Wallis et Futuna : du pavillon français
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Wallis et Futuna : du pavillon français
dossier Wallis et Futuna : un registre à part entière du pavillon français des navires Unduregistre commerce en devenir Par Robert Laufoaulu Sénateur de Wallis-et-Futuna Dans nos îles Wallis-etFutuna, situées au milieu du Pacifique sur la ligne de changement de date, l’Océan est davantage ressenti comme ce qui nous sépare du monde que comme ce qui nous y unit. Aucune des deux îles n’est placée sur les routes du commerce maritime. Pour autant, leur absence de vocation portuaire internationale n’est pas un obstacle à notre ambition maritime. Le port d’immatriculation de Mata-Utu héberge aujourd’hui le second registre de navires battant pavillon français armés au commerce international après Marseille. En 1980, le registre d’immatriculation de Mata-Utu accueillait une cinquantaine d’unités armées au commerce. Le pavillon français dominait le transport maritime du Sud-Pacifique. Le fleuron de cette flotte était le navire-hôpital Île de Lumière, armé par Médecins sans frontière (à l’initiative du docteur Bernard Kouchner) afin de sauver les boat-people dans le golfe du Tonkin. Ce registre était administré par le service des affaires maritimes de Nouméa, placé sous l’autorité du Haut Commissaire de la République dans l’Océan Pacifique et aux Nouvelles-Hébrides. Les événements de Nouvelle-Calédonie, au début des années 1980, conduisent à réviser le statut de ce territoire d’outre-mer. Ils ont pour effet collatéral de rendre autonome l’administration d’État du territoire de Wallis-et-Futuna, qui ne dispose pas d’un service des affaires maritimes adapté à l’administration d’un registre de navires de commerce. Dès lors, plus ou moins bien administré depuis Paris à 16 000 kilomètres, le registre de Mata-Utu connaît un développement erratique et ne prend pas sa part de la formidable expansion du commerce inter national née de la mondialisation. Or chacun reconnaît qu’il répond particulièrement bien aux besoins de l’armement français dans le Pacifique : une immatriculation de haute qualité technique (strict respect des conventions internationales ratifiées par la France et des règles nationales de sécurité maritime) dans des conditions d’armement compétitives permettant aux armateurs de faire face à la concurrence déloyale des navires sous normes armés en complaisance. Une fois le registre international français (Rif) créé par la loi du 3 mai 2005, la politique du gouvernement reste peu explicite. Dans sa réponse à une question écrite du député Victor Brial, le ministre des Transports Dominique Perben précise, le 6 juin 2006 : « … Le registre de Wallis-et-Futuna, du fait de ses caractéristiques favorables, a été utilisé pour développer le segment particu lier des gros navires de croisière. Il permet ainsi d’apporter une réponse adaptée pour ce segment spécifique d’activités avec des aides fiscales possibles, un encadrement social spécifique et des perspectives de redevances pour le Territoire… Le Rif créé par la loi du 3 mai 2005… pour les navires de commerce est ouvert aux navires actuellement immatriculés au registre de Wallis-et-Futuna (navires transporteurs de passagers n’assurant pas de lignes régulières). Un dispositif particulier relatif aux casinos a ainsi été créé pour le Rif. Lors des débats parlementaires sur le projet de loi Rif il avait été clairement indiqué que le nouveau registre Rif ne visait pas à mettre fin au registre de Wallis-et-Futuna… Par ailleurs, le registre Wallis-et-Futuna ne fait pas l’objet de difficultés particulières. À ce stade, le guichet unique du Rif n’a d’ailleurs pas eu de demande de transfert des navires du Wallis-et-Futuna vers le Rif. Le Rif et le registre Wallis-et-Futuna, chacun avec ses caractéristiques et ses atouts particuliers, offrent ainsi des possibilités diversifiées pour immatriculer. » Cette réponse est ambiguë. Dans un premier temps, elle semble souhaiter res treindre l’emploi du registre de Mata-Utu à une catégorie de navires : « les navires transporteurs de passagers n’assurant pas de lignes régulières ». Dans un second temps, elle place ce registre sur le même / juillet-août 2014 / n°443 23 dossier Splendeur et réalité de la mer plan que le Rif offrant tous deux « des Une chance à saisir possibilités diversifiées pour immatriculer. » pour le pavillon français Paradoxalement alors que le Rif est, en Le registre d’immatriculation de Mata-Utu théorie, destiné à accueillir des paquebots est-il de nos jours encore utile alors qu’existe de croisière, aucun n’a été enregistré le Rif ? Il est légitime de poser cette question. à ce jour sur ce registre et le décret Si le Rif avait répondu à tous les cas de figure d’application du dispositif particulier relatif d’un armement à la recherche du meilleur aux casinos n’est toujours pas pris depuis outil compétitif face à la