Etre à la hauteur de l`exigence morale du Socialisme Le socialisme

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Etre à la hauteur de l`exigence morale du Socialisme Le socialisme
Etre à la hauteur de l‘exigence morale du Socialisme
Le socialisme est un engagement moral fondant une éthique d’action
Etre socialiste, c’est vouloir, sur la base d’un engagement moral pour la Justice, habité d’une éthique
de l’action, donner un sens raisonnable au Monde, permettre à la vie de s’épanouir dans la Liberté,
parce que la société, solidaire, protège et encourage.
C’est cela, l’ambition et l’identité socialiste. C’est cela, qui devrai guider nos actions. C’est cela qu’il
nous faut retrouver, en acceptant aussi la critique sans complaisance de notre action actuelle, de
notre raisonnement, de notre Raison.
Léon Blum l’expliquait il y a presqu’un siècle, avec des mots qui n’ont rien perdu de leur actualité :
« Le socialisme est donc une morale et presque une religion, autant qu'une doctrine. Il est, je le
répète, l'application exacte à l'état présent de la société de ces sentiments généraux et universels sur
lesquels les morales et les religions se sont successivement fondées. Sa doctrine est économique
plutôt que politique. Pourquoi ? Parce que l'analyse de l'histoire - analyse que chacun de nous peut
vérifier et confirmer par son expérience quotidienne - établit précisément que les faits économiques,
c'est-à-dire les formes de la propriété, les phénomènes de production, d'échange et de distribution de
denrées, dominent de plus en plus l'évolution des sociétés modernes, gouvernent de plus en plus leurs
institutions et leurs rapports politiques. »
Gouverner, c’est choisir entre Morale et Tyrannie des Faits
Gouverner, c’est conduire une série de décisions sur des bases rationnelles, où la tyrannie
ontologique, comme dirait Quiniou, le « faitalisme », d’après Nietzsche, réduit l’action politique sur
un plan technico-économique, dirait Ricoeur, qui ajouterait, en ne satisfaisant qu’aux exigences du
rationnel, cette rationalité ne peut satisfaire l’homme moderne qui reste là, assoiffé d’un sens
raisonnable. Habermas le formule ainsi : « Contre une réduction de type empiriste de la
problématique rationnelle, seule sauve l’endurance à prendre les sentiers où la science, la morale et
l’art communiquent encore ensemble. » Ou dit autrement : avoir raison d’après les experts
techniques ne donne aucunement un sens commun, un espoir et une vision. Avoir raison avec les
experts, c’est accepter un état de fait, et ne pas vouloir le transformer. C’est aussi inscrire son action
dans l’horizon du visible, et non dans celui du possible.
Cela n’est pas très grave lorsqu’on est de droite : gouverner, c’est protéger des clientèles et des
habitus, sociaux et moraux. Les faits bien souvent viennent à l’appui d’un appareil d’Etat qui ne
demande qu’à servir les conservatismes, ou pour reprendre Ricoeur, à donner avantages et
privilèges à la classe dominante du moment.
C’est beaucoup plus délicat de gouverner lorsque son engagement politique s’inscrit dans la
tradition et la philosophie morale du socialisme. Car, fondamentalement, le socialisme reste une
subversion, qui, parce qu’elle est morale, aura à créer de nouveaux faits, qui aura à s’imposer à la
tyrannie ontologique pour créer un espace démocratique, qui devra aussi affronter des rapports de
force objectifs, la solidarité universelle nécessitant forcément de ceux qui ne le sont pas, et ne le
souhaitent pas, de le devenir pour le bien de tous, et in-fine, d’eux-mêmes.
Gouverner en étant socialiste, c’est donc se confronter à un rationnel qui souvent prends, avec une
avalanche de faits, les apparences de la vérité scientifique, et qui, sapant la volonté jour après jour,
heure après heure, tends – encore une fois pour paraphraser Habermas – à évacuer la question
practico-morale « Que dois-je faire » de la réflexion, pour y substituer le point de vue d’une
rationalité technocratique, qui réponds « il faut faire ce que de toute façon, tous faits bien soupesés,
il faudra faire ».
Gouverner en étant socialiste nécessite donc une éthique de l’action, qui inspire, donne des forces,
soit à la fois un socle solide, et une plate-forme pour prendre son élan.
