Mai 68, crise de la famille ou conflit de génération ? | Intervention d

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Mai 68, crise de la famille ou conflit de génération ? | Intervention d
mai 68, crise de la famille
ou conflit de génération ?
par yvonne knib iehler
Intervention d’Yvonne KNIBIEHLER, professeur émérite à l’université
d’Aix-en-Provence, à l’occasion de la conférence « Mai 68 et la famille »,
organisée le 6 mai 2008 dans le cadre du cycle « L’héritage de Mai 68 »
Les historiens considèrent certains évènements comme « fondateurs » parce
qu’ils changent le cours de l’histoire (par exemple, le 4 août 1789, l’abolition des
privilèges). L’importance donnée au 40e anniversaire de Mai 68, signifie-t-elle que ce
fut là un « évènement fondateur » ? Je ne le crois pas. Mai 68 ressemble plutôt au 14
juillet 1789, à la prise de la Bastille. C’est une pulsion soudaine, imprévue, qui révèle
des impatiences vitales, et qui accélère le changement social. Mai 68 est un sursaut
révélateur et accélérateur.
Parlant de la famille, notons que cette effervescence survient à la fin du baby
boom. Y a-t-il un lien ? En mettant en œuvre sa politique familiale, l’Etat providence
savait ce qu’il voulait : des couples qui se marient jeunes, qui font sans retard trois ou
quatre enfants, la mère restant au foyer pour les élever. Objectif essentiellement
nataliste, qui fut atteint au-delà de toute espérance. Un tel succès fit croire à beaucoup
que LA famille était restaurée, dans son essence éternelle et universelle, et avec elle
l’avenir de la nation. En réalité, le baby boom avait été un creuset de métamorphoses,
aussi bien dans le domaine des mœurs que dans celui des représentations. Mais la
plupart des gens n’en avaient pas pris conscience, ou ne voulaient pas le savoir. Mai
68 dévoile brusquement ce qui a changé, et, du même coup, il précipite le
changement. Observons successivement les jeunes, puis les parents, puis le rapport
famille-société.
Il est vrai que les rebelles de Mai 68 sapaient délibérément les bases de la famille
telle qu’ils la connaissaient. Leur première exigence ce fut la libération sexuelle : ils
refusaient la séparation des sexes dans les cités universitaires, où les jeunes filles
1 étaient désormais de plus en plus nombreuses. Caprice d’enfants gâtés ? Rappelons
que la réhabilitation de la sexualité avait marqué fortement le temps du baby boom.
Les chrétiens les plus pieux osaient dissocier la sexualité de la fécondité ; ils pressaient
leurs médecins d’inventer des méthodes contraceptives acceptables par le magistère :
la méthode Ogino-Knauss, la méthode des températures. Le clergé catholique accepte
de reconnaître la satisfaction charnelle comme une condition majeure de l’accord du
couple. Une exigence analogue s’exprimait encore plus nettement chez les non
catholiques (E. Sullerot). La loi Neuwirth qui, en 1967, autorise sous condition le
recours à la pilule (et autres contraceptifs), n’est pas une simple réforme juridique :
elle répond à une demande insistante, elle marque une mutation culturelle de grande
portée. « Jouir sans entraves ! », les adultes l’ont souhaité autant que les jeunes, mais
ils n’osaient pas l’afficher sur les murs. La contraception désormais accessible
permettait de différer le mariage. Mais, dès lors que pour vivre en couple, on pouvait
se passer de cette imposante institution, la dépréciation du mariage a commencé, il est
entré en obsolescence. Ce fut l’atteinte la plus immédiate au fondement de la famille
traditionnelle. Les « familles monoparentales », apparaîtront bientôt, menacées de
précarité.
