la despote aux seins nus
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1 L’ETRANGE VOYAGE DE LA BARONNE L’homme se souleva légèrement pour contempler la splendide jeune femme qui haletait sous lui. Ses longs cheveux bruns étaient épais sur l’oreiller et tressaient comme un cocon d’encre autour de son adorable visage pâle aux joues rosies. Il était fasciné par ses grands yeux gris qui flamboyaient à chaque rapide battement des paupières. Les lèvres rouges, pulpeuses et humides s’entrouvraient sur des dents nacrées. Jamais, au cours de sa rude vie de marin, le capitaine Haagard Nelson n’avait tenu une créature aussi désirable entre ses bras. Il avait bourlingué sur toutes les mers et flirté sur toutes les côtes mais aucune fille n’avait réussi à l’émouvoir comme la baronne Madleen Von Knücker. Il s’en était pourtant fallu de peu qu’il ne la connaisse jamais. Lorsque cet homme, ce Reymann, était venu le trouver, en rade de Brest, il avait d’abord refusé le boulot qu’on lui proposait. Nelson n’était pas un saint. Son casier maritime judiciaire n’était pas vierge. Il faisait de la contrebande de cigarettes, d’alcool et d’armes chaque fois que l’affaire sentait le bon fric. Mais embarquer cinq passagers clandestins de France pour les mener jusqu’à Panama c’était risquer gros. D’autant que ces gens ne voulaient pas lui dire pourquoi ils devaient fuir la France sans laisser de trace. C’était peut-être des assassins ou des agitateurs Politiques. Les aider à filer c’était se faire leur complice et Haagard Nelson n’était pas homme à payer les conneries des autres. Et puis ce Reymann ne lui plaisait pas du tout. En bon Suédois qui se respecte, il avait horreur de ce genre de type aux cheveux noirs et brillantines, à la moustache lustrée, au teint basané, à la voix suave et mielleuse. Il n’avait rien contre les juifs mais... il approuvait le battage que faisaient certains journaux nationalistes et voyait d’un bon oeil la montée des théories nazies en Allemagne. Alors aider ce Reymann et ses métèques de complices c’était aller à l’encontre de ses opinions. Bien sûr l’argent qu’ils proposaient était bien tentant. S’il avait été certain de n’être pas pris... Mais il avait envoyé ce Reymann se faire embarquer ailleurs. Et, quelques heures plus tard, il avait accepté, pour le même prix, d’embarquer Reymann et ses complices. Il faut dire que le second ambassadeur avait été plus convaincant. C’était une créature de rêve qu’il avait vu monter à bord pour discuter les formalités de transport. Le sourire enjôleur et les yeux langoureux de la jeune femme avaient d’ailleurs aplani sérieusement toutes ces formalités. Elle s’était présentée comme étant la baronne Madleen Von Knücker, d’origine autrichienne mais française de par son mariage avec l’ingénieur Herbert Bertouin. Outre Reymann, qu’il connaissait déjà, les trois autres passagers étaient le mari de la baronne, un professeur du nom de Lucas, et un nommé Laurent Maury. Nelson avait bien envisagé de poser quelques questions sur les motifs du voyage, les causes et le but, mais la baronne lui avait tendrement souri et lui avait répondu, le plus naturellement du monde - Ne posez pas de questions, capitaine, tout ce que je puis vous dire c'est que je voyage incognito avec mon mari et mes trois amants. Nelson avait été soufflé de cette réponse. Il avait balbutié - Mais... ils... - N’ayez crainte, avait tranché la baronne, il n’y aura aucun drame à bord. Tous quatre sont au courant de la situation et aucun d’eux n’est jaloux. D’ailleurs leur passion principale c’est le © 2003 by Editions Dominique Leroy, Paris, France. 