Lire un extrait - Editions Persée
Transcription
Lire un extrait - Editions Persée
LE SECRET DES AMANTS DE BROCÉLIANDE Anne Noël Le secret des amants de Brocéliande Roman Éditions Persée Ce livre est une œuvre de fiction. Les noms, les personnages et les événements sont le fruit de l’imagination de l’auteur et toute ressemblance avec des personnes vivantes ou ayant existé serait pure coïncidence. Consultez notre site internet © Éditions Persée, 2016 Pour tout contact : Éditions Persée – 38 Parc du Golf – 13 856 Aix-en-Provence www.editions-persee.fr 1956 C ette histoire s’est passée il y a très longtemps. En ce tempslà, les événements merveilleux se produisaient souvent et chacun avait suffisamment gardé son cœur d’enfant pour ne pas s’en étonner outre mesure. Un pas vers un autre monde. Peut-être au cœur même des mystères de Brocéliande, berceau mythique de légendes et mystères. 5 À l’orée de la forêt de Brocéliande dans une coquette petite maison ancestrale au toit de chaume, vit une jolie jeune fille, prénommée Anaic, avec sa grand-mère. C’est elle qui l’a élevée depuis la disparition de sa maman, alors qu’elle n’avait que quelques mois. C’est là qu’elle a grandi, au cœur de la forêt, pourvue des grâces de la beauté et de l’esprit. Elle en connaît les moindres recoins. Là, elle a appris à s’écouter, à faire confiance à son intuition et à ne se diriger qu’en fonction de ce qu’elle sent. Elle perçoit ce qui est bon pour elle, sans pouvoir se l’expliquer rationnellement. Oui, c’est là, en pleine nature, au milieu de branches tordues, enchevêtrées et vieillies par le temps ; là, où beaucoup de gens se seraient perdus, dans cet embrouillamini de broussailles inextricables, qu’elle a découvert la source de son inspiration qui lui souffle ce qu’elle a à créer. Elle fait naître la vie, là où elle n’existe pas. Chaque œuvre qu’elle crée n’est rien d’autre que l’expression libre de sa vérité qui cherche à naître à sa dimension sacrée. Pour donner la vie, elle doit compter sur sa disponibilité et son aptitude à remettre à plus tard ses préoccupations personnelles et à faire face à l’incertitude quant à la façon de s’y prendre pour accueillir ce qui vient, car le moment de la descente en conscience de l’œuvre à mettre au monde ne dépend pas d’elle. Quand c’est l’heure, la création n’attend pas. Elle est devenue créatrice de bijoux. 6 Toujours vêtue de bleu ; ce bleu qui la pousse à créer, à exprimer la vie qu’elle reçoit en elle. Le bleu mature n’est-il pas la couleur des créateurs inspirés ? Connectée à sa partie invisible à sa dimension sacrée, elle veut consacrer sa vie au service de la création. Ce qu’elle sait faire avec autant d’agilité, elle ne l’a pas appris, cela lui a été donné, un don du ciel, depuis la disparition de sa maman. Son père, elle ne l’a jamais connu. Sa grandmère pourtant si bienveillante n’a jamais rien voulu lui révéler à son sujet. Un mystère pour elle… Ce n’est pas pour rien que les gens du village la surnomment la fée, car, elle transforme tout ce qu’elle touche, comme par enchantement, avec ses doigts si fins, si agiles. Cette jolie jeune fille toujours en bleu comme une fée. L’été, c’est à Belle-Île qu’elle vend ses créations dans une petite boutique que lui a laissée sa maman. Elle l’a baptisée : au scarabée, juste un gros scarabée bleu turquoise irisée situé juste au-dessus de l’entrée. L’inscription sur la façade blanchie à la chaux vive, représente des coquillages en faïence bleue. Il faut bien qu’elle vive la petite, disent les gens du village qui l’apprécient beaucoup pour sa douceur et sa gentillesse. Peu de temps après son arrivée, au début de la saison, on ne la reconnaît déjà plus. Elle, si pâle auparavant avec son teint de porcelaine qui lui va si bien. Forcément, elle sort si peu, le reste de l’année, dans la forêt. Début juin sa chevelure noire avait tellement poussé ! Aussi