La libération de la parole fut aussi débordante que celle de la sexualité. Certes
dans les familles du baby boom, les jeunes n’étaient pas tous réduits au silence, mais
certains sujets restaient tabous. Et surtout, dans le système scolaire et universitaire,
élèves et étudiants étaient sensés écouter docilement les cours des maîtres, détenteurs
du savoir. Bousculant ces disciplines, la contestation juvénile a brusquement imposé
des débats passionnés sur tous les sujets. Les réunions se sont multipliées partout, en
groupes plus ou moins nombreux, sans limitation de durée : échanges enfiévrés, où
l’on s’efforçait de repenser, de recomposer la société. Pour comprendre cette
explosion, rappelons que, pendant les années 60, le nombre des étudiants a doublé,
conséquence du baby boom, mais aussi conséquence de la démocratisation des études
supérieures. Beaucoup de jeunes étaient plus instruits que leurs aînés. Ils récusaient
toute autorité souveraine ; à peine acceptaient-ils l’autorité fondée sur le savoir, à
condition que ce savoir puisse toujours être discuté, remis en question. Rappelons
aussi que les sciences humaines connaissaient alors un essor rapide, fascinant :
anthropologie, sociologie, histoire, philosophie, psychologie, psychanalyse. Lumières
nouvelles, éblouissantes ! Les jeunes intellectuels, même les plus respectueux,
prenaient des distances par rapport à l’éducation qu’ils avaient reçue. Ils lisaient
Wilhelm Reich, Herbert Marcuse, Ivan Illich. Ils élaboraient de nouvelles idéologies,
de nouvelles constructions sociales, de nouveaux modes de vie. Les principes établis
2 par les générations précédentes leur paraissaient au mieux dépassés, périmés, au pire,
étouffants et détestables.
La parole déchaînée a dénoncé uniformément tous les pouvoirs établis. En
particulier, à la lumière des sciences humaines, elle a défini la famille comme matrice
originelle de subordination, voire d’asservissement : l’enfant est soumis à l’emprise de
ses parents, emprise d’autant plus irrésistible qu’elle se masque souvent de tendresse ;
l’enfant couvé dans le foyer familial se conforme inconsciemment à des disciplines, il
s’habitue au respect, à l’obéissance ; il ne peut accéder seul à la liberté de conscience
qui lui permettrait de critiquer et de réformer la société. « Le privé est politique ».
Regardons à présent du côté des parents.
La tempête de Mai 68 apparaît plutôt comme un conflit de générations que
comme une « crise de la famille ». Les jeunes narguaient et insultaient les institutions
en place, l’université, l’organisation du travail, la guerre du Vietnam ; ils ne s’en
prenaient pas spécialement à leurs propres parents.
On peut sans doute avancer que les rapports entre parents et enfants ont alors
évolué selon trois modalités. Les parents très attachés à leurs valeurs et à leurs
principes, ceux qui refusaient de se remettre en cause, ont choisi la rupture, en
attendant que le (la) rebelle vienne à résipiscence. D’autres parents, déconcertés,
perplexes, ont essayé de comprendre : ils ont accepté des discussions interminables,
jusque tard dans la nuit, à la recherche de compromis et de transitions. (Ce fut mon
cas : en 68, mes enfants avaient 18, 17 et 15 ans. Mes discussions avec eux reflétaient
celles que j’avais avec les étudiants. A la faculté, j’ai été d’abord édifiée, sidérée, par la
maturité politique et le talent oratoire de ces garçons et de ces filles, âgés seulement de
20 à 25 ans, en particulier ceux des Jeunesses Communistes Révolutionnaires.
Comment, jusque là, avaient-ils pu suivre les cours tranquillement alors qu’ils avaient
tant de choses à dire ? Une troisième catégorie de parents est entrée dans le jeu : ils ont
revécu leur propre révolte adolescente, qu’ils n’avaient pas pu exprimer (retour du
refoulé), ils ont suivi leurs enfants dans les manifs, ils ont adopté les mêmes modes
vestimentaires, écouté les mêmes musiques, goûté aux mêmes drogues. Parents
copains.
