CINQUANTIEME "JAZZ A JUAN"

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CINQUANTIEME "JAZZ A JUAN"
MUSIQUE
CINQUANTIEME "JAZZ A JUAN"
Pinède Gould-Juan Les Pins.
E
té 1960 : naissance dans les murs du
Fort Carré d’Antibes, de "Jazz à Juan",
sous l’égide de Jacques Hébey et
Jacques Souplet. Ce premier festival de jazz
d’Europe est dédié à Sydney Bechet, Citoyen
d’honneur de la ville d’Antibes.
Quelques années plus tard, le festival s’installe
définitivement, face à la mer sous les arbres de
la pinède Gould. Charles Mingus, Dizzy
Gillespie, Ella Fitzgerald, Duke Ellington,
Miles Davis, Ray Charles, Stéphane Grappelli,
John Coltrane, Michel Petrucciani… défileront sur le podium.
2010 : 50 ans et une éternelle jeunesse !
- Un jeune parrain, le contrebassiste Marcus
Miller dit "M²" qui, la veille de l’ouverture,
voit l’ensemble de sa carrière couronnée par
une "Victoire du Jazz" !
- Des jeunes musiciens, tous de talent, puisque
pour la plupart, nommés ou primés à l’occasion de différentes remises de prix ou récompenses, ou déjà reconnus,
- Des plus anciens, plus jeunes que jamais !
pe les meilleurs solistes de la Côte d’Azur.
Des jeunes encore, lors d’une soirée consacrée à deux mouvements de l’école de NewYork :
- Roy Hargrove qui joua à Juan lors de ses
débuts, en 1994 avec Hampton, Rollins et
Hancock, et nous offrait son cinquième
concert en seize ans, sans jamais oublier son
maître Miles Davis et le style Cool. C’est sans
hésiter que pour son plus grand plaisir, et le
nôtre, il nous propose un "bœuf"* et nous fait
partager ses émotions avec des jazzmen de
toutes trempes. C’est aussi ça, Juan !
- ou encore, le Californien Joshua Redman
aux sax ténor et soprano qui, accompagné
d’un double trio réunissant simultanément
contrebassistes et drums, nous livra un exemple de ses recherches multiples.
Des jeunes tous les soirs avec le "Jazz à Juan
Sextet" dirigé par le pianiste Pierre
Christophe, Prix Django Reinardt 2007, et
qui réunit aux drums Mourad Benhammou,
Raphaël Devers à la basse, le crooner et trom-
Dès l’ouverture, des jeunes qui viennent élargir l’album de famille :
- le "Jims Band", cet ensemble de musiciens
sortis du conservatoire d’Antibes, influencés
par le Jazz du New-York des années 50, qui se
fait une place privilégiée dans le paysage musical latino,
- la grande formation du "Nice Jazz
Orchestra" dirigée par l’arrangeur Pierre
Bertrand, "Victoire du Jazz 2007", qui regrou67
MUSIQUE
pettiste Ronald Baker au trombone,
l’Américain Jerry Edwards et au sax ténor
Michel Pastre, Prix Sydney Bechet 1999.
Devenue la formation attitrée du festival, elle
accueille, chaque soir au bar du Royal Casino,
après le concert de la pinède, les solistes pour
un "bœuf" mémorable !
Des plus anciens, plus jeunes que jamais !
- le New-yorkais David Sanborn, nous
revient, toujours fidèle à Juan.
Souvenons-nous de son premier passage, en
1974. Puis en 1988, 1990 et 1999 !
Peut être l’un des plus doués des saxos altos du
moment, avec ses effets spéciaux dont lui seul
détient le secret, il réussit à transcender tout ce
que l’on peut sortir de cet instrument. Aux
côtés du batteur Steve Gadd et de l’organiste
Joe Defrancesco, il nous a fait savourer une
nouvelle fois, ce son unique qui a fait sa célébrité !
- de retour aussi, Georges Benson, après 12
ans d’absence.
45 ans de carrière ! Ce crooner a toujours la
même voix aux ondulations constantes, jonglant avec le jazz, la pop, la soul, le disco et le
funk ! Tout un programme à lui seul !
Guitariste improvisateur sans limite, cet
homme a une résistance surprenante, enchaînant un thème sur l’autre, sans souffler un
instant !
