UNILET N 105 (Page 11)

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UNILET N 105 (Page 11)
Technique
Les Pythium, des champignons
pathogènes pour les cultures
de carotte
es champignons du genre Pythium peuvent être très
préjudiciables pour la carotte dès l’implantation de la
culture et jusqu’au stade récolte. Leurs attaques
entraînent des pertes de rendement et diminuent la qualité des racines.
L
LES SYMPTOMES
Selon le stade de développement de la carotte, les
attaques de Pythium se manifestent par des symptômes
très différents.
➨ A des stades jeunes (Photo 1)
Les attaques de Pythium sont parfois très précoces : elles
peuvent s’observer dès le stade cotylédon de la carotte.
Ce phénomène est plutôt rare mais peut néanmoins
conduire à la disparition de plantules.
Très souvent, on remarque que la racine principale est
nécrosée et sa croissance arrêtée. Ce sont alors les
racines secondaires qui se développent et tubérisent, formant des carottes fourchues. Dans d’autres cas, ce sont
les racines secondaires qui sont attaquées. Il en résulte un
dysfonctionnement de l’appareil racinaire qui peut avoir
une très forte incidence sur la croissance des plantes : à la
récolte, les racines sont petites, fourchues, cordelées. Le
rendement est réduit et la qualité des racines fortement
dépréciée.
Photo INRA Rennes
En carotte de frais comme en carotte
d’industrie, les Pythium sont régulièrement responsables de pertes de rendement et de qualité. Ces champignons du
sol génèrent des symptômes très
variables, suivant l’espèce impliquée et le
stade des cultures.
La lutte chimique est relativement limitée.
Elle doit être relayée par des pratiques
culturales adaptées afin de limiter la
pression de ces pathogènes dans les
sols.
Photo 1 : Conséquences d’une attaque précoce de Pythium sur carotte. Les racines sont
fourchues et cordelées.
➨ Sur racine mature (Photo 2)
Sur racine tubérisée, le cavity-spot est la maladie due aux
Pythium la plus fréquente et la plus connue. Aussi appelé
«maladie de la tache en creux», il est observé en France
depuis de nombreuses années dans toutes les zones de
production traditionnelles de carottes. Le cavity-spot se
caractérise par la formation de taches translucides à
brunes, de forme elliptique légèrement en creux et aux
contours très délimités. Il déprécie gravement la qualité
des racines.
Les Pythium sont aussi impliqués dans la tavelure. Cette
maladie se développe essentiellement dans les sols de
polders du Mont-Saint-Michel. Plusieurs symptômes sont
visibles : des microtaches brunes parfois très nombreuses,
des taches plus diffuses, et des microfendillements donnant à l’épiderme un aspect liégeux.
LES CHAMPIGNONS RESPONSABLES
Les Pythium sont des champignons du sol fréquemment
observés dans les terres cultivées. Ils se reproduisent par
l’intermédiaire de spores (reproduction asexuée) ou
d’œufs (reproduction sexuée). Ces œufs sont très résistants et peuvent se conserver longtemps dans les sols
même en l’absence de plantes sensibles. Quand les
conditions environnementales sont favorables (humidité
importante par exemple), les Pythium se développent et
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Technique
peuvent entraîner d’importants
dégâts. Tous les végétaux supérieurs sont susceptibles d’être
attaqués.
Photo 2 : Le cavity-spot ou maladie de la
tache en creux est la manifestation la plus
connue des Pythium sur racines matures.
Plusieurs espèces de Pythium
peuvent attaquer la carotte. En
France, l’espèce la plus pathogène et la plus fréquemment
associée aux symptômes de
cavity-spot est Pythium violae.
Pythium sulcatum est aussi souvent rencontré, notamment
dans les sols de polders du
Mont-Saint-Michel où il apparaît
être la principale espèce impliquée dans la maladie de la tavelure. Les autres espèces signalées en France à ce jour sur
carotte sont : P. intermedium, P.
irregulare, P. sylvaticum, P. ultimum. Elles peuvent provoquer
des attaques aux différents
stades de la carotte, mais sont
surtout préjudiciables pour les
jeunes plantes.