1 LA DESPOTE AUX SEINS NUS bridge... Je suis souvent seule, vous savez ! ajouta-t-elle avec un soupir et un regard qui en disait long quant à l’occupation qu’elle entendait donner à sa ... solitude. Nelson en avait était tout retourné. Un fougueux désir se répandait en lui. Sans sa veste de drap bleu, la baronne se serait sans doute rendu compte de l’état oÙ elle l’avait mis. D’autant que ses beaux yeux s’étaient justement posés en-dessous de la ceinture de son interlocuteur. A partir de cet instant c’était elle qui avait pris la direction des opérations. Elle avait visité le navire, choisi les deux cabines qu’elle retenait pour elle.et pour ses compagnons. Elle avait versé la moitié du prix du voyage et promis d’être là cinq minutes avant le départ. Tout s’était très bien passé. Nelson avait eu la frousse tant qu’ils n’avaient pas quitté les eaux territoriales françaises. La baronne et ses amis avaient dû se cacher dans les soutes jusque-là. Puis Nelson les avait délivrés... et pour lui le beau rêve avait commencé. Les quatre hommes ne montaient presque jamais sur le pont. Ils semblaient être consignés dans leurs cabines. En revanche, la baronne ne le quittait pas. Elle prenait ses repas avec lui, l’accompagnait partout et restait dans sa cabine jusqu’à une heure très avancée de la nuit. Dès le premier soir elle était devenue sa maîtresse. Et quelle maîtresse ! ... Quand, gêné, il faisait allusion à ses compagnons, elle haussait ses blanches épaules ou faisait un geste d’indifférence en répondant invariablement - Je te l’ai déjà dit : ils jouent au bridge Nelson n’y croyait pas tellement. On pouvait adorer le bridge, mais, à ce point, c’était poussé un peu loin le vice. Il avait demandé à Hensen, son second, d’aller faire discrètement un tour du côté des cabines pour voir ce que faisaient les passagers mais Hensen n’avait pu approcher, affirmant qu’un des hommes montait la garde en permanence devant la porte de la baronne où les autres étaient vraisemblablement bouclés. Nelson était intrigué mais il se faisait une raison en se disant qu’après tout il avait les mains libres et qu’il n’avait pas la plus mauvaise part du gâteau... Le Capitaine scinda à nouveau ses lèvres, à celles de la baronne qui se tendaient vers lui. Une fois de plus ils avaient joui de concert. Une fois de plus... la dernière peut-être !... Il était tard, la baronne allait S’éclipser et cette nuit serait la dernière. Ils avaient franchi la Passe de Mona, au sud d’Haïti, dans l’après-midi et, demain,le voyage s’achèverait à Colon, au Panama, où la baronne et ses amis allaient débarquer. Nelson ne pouvait se résoudre à reprendre seul la mer. Il aurait voulu convaincre la belle baronne de rester toujours auprès de lui mais comment le lui demander. - Il est déjà tard, commença-t-il, c’est notre dernière nuit… tu vas partir ? - Oui… murmura-t-elle. - Il est plus tard que d’habitude, tu ne crains pas que ton mari ?... Les yeux de la baronne Madleen flamboyère - Je ne crains rien du tout... je t’ai déjà dit que, lorsque je rentrais, mon mari n’avait rien d’autre à faire qu’à baisser la tête et à me déshabiller. Il ne comprenait pas pourquoi elle restait avec un tel mari. Ils ne s’aimaient pas, c’était évident. - Laisse-les tous tomber, Madleen chérie, s’écria-t-il soudain, reste avec moi... C’est le paradis pour nous ici, non ?Elle se dégagea avec une certaine brusquerie. - Le paradis ? Je t’assure qu’il peut exister ailleurs... J’en ferai la preuve... Si tu veux le connaître tu n’as qu’à venir avec nous et lâcher ce vieux rafiot. Haagard Nelson était amoureux mais il était marin avant tout. Quitter son navire il ne pouvait pas l’imaginer. Il avait ressenti comme une gifle les termes de" vieux rafiot" dont elle avait qualifié son grand compagnon. Quiconque, autre que la baronne, aurait proféré cette insulte l’aurait payée par le sang. La rage au coeur il la laissa se vêtir et s’en aller... Il éteignit sa lampe pour ne pas se voir blêmir. © 2003 by Editions Dominique Leroy, Paris, France. 2