avait-elle pris soin de la tresser sur le côté gauche, et d’y ajouter un ruban bleu satiné. Celui-ci retombait dans son décolleté léger, entre ses seins. Cette coiffure lui donnait un charme fou, un petit genre. Son visage était doré, juste un soupçon de rouge sur les lèvres ; belle naturellement, elle n’avait pas besoin de maquillage. Ses yeux clairs semblaient lavés par la mer. Sa robe légère descendait juste au-dessus du genou, laissant apparaître ses jolies jambes bien dessinées, dorées par le soleil. Lundi était son jour de congé. Les autres jours de la semaine, elle n’ouvrait qu’à quinze heures jusqu’à pas d’heure le soir. Aussi la croisait-on souvent, se glis7 sant dans les rues de son pas agile. Semblant toujours ailleurs sur un nuage, elle séduisait par sa beauté. La langueur de sa démarche appelait… immanquablement le regard. Son port de tête, son léger déhanchement, ses cheveux épais et bruns qui lui descendaient jusqu’à la chute des reins, le plus souvent attachés, tressés, parfois remontés en un chignon banane : elle plaisait. Partout les yeux étaient rivés sur elle. Dans le four de la rue, ce lundi, elle sentait bien sur sa peau, la chaleur de seize heures après la sieste, en sortant de sa chambre qui était relativement fraîche. Elle retrouva même l’odeur des langoustes grillées. Un petit frôlement de sa robe à l’épaule, vint délicieusement mettre fin à ses souvenirs de Jeff, son premier baiser. Alors qu’elle se dorait au soleil, allongée sur le sable fin ; il le lui avait donné en se penchant sur elle. Elle fut surprise, mais elle ne fit aucun mouvement pour le repousser. Elle avait le béguin pour ce bel homme brun, plutôt bien bâti. De plus, il était de son âge. Peut-être un simple flirt ? Car jusqu’à présent elle ne s’était guère accordé de temps pour les amourettes. Mais elle ne pouvait s’empêcher de penser à lui. Son premier baiser. Bien des hommes la regardaient, se retournaient même sur son passage. Mais cela l’indifférait. Elle était sérieuse. Cela l’amusait bien sûr, aussi se contentait-elle de sourire timidement. Dans ses songes, elle faillit bousculer un homme dans la rue. — Alors on rêve, jolie demoiselle ? Quel soleil ! Vous avez une mine resplendissante ! dit l’inconnu. — Merci, répondit-elle, en redressant fièrement la tête, tout en relevant avec grâce une mèche de cheveux qui tombait sur son œil droit. Puis, elle poursuivit son chemin de nulle part d’ailleurs, car elle se promenait sereinement au gré du vent. Tout à coup, elle sentit une main sur son épaule qui la fit sursauter et redescendre sur terre. 8 — Alors, toujours dans la lune ? Tenez, lui dit ce même inconnu, en lui tendant un bout de ruban bleu. Il est bien à vous, n’est-ce pas ? Vous êtes toujours en bleu. — Euh ! Oui, répondit-elle surprise. Mais, vous m’avez donc suivie ? dit-elle avec les yeux ronds. — Eh oui, comme vous le voyez. Il caressa doucement sa mèche de cheveux qui ne tenait pas en place. Elle se sentit fléchir, dominée par cette volonté d’homme, cette énergie tout entière vers un but intéressé… Elle leva les yeux, son visage était bouleversé. Elle était impressionnée. Il était tellement grand, une bonne tête de plus qu’elle. Il resta un long moment silencieux, puis murmura : « Je suis vraiment désolé. Je ne voulais pas vous choquer ». Hésitant un instant, il décida enfin de jouer la carte de la franchise. Il lui avoua tout simplement que l’ayant remarquée, et, ne sachant pas trop comment s’y prendre, le fameux ruban bleu était l’unique occasion de se rapprocher d’elle. Elle le remercia de sa franchise. Mais, il voulut savoir si elle avait un amoureux. Là, c’en était trop. Quel toupet ! pensa-telle. Sur ce, elle lui tourna les talons. Mais l’homme s’empressa de la rattraper. — Je désire simplement faire votre connaissance ! lança-t-il d’un sourire timide. Son regard était si triste qu’elle accepta, quoique un peu méfiante. Soudain, elle eut l’impression que la nuit tombait. Elle entendit un grondement, leva les yeux. Le ciel était noir d’encre. Un vent méchant se mit à souffler. — Un orage… dit-il, en passant son bras autour de son cou. Courons vers la cabane. 