Les ANCA (typiques ou non) en pratique médicale courante (PDF
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Immuno-analyse et biologie spécialisée (2011) 26, 27—34 TECHNIQUES AU QUOTIDIEN Les ANCA (typiques ou non) en pratique médicale courante The antineutrophil cytoplasmic antibodies (ANCA typical or not) in current medical practice Y. Renaudineau a, D. Beauvillard a, I. Ségalen a,b, C. Leroyer c, Y. Le Meur b, P. Youinou c,∗ a Laboratoire d’immunologie, hôpital Morvan, CHU de Brest, BP824, 29609 Brest cedex, France Service de néphrologie, hôpital de la Cavale Blanche, CHU de Brest, BP824, 29609 Brest cedex, France c Service de pneumologie, hôpital de la Cavale Blanche, CHU de Brest, BP824, 29609 Brest cedex, France b Reçu le 29 septembre 2010 ; accepté le 30 octobre 2010 Disponible sur Internet le 15 janvier 2011 KEYWORDS Antineutrophil cytoplasmic antibodies (ANCA); Vasculitis; Proteinase 3; Myeloperoxidase (MPO) MOTS CLÉS Anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA) ; Vascularites ; Protéinase 3 ; Myéloperoxydase (MPO) Summary Antineutrophil cytoplasmic antibodies (ANCA) are important serological markers mostly for the small vessel systemic vasculitides. Numerous reports have established an interest for the combination of the indirect immunofluorescence (IFI) and the ELISA anti-PR3 and anti-MPO in such indication. However, conflicting results may exist between IFI and ELISA that require additional assays and such special measures are important to help and avoid clinical misinterpretation. © 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Résumé Les anticorps anticytoplasmes des polynucléaires neutrophiles (ANCA) sont d’importants marqueurs sérologiques utilisés principalement pour le diagnostic des vascularites des petits vaisseaux. De nombreuses études ont rapporté un intérêt pour la combinaison de l’immunofluorescence indirecte (IFI) et de l’Elisa anti-PR3 et anti-MPO dans cette indication. Cependant, des discordances existent entre l’IFI et l’Elisa, ce qui va nécessiter de recourir à des examens complémentaires destinés à améliorer le diagnostic et surtout à éviter une mauvaise interprétation clinique. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Introduction ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Youinou). Alors qu’ils souhaitaient trouver une alternative à la recherche des autoanticorps (auto-Ac) antinucléaires (AAN), 0923-2532/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.immbio.2010.12.002 28 Y. Renaudineau et al. en 1982, Davies et al. [1] substituèrent des coupes de rein de rat par des polynucléaires neutrophiles (PNN) humains. C’est ainsi que pour cinq patients qui présentaient une glomérulnéphrite auto-immune, ces chercheurs ont rapporté une nouvelle fluorescence au niveau du cytoplasme des PNN. Cette simple observation aurait pu rester sans suite si Van der Woude et al. [2] n’avaient pas établi, trois ans plus tard, un lien entre la fluorescence cytoplasmique des PNN, notée cytoplasmic-antineutrophil cytoplasmic antibodies (c-ANCA) et une vascularite particulière : la granulomatose de Wegener (GW). La GW associe typiquement une granulomatose nécrosante des voies respiratoires avec rhinopharyngite et/ou une atteinte du parenchyme pulmonaire, une vascularite des petits vaisseaux, et une glomérulonéphrite nécrosante pouvant être fatale en l’absence de traitement [3]. L’antigène des c-ANCA reconnu au cours de la GW est présent dans les différents granules des PNN et correspond majoritairement à une protéine de 29 kDa, la protéinase 3 (PR3) (Tableau 1). Rapidement, il est apparu qu’à côté des c-ANCA coexistait une seconde entité dont la fluorescence se concentrait autour du noyau, c’est-à-dire en localisation périnucléaire, d’où sa dénomination p-ANCA. À la fin des années 1980, Falk et Jennette [4] rapportèrent que l’aspect p-ANCA des antimyéloperoxydase (MPO) était artéfactuel et lié à l’agent de fixation utilisé, l’éthanol, puisqu’une fixation par un mélange acétone-formol ou par du méthanol permettait