Si diverses qu’aient été les réactions immédiates, Mai 68 a intimidé tous les
parents. Ils ont commencé à prendre des formes, à donner des explications avant de
faire acte d’autorité. Ils ont hésité à punir, de crainte de traumatiser, ou de buter
3 l’enfant. La fonction parentale n’allait plus de soi ; elle devenait objet d’études en
sciences humaines ; elle requérait des apprentissages et des consultations. Le temps de
« l’Enfant-Roi » était venu, et aussi le temps des psychistes.
La fonction maternelle et la fonction paternelle ont connu des évolutions
distinctes.
Dès 1949, Simone de Beauvoir, dans Le deuxième sexe, avait désacralisé la
maternité. Seule une femme pouvait se le permettre. Son livre avait fait scandale.
Mais, lu sous le manteau pendant les années 1950 et 1960, il a conduit bien des
femmes à des conversions déchirantes. En bref, selon Beauvoir, la maternité assure
deux fonctions. Une fonction biologique : la reproduction de notre espèce mammifère
; et une fonction sociale : le renouvellement des lignées masculines. Double servitude
qui soumet le deuxième sexe, à des obligations prétendues « naturelles » : la « société
patriarcale »
a assigné les femmes
à l’élevage de la progéniture et à la vie
domestique, sans égard pour leurs désirs personnels, ni pour leurs aptitudes
individuelles. La maternité est ainsi devenue pour le « sujet femme », l’instrument
d’une « aliénation ». Mai 68 a divulgué ces rancunes. Grâce à l’expansion économique
des Trente Glorieuses, bien des femmes s’étaient engagées dans des activités
rémunératrices. Fières de leur autonomie, et de leur réussite professionnelle, elles
désavouaient les mères du baby boom, leurs propres mères, « fées du logis », « anges
du foyer » ; elles leur reprochaient d’avoir accepté l’aliénation domestique, d’être
complices de « l’oppression masculine ». Il y eut là une rupture douloureuse de la
transmission culturelle entre deux générations de femmes. Il est vrai que les relations
mère-fille sont toujours difficiles à vivre (bien plus que les relations père-fils) ; mais la
crise de 68 fut une acmé.
Le féminisme dit de la « deuxième vague » était né de ces controverses (la 1e
vague est celle des suffragistes qui réclamaient les mêmes droits que les hommes ; la
deuxième vague portait la revendication de droits spécifiques, propres aux femmes,
comme le droit de refuser une grossesse). La dépénalisation de la contraception par la
loi Neuwirth, en 1967, ouvrait la chance d’une maternité « choisie », non plus subie.
Mais les forces conservatrices ne désarmaient pas ; on pouvait encore tout craindre.
Du coup les militantes se tenaient prêtes à radicaliser leurs actions. Elles criaient haro
sur les femmes enceintes et sur les jeunes mères : « Tu fais un gosse, tu es foutue ! ».
Cependant, a contrario, on pouvait aussi présenter l’enfantement comme un privilège
puisque les hommes en sont et en seront à jamais privés. La maternité était alors
acceptable, mais seulement comme
épanouissement narcissique du moi féminin,
affaire intime et personnelle. Sois mère et tais-toi. Aujourd’hui encore ces tensions font
4 obstacle à une réflexion novatrice sur la maternité, sur la relation entre le « sujet
femme » et le sujet mère, dont les intérêts ne coïncident plus.