9 Elle ne put s’empêcher de jeter un regard intrigué vers ce bel homme qu’elle ne connaissait pas et qui avait l’air déjà bien à l’aise avec elle. La respiration coupée, elle dut s’arrêter pour reprendre haleine. D’un seul coup, le sol se déroba sous ses pas. Il l’avait soulevée par la taille pour lui éviter de trébucher sur les galets, avec ses talons hauts… Elle était si légère. Anaic éclata de rire et l’homme ébahi par la spontanéité, la beauté, l’éclat de ce rire, par la blanche et parfaite dentition qu’il découvrait se tut, le sourire béat. Elle comprit qu’elle lui plaisait et sourit largement, les cheveux dans le vent. La blancheur de ses dents faisait ressortir son teint abricot. Calme, souriant, détendu, il semblait heureux. En bavardant gentiment, elle fut surprise de sa culture. À présent, il pleuvait à grosses gouttes. Il lui proposa d’avancer sa voiture et de la raccompagner chez elle. Elle hésita, puis accepta ayant horreur de se mouiller. Il s’appelait Patrick Le Kimberley, avait dix ans de plus qu’elle. Lorsqu’elle fut seule avec lui dans sa voiture, elle éprouva à nouveau cette espèce de gêne qu’elle avait déjà ressentie, lorsqu’il avait osé l’aborder. De sentir son corps, si près d’elle la troublait : elle respirait le parfum à la fois amer et citronné de son eau de toilette et l’odeur de son tabac blond. Elle voyait si proches des siennes ses grandes mains aux doigts fins et longs : aux ongles nets légèrement brillants. Elle appréciait ses gestes d’une apparence nonchalante, mais tellement virils dans leur façon d’étreindre les choses, de les saisir… Comme il prenait tout avec force ! Après l’avoir quitté, elle dut s’avouer que ce trouble n’était pas simplement le fait de la timidité. À peine rentrée, elle s’aperçut d’un petit mot glissé dans la poche de sa robe. Merci Anaic pour cette agréable rencontre, je suis le plus heureux des hommes. Je me sens moins seul à présent. Vous êtes adorable. À très bientôt Avec toute ma sympathie. Patrick 10 Toute rouge d’émotion, elle replia le petit billet avec soin et le glissa délicatement sous son sein gauche dans son soutien-gorge. Plus tard, dans la soirée, avant de s’endormir, elle le lira et le relira encore ; le serrera encore une fois contre son cœur et le déposera sur sa table de chevet. Ce soir-là, elle mettra bien du temps pour s’endormir, pensant à son prince charmant. Elle attacha son regard sur sa peau dorée, promena ses doigts sur ses seins, son ventre, ses hanches, ses cuisses… Elle prenait entièrement possession de son corps. Son plaisir se confondait avec des gestes impudiques, des secrets dévoilés. Elle frissonna. La puissance d’un rappel à l’ordre lui interdit tout égarement. De menues perles de nacre roulaient sur ses épaules et sa nuque. Elle laissa son corps dériver dans la douceur du soir. Très tard dans la nuit, le sommeil enfin commença à vaincre la fatigue. Bientôt, la fenêtre de sa chambre, la seule éclairée s’éteignit. Tout dormait. Le lendemain, au petit jour, elle se leva toute guillerette. Se surprit même à chantonner de sa voix frêle, dans la salle de bains. Elle était heureuse. Elle n’avait aucun souci à se faire : ses bijoux se vendaient bien, les clients agréables avec elle, la trouvaient de plus, charmante. Elle eut soudain une envie folle de revoir ce bel inconnu, Patrick. Après-tout, ils se connaissaient si peu, et il ne la laissait pas indifférente. À treize heures, elle se prépara donc à sortir, au cas où… Elle enfila sa robe préférée, bleue bien sûr, d’un bleu mature à volants, toute parsemée de fleurettes rose. Sa taille de guêpe bien soulignée paraissait