de conserver un aspect cytoplasmique (Tableau 2). L’origine de cet étrange phénomène tient à la nature cationique de certaines cibles des p-ANCA comme la MPO (point isoélectrique supérieur à 11) qui en présence d’éthanol sont attirées par les molécules anioniques de la cellule à savoir la membrane nucléaire et la chromatine. La MPO est présente dans les granules I des PNN et constitue la cible principale reconnue dans les vascularites touchant les petits vaisseaux (polyangéite microscopique, syndrome de Churg et Strauss et glomérulonéphrites nécrosantes focales pauci-immunes). Notons tout Tableau 1 de suite que les vascularites touchant les gros ou les moyens vaisseaux telles que la maladie de Horton ou la maladie de Takayasu ne comportent qu’exceptionnellement des ANCA. En conséquence, les ANCA constituent un marqueur prédictif négatif pour ces pathologies. La saga des ANCA aurait pu s’arrêter là, mais dans d’autres pathologies telles que les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) avec 6 à 20 % des cas dans la maladie de Crohn (MC) et 50 à 70 % des cas dans les rectocolites hémorragiques (RCH), les hépatites auto-immunes (90 %), les arthrites rhumatoïdes (30—40 %), les cancers, les infections (HIV, hépatites virales, paludisme. . .), au cours de la prise de certains médicaments (hydralazine, thiouracile. . .), etc., on retrouve également des ANCA dont la caractéristique est de ne reconnaître ni la PR3, ni la MPO [5]. Immunofluorescence indirecte Technique L’immunofluorescence indirecte (IFI) constitue la méthode de référence pour la mise en évidence des ANCA dont les bases ont été fixées lors de différents workshops dédiés aux ANCA [6—8]. C’est ainsi que plusieurs recommandations ont été formulées concernant les PNN, le sérum à tester, l’antiglobuline fluorescente de révélation et les contrôles de qualité à mettre en œuvre. Le substrat des ANCA est un frottis ou une cytocentrifugation de PNN humains sains de groupe sanguin O fixés avec de l’alcool éthylique (96—99 %), un mélange formol-acétone ou du méthanol à 4 ◦ C pendant cinq minutes. Certains auteurs ont proposé de substituer les PNN par des lignées cellulaires issues de leucémies myéloïdes chroniques [9], mais cette pratique ne s’est pas généralisée. Principales cibles des antineutrophil cytoplasmic antibodies. Granules I Granules II PR3 MPO Lysozyme BPI Cathepsine G Élastase Azurocidine PR3 Lysozyme Granules gélatinase Surface cellulaire CD177/PR3 Lysozyme Lactoferrine Lamp2 Lamp2 PR3 : protéinase 3 ; MPO : myéloperoxydase ; BPI : bacterial/permeability increasing protein. Tableau 2 utilisé. c-ANCA p-ANCA a-ANCA Différents aspects de fluorescence des antineutrophil cytoplasmic antibodies en fonction de l’agent de fixation Éthanol Formol-acétone Méthanol Cytoplasmique Périnucléaire Périnucléaire Cytoplasmique Cytoplasmique Atypique ou négatif Cytoplasmique Cytoplasmique ou négatif Périnucléaire Les ANCA en pratique médicale courante Les ANCA se recherchent indifféremment dans des sérums ou des plasmas dilués au 1/20e , dilution qui correspond au seuil de positivité des ANCA. Notons que ce seuil peut varier selon la qualité des PNN, du conjugué utilisé, du microscope retenu ainsi que de l’objectif de l’oculaire et enfin du technicien qui effectue la lecture. De plus, l’inactivation des sérums par la chaleur n’est pas recommandée car cette pratique est source de fausse positivité. L’antiglobuline préconisée est une anti-immunoglobuline (Ig) monospécifique Ig-G couplée à la fluorescéine. En effet, les ANCA sont principalement des Ig de classe IgG (IgG1 et IgG4). Toutefois, la spécificité, la classe puis la sous-classe des ANCA peuvent varier avec des IgM au début de la maladie alors que la présence d’IgG3 prédominerait dans les formes actives et/ou récidivantes associées avec une atteinte rénale [10]. Notons que dans de rares cas, il a été décrit des ANCA exclusivement de type IgM lors d’hémorragies pulmonaires et de type IgA dans les vascularites de type purpura rhumatoïde, et dans les dermatoses