Les contre-performances du cheval de course

LES CONTRE-PERFORMANCES
DU CHEVAL DE COURSE
.
La baisse de performance
est un phénomène frustrant
pour le propriétaire, I’entraîneur,
le vétérinaire et très certainement
pour le cheval lui-même !
De nombreux chevaux perdent leur
forme physique sans raison
apparente, sans que leur historique
ou qu’une découverte clinique
n’indique un problème particulier.
Dans d’autres cas, la raison
de la baisse de performance
peut être évidente :
boiterie sévère, bruit respiratoire
par exemple.
RI Rose
Laboratoire de performance équine
Department of Veterinary Clinical Sciences
Université de Sydney
Sydney NSW 2006
D
urant ces 20 dernières
années passées A l a C l i nique Equine de I’Université de
Sydney, j'ai examiné q u e l q u e s
milliers de chevaux présentés à
la consultation pour baisse de
performance. Dans la majorité
des cas, il était difficile de déterminer la raison précise des
contre-performances, I’examen
clinique détaillée révélant fréquemment plus d’un problème.
Cette expérience m’a enseigné
que les chevaux concernés par
une baisse de performance
nécessitent une approche clinique standardisée et détaillée
ciblant en particulier les systèmes cardiovasculaire, respiratoire, musculaire et osseux. Trop
souvent, les chevaux en baisse de
forme ne font l’objet que d’un
examen superficiel et d’une prise
de sang, réalisée par le vétérinaire dans l’espoir qu’une anomalie
sanguine permette de poser un
diagnostic. Dans de nombreux
cas, la clinique est alors imputée
à des déviations mineures de
l’hémogramme ou de la biochimie sanguine alors qu’en fait la
cause réelle implique d’autres
systèmes. C’est la raison pour
laquelle I’examen clinique d’un
cheval en baisse de performance
doit suivre un protocole d’investigation précis.
tigation
L’approche clinique du cheval
en baisse de performance s’articule autour d’une anamnèse
complète, d’un examen p h y sique détail1ée et de la réalisation
d e tests diagnostiques appropriés. Grâce aux tapis-roulants à
grande vitesse, une série de tests
explorant les fonctions cardiorespiratoires et métaboliques
sont réalisables, le cheval galopant sur le tapis-roulant. Cet
outil a donné une nouvelle
d i m e n s i o n à l’évaluation d u
cheval en contre-performance.
Des détails complets sont donn é s p a r R o s e e t Hodgson
(1994a).
ANAMNESE
Bien que l’anamnèse, dans les
cas de baisse de performance,
soit une composante essentielle
de I’examen, elle est rarement
très utile. Pour la plupart des
chevaux, l’historique n’est pas
spécifique et le motif de consultation le plus fréquent est le chev a l q u i "n’en veut plus".
Beaucoup d’entraîneurs se plaignent de chevaux qui faiblissent
dans les 200-400 derniers
mètres de la course et, bien sûr,
ces signes peuvent être le résultat d’une grande variété de problèmes cliniques. Cependant,
I’ancienneté du problème e s t
utile d a n s l’établissement d u
diagnostic étant donne qu’une
baisse brutale et sévère des performances sera plus facile à élucider qu’un problème plus progressif et chronique. Dans des
cas tels qu’une fibrillation auriculaire, les conséquences sur les
performances sont importantes
et des chevaux bien entrainés
termineront à 20 ou 30 longueurs des autres. Dans l’obtention de I’historique, certaines
questions que nous trouvons
utiles dans la pose d’un diagnostic sont les suivantes
:
ala
baisse de performance
a-t-elle été soudaine
ou progressive !
. le cheval souffle-t-il
beaucoup après I’exercice ??
*le cheval a-t-il dejà produit
un bruit respiratoire
au galop ?
l peut-on observer
une boiterie ?
*v a-t-il des antécédents de
maladies ou de changements
d’appétit ?
Bien que les réponses à ces
questions soient importantes,
elles ne doivent pas servir à éliminer des domaines d’investigation.
M ê m e avec des entraîneurs
expérimentés, nous avons trouvé de nombreux chevaux victimes de problèmes musculaires
ou osseux non décelés par l’entraîneur. De même, des chevaux
peuvent présenter un bruit respiratoire sans qu'il ait été rapporté par I’entraîneur.