encore plus fine, avec un nœud sur le côté gauche. Sa tresse était moins serrée que d’habitude, mais toujours avec un petit ruban bleu assorti. Un peu de poudre sur le bout de son nez, du gloss sur les lèvres, son sac à l’épaule et la voilà prête. Elle jeta furtivement un dernier coup d’œil au miroir de l’entrée, parut satisfaite, sourit à l’image qu’il lui renvoyait et sortit en direction de la cabane, espérant peut-être… Elle avait la mine radieuse des filles qui meurent d’envie qu’on les taraude pour les obliger à dévoiler leur secret. Elle ne pouvait s’empêcher de dévisager les passants 11 avec l’espoir fou de voir Patrick apparaître quand soudain on lui tapota l’épaule. — Bonjour, Patrick. Ils se firent une bise sur la joue. — Je t’attendais près de ta boutique. J’étais certain de te revoir. Il lui proposa d’aller prendre un café ou un rafraîchissement. Ils discutèrent littérature, poésie, musique et se rendirent compte qu’ils avaient les mêmes passions. La regardant de plus près : — Tu as des yeux magnifiques, aussi clairs que les miens. — En effet, répondit-elle, j’ai l’impression qu’ils sont aussi verts que les miens, avec ce même mélange de gris bleuté. Ils avaient l’air de bien s’entendre, ces deux-là. Tout en la raccompagnant, il lui prit la main, et l’embrassa sur le front. Elle sentit qu’il se passait quelque chose, tout allait si vite pour elle. Mais elle se sentait si bien en sa compagnie qu’elle décida de se laisser aller. Après tout ils ne faisaient rien de mal. Et puis elle n’avait plus la force de lutter contre le trouble qui l’envahissait. Presque fortement il la serra contre lui. Alors elle eut un dernier réflexe de défense qu’il prit pour de la peur. Il relâcha la pression de sa main et il lui dit moqueur : — Ne sois pas craintive comme cela, je ne suis ni une brute, ni l’homme de Cro-Magnon. Tu n’es pas une proie. Il desserra un peu plus son étreinte. Ce soir-là, encore, elle eut du mal à s’endormir, elle rêvait… heureuse, détendue. Sur son épaule, à la place où Patrick avait posé sa main, naissait une chaleur douce qui se faisait caresse… Elle ne s’éloignait plus de cette main. Tout son corps était à l’écoute de l’étrange sensation : de son épaule la chaleur irradiait ses membres, se répandant en elle, éveillait son désir vague, inconnu. Peut-être était-elle amoureuse ? Tous deux pouvaient s’ouvrir à travers l’écoute de l’autre. Au début, ils se fréquentaient le lundi simplement. Quinze jours 12 après leur rencontre, ils rajoutèrent le vendredi, puis le mardi. Elle apprit que sa maman avait quitté le foyer pour un autre homme très riche, le laissant seul avec son père et les domestiques. Il n’avait que deux ans. Mais elle ne le laissait jamais sans nouvelles. Elle avait beaucoup voyagé et avait fini par s’installer en Angleterre. Patrick avait fait de longues études de journalisme, dans une très grande école en Angleterre d’où il était revenu bardé de diplômes. Il semblait venir d’un milieu aisé, mais, n’en laissait rien paraître, ayant reçu une très belle éducation. Une certaine classe, il savait rester simple par ses faits et gestes, il était délicat, respectueux, une personne intègre. Il abordait tous les sujets avec une certaine aisance. Mais elle se sentait à l’aise avec lui, car, en vrai rat de bibliothèque, elle se documentait beaucoup et s’intéressait à tout. D’une intelligence vive, elle avait réponse à tout. Ce qui le faisait rire. Depuis l’âge de neuf ans enfermé dans un pensionnat et le reste du temps à voyager, il n’avait certes jamais manqué de rien, sauf d’écoute. Aussi recherchait-il la compagnie. Une épaule sur qui s’épancher. Il avait envie de se rapprocher d’elle. Un dimanche soir, il l’embrassa légèrement dans le cou. Il eut à la fois une manière douce et pleine de fermeté de la serrer dans ses bras. Elle avait relevé son visage vers le sien et passé ses bras autour