Une autre idée forte a germé en 68. Les militantes (et les militants, car il y a
toujours eu des hommes pro-féministes) disaient : les inégalités entre les sexes seront
sempiternellement reconduites, tant que garçons et filles recevront des éducations
différenciées. Il appartient aux mères de rompre ce cercle vicieux en élevant ensemble,
de la même manière, leurs jeunes enfants des deux sexes, en leur donnant les mêmes
jouets, les mêmes vêtements (des pantalons aux filles, non pas des jupes aux fils), en
leur confiant les mêmes tâches. Cette « coéducation » rompait avec des principes
antédiluviens, qui n’avaient jamais été mis en doute. Jusque là l’éducation avait
toujours eu pour but de confirmer chaque enfant dans son sexe biologique, afin
d’assurer la collaboration et la solidarité des deux parents ou futurs parents ; il
s’ensuivait une répartition selon le sexe des responsabilités, des fonctions, des tâches,
des espaces (au XIXe siècle, on a cru pouvoir séparer les « deux sphères », privée et
publique). A l’inverse la « coéducation »
visait à abolir ces différences, perçues
comme des produits artificiels de la culture patriarcale. On commençait à reconnaître
qu’il y a souvent plus de différence entre deux individus de même sexe qu’entre deux
individus de sexe opposé. Chez les humains, la culture l’emporte sur la nature. Le
sexe ne saurait donc être déterminant dans l’exercice des fonctions parentales, qui
devraient être permutables.
Enfin quelques jeunes mères de 68 ont inauguré l’éducation dite sexuelle. En
réhabilitant les parties du corps féminin jadis désignées comme « honteuses », elles
ont rendu au deuxième sexe sa fierté et sa dignité.
Pour tout ce qui concerne la paternité, Evelyne Sullerot est experte.
L’historienne que je suis livrera seulement quelques réflexions à propos du « père
copain », expérience sans doute minoritaire, mais riche de sens. En 68, le père copain a
déposé avec soulagement une autorité jugée pesante et archaïque. Rappelons que,
depuis les Lumières, la fonction paternelle avait été peu à peu délestée. Le concept de
citoyenneté l’a négligée : le citoyen est un être abstrait, rationnel, dissocié de toute
appartenance. Plus tard, à la fin du XIXe siècle, les savoirs dispensés par l’école
républicaine ont supplanté les savoirs paternels. Enfin, au XXe siècle, la médicalisation
galopante a induit un déménagement hautement symbolique : les bébés ont cessé de
voir le jour sous le toit paternel ; au moment de la naissance, moment si dense, le père
s’efface devant l’obstétricien. On peut objecter qu’aux temps anciens, le père
5 partageait déjà ses responsabilités. Le christianisme, notamment, avait inventé la
paternité spirituelle : au moment du baptême, le parrain et la marraine s’engageaient
publiquement, solennellement à veiller sur l’éducation de l’enfant. On disait aussi (on
dit encore) « Mon père » au curé qui baptise, au confesseur qui absout, au supérieur
d’une institution religieuse (On dit « Ma mère » à la supérieure). Les géniteurs étaient
donc accompagnés, assistés, et même surveillés dans l’exercice de leurs fonctions
éducatives. Le partage était possible dans un cadre religieux, où la même foi et les
mêmes valeurs s’imposaient à tous : les chemins étaient tracés. Ces soutiens ont dépéri
au cours de la modernité. Selon le code civil, le chef de famille est seul maître chez lui.
Cette responsabilité avantageuse a pu être ressentie comme écrasante.
Le père copain s’en décharge. Le problème c’est qu’il ne sait pas sur qui. Les
pères de l’Ancien régime se déchargeaient eux aussi. Ceux qui en avaient les moyens
se faisaient remplacer par des spécialistes : nourrice, gouvernante, précepteur,
directeurs de conscience. Mais ils les choisissaient et les rétribuaient eux-mêmes : ils
gardaient la haute main. Tandis que les pères d’aujourd’hui connaissent à peine les
soignants, les enseignants, les éducateurs qui s’occupent de leur progéniture.
On touche ici au cœur du rapport famille – société, qui nous servira de
conclusion.
Ce que signifie la révolte des jeunes, en Mai 68, c’est essentiellement le désir
d’une émancipation totale et définitive de l’individu. Y compris les femmes et les
enfants, jusque là considérés comme dépendants, donc subordonnés. L’émancipation
de
l’individu
est
un
bien
en
soi.