neutrophiliques et en particulier l’Erythema elevatum diutinum, de cholangite sclérosantes, d’hépatite auto-immunes et de néphropathies à IgA, ainsi que dans les vascularites leucotyclasiques et dans des cas isolés [5]. Certains laboratoires préfèrent donc utiliser une antiglobuline polyvalente (anti-IgG, -IgA et -IgM). Différentes bonnes pratiques ont également été étiquetées à savoir le recours systématique à des contrôles négatifs et positifs (c-ANCA/PR3+ et p-ANCA/MPO+) pour chaque série de lames. En effet, il a été constaté que certains antigènes pouvaient être détruits lors de la préparation des PNN ou suite à la dessiccation des cellules. De plus, la réalisation de plusieurs dilutions pour un même patient est vivement recommandée pour se prémunir du « phénomène de prozone ». Ce phénomène pouvant se traduire par une réaction faussement négative au 1/20e mais positive au 1/100e du fait de l’excès d’auto-Ac dans le sérum. Aspects Après fixation à l’éthanol, deux types de fluorescence peuvent être observés, l’un cytoplasmique (c-ANCA) et l’autre périnucléaire (p-ANCA). Le premier aspect est défini par une fluorescence diffuse et finement granuleuse du cytoplasme des PNN avec accentuation entre les lobes du noyau. Très souvent, il s’agit d’auto-Ac anti-PR3 révélateurs d’une GW. Il est à noter que les auto-Ac anticytosquelette (actine, vimentine), antiribosome, antimitochondrie, antiendosome et antibactericidal/permeability increasing protein (BPI) peuvent donner une fluorescence cytoplasmique atypique qui est grossièrement granuleuse ou homogène sans anti-PR3. Le second aspect, p-ANCA, est caractérisé par une fluorescence autour du noyau dont la MPO est la cible principale. Comme pour les c-ANCA, d’autres cibles peuvent être reconnues par les p-ANCA et donner un aspect voisin de celui des p-ANCA. Cela impose donc de poursuivre la caractérisation des p-ANCA en utilisant des cellules HEp-2 pour rechercher et éliminer des AAN à renforcement périphérique notés GS-AAN, d’une part, et des PNN fixés par une solution de formol-acétone ou de méthanol d’autre part (Fig. 1a et b). En effet, la fixation par le formol-acétone 29 présente l’avantage de ne pas modifier la répartition des granules du PNN. Dans ce cas, une fluorescence cytoplasmique est retrouvée si la cible est un Ag granulaire comme le MPO, ce qui permet de définir les p-ANCA « typiques ». À l’inverse, si la fluorescence sur des PNN fixés en présence de mélange formol-acétone disparaît ou conserve un aspect de type p-ANCA ou « atypique », l’aspect est alors noté a-ANCA ou x-ANCA. Les antilactoferrine (LF), antiélastase, anticathepsine G (CG), antiglucuronidase. . . sont le plus souvent associés à un aspect a-ANCA. Du fait de la possible disparition de l’aspect p-ANCA atypique sur cellules fixées avec le mélange formol-acétone ou méthanol, la titration des a-ANCA est réalisée sur les lames fixées à l’éthanol. Principales cibles des antineutrophil cytoplasmic antibodies Protéinase 3 La cible principale des c-ANCA est la PR3 qui est une sérine protéinase de 29 kDa. La PR3 est retrouvée seulement chez l’homme et les primates dans les différents granules du PNN et en particulier dans les granules I (encore appelés granules ␣ ou azunophiles). Dans les phagosomes du PNN, la PR3 est chargée de détruire les bactéries en association avec l’élastase (54 % d’homologie), la cathepsine G (35 % d’homologie) et les radicaux oxygénés. La PR3 est également capable de cliver des cytokines, l’interleukine8 par exemple, le C1 inhibiteur et la nicotinamide adenine dinucleotide phosphate-oxidase (NADPH oxydase) ce qui contribue à accroître le processus inflammatoire. Dans certaines conditions pathologiques et en particulier dans la GW, la PR3 peut se retrouver à la surface de la cellule si les PNN expriment la molécule CD177 ou NB1 qui est capable de fixer la PR3 mature [11]. L’inhibiteur plasmatique de la PR3 est l’␣1-antitrypsine. Plusieurs étapes sont nécessaires pour que la PR3 soit capable d’exercer son activité biologique. Tout