Gouverner en étant socialiste, c’est aussi, forcément, par la force des faits et des choses, gouverner
collectivement. Car comment résister à cette critique permanente de la Morale par une Raison
impérieuse, technique, qui cherche la conservation des faits connus, si l’on est seul ?
Kant l’a exprimé sans doute le premier avec limpidité : la Morale est un Universalisme, c’est-à-dire
que ne peut être une loi morale qu’une loi universelle. C’est pourquoi la première loi morale du
socialisme, c’est le respect universel de la personne humaine. Une autre Loi morale, qui en découle,
c’est donc l’Egalité dans la Fraternité, et une troisième, qui elle aussi est enfantée par les deux
autres, la Liberté. Le triomphe de la Raison au Siécle des Lumiéres est un triomphe moral, qui
enfanta la déclaration universelle des Droits de l’Homme, texte moral au plus haut point.
Pourtant, la rationalité technocratique ne cesse de critiquer cette morale en imposant le particulier,
en séquençant et spécialisant le monde moderne, pour y créer des univers factuels en apparence
séparés les uns des autres. Il y aurait dans cette rationalité des « personnes morales », les
entreprises, ce qui en soi est au mieux une ironie, au pire un sarcasme. Il y aurait des « chômeurs »,
des « clandestins », des « salariés » et des « privilégiés », il y aurait « la Jeunesse » et « les
Cassseurs », les « entrepreneurs » et les « syndicalistes », les « conservatismes » et les
« reformismes ».
D’une maniére moins polémiste, et afin de préciser absolument cette critique de la Morale par la
Rationalité, il y a des faits qui servent à décrire le monde et à orienter les questions, et les réponses,
pour une action politique. Il y aura donc :
- la Dette Publique, qui en soi est la réponse à un excédent d’épargne, la dette devant bien être
contractée par quelqu’un prêtant.
- la Monnaie, certes, mais on lui préfère l’Inflation, qui mesure à quel vitesse cette monnaie permet
d’échanger biens et services.
- le taux de chômage, qui est surtout la privation des moyens d’existence par l’absence de
rémunération.
- le niveau de prélèvement obligatoire, qui en réalité est redistribué, par exemple sous forme d’une
allocation chômage à celui qui ne peut être employé, et qui est donc aussi un niveau indicatif de la
redistribution des richesses dans une société solidaire.
- les déficits publiques, qui ont une définition extensible, et recouvrent aussi des salaires, des
emplois, des biens et des services achetés et délivrés. Les Déficits publiques sont toujours le résultat
d’arbitrages politiques entre recettes et dépenses, en pariant sur des évolutions économiques
futures largement déterminées ailleurs que dans le champ politique.
Transformer le réel, et non en épouser les contours
Notre pratique de gouvernement depuis Mai 2012 est controversée au sein même du Parti
Socialiste.
Certains y voient « la seule voie », d’autres une social-démocratie moderne enfin assumée face à des
thèses jugées passéistes. On sent déjà, à lire la défense même de la politique que nous menons, que
nous ne sommes plus dans la philosophie morale du socialisme, mais bien dans l’obéissance à la
tyrannie des faits, ou à la négation même de l’origine universelle du socialisme.
Comment le socialisme peut-il être passéiste, lorsque, toujours pour citer Léon Blum, « Le socialisme
est né de la conscience de l'égalité humaine, alors que la société où nous vivons est tout entière
fondée sur le privilège. Il est né de la compassion et de la colère que suscitent en tout cœur honnête
ces spectacles intolérables : la misère, le chômage, le froid, la faim, alors que la terre, comme l'a dit
un poète, produit assez de pain pour nourrir tous les enfants des hommes, alors que la subsistance et
le bien-être de chaque créature vivante devraient être assurés par son travail, alors que la vie de
chaque homme devrait être garantie par tous les autres. Il est né du contraste, à la fois scandaleux et
désolant, entre le faste des uns et le dénuement des autres, entre le labeur accablant et la paresse
insolente. »
D’autres voient dans notre politique une trahison, qui commença dès Mai 2012, en ne menant pas le
premier rapport de force politique nécessaire, celui qui aurait dû mener à la renégociation du Traité
sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). Elle se poursuivit en ne mettant pas en acte
le projet de Réforme Fiscale, en ne corrigeant pas les excès d’un accord paritaire de réforme du
marché du travail qui refléta un rapport de force très favorable au Patronat face à un syndicalisme
divisé. Elle s’acheva enfin en concentrant tous les moyens budgétaires dans un seul instrument :
redistribuer des ressources fiscales des ménages vers les entreprises sous la forme d’une subvention
globale, sans condition ni contrôle, nommée CICE puis Pacte de Compétitivité.
