmes,
c’est la qualité des opérateurs. Le tout est de savoir si on a ou pas
le courage et la volonté politique de développer l’exploration des gaz
de schiste en France et je peux vous assurer qu’on peut le faire de
manière propre en préservant l’environnement.
Où en est Total dans le domaine des énergies renouvelables ?
Sur les 23 milliards d’euros d’investissement du Groupe Total dans
le monde, nous en investissons 700 millions dans la Recherche &
Développement et la recherche dans les énergies renouvelables en
représente près du quart soit 150 millions d’euros. C’est énorme par
rapport à quelque chose qui ne nous rapporte rien pour l’instant,
sinon des pertes. Notre effort porte notamment sur le solaire qui
ne va pas très bien aujourd’hui. On a perdu pour l’instant 1 milliard
de dollars avec Sunpower, notre société américaine. On n’arrive pas
à imposer la qualité de nos panneaux qui ont un rendement et une
durée de vie nettement supérieurs à ceux de nos concurrents, car le
marché a été cassé par les surcapacités de production chinoises en
produits plus bas de gamme ; mais sur le marché on achète ce qu’il
y a de moins cher…
L’éolien ?
L’éolien est la seule énergie sur laquelle j’ai des doutes. Les éoliennes
en mer ne sont pas rentables, autant dire que ce serait faire preuve
d’un aveuglement coupable de laisser croire que notre pays peut
se passer du nucléaire ou des énergies fossiles comme le gaz ou le
pétrole.
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Imprimé sur papier recyclé à 60 % et 40 % de bois provenant de forêts gérées de façon durable.
Invité conjointement par CDC
Entreprises et le Club Siparex,
Christophe de Margerie, Président de
Total, qui n’a pas la réputation d’être
un adepte de la langue de bois, a
donné devant plus d’une centaine
de patrons de PME sa vision de
l’évolution de l’offre énergétique et
de ses coûts. Ces deux éléments ont
un impact direct sur la stratégie à long
terme des PME. D’après Christophe de
Margerie, imaginer qu’on puisse se
passer de pétrole ou de gaz à l’horizon
de 50 ans est une douce utopie.

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