Une jeunesse dorée

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Une jeunesse dorée
Une jeunesse dorée
GENCOD : 9782704812318
PASSAGE CHOISI
UN PAYS DE RÊVE ?
La famille Marjac était une vieille famille mulâtre haïtienne. Selon la tradition familiale, elle
remontait à la fin du XVIIe siècle et aux amours d'une esclave africaine et du régisseur blanc
d'une plantation sucrière à Saint-Domingue.
Des Marjac avaient participé aux côtés de la France à la guerre d'indépendance américaine
en 1779, et contre la France à la guerre d'indépendance d'Haïti au début du XIXe siècle.
Les Marjac avaient longtemps été planteurs sur l'habitation sucrière «La Boivinière» dans la
plaine du Cul-de-Sac, aux confins de Port-au-Prince. Très tôt, cependant, nombre d'entre
eux avaient émigré à Port-au-Prince où ils avaient été négociants en café et en sucre à
l'export, et ils avaient fondé des entreprises commerciales qui, d'abord florissantes, avaient
sombré avec le cordon sanitaire mis en place par les puissances coloniales et les États-Unis
autour d'Haïti dès 1804 pour prévenir toute contagion des idées de liberté et d'indépendance
qui l'avaient emporté en Haïti. Ces entreprises avaient repris des couleurs depuis que la
reconnaissance de l'indépendance d'Haïti par la France en 1825 avait mis fin à cet embargo,
mais avec des hauts et des bas en fonction des avatars de la politique haïtienne et des
troubles qu'avait connus le pays depuis l'indépendance. Un Marjac de Port-au-Prince,
membre de l'assemblée constituante en 1843, avait été fusillé au cimetière de Port-au-Prince
quelques années plus tard. Un autre, des années durant, avait dirigé comme chef de mission
diplomatique la légation d'Haïti à Paris, d'où il avait ramené sa femme.
Un autre encore, Valentin Marjac, avait été contraint à l'exil pour faits de conspiration contre
le pouvoir établi. Il s'était réfugié à la Jamaïque et n'avait eu d'autre option, pour vivre, que
de s'enrôler dans les légions de travailleurs jamaïcains qui avaient été recrutés par les
Américains pour la construction du canal de Panama. Plusieurs années durant, Valentin avait
travaillé à la construction d'écluses, au creusement de tranchées et au percement de
montagnes, et il avait de ses yeux vu les premiers bateaux de haute mer emprunter le canal
et passer d'un océan à l'autre en août 1914. Il était revenu au pays en 1915 peu après
l'arrivée des troupes d'occupation américaines qui avaient ramené la paix civile en Haïti.
Ceux des Marjac qui, comme planteurs, étaient restés sur l'habitation sucrière «La
Boivinière», avaient dû, après des années de résistance, céder à la concurrence et aux
pressions de la centrale sucrière Haytian American Sugar Company, ou HASCO, qui, arrivée
en Haïti en 1916 dans les bagages de l'armée américaine d'occupation, avait
progressivement acquis, sous forme de baux à long terme, jusqu'à 6000 hectares de bonne
terre dans la plaine du Cul-de-Sac. Les quelque 500 hectares de «La Boivinière» avaient ainsi
été affermés à la HASCO, et les confortables revenus que procurait ce fermage avaient fait
de cette branche de Marjac, les Léon Marjac, des rentiers qui menaient grand train à
Port-au-Prince dans le nouveau quartier du Bois-Verna où ils s'étaient installés.
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