de son cou. Elle attira doucement ses lèvres qui se rapprochèrent. Patrick embrassa Anaic mais cette fois ni sur le front, ni sur la joue, ni légèrement. Il lui donna doucement son premier baiser. Cela dura un long et plaisant moment. Quand ce fut fini, Anaic continuait à le serrer contre elle… — J’aime ça, dit-elle. Elle se sentit désirée et se laissa guider jusqu’à sa chambre. Leur intimité était plus grande, ils avaient l’un pour l’autre des gestes affectueux ; ils s’étaient embrassés. À côté de lui, Anaic avait l’air d’une adolescente, d’une gamine. Il la prit dans ses 13 bras. Troublée, elle se dégagea, levant les yeux remplis de larmes. Patrick savait voir au fond d’Anaic. Il connaissait les choses sans qu’elle ait besoin de les lui dire. « Je… Je… ne connais rien à l’amour ». Il avait eu une certaine expérience avec les femmes, aussi il n’insista pas. Devinant bien ce qu’elle voulait dire, il lui dit d’un air attendri : — Ma petite chérie, ne t’inquiète pas. J’attendrai que tu sois prête, même si j’ai très envie de te faire l’amour, je te respecte trop pour te brusquer, je serai patient. Il poursuivit : « J’ai des sentiments pour toi et ne veux en rien gâcher notre relation ». Ils s’embrassèrent à nouveau. — Tu ne m’en veux pas ? dit-elle timidement, de sa voix calme. Il la rassura. — Pourquoi t’en voudrais-je ? D’être une fille qui se respecte ? Je sais que tu ne te donneras que par amour, lorsque tu seras sûre de tes sentiments. Tu es bien trop pure. Je t’aime Anaic. Je t’aime de tout mon cœur. Il l’embrassa sur le front. Patrick s’en alla… Elle souleva le rideau et le regarda partir, le cœur serré. Il reviendra bientôt. Il s’éloigna de celle qui était déjà la maîtresse de son cœur. Il semblait ému. Il lui fit un dernier signe de la main en montant dans sa voiture. Elle se sentait bien seule ce soir-là. La gorge serrée, elle avait besoin de se confier, de conseils peut-être ? Elle se coucha et appela sa grand-mère qui était sa seule confidente, sa deuxième maman. Elle seule savait la conseiller. Régulièrement elle prenait de ses nouvelles pour la rassurer. Mais, cette semaine elle avait complètement oublié de le faire. — Tu ne m’appelles plus, ma chérie, que se passe-t-il ? — Tu dois bien t’en douter… 14 — Naturellement que je m’en doute et je ne te fais aucun reproche. — Je ne fais aucun mal. — J’en suis sûre, ma chérie, répliqua la grand-mère, mais essaie de te mettre à ma place, je ne sais pas ce que tu fais en dehors de tes bijoux et qui tu fréquentes d’ailleurs. — Écoute, grand-mère, je n’ai plus douze ans. — Tu n’as plus douze ans, c’est entendu. Mais tu es si jeune. Je suis responsable de toi, et je n’ai que toi. Anaic, faillit lui dire ce qui la tourmentait le plus, mais elle se contint : — Qui est-ce ? rajouta la grand-mère. — Patrick, un garçon merveilleux, brun, grand, plutôt beau garçon, nous avons les mêmes affinités. Je suis heureuse, grandmère. Tu sais, nous avons exactement les mêmes yeux. — Ah bon ! fit-elle interloquée. C’est bien de ton âge évidemment. Mais sois sage. Anaic n’en dit pas davantage. Peut-être oserait-elle un autre jour. Le lundi, elle fut tout émue de revoir son cher Patrick. Elle se précipita dans ses bras, lui fit un rapide baiser et vint se blottir au creux de son épaule. Il se demanda s’il ne rêvait pas. Il sentait contre sa poitrine, battre le cœur de la jeune fille. Elle le contemplait, extasiée. Elle pressentit son désir mais ne voulut pas répondre à ce trouble en lui. Elle le repoussa doucement. Il lui prit la main et l’effleura délicatement avec ses lèvres. Il était tard. Ils marchaient silencieusement dans la nuit de l’été. Anaic aurait bien voulu lui offrir ce qu’il désirait mais ne pouvait s’y résoudre pour le moment. — J’ai besoin de ton amour et de la force qu’il me donne. Qu’il soit à moi à jamais, lui disait-elle. — Il l’est, je peux te l’assurer. 15