EXAMEN CLINIQUE
L’examen clinique détaillé est
souvent I’étape la plus négligée
dans l’approche d’un cheval en
baisse de performance. Bien que
l’examen général doive être réalisé, les systèmes clés à examiner
avec une extrême attention sont
les systèmes respiratoire, cardiovasculaire, musculaire et osseux.
Système respiratoire
* L’observation des mouvements
des naseaux et la recherche
d’écoulements nasaux est réalisée.
* La palpation du larynx est un
résultat important à connaître
dans l’approche des chevaux
athlétiques. Avec de l’expérience, une atrophie des principaux
muscles du larynx peut ainsi être
détectée.
* L’auscultation thoracique est
une étape importante de l’examen clinique. Au départ, les
mouvements respiratoires doivent être observés attentivement
afin de repérer une éventuelle
expiration forcée. Ensuite, l'auscultation de la trachée et des
zones pulmonaires doit être
entreprise. En cas de détection
d’un bruit suspect, celui-ci peut - L’insuffisance cardiaque conêtre accentué en faisant respirer gestive est rare mais chez les chele cheval dans un sac en plas- vaux présentant une insuffisance
tique placé sur ses naseaux.
cardiaque droite, le pouls jugulaire est souvent augmenté.
l La percussion de la cage thoracique est également u n e étape l Une articulation attentive du
importante de l’examen clinique c o e u r e s t importante p o u r
mais fréquemment négligé. La détecter les arythmies ou la prépercussion est vraisemblable- sence de souffles cardiaques.
ment la technique la plus simple Lorsqu'un souffle est détecté, il
pour détecter la présence de
fluide dans le thorax. L’effusion
sa position dans le cycle
de fluides n’est pas un phéno- cardiaque. Les souffles systom è n e courant e n pathologie liques sont bien plus communs
équine en Australie mais elle chez les chevaux que les souffles
doit toujours entrer dans le dia- diastoliques et jusqu’à 60 à 70%
gnostic différentiel chez les che- des chevaux "normaux" peuvent
v a u x présentant d e s s i g n e s présenter des souffles systoliques
d’abattement, de fièvre inter- sans conséquence apparente sur
mittente et d'anorexie avec perte les performances athlétiques.
évidente de poids.
Les bruits cardiaques sont plus
difficilement audibles du côté
droit du thorax, toutefois les
Système cardiovasculaire
Le système cardiovasculaire est souffles systoliques qui ont le
un des systèmes clés en ce qui point d’intensité maximale du
concerne les performances ath- côté droit de la cage thoracique
létiques. On sait depuis long- sont probablement à relier à une
temps que les chevaux disposant insuffisance de la valvule tricusd’un coeur volumineux et donc pide. Il est important de caractéd’un volume systolique impor- riser le souffle par son étendue
tant courent mieux que ceux et sa force, les souffles facileprésentant un coeur plus petit. ment audibles et de large étenDe la même façon, tout problè- d u e i n d i q u a n t généralement
me cardiaque qui réduit le volu- une pathologie cardiaque.
me systolique aura un effet dra- - L’approche du rythme carmatique sur les performances diaque est un aspect important
d'un cheval. II est important de de l’auscultation. Les arythmies
réaliser un examen standard telles que bloc sino-auriculaire
détaillé du système cardiovascu- et bloc atrio-ventriculaire d e
laite, qui prend, pour des mains second degré ne semblent pas
être liées à u n dysfonctionneexpérimentées, 4 ?a 5 minutes.
* Les muqueuses et le temps de ment cardiaque. Par contre, des
recoloration doivent être tout problèmes tels que fïbrillation
auriculaire, tachycardie ventrid’abord observés.
* Les caractères et la qualité du culaire et contractions ventricupouls ne doivent pas être omis l a i t e s prématurées o n t d e s
dans l’exploration de la fonction conséquences sévères sur les percardiovasculaire. Le rythme d u formances. Si une arythmie est
pouls est également noté ~3 ce stade. entendue, u n électrocardio40
gramme doit être entrepris pour
déterminer la nature exacte du
problème.
Systèmes musculaire et osseux
Je suis souvent étonné du
nombre de chevaux présentés
pour baisse de performance et
qui boitent sans que I’entraîneur
ne s’en soit rendu compte. Dans
certains cas, la boiterie est discrète mais dans d’autres cas son
importance peut être dramatique et pourtant non encore
repérée par I’entraîneur. C e c i
prévaut surtout pour les boiteries des membres postérieurs.