d’abord, une préproprotéine est synthétisée à partir de l’ARNm, puis transformée en pro-protéine inactive dans le réticulum endoplasmique (RE) par clivage du peptide d’adressage. La pro-protéine immature sera ensuite clivée, glycosylée et stabilisée par quatre ponts disulfures afin de rendre le site actif de l’enzyme accessible à ses substrats. Dans la cellule, 10—20 % du PR3 est sous forme de pro-PR3. Myéloperoxydase La majorité des p-ANCA associés aux vascularites reconnaissent la MPO autour du noyau des PNN du fait de la redistribution artéfactuelle de cette dernière lors de la fixation par l’éthanol. La MPO est exprimée en quantité très importante par le PNN (> 5 % des protéines totales). Cette protéine est formée à partir d’un précurseur de 80 kDa qui est clivé pour donner un dimère glycosylé constitué d’une chaîne ␣ de 59 kDa et d’une chaîne  de 13,5 kDa. La MPO est contenue dans les granules I des PNN et les lysosomes des monocytes. La MPO catalyse la formation de l’acide hypochloreux (HOCl) selon la formule 30 H2 O2 + Cl− + H3 0+ ≥ HOCl + 2H2 O. L’hypochlorite est un puissant agent bactéricide et antifongique. L’inhibition de la MPO est assurée par la céruléoplasmine. Mise en évidence des anti-PR3 et anti-MPO La corrélation entre l’IFI et le titre des anti-PR3 ou antiMPO est imparfaite et tributaire de plusieurs paramètres : de l’antiglobuline utilisée pour l’IFI (anti-IgG ou anti-GAM), de l’origine de la protéine (protéine purifiée, protéine recombinante, synthèse peptidique), de la procédure retenue pour la purification et donc du degré de pureté de cette dernière, de la présence ou non de pro-PR3, du mode de fixation sur le support et du support solide utilisé : cupules de plastique pour l’Elisa, nitrocellulose pour l’immunodot et billes d’agarose pour les tests en multiplexe. La caractérisation des principaux épitopes reconnus par les auto-Ac anti-PR3 a permis de mettre en évidence différents épitopes, d’une part, dans la pro-séquence de la forme immature et, d’autre part, autour du site Y. Renaudineau et al. enzymatique de l’enzyme. Alors que l’état de glycosylation de la PR3 interfère peu avec la reconnaissance des auto-Ac, la fixation de la protéine sur son support masque certains épitopes. De plus, la reconnaissance de la PR3 par les anti-PR3 est conformationelle puisque la conservation des quatre ponts disulfures est cruciale pour cette reconnaissance. En conséquence, différentes astuces ont été proposées pour augmenter l’accessibilité des épitopes aux auto-Ac : l’utilisation d’un mélange pro-PR3/PR3 de préférence purifié, l’utilisation d’un anticorps de capture pour rendre accessible tous les épitopes, ainsi que l’utilisation d’un adaptateur non immunogène. De ces expériences, il apparaît premièrement que les auto-Ac anti-pro-PR3 sont mieux corrélés avec l’activité de la maladie que les anti-PR3 [12]. Deuxièmement, que l’utilisation d’un Ac de capture améliore la reconnaissance de la PR3 mais que cette association est susceptible de donner des faux-positifs du fait de la reconnaissance de l’Ac de capture par les facteurs rhumatoïdes (anti-IgG). Troisièmement, l’utilisation d’un adaptateur accroît de façon notable la sensibilité du test Figure 1 a et b : immunofluorescence indirecte (IFI) sur polynucléaires neutrophiles humains fixés soit par de l’éthanol (à gauche), soit par un mélange formol/acétone (à droite). Différents aspects sont observés selon la spécificité des sérums. PNN : polynucléaire neutrophile ; PR3 ; protéinase 3 ; MPO : myélopéroxydase ; LF : lactoferine ; BPI : bactericidal/permeability increasing protein ; AAN : anticorps antinucléaires. Les ANCA en pratique médicale courante 31 Tableau 3 Associations cliniques en fonction de la cible des antineutrophil cytoplasmic antibodies. Figure 2 Proposition d’algorithme pour la détection des antineutrophil cytoplasmic antibodies. PNN : polynucléaire neutrophile ; PR3 ; protéinase 3 ; MPO : myéloperoxydase ; LF : lactoferine ; BPI : bactericidal/permeability increasing protein ; AAN : anticorps