Les Pythium nécessitent des conditions humides pour se
développer. Les terrains peu filtrants et les zones humides
sont donc favorables aux attaques, de même qu’un apport
important d’eau sur une courte durée, tel un orage d’été
par exemple. En ce qui concerne les températures favorisantes, elles varient suivant l’espèce. Ainsi P. violae se
développe préférentiellement à 15/20°C, alors que P. sulcatum préfère des températures plus élevées de l’ordre de
20/25°C .
Des rotations courtes sont propices à la multiplication de
l’inoculum du sol et donc aux attaques. Enfin, des apports
d’azote élevés favorisent le développement de la maladie.
LES METHODES DE LUTTE
La lutte chimique basée sur l’utilisation du métalaxyl
(ACYLON TC à 2 kg/ha en traitement de sol avant ou juste
après semis ou/et 1,3 kg/ha en traitement des parties
aériennes ) constitue la méthode la plus efficace actuellement disponible. Toutefois, certains échecs sont observés
car toutes les espèces de Pythium n’ont pas la même sensibilité au métalaxyl : P. sulcatum par exemple est naturellement très peu sensible à cette matière active, alors que
P. violae est très sensible. Ainsi, il existe un risque de
déplacement d’équilibre des espèces de Pythium dans les
sols, et des traitements trop fréquents pourraient rendre
cette lutte complètement inefficace. Des cas de biodégradation de la molécule de métalaxyl après applications
répétées ont également été signalés dans certains sols,
rendant le traitement totalement vain.
Concernant la lutte génétique, aucune variété actuelle ne
présente un niveau de résistance suffisamment élevé. Les
programmes de recherche menés par les firmes semencières privées visent malgré tout à proposer des variétés
présentant un bon comportement vis-à-vis des Pythium.
Par ailleurs, aucune piste sérieuse ne permet d’espérer la
proposition d’une méthode de lutte biologique pour les
prochaines années.
La prévision des risques de développement de la maladie
au champ constitue un outil d’aide à la décision intéressant pour le producteur mais les méthodes existantes sont
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encore peu performantes (voir l’encadré). Dans ce contexte, les mesures prophylactiques gardent tout leur intérêt,
avec notamment :
- une humidité maîtrisée,
- des apports azotés limités,
- des rotations de 4-5 ans.
En conclusion, une bonne maîtrise des itinéraires techniques intégrant une utilisation raisonnée des différentes
méthodes de lutte disponibles doit permettre à l’agriculteur de produire des carottes de qualité en respectant son
outil de travail (la qualité des sols) et l’environnement.
Danielle BRETON (SILEBAN/INRA Rennes), M. GUIBERT
et F. ROUXEL (INRA Rennes), F. VILLENEUVE (CTIFL).
CTIFL :
Centre Technique Interprofessionnel des Fruits
et Légumes
INRA :
Institut National de la Recherche Agronomique
SILEBAN : Société d’Investissement et de Développement
pour les Cultures Légumières de BasseNormandie
DES TRAVAUX DE RECHERCHE
POUR PRÉVOIR LES RISQUES
Il existe actuellement sur le marché un test de prévision
des risques de développement du Cavity-spot au
champ. Développé par une firme anglaise, ce test de
détection de Pythium dans les sols est basé sur
l’utilisation d’un sérum. Il permet d’évaluer la densité
d’inoculum du sol et donc de déduire le risque
d’attaque dans une parcelle donnée. Il est utilisé en
Grande Bretagne mais n’a pas encore été validé en
France à grande échelle. Des études complémentaires
sont en place pour mesurer l’intérêt d’utilisation de ce
test sur les cultures de carottes des différents bassins
de production français.
Une autre orientation fait l’objet de recherches en
France dans le cadre d’une collaboration entre la
profession, le CTIFL et l’INRA de Rennes. L’objectif est
d’évaluer le potentiel infectieux du sol à l’aide d’une
plante-piège et de mettre en évidence l’espèce
impliquée par détection directe du Pythium dans ces
plantes-pièges. Les résultats obtenus ne permettent
pas, pour l’instant, de disposer d’une méthode fiable et
reproductible.

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