Ainsi, la présence d’une boiterie n’est pas obligatoirement la
raison de la baisse des performances. Sur une série de chevaux examinés sut notre tapisroulant à grande vitesse, nous
avons observé que les boiteries
notées 2 / 4 n’ont p a s d ’ e f f e t
significatif sur les indices de
capacité à I’exercice. I l e s t
important de continuer l’examen même si une boiterie significative est repérée étant donné
qu’elle n’est pas nécessairement
la cause de la baisse des performances. Quelques points clés
sont importants à retenir dans
I’examen clinique des systèmes
musculaire et osseux du cheval
en baisse de performance
L’observation du cheval en
mouvement est indispensable
p o u r e x a m i n e r I’éventualité
*
:
d’une ataxie. Ceci est particulièrement important chez les yearlings et les chevaux de deux ans.
* Les problèmes de dos ont
montré leur responsabilité dans
les contre-performances et, en
fait, le seul signe d’un problème
de dos peur être la réduction de
l a capacité à I’exercice. P o u r
être examiné attentivement dans
les cas de baisse de performance.
l Les articulations clés sont le
boulet et le carpe. Ces zones
doivent être examinées attentivement par les tests de flexion
appropriés.
* Les principales causes capables
d’induire une réduction de la
capacité à I’exercice sont les suivantes
ostéite de la dernière phalange
- maladie naviculaire
- périostite du canon
("shin soreness")
- excroissances ostéo-chondrales
au niveau du boulet
("plantar fetlock chips")
- ostéo-arthrite de l’articulation
du jarret, éparvin
- rhabdomyolyse.
-
:
AIDE AU DIAGNOSTIC
Hématologie
et biochimie sanguine
La numération globulaire est
restée longtemps l’aide au diagnostic majeure du praticien
équin. Grâce au développement
des analyses automatisées, les
bilans biochimiques de routine
sont relativement bon matché et
peuvent apporter des informations indiquant un dysfonction-
nement organique. Beaucoup
des Iégères déviations par rapport à la valeur moyenne normale, interprêtées comme anormales, ne sont en fait que le
reflet des variations quotidiennes normales que l’on est en
droit d’attendre. _
L’hémogramme est particulièrement sujet à I’effet de I’excitation ou de l’appréhension
le
moment de la prise de sang dans
la journée ou le stade de digestion peuvent avoir une nette
influence sut les paramètres tels
que les
électrolytes plasmatiques. la protéine totale, l’hématocrite et le rapport neutrophiles-lymphocytes. Certains de
c e s aspects sont discutés e n
détail par Rose et Hodgson
(1994b).
;
Endoscopie des voies respiratoires supérieures
L’endoscopie des voies respiratoires supérieures doit toujours
être réalisée chez un cheval en
baisse de performance. Dans
beaucoup de cas où il n’existe
aucun antécédent de maladie
respiratoire, c’est plus une procédure de routine. Cependant,
même sans problème apparent
des voies aériennes supérieures,
il peut exister une obstruction
partielle du tractus respiratoire,
une pharyngite, un écoulement
purulent provenant de I’ouverture de la poche gutturale et la
présence d’un exsudat purulent
dans la trachée peut être significatif en terme de conséquences
sur les performances.
Lavage broncho-alvéolaire
Le lavage broncho-alvéolaire
est une des aides au diagnostic
les plus utiles pour détecter une
atteinte des voies aériennes prof o n d e s , qui peut être subclinique. La technique consiste à
passer un long tube, via les
naseaux, dans la trachée et profondément dans les poumons,
où du liquide physiologique sera
d’abord déposé, puis aspiré.
La présence d’hémosidérophages est une découverte courante chez les chevaux exercés au
g a l o p moyen ("three-quater
pace") ou à des allures supérieures. Ces hémosidérophages
indiquent que l’exercice provoque des hémorragies pulmonaires e t n o s études révèlent
qu’à peu près 100% des chevaux
) I’entraînement présentent des
hémorragies
pulmonaires
durant l’exercice (McKane,
Canfield et Rose 1993). II est
difficile d’interprêter cette
découverte clinique car les chevaux peuvent présenter des
degrés variés de cette atteinte.
