La réponse complète de la FRC à la consultation

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La réponse complète de la FRC à la consultation
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Lausanne, le 27 janvier 2009
Consultation réglementation du prix du livre (lvpa 04.430)
Madame, Monsieur,
La Fédération romande des consommateurs (FRC) vous remercie de l’avoir associée à la
consultation relative à l’objet susmentionné et vous prie de trouver ses commentaires cidessous.
Préambule
La FRC salue le projet de loi de la Commission de l’économie et des redevances du Conseil
National qui a le mérite de faire une proposition pour résoudre les problèmes notamment
rencontrés par les consommateurs sur ce marché particulier.
Le but de la loi (article 1) nous paraît parfaitement établi et a la qualité de mettre le doigt aussi
bien sur la question de la diversité, de l’accès à l’offre et du prix.
Il nous paraît important de préciser d’emblée que la mise en place d’une réglementation du prix
du livre ne va pas résoudre à elle seule tous les problèmes de la branche, et plus spécialement
du sort des petites librairies menacées. Mais l’expérience internationale montre qu’un prix
règlementé peut freiner la concentration du marché et qu’une déréglementation a, par contre,
tendance à entraîner une augmentation du prix moyen du livre.
Malheureusement nous émettons de sérieux doutes concernant la capacité des solutions
proposées par le projet de loi de répondre à la problématique des écarts de prix importants
touchant les consommateurs romands pour les 3 raisons principales présentées ci-dessous.
Premièrement il nous semble difficile de pouvoir concilier les spécificités des 3 marchés que
l’on a en Suisse pour le prix du livre (romand, alémanique et tessinois). La loi ne devrait-elle
pas prévoir des solutions différentes selon la langue d’édition pour répondre de manière plus
pragmatique aux soucis des différentes régions linguistiques puisqu’elles sont soumises aux
règles de fonctionnement de 3 voire 4 pays différents ?
Deuxièmement, si le projet de loi semble régler la question de la concurrence entre librairies
indépendantes et grandes chaînes en limitant les rabais autorisés, il ne nous semble pas être à
même de régler le problème du consommateur qui se retrouve otage d’un système de
distribution exclusif entraînant la confiscation de marges à son détriment. Pour remédier à cela
il nous semble que l’on n’échappe pas à l’introduction au minimum d’une tabelle ou d’un
système similaire au niveau des diffuseurs.
Nous sommes d’avis que le projet de loi doit fixer expressément les conditions auxquelles
s’approvisionnent les libraires de façon à leur laisser une marge suffisante, semblable à celle
offertes à leurs concurrents des pays limitrophes.
Troisièmement, il nous paraît illusoire de penser que Monsieur Prix pourrait procéder de
manière efficace à la surveillance des prix de la production littéraire tant celle-ci est foisonnante.
Nous craignons également que ses conclusions ne soient pas suivies.
1. Position de principe
a) Appartient-il à la Confédération de promouvoir la diversité et la qualité du livre?
Oui.
La FRC estime que le marché du livre n’est pas un marché usuel. Il doit être protégé car il est le
garant de l’accès à la culture et la transmission du patrimoine littéraire. Pour ce qui est de
l’intérêt des consommateurs, iI est important de protéger le réseau de librairies pour les raisons
suivantes :
• La diversité de l’offre : pour garantir la diversité de l’offre et l’accès au livre, il est
souhaitable que des points de vente petits et grands, aux spécificités diverses soient
maintenus sur le marché et répartis géographiquement
• La qualité du conseil et du service : entrer dans une librairies c’est la garantie de
découvertes nouvelles et d’une qualité de conseil (professionnels formés,
spécialisations, ouvrages de niches…). Leur maintien est indispensable. Internet ne peut
pas parer à cette perte éventuelle.
Comme le font une majorité de pays européens, des interventions et des mesures de soutien
sont nécessaires si l’on veut que la population puisse continuer de pouvoir trouver facilement,
et à des prix acceptables, la plupart des ouvrages publiés dans leur langue. Il nous paraît
important de mettre en exergue que le système français duquel s’inspire en partie ce projet de
loi doit son succès aux mesures conjointes de prix règlementé et de subventionnement du livre.