Des
sages
ont
pourtant
condamné
« l’individualisme », parce qu’ils le confondaient avec l’égoïsme et/ou le narcissisme.
Mais l’égoïsme et le narcissisme supposent un repli sur soi. Alors que l’individu a
besoin de la reconnaissance d’autrui : il faut qu’il s’allie, qu’il s’engage, ou du moins
qu’il coopère, pour pouvoir se dépasser. Les jeunes rebelles ont cherché de nouveaux
modes de fraternité et de communauté. Les expériences qu’ils ont tentées leur ont
bientôt révélé que c’était infiniment plus difficile qu’ils n’avaient cru. Depuis nous
n’en finissons pas de chercher, à tâtons, des solutions de remplacement ; j’oserai dire
des formes de transcendance pour la famille humaine.
Le christianisme avait diffusé une forme religieuse de transcendance. En 68 elle
était encore bien vivante. Même les non croyants conservaient des pratiques dites de
convenance : on se mariait, on faisait baptiser les enfants, à toutes fins utiles, et c’était
l’occasion de cérémonies festives qui resserraient et identifiaient le groupe familial.
6 Après Mai 68, cette façade se détériore et rien ne la remplace. Il s’ensuit un déficit du
symbolique et un rétrécissement des liens familiaux ; les effets peuvent être
déplorables. Il me semble qu’une étoile nouvelle s’est levée, en 1989, grâce à la
proclamation des Droits de l’Enfant. D’aucuns ont cru l’autorité parentale menacée
par cette proclamation. C’est tout le contraire : les parents doivent se faire les
principaux défenseurs des droits de l’enfant, de tous les enfants. Le père le plus
humble, la mère la plus timide, trouveraient là une raison de vivre, une relation aux
autres, une dignité. La conscience parentale oserait inspirer la conscience civique et
politique.
Les Droits de l’Enfant permettraient aussi de repenser les liens entre famille et
société. Aujourd’hui, les enfants sont élevés ou surveillés par des personnes
différentes qui se connaissent à peine et ne se consultent jamais : les parents, les
enseignants, les soignants, les juges des enfants, la police des mineurs, les élus. Des
partenariats s’ébauchent, encore balbutiants. Il serait sans doute possible d’opérer des
rapprochements efficaces en redéfinissant des rites d’accueil et d’intégration.
L’Education nationale indique clairement les seuils de la croissance : entrée à l’école
primaire, entrée au collège, baccalauréat. Mais l’Education nationale s’en tient à
l’instruction, au développement cognitif. Alors que les étapes qu’elle distingue ont
une portée beaucoup plus large : l’entrée à l’école primaire c’est « l’âge de raison »,
l’entrée au collège c’est le début de la puberté, le baccalauréat c’est le choix d’une
orientation professionnelle ; ensuite vient l’accès à la citoyenneté, promotion capitale,
si mal mise en valeur ! Il faudrait marquer ces seuils par des cérémonies fortement
symboliques, bien préparées, auxquelles participeraient tous ceux, déjà cités, qui ont à
faire avec les mineurs. Ainsi les jeunes comprendraient quels adultes s’occupent d’eux
et pourquoi. Et ce qui est encore plus important : les adultes seraient forcés de se
rencontrer, de mettre au clair des valeurs communes, de construire ensemble des
projets éducatifs. Chaque génération se sentirait collectivement, solidairement
responsable de la suivante… Dans le même esprit, on pourrait requalifier la fête de
Noël.
Ces élucubrations sont-elles trop éloignées de Mai 68 ? Sincèrement, je ne le
crois pas. Le plus beau slogan de Mai 68, le plus stimulant, celui qui m’a touchée et
que je conserve, c’était : « L’imagination au pouvoir ! ».
Yvonne KNIBIEHLER
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