Animaux interdits dans le contrat de bail

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Animaux interdits dans le contrat de bail
Animaux interdits dans le contrat de bail
Alexandre Ponchaut - Septembre 2014
Notre locataire détient des animaux alors que son contrat de bail le lui interdit.
Comment devons-nous réagir?
L’article 1728, 1° du Code civil impose au locataire d’user de la chose en bon père de
famille. Il doit donc se servir du bien loué comme le ferait tout homme normalement
prudent, diligent et avisé. Parmi les exemples d’un usage incorrect du bien, on retrouve
notamment le fait, pour le locataire, de détenir des animaux malgré une interdiction
expresse prévue dans le contrat de bail[1] .
Le locataire qui se voit contraint de se dessaisir de son animal de compagnie oppose
généralement son droit au respect de sa vie privée et familiale et de son domicile
consacré notamment par l’article 8.1 de la Convention européenne des droits de
l’homme. La jurisprudence se montre dès lors réservée quant à l’application des clauses
interdisant purement et simplement la présence de tout animal dans les lieux loués.
L’application des clauses d’interdiction par la jurisprudence
Se fondant principalement sur une analyse au cas par cas, la jurisprudence n’est pas
totalement unanime quant à l’application des clauses contractuelles interdisant la
détention d’un animal. Pour certains juges, tout non-respect de ces clauses est constitutif
d’une faute de la part du locataire. D’autres juges par contre estiment que la faute
n’existera que lorsque la détention constitue (voire risque de constituer) un trouble
excessif.
La question de la faute est évidemment centrale. En effet, ce n’est qu’en cas
d’inexécution fautive que le bailleur pourra requérir du juge de paix l’exécution forcée
(le locataire est alors enjoint de se dessaisir de son animal), voire la résolution judiciaire
du contrat[2].
A l’appui de ces considérations, on peut citer la décision du Tribunal de première
instance de Liège, qui estime que « la détention d’un animal ne peut devenir une faute
instance de Liège, qui estime que « la détention d’un animal ne peut devenir une faute
qu’en présence d’un trouble raisonnable excessif et dûment prouvé »[3]. Pour ce
tribunal, on ne pourrait donc reprocher au locataire de détenir un animal qu’en ces
circonstances.
Cette décision peut être rapprochée de la décision récente du Juge de paix de
Mouscron-Comines-Warneton, lequel estime que « la clause interdisant au locataire la
détention d'un animal domestique ne porte atteinte au droit à l'intégrité de la vie privée,
de la vie familiale et du domicile, consacré par l'article 8.1 de la Convention européenne
des droits de l'homme, que dans la seule mesure où cette clause porte une interdiction
générale et absolue sans référence à une quelconque nocivité. Tel n'est pas le cas de la
clause qui se limite à interdire la détention de plus d'un chien ou d'un chat et qui
n'accepte la détention que pour autant qu'ils ne soient pas dangereux, qu'ils ne
constituent pas une source d'ennui pour les voisins ou pour la société ou qu'ils ne
mettent pas en danger la propreté et l'hygiène des lieux tant pour le locataire que pour
les voisins »[4].
Le Juge de paix de Huy a également rendu une décision particulièrement intéressante en
ce qu’il se prononce sur la mise en location de biens par autorité publique. Dans une
affaire opposant la société de logement de service public à son locataire, le juge rappelle
que le bailleur « a pour objet social de louer des logements aux personnes
financièrement les moins favorisées moyennant un loyer proportionnel aux revenus ; elle
doit « gérer » la multiplicité des colocataires dans des immeubles à appartements
multiples : ce rôle social implique la nécessité d’instaurer toutes mesures préventives de
nature à éviter entre colocataires des sources de conflits qui surgiraient inévitablement
en raison de la position des parties communes, des odeurs indésirables et des bruits que
la seule volonté humaine ne peut contrôler (…). La liberté constitutionnelle de détenir
un animal domestique est donc limitée par le droit concurrent des autres colocataires :
on ne peut donc reprocher à la demanderesse (le bailleur) chargée d’organiser la vie
commune de ses colocataires d’avoir formulé une interdiction radicale de toute
détention d’un animal domestique dans un appartement »[5]. Le juge de paix estime
donc que le contexte particulier des lieux (immeuble à appartements multiples) et la
nécessité d’éviter tout conflit futur de voisinage justifient une interdiction pure et simple
de tout animal.
On le voit donc, la jurisprudence tend à faire une appréciation au cas par cas des clauses
d’interdiction, en fonction des circonstances de l’espèce. On rappellera cependant que
d’autres décisions jurisprudentielles appliquent de manière plus systématique les clauses
d’interdiction, estimant que le locataire se devait de respecter celles-ci en vertu des trois
grands principes qui gouvernent le droit du contrat : le principe de l’autonomie de la
volonté, le consensualisme et le principe de la convention-loi[6].