Tel que se développe actuellement le marché du livre en Suisse romande on s’avance vers un
duopole Fnac/Payot au risque de perdre en diversité et en accès au livre. Force est de
constater que le système de distribution exclusive en place en Suisse romande est à la source
de marges excessives prises sur le dos du consommateur. Ce système n’existe que
partiellement en Suisse alémanique (choix entre distributeur exclusif ou approvisionnement
direct) et n’existe pas en Suisse italienne (approvisionnement direct). D’ailleurs les écarts de
prix payés par les consommateurs dans ces régions par rapport au pays d’édition sont moins
élevés qu’en Suisse romande. Une réglementation est donc particulièrement nécessaire en
Suisse romande.
b) Soutenez-vous le principe d’une réglementation du prix du livre au niveau de la
loi ? Pourquoi?
Oui.
La diversité et la qualité du livre sont des points essentiels pour le consommateur. Il ne faut
pourtant pas oublier la question du prix. Il n’est pas acceptable qu’en Suisse romande, les
consommateurs constatent sur les étiquettes de prix des écarts entre prix en Euros et prix en
francs suisses allant jusqu’à 40% pour un même ouvrage. Les spécificités du marché suisse et
de ses coûts ne sauraient justifier un tel écart.
Un livre n’a, par définition, pas de concurrent. L’éditeur est en situation de monopole et fixe
donc son prix librement. En Suisse romande, l’énorme marge que s’attribuent les éditeurs et/ou
distributeurs qui dominent le marché ne profite ni aux libraires, ni aux consommateurs. Seules
des dispositions législatives permettraient de contraindre ces entreprises à réduire leurs
marges.
Une loi sur le prix du livre doit prévoir :
• Que les détaillants puissent tous s’approvisionner au même prix ;
• Que ce prix soit le même que celui pratiqué dans le pays d’édition, éventuellement
augmenté d’une fourchette maximale si des coûts supplémentaires de distribution liés
à notre pays peuvent être démontrés ;
• Qu’un prix de détail unique soit fixé, les rabais offerts par les détaillants étant limités à
5 %.
2. Points principaux de l’avant-projet
a) Que pensez-vous du champ d’application de la loi (art. 2 et art.3)?
Le champ d’application et les définitions nous apparaissent être correctement définis. Par
contre compte tenu des écarts de prix sur les périodiques que l’ont constate également entre la
Suisse et la France sur les périodiques, nous souhaiterions que la question de leur intégration
dans le champ d’application de la loi soit analysée.
Article 2
Nous soutenons l’idée que les livres d’enseignement scolaire méritent un traitement à part dans
la mesure où cela permet de pratiquer les prix les plus bas. Nous craignons cependant qu’une
grande partie des livres que sont par exemple les classiques en poche et qui pèsent lourd dans
le budget des étudiants échappent à la loi.
Le cas des livres de l’enseignement scolaire devrait à notre avis également être réglé dans
l’article 6 traitant des dérogations.
Article 3
Compte tenu des développements électroniques sur le marché du livre (e-book), la définition de
«publications éditoriales sous forme imprimée» nous paraît déjà dépassée.
b) Que pensez-vous du système choisi afin d’empêcher les prix abusifs (art. 4 et art.
8 al. 2)?
Article 4
Ce système basé sur le prix de vente public fixé par l’éditeur ou l’importateur a le défaut de
passer sous silence la problématique des prix pratiqués par les diffuseurs. Il serait vain
d’intervenir au niveau du prix fixé par l’éditeur si le diffuseur lui est libre de fixer son prix et de
prendre la marge qu’il souhaite. La loi doit donc aussi intervenir au niveau du diffuseur, surtout
compte tenu que leur rôle sur le prix final est fortement mis en question (enquête Comco).
La raison de l’intervention de la loi au niveau de l’éditeur se justifie toutefois par le fait qu’il n’y a
aucune raison que l’éditeur fixe un prix du livre plus élevé pour la Suisse que pour la France
étant donné qu’il s’agit du même produit. Par contre la différence de prix qui se joue au niveau
de la diffusion doit être analysée. En France, il n'existe pas de grossistes et les éditeurs
diffusent eux-mêmes leur production. En Belgique, les livres français sont environ 10% plus
chers qu'en France. Or, les livres ne paient pas de droits de douane et la TVA en Suisse est de
2,4%, soit nettement moins qu'en France où elle est de 5,5%. L'argument de la Suisse qui paie
davantage, car hors de l'Union Européenne, ne tient donc pas pour ce secteur.