antinucléaires. [13]. D’ailleurs, certains auteurs ont suggéré de remplacer l’IFI comme test de première intention par l’Elisa antiPR3 avec adaptateur. Cette assertion devant bien sûr être validée sur de plus larges cohortes à l’échelon international. Antigène Aspect Clinique PR3 c-ANCA Vascularite, glomérulonéphrite nécrosante pauci-immune (GNPI) MPO p-ANCA Vascularite, GNPI, Syndrome Goodpasture Lamp2 c/p-ANCA Vascularite, GNPI BPI a/c-ANCA Vascularite, polyarthrite, lupus, cholangite sclérosante, hépatite auto-immune, infections. . . Cathepsine G a/p-ANCA Colite ulcérative, maladie de Crohn, lupus, polyarthrite, hépatite auto-immune. . . Élastase a/p-ANCA Vascularite, colite ulcérative, cholangite sclérosante. . . Lactoferrine a/p-ANCA Colite ulcérative, polyarthrite, cholangite, hépatite auto-immune. . . l’infection par Pseudomonas aeroginosae dans la mucoviscidose (Tableau 3). L’intérêt clinique et pronostique des anti-BPI n’a pas été démontré. Lactoferrine Antigènes mineurs des antineutrophil cytoplasmic antibodies Devant une IFI positive sans anti-PR3 ni anti-MPO, les autres antigènes reconnus par les ANCA peuvent être recherchés soit par Elisa, soit par une autre technique moins sensible comme l’immunoblot (Fig. 1 a et 2). Cette recherche sera orientée par le contexte clinique puisque dans certains cas il est nécessaire d’y associer la recherche des AAN dans les maladies systémiques auto-immunes, des antisacchoromyces cerevisiae (ASCA) dans les MICI et des antimembrane basale glomérulaire ou MBG dans le syndrome pneumorénal de Goodpasture. Bactericidal/permeability increasing protein Présente dans les granules I du PNN, la BPI est une protéine cationique de 55 kDa qui du fait de son action sur le liposaccharide (LPS) exerce une activité cytotoxique sur des bactéries Gram négatif. Les anti-BPI peuvent constituer de 15—50 % des ANCA PR3−/MPO−, l’association est plus grande avec l’aspect c-ANCA qu’avec l’aspect p-ANCA [14,15]. Les anti-BPI sont observés dans les vascularites y compris au cours de la GW, les rhumatismes inflammatoires, les MICI et dans certaines infections tel que La LF est une protéine de 78 kDa retrouvée dans le lait, la salive, la sueur et les granules II des PNN. Les Ac anti-LF sont observés surtout dans les MICI (60—75 %), les colites ulcéreuses (30 %), les maladies inflammatoires auto-immunes (20 %) et les infections. Comme pour les anti-BPI, la majorité des anti-LF sont ANCA négatifs par IFI et pour les sérums positifs, l’aspect majoritaire est de type a-ANCA. Notons que la LF peut contaminer la MPO lors de sa purification, contamination qui peut conduire à typer à tord un ANCA/MPO+ [16]. Élastase et cathepsine G Présente dans les granules I du PNN, ces deux protéines sont, comme la PR3, des serine-protéases. La spécificité diagnostique des antiélastases et des anticathepsines G ne peut être retenue car ces auto-Ac sont retrouvés dans des vascularites, des MICI, des infections. Lysosome membrane protein-2 La lysosome membrane protein-2 (Lamp2) est présente à la surface des PNN et des cellules endothéliales ainsi que dans les granules I des PNN en association avec la PR3 et la MPO. 32 Outre un intérêt diagnostique évident puisque les auto-Ac anti-Lamp2 sont retrouvés dans plus de 90 % des vascularites à ANCA en association soit avec des anti-PR3, soit avec des anti-MPO [17,18], les auto-Ac anti-Lamp2 sont pathogéniques. En effet, d’après Kain et al., le transfert passif des Ac anti-Lamp2 chez le rat s’accompagne du développement d’une glomérulonéphrite [17]. Cette observation est importante car le transfert passif des auto-Ac anti-PR3 et des anti-MPO n’a que peu d’incidence sur l’animal. Enfin, la forte homologie entre Lamp2 et une protéine bactérienne FimH pourrait expliquer le lien constaté entre l’infection par certaines bactéries et le développement d’une GW [18]. High mobility group proteins Les high mobility group proteins (HMGB)-1/2 sont des protéines normalement présentes dans le noyau mais ces protéines peuvent se retrouver dans le