Le bailleur public et le trouble de voisinage
Bien souvent, le bailleur public, propriétaire d’un immeuble à appartements, se trouve
confronté à des plaintes de certains locataires concernant des troubles excessifs qu’ils
prétendent subir de la part de leurs voisins. Ces plaintes peuvent dans certains cas porter
sur les nuisances générées par la détention d’un animal (bruit, odeur, etc.).
De manière générale, il n’appartient pas au bailleur de s’immiscer dans les conflits de
voisinage. Toutefois, une réponse plus nuancée est de mise lorsque la victime et l’auteur
des troubles de voisinage sont tous deux locataires du même bailleur. Dans ce cas, le
bailleur disposerait effectivement de la possibilité de mettre un terme aux troubles, en
enjoignant son locataire de cesser ceux-ci et, en l’occurrence ici, en prenant les mesures
nécessaires pour lui de faire respecter les termes du contrat de bail.
Pour rappel, l’article 1725 du Code civil prévoit que « le bailleur n'est pas tenu de
garantir le preneur du trouble que des tiers apportent par voies de fait à sa jouissance
(…) ». Ces « voies de fait » recouvrent notamment les troubles de voisinages. Or, selon
la Cour de cassation, même si l’auteur des troubles de voisinage est un autre locataire du
bailleur, il reste bien un « tiers » au sens de l’article 1725 du code [7]. Le bailleur n’est
donc pas forcé d’intervenir en cas de troubles de voisinage. Le locataire préjudicié peut
uniquement se retourner contre l’autre locataire (auteur du trouble de voisinage).
On constate cependant que certaines juridictions de fond sont moins catégoriques que la
Cour de cassation. La question s’est déjà posée en matière de logements sociaux. Pour
certains juges, le bailleur social ne peut rester inactif et doit veiller à permettre les
certains juges, le bailleur social ne peut rester inactif et doit veiller à permettre les
relations de bon voisinage entre ses locataires ce qui, dans certains cas, impliquait le fait
d’user de son droit de mettre fin au contrat[8]. Selon cette jurisprudence, en cas de
trouble excessif, le bailleur doit intervenir. En l’espèce, il devrait donc prendre des
mesures pour faire respecter la clause prévoyant l’interdiction des animaux, pour autant
que cette détention excède la limite qu’imposent les relations de bon voisinage et cause
donc réellement un trouble excessif.
En conclusion
Théoriquement, le non-respect d’une clause contractuelle, fut-elle relative à la détention
d’animaux, est constitutif d’une faute et permet au cocontractant d’en réclamer
l’exécution forcée, voire la résolution judiciaire.
La jurisprudence n’est cependant pas unanime quant au sort à réserver aux demandes
visant l’application stricte d’une clause interdisant purement et simplement de disposer
d’un animal dans le bien loué. Par contre, lorsque la détention en question a pour effet de
causer un trouble excessif (animal dangereux, nombre excessif d’animaux dans le
logement, etc.), la jurisprudence semble unanime pour accepter son caractère fautif. Le
Juge de paix de Huy a même admis la possibilité d’appliquer cette clause de manière
préventive, même si aucun trouble n’est constaté dans l’immédiat, au vu de la situation
particulière des lieux (immeuble à appartements sociaux).
Rien n’impose en principe au bailleur de faire respecter les clauses du contrat qui le lie
au locataire. Par contre, si le non-respect des clauses par le preneur engendre des
nuisances excessives pour un autre locataire de la même autorité publique, une certaine
jurisprudence considère que le bailleur est tenu de réagir et de veiller à mettre fin au
trouble. Par conséquent, en cas de plainte d’un riverain-locataire, il est recommandé
d’examiner les faits allégués (enquête de voisinages, etc.) et, si un trouble paraît
effectivement excessif, de rappeler au locataire fautif son obligation contractuelle. Si le
locataire persiste, le recours devant le juge de paix pourra être envisagé, via la procédure
en conciliation ou la procédure judiciaire.
[1] V. M Dambre, Le droit commun du bail, La Charte 2006, p. 239
[2] A noter que, pour le Juge de paix de Couvin, si le locataire contrevenait à
l’obligation dès l’entame du contrat, la convention peut être considérée comme nulle dès
lors que le consentement était vicié par dol (J.P. Couvin, 14.6.2001, J.J.P., 2003, p.93).
[3] Civ. Liège 16.1.1990, RGDC, 1990, p. 474 ; v. également Civ. Bruxelles, 7.4.2006,
J.J.P., 2007, p.177
[4] J.P. Mouscron-Comines-Warneton, 12 4 2010, JLMB, 2012, p.1220
[5] J.P. Huy, 5.2.1993, J.J.P.¸1993, p.335
[6] J.P. Namur II, 20.3.1990, J.J.P., 1990, p. 150.
[7] Cass. 17.9.1981, Pas., I, 1982, p. 88.
[8] V. J.P. Verviers II, 20.4.2012, inforum n°272.264.
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