C e p e n d a n t u n prélèvement
broncho-alvéolaire teinté d e
rouge indique une hémorragie
récente et si le phénomène est
important, il peut être la cause
des baisses de performance.
Electrocardiogramme
La réalisation d’un électrocardiagramme fait partie de l’ex41
ploration de routine que nous
pratiquons sur tous les chevaux
présentés pour baisse de performance. Cette technique est surtout utile pour déterminer la
causes de dysrythmies et dans le
diagnostic des anomalies de
conduction.
COMPTE-RENDU
DES CAS PRESENTES
POUR BAISSE
DE PERFORMANCE
AU LABORATOIRE
DE PERFORMANCE
EQUINE, UNIVERSITE
DE SYDNEY
Au cours des sept dernières
années, j'ai examiné plus de 400
chevaux présentés à notre laboratoire pour baisse de résultats.
Ces chevaux ont subi un examen standard couple à un test
d’effort d’intensité progressive
sur tapis-roulant. Les chevaux y
travaillent au trot, au petit galop
et au galop, des prélèvements
sanguins sont collectés pour
analyser gaz et lactate sanguins,
un masque à gaz mesure la
consommation d'oxygène et la
production de dioxyde de carbone, un électrocardiogramme
e s t enregistré par télémétrie
durant l’exercice. Dans certains
de ces cas, la raison de la baisse
des performances ne fut jamais
identifiée a l o r s q u e d a n s
d’autres, plusieurs problèmes
furent détectés, chacun pouvant
contribuer à la réduction des
performances. L’analyse des 200
derniers cas montre les résultats
Problèmes m u s c u l a i r e ou
osseux - 46% des chevaux présentaient une boiterie soit antérieure soit postérieure, notée au
moins 1/4.
*
*
Problèmes des voies respiratoires supérieures - 72% des chevaux ne présentaient aucune
attente des voies respiratoires
supérieures. Parmi les 28% qui
présentaient un problème, on
pouvait noter que l’hémiplégie
laryngée idiopathique était la
découverte la plus commune
avec 72% des chevaux atteints
au stade 3 ou 4. Le reste des chevaux montraient une atteinte du
palais mou, un recouvrement
épiglottique ou une pharyngite.
. Problèmes cardiovasculaires
15% des chevaux examinés présentaient un souffle systolique
de stade 3 ou 4. A peu près la
moitié de ces chevaux avaient
des résultats normaux au test
d’effort alors que pour I’autre
moitié l a fréquence cardiaoue
durant l’exercice submaximal
était élevée avec réduction évidente du volume systolique
pendant l’effort. Des anomalies
de l’onde T sur plus de trois
dérivations étaient une observation commune chez les chevaux
en baisse de performance, 50%
d’entre-eux présentant des altérations de la polarité des ondes
T ("heart strain"). Les résultats
chez la plupart des chevaux avec
anomalies de l’onde T. Les anomalies du rythme furent repérées plus rarement au cours du
test, seuls 10% des chevaux présentaient des perturbations du
rythme, notables immédiate-
ment après l’arrêt de I’exercice.
L’anomalie la plus fréquente à ce
niveau était les contractions
ventriculaires prématurées bien
qu'une tachycardie ventriculaire
fut identifiée dans trois cas.
CONCLUSION
Il est clair d’après la discussion
ci-dessus que les anomalies cardiovasculaire, respiratoire, musculaire et osseuse sont relativement communes chez les chevaux présentés à la consultation
pour baisse de performance. Un
examen physique, associé à une
série d’aides au diagnostic est
indispensable si l’on souhaite
établir la raison précise de cette
baisse de résultats. Il est importtant de se rappeler que les
contre-performances en course
sont souvent multifactorielles et
que pour certaines anomalies,
des tests plus précis peuvent être
nécessaires avant qu’une signification clinique ne soit établie
pour une anomalie. Le test d’effort sut tapis-roulant est souvent
utile pour déterminer les effets
fonctionnels d’une atteinte
modérée des voies respiratoires
supérieures et des souffles cardiaques. Puisque les résultats à
ce test semblent ne pas être
affectés par les boiteries, le tapisroulant sera utile chez les chevaux atteints d’une boiterie
modérée car il permettra d’établir si une autre raison participe
à la réduction des performances.