- on ne présente plus Jésus Chucho Valdès and
"the Afro Cuban Messengers Sextet". C’est
avec le saxophoniste Paquito D’Riviera qu’il
renouvela, en 1972, la musique cubaine, en y
incorporant les rythmes afro-cubains des tambours sacrés bata. Baptisé par la presse "le pianiste le plus complet du monde", il nous le
démontre !
- la voilà qui nous revient elle aussi, l’inimitable Dee-Dee Bridgewater, avec son nouveau
look. Elle plonge, crâne rasé et toujours aussi
extravertie, dans 25 ans de souvenirs de Billie
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Holiday. On croirait deux sœurs jumelles sur
la scène de Broadway !
- que dire du mythique trio Keith Jarret,
abonné à la pinède depuis plus de 25 ans !
On ne découvre plus Keith Jarret, on le retrouve !
Entre hier et aujourd’hui.
Avishaï Cohen, l’un des cent bassistes les plus
influents du XXe siècle, fut la découverte de ce
festival !
Il est de ceux qui inventent le futur d’un Jazz qui
reste le terreau de tous les possibles. Découvert
aux côtés du pianiste Chick Corea, il se permet
tout ce qu’un esprit libre peut se permettre,
embrassant influences orientale et latine, triturant classique, Flamenco, voire Pop !
…Une musique qui n’a pas d’âge.
Il y a 57 ans, avec sa guitare et sa roulotte dans
la tête, Django nous quittait à 43 ans ! Cette
année, c’est le centième anniversaire de sa
naissance qui est célébré !
Sur le plateau de la pinède, le décor est planté.
Nous voilà transportés sur la plage des
Saintes… Trois "verdines" qui ne sont autres
que des roulottes manouches et un feu de
camp, autour duquel s’assemblent les guitares….
Le guitariste Angelo Debare, défenseur fervent
de ses origines, nous fait revivre le temps d’un
soir, avec ses invités, l’ambiance chaleureuse
de la grande famille… Jen Streba à la clarinette, Ludovic Baïer à l’accordéon, Marius
Apostel et Didier Lockwood au violon, San
Séverino et bien d’autres guitaristes dont
David Reinhardt, 23 ans, qui perpétue la
musique de son grand-père… Il m’a semblé
voir s’estomper au bout de la plage, l’ombre de
Django…
Doyen des festivals européens, "Jazz à Juan"
innove…
MUSIQUE
Merci à Jean-René Palaccio, nouveau directeur
artistique du festival pour ce cinquantième
"Jazz à Juan".
Merci pour cette belle surprise, et cette première : la fusion du Septet de Marcus Miller
avec les 47 instrumentistes de l’orchestre philharmonique de l’Opéra de Monte Carlo.
Vive le Festival 2011 et son nouveau parrain,
Manu Katche ! Il nous a déjà fait partager
cette année son univers raffiné et sensuel… "Je
fais beaucoup de scène parce qu’on ne peut
pas être artiste, musicien acteur sans parler de
scène. C’est la vibration la plus importante
qu’on puisse recevoir" confie t-il…. De bonnes vibrations à venir !
Jean-Pierre POPHILLAT.
**Une jam session (littéralement " séance d'improvisation " en anglais) ou un bœuf est une
séance musicale improvisée, basée sur des standards lorsqu'il s'agit de jazz et à laquelle peuvent
se joindre différents musiciens. On dit alors que
l'on fait une jam.
Le terme jam est généralement utilisé pour le
jazz, le Hip Hop et le Reggae. Pour le Rock, on
parlera plus volontiers de "faire le bœuf", "taper
le bœuf" ou encore "bœufer", alors que les musiciens cubains, de Jazz latin et de Salsa parlent
plutôt de descarga ("décharge").
L'expression française "faire un bœuf " vient du
restaurant Le Bœuf sur le toit, situé 28 rue Boissy
d'Anglas dans le VIIIe arrondissement à Paris.
Ce restaurant était le lieu de rassemblement de
Jean Cocteau et des musiciens proches des Six.
C'est là que débutèrent notamment Léo Ferré,
Marcel Mouloudji, Charles Trénet ou encore les
Frères Jacques. Au début du XXe siècle, les musiciens allaient en fin de soirée s'y rencontrer pour
pratiquer ensemble de longues jam sessions, qu'ils
finirent par désigner par l'expression "faire un
bœuf".
Le cinquantième festival "Jazz à Juan" a eu lieu
du 14 au 25 juillet 2010.
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