Il y a un échec. In y a en effet une défaite socialiste depuis Mai 2012. Nous l’avons payé aux
Municipales, aux Européennes, aux Sénatoriales. Le Parti Socialiste, qui disposait de la majorité
absolue au Parlement en Juin 2012, est sur le point de perdre sa majorité. Mais cet échec ne serait
que politique, il serait surmontable.
Notre politique ne produit pas les résultats promis : certes, nous avons baissé le déficit publique,
mais l’endettement de l’Etat a progressé, le chômage a gagné, imposant une vie de contraintes et
d’angoisse à 1 million de compatriotes supplémentaires, la pauvreté aussi, et son corollaire, le mallogement. La croissance reste en panne, dans une économie européenne au bord de la déflation.
Même la tyrannie des faits le dit ! Non, cette politique ne marche pas.
Mais l’échec économique est toujours relatif : il y a aussi des profiteurs de cet état de fait. Et un
échec économique serait surmontable. Qui sait, peut-être que les entreprises, leur trésorerie
remises à flot par le CICE, reprendront l’investissement ? Peut-être que la politique de la Banque
Centrale Européenne, en affaiblissant l’Euro, permettra une reprise des exportations ? Peut-être que
la baisse des prix de l’énergie vont booster la consommation ?
Ces paris, nous le voyons bien, sont des fatalismes. Ils s’abandonnent à des décisions, des
évènements, des faits, donc une autre tyrannie hors de notre influence.
C’est que notre échec est bien plus grave que celui d’un échec politique ou économique.
Notre premier échec, c’est notre défaite morale.
Nous n’avons pas su, collectivement, conserver l’éthique d’action qui nous permit d’organiser les
Primaires, première aventure collective pour de nombreux militants, de mener la campagne
présidentielles et de gagner les législatives.
Nous avons été trahi moralement par une série de manquements individuels : cela commença certes
dès les révélations sur le machisme toléré de Dominique Strauss-Kahn, dont nous ne tirâmes aucune
leçon, avec l’affaire Cahuzac, avec les impudeurs issues de la vie privée de notre président, avec
Thevenoud, avec les nominations boutiquières aux listes des Européennes, avec la nomination d’un
Secrétaire National ayant échoué au gouvernement, avec tous ces petits scandales et ces
compromissions où nous n’avons pas agi. Oui, la Justice est libre et indépendante, mais notre
engagement est moral : nous avons un devoir aussi collectif ! Nous aurions dû ici agir.
Nous avons trahi moralement aussi toutes les règles qui régissent notre Parti. Notre Secrétaire
National actuel n’est pas élu. Notre congrès statutaire n’a pas eu lieu. Nos forums de débats et de
construction des synthèses sont désertés, méprisés. Les votes des militants, lorsqu’ils ne répondent
pas aux attentes, sont manipulés.
Bien plus grave est la trahison morale fondamentale : nous n’essayons même pas d’être fidèle à
notre engagement, et nous plions aux doctrines des Droites Européennes.
Il nous faut donc reconstruire notre primat moral. Cela ne sera pas facile. Cela passe avant tout par
un effort collectif : c’est aux militants de prendre le parti, et de changer les hommes qui le dirige.
Cela passe aussi par une interrogation fondamentale sur ce que nous souhaitons réaliser ensemble.
Si le projet est de replâtrer un système économique et une Union Européenne tels qu’ils sont, pour
continuer jusqu’à la prochaine crise spéculative, alors notre Parti ne fera pas l’économie d’une
scission nécessaire entre ceux qui préfèrent obéir à des faits préparés par les Droites Européennes et
ceux qui savent qu’agir selon notre philosophie morale, c’est se confronter aux Droites Européennes.
La première, la plus urgente contribution que le Parti Socialiste peut donc avoir dans le débat
démocratique, c’est organiser, le plus vite possible, son congrès.

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