A la lumière du rôle de garant de prix non abusifs déjà tenu par Monsieur Prix pour la Suisse
alémanique sous le Sammelrevers, nous doutons fortement de la capacité (en ressources et
non en compétence) de la Surveillance des prix de pouvoir assurer l’analyse des prix d’un
marché aussi prolifique que le marché du livre. Une analyse des prix des milliers de nouveautés
oblige la Surveillance des prix à fixer son attention sur un petit pourcentage d’entre elles,
laissant passer entre les mailles de son filet un nombre important d’ouvrages que les
consommateurs paient au prix fort. Le marché aurait vite fait de profiter de cette lacune. Nous
craignons également que ses remarques ou recommandations ne restent lettre morte.
L’article 4 alinéa 3 devrait dès lors être formulé dans le sens suivant :
Les éditeurs, les grossistes et les importateurs vendent aux libraires au même prix que celui
pratiqué dans le pays d’édition. Le surveillant fixe une marge supplémentaire dûment justifiée
pour la branche. Celle-ci s’applique alors également au prix de détail fixé par l’éditeur dans le
pays d’origine du livre.
Alinéa 3 : La notion de pays voisin ne nous paraît pas suffisamment précise. Le terme pays
d’édition semble plus adéquat.
Article 5
Nous approuvons la possibilité donnée aux libraires d’accorder une remise allant jusqu’à 5%
sur le prix de vente fixé.
Les propositions des minorités sur les alinéas 2 et 3 ne nous apparaissent pas relevantes.
c) Que pensez-vous des dérogations prévues à l’art. 6?
Nous soutenons la possibilité de prévoir des dérogations (rabais de 5%) car il faut laisser au
marché une certaine souplesse. Nous laissons cependant le soin aux milieux concernés de se
prononcer s’agissant de cas particuliers.
Comme précisé dans nos remarques sur l’article traitant du champ d’application, nous nous
demandons si la question des livres scolaires ne devrait pas également figurer sous un point de
dérogation.
Nous nous questionnons par ailleurs également sur la nécessité d’accorder une dérogation aux
clubs de livres. Pour les consommateurs, il s’agit d’un canal de distribution/vente comme un
autre et une exception ne se justifie pas.
d) Que pensez-vous de la durée du prix réglementé (art. 7)?
Il nous est difficile de nous prononcer sur la longueur que devrait avoir la durée du prix
réglementé. Il nous semble toutefois que la durée de 6 mois est trop courte suivant les
ouvrages dont il s’agit (6 mois peuvent être suffisant pour un best-seller par forcément pour un
ouvrage plus classique).
Nous soutenons donc la durée du prix règlementé proposée de 18 mois
e) Que pensez-vous de l’interdiction de discrimination (art. 8) ?
Nous sommes en faveur de l’interdiction d’approvisionner certains détaillants à des conditions
plus favorables (art 8 al.1).
Nous ne soutenons pas les propositions des minorités.
f) Que pensez-vous du système de sanctions prévu aux articles 9 à 13?
Nous approuvons le système de sanctions prévu. Toutefois nous tenons à attirer ici l’attention
sur le fait qu’en Suisse les sanctions sont généralement trop molles. Elles doivent coûter un
multiple dissuasif des montants indûment gagnés en violation de la loi.
Les actions des articles 9 à 11 doivent prévoir des frais de procédures limités pour ne pas être
dissuasifs.
3. Autres remarques, suggestions et propositions
La FRC tient à relever toute la difficulté qu’elle voit à l’examen de ce dossier. Le but de la loi est
double et ce faisant il pose problème. D’un côté il doit viser à ce que les consommateurs ne
paient pas un prix surfait pour les ouvrages étrangers vendus en Suisse (80% du marché). D’un
autre il faut préserver la diversité et l’accès à la culture, ce qui implique un prix à payer. Le
consommateur n’aurait aucun intérêt à payer peu chère une offre diminuée.
Nous vous prions de recevoir, Madame, Monsieur, nos salutations les meilleures.
Fédération romande
des consommateurs
Mathieu Fleury
Secrétaire général
Nadia Thiongane
Economiste

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