Steichen et le MoMA : une histoire institutionnelle et

Transcription

Steichen et le MoMA : une histoire institutionnelle et
Steichen et le MoMA : une histoire institutionnelle et scénographique
Doctorat d'Ariane Pollet, sous la direction d'Olivier Lugon, UNIL, www.unil.ch
Cette recherche s’insère dans le cadre d’un projet FNS consacré à l’étude des expositions modernes de la
photographie en Europe et aux Etats-Unis, entre les années 1920 et 1970.
La lecture de la biographie d’Edward Steichen (P. Niven, 1997) et de son autobiographie témoigne des lacunes
qui marquent l’état actuel de la recherche académique le concernant. Suite à une première tentative, dans le
cadre de mon mémoire de licence, sous la direction de William Ewing (commissaire d’une récente rétrospective
intitulée : Steichen a Life in Photography), il est apparu nécessaire, vu l’intérêt du sujet, de prolonger et
d’approfondir l’investigation. Désormais, sous la direction du professeur Olivier Lugon (UNIL, département
d’histoire et esthétique du cinéma), je poursuis donc l’étude de l’une des facettes les moins connues de son
parcours, c’est-à-dire son mandat à la direction du département de photographie du Museum of Modern Art de
New York. Sur la quarantaine d’expositions qu’il a conçues entre 1947 et 1962, seul un événement a été étudié
et médiatisé : The Family of Man (1955). D’où la nécessité de mettre en lumière les zones d’ombre qui
masquent son activité de commissaire au sein de cette institution. Pour ce faire la consultation du Fond
Steichen, conservé aux archives du MoMA à New York, et de nombreux fonds d’archives (Getty Fondation,
UCLA ; Stanford University ; Oakland Museum, etc.) semblent des étapes incontournables.
Le MoMA détient de précieux dossiers photographiques sur toutes les expositions organisées dans l’enceinte
du bâtiment. Ces tirages permettent d’approcher et d’interpréter les conceptions scénographiques. En outre, sa
collaboration avec des artistes et scénographes de renom, parmi lesquels se distinguent : Herbert Bayer, René
d’Harnoucourt et Herbert Matter, demande d’élargir le champ géographique de cette recherche afin de mieux
cartographier le réseau des collaborations et de mieux percevoir les influences réciproques. Un autre type de
dépouillement, orienté vers des correspondances d’artistes, des revues d’époque, des coupures de journaux
ainsi que des dossiers de presse, permet de mieux appréhender l’impact et la portée de la muséographie de
Steichen.
Le cadre académique dans lequel j’évolue m’engage vers une thématique particulière. L’arrivée de Steichen à la
tête du département de photographie correspond à une époque où le marché de la photographie est encore
inexistant, par conséquent rares sont les galeries qui en exposent ; à cette heure la définition de la photographie
comme pratique artistique n’est certes plus à faire, par contre sa légitimité à être exposée, dans un musée, doit
encore être établie ou du moins élargie. En effet, sa récente institutionnalisation tend à restreindre les possibles
en matière de sélection iconographique et de scénographie. La photographie s’expose comme la peinture et
l’estampe, dont la norme prône un accrochage linéaire d’œuvres d’art individuelles basé sur la rareté de l’objet,
sa contemplation intime, et sa permanence.
Dans cette perspective, il semblerait que la comparaison du mandat de Beaumont Newhall à la direction du
premier musée entièrement destiné à la photographie : la George Eastman House (1948-1971), à la suite de
son départ du MoMA en 1947, permettra, notamment, de mieux saisir les enjeux des lignes muséales et plus
largement de la définition d’une photographie d’art, qui se dessinent à cette époque.
Si la muséographie de Steichen va venir bousculer cette tradition picturale ou académique, les solutions
proposées se caractériseront par la diversité de thématique et de pratique – exposition historiques,
monographiques, de propagande anti-pro guerre ou promouvant les jeunes photographes contemporains, la
couleur ou encore le photo-journalisme – qui viendra enrichir le potentiel muséal de la photographie d’art ainsi
que par des accrochages parfois monumentaux et surtout narratifs. Avant de s’installer au MoMA, Edward
Steichen a connu un grand nombre d’expériences tant artistique, publicitaire, documentaire que botanique qui
lui permettent d’envisager sa nouvelle fonction avec une certaine créativité ainsi qu’un goût avéré de la
provocation et de la polémique, qui lui vaudront les foudres de ses détracteurs.
À ce titre, il n’est pas rare de lire tant dans les dossiers de presse que dans les témoignages de ses collègues
ou des artistes exposés qu’avec Steichen, l’exposition n’est jamais une addition d’œuvres d’auteurs. Elle
fonctionne elle-même comme une œuvre dont l’auteur n’est autre que le commissaire-scénographe. Les
documents de presse reflètent cette vision, car on y lit que Steichen est célébré comme le véritable créateur de
l’événement. Peut-on définir Edward Steichen comme un auteur d’exposition, à l’instar d’Harald Szeemann,
cette question fera l’objet d’une minutieuse attention.
En outre, les expositions du MoMA connaissent souvent des carrières internationales, Steichen a de même
participé à la sélection de photographes américains pour des expositions européennes. Il s’agira d’étudier ses
relations et ses échanges entre deux traditions, entre deux mondes de l’exposition de la photographique.
Ariane Pollet, 2009

Documents pareils