concurrence 2005. Le Paul Gauguin internationale, la flotte qui opère dans l’archipel de commerce sous pa Le registre de Matapolynésien, autrefois en villon français se serait Utu est aujourd’hui registré à Mata-Utu, est rapidement développée le seul registre dorénavant immatriculé à et la flotte expatriée sous Nassau, sous le pavillon contrôle des armements national en mesure des Bahamas. Les sept français aurait été rapa de promouvoir le navires de croisière sous triée. Il n’en a pas été pavillon et l’emploi pavillon français sont tous ainsi. En quatre années, maritime français à enregistrés à Mata-Utu, du 1er janvier 2010 au 1er ainsi que deux pétroliers janvier 2014, la flotte de travers le monde transporteurs de produits. commerce sous pavillon Ce petit nombre de navires témoigne du a régressé de 221 à 190 navires, perdant manque d’enthousiasme – difficilement 15 % de son tonnage. La population compréhensible – de l’État à promouvoir d’officiers français de la marine marchande un registre susceptible de renforcer a diminué en vingt ans des trois quarts, la présence du pavillon français et de atteignant difficilement 3 500 navigants l’emploi maritime français sur les mers du aujourd’hui. Le Rif répond à certains globe. Alors que le nombre d’Européens besoins de la flotte marchande nationale, embarqués sous immatriculation Rif est, tels que l’armement des porte-conteneurs selon les navires, de 25 et de 35 %, – ces océaniques, des câbliers, mais il ne répond minimums légaux étant compris comme des ni à celui des navires de vrac sec et liquide, maximums opérationnels par les armateurs ni à celui des feeders, ni à celui des navires – ces derniers emploient dans leurs flottes des industries offshore1, ni à celui des enregistrées à Mata-Utu plus de 40 % de paquebots de croisière. À la question de Français. l’utilité pour la France de disposer de deux Ce n’est que par suite d’un avatar insti registres d’immatriculation pour les navires tutionnel que l’administration centrale de sa flotte internationale, la réponse ne administre le registre de Mata-Utu. Or peut être que positive : les deux registres Rif celle‑ci semble considérer la promotion et Wallis-et-Futuna sont complémentaires. du Rif comme sa mission principale. Il Le registre de Mata-Utu est une véritable en résulte qu’elle laisse notre registre se chance pour le pavillon français. Il est cantonner à une existence marginale. aujourd’hui le seul registre national en Autant dire que cette approche, si elle mesure de promouvoir le pavillon et l’emploi était maintenue, conduirait à une lente maritime français à travers le monde. évaporation du registre de Mata-Utu. L’avenir du registre de Mata-Utu s’inscrit Observant la carence du pavillon français dans l’avenir du pavillon français. Il répond dans le Pacifique et profitant de la répulsion parfaitement aux nécessités de la com que le Jones’Act exerce sur le pavillon pétitivité internationale, tout en offrant américain, nos proches voisins du nord, les plus hautes garanties sociales grâce à les Îles Marshall, développent avec succès la ratification par la France en septembre leur registre au commerce de Majuro depuis 2012 de la Convention du Travail maritime, 1990. Les spécifications qualitatives aujourd’hui en vigueur. Il doit poursuivre d’immatriculation sont similaires aux spé sa capacité d’accueil des paquebots de cifications françaises comme le montre croisière « qualité France », développer la place des deux pavillons sur les listes l’enregistrement de navires marchands blanches des mémorandums de contrôle dans l’Océan Pacifique, qui devient au XXIe par l’État du port de Paris et de Tokyo. siècle, l’axe maritime majeur de l’économie 24 / juillet-août 2014 / n°443 mondiale et ainsi prendre une dimension internationale au profit de l’emploi maritime français dont notre pays a besoin. Les temps sont venus pour la collectivité d’outre-mer de Wallis-et-Futuna de disposer d’un mode de gestion de son registre adapté tant aux besoins du territoire qu’à ceux des armateurs. Il est dans les ambitions des élus du territoire de promouvoir le registre de Mata-Utu et d’organiser, en concertation avec le gouvernement, une administration repensée et rénovée. La France, cinquième exportateur mondial se place aujourd’hui au vingt-septième rang des puissances maritimes. La reconquête d’une position commerciale de son pavillon sur la mer digne de sa puissance économique passe par la promotion du registre de Mata-Utu. Nous, les élus du territoire, travaillons activement dans cette voie. ■ 1 - Exemple : la société Technip – inconnue en France comme armateur – opère ses navires poseurs de pipe-lines sous-marins sous pavillon des Îles Marshall. Le Rif avec ses restrictions à l’emploi de citoyens non européens est un handicap pour embarquer des techniciens de conduite nord-américains. L’immatriculation de Mata Utu peut répondre aux besoins de cette société.