cytoplasme des PNN si elles ont été soumises à des modifications posttraductionnelles par méthylation ou acétylation [19]. Les anti-HMGB-1/2 sont retrouvés principalement dans les MICI, l’hépatite auto-immune de type 1 et diverses pathologies rhumatoïdes. Les auto-Ac anti-HMGB-1/2 constituent l’une des cibles des a-ANCA puisqu’une préincubation des sérums avec un mélange d’HMGB-1/2 est capable de réduire ou d’empêcher la fixation des ANCA sur le PNN. Interprétation La recherche des ANCA ne se limite pas aux vascularites des petits vaisseaux, en conséquence, l’interprétation de l’IFI et le choix des examens complémentaires doit s’adapter au contexte clinique. Vascularites à antineutrophil cytoplasmic antibodies Dans un contexte de diagnostic, l’IFI sur cellules fixées à l’éthanol constitue la première étape du diagnostic suivi de la caractérisation des cibles et en particulier de la PR3 qui s’associe avec un aspect c-ANCA et de la MPO qui est plus fréquemment rencontrée devant un aspect p-ANCA. Ainsi, une double positivité c-ANCA/PR3+ ou p-ANCA/MPO+ s’accompagne d’une spécificité remarquable pour ce test (> 99 %) quelle que soit la population témoin (sain ou malade) retenue. La contrepartie de cette excellente spécificité est une perte notable de la sensibilité du test (70 %). Plusieurs explications ont été avancées, tout d’abord il est possible de développer une vascularite de type GW sans que des auto-Ac de type ANCA ne soient retrouvés. Pour ces rares patients séronégatifs, c’est le résultat d’anatomopathologie qui sera déterminant. Ensuite, l’IFI peut être positive mais l’Elisa négative, c’est le plus souvent pour des raisons techniques (voir précédemment). Enfin, pour 1 à 5 % des patients, seul l’Elisa est positif, d’où l’intérêt d’utiliser à la fois l’IFI et l’Elisa anti-PR3 et anti-MPO en première intention pour le dépistage des vascularites à ANCA. Un patient sur deux avec une GW va récidiver, il est donc important d’utiliser les ANCA pour suivre ces patients [20]. Pour deux tiers des patients, le taux des ANCA est corrélé Y. Renaudineau et al. avec l’activité de la maladie. En conséquence, des variations importantes du taux d’ANCA (le risque de récidive est doublé à six mois en cas de forte augmentation), une réapparition ou la persistance des ANCA peuvent être utilisées comme signaux d’alarmes. Il est important de rappeler qu’en aucun cas, les ANCA doivent être utilisés seuls pour adapter le traitement puisque la corrélation entre le titre des ANCA et la clinique est imparfaite. À l’inverse, un ANCA négatif est bon indicateur pour considérer que la maladie est bien contrôlée. Pour ce suivi, l’Elisa est préférable à l’IFI, la première technique donnant des valeurs quantitatives alors que la seconde technique est semi-quantitative et dépendante du technicien qui effectue la mesure. Si l’Elisa est retenu, les bonnes pratiques de laboratoire invitent à tester le sérum en parallèle avec le sérum précédent du même patient conservé à −20 ◦ C. Glomérulonéphrites La positivité des ANCA au cours d’une glomérulonéphrite rapidement progressive (insuffisance rénale en quelques semaines) va permettre d’orienter le diagnostic vers une glomérulonéphrite nécrosante pauci-immune à ANCA (GW, polyangéite microscopique et maladie de Churg et Strauss). En effet, dans ce contexte, la valeur prédictive positive (VPP) des ANCA/PR3+ est de 100 % avec une valeur prédictive négative (VPN) de 82 % [21], alors que ces valeurs sont respectivement de 90 et 71 % pour l’IFI seule. Les formes les plus sévères associent un taux d’anti-PR3 élevé, une créatinémie élevée et une réduction des plaquettes. En situation d’urgence, la thérapeutique pourra être initiée devant la seule positivité des ANCA (IFI et Elisa) mais la preuve histologique devra être rapidement apportée. En effet, la biopsie rénale demeure indispensable pour confirmer le diagnostic, adapter le traitement et pour des raisons pronostiques. Syndrome pneumorénal de Goodpasture La détection des ANCA au cours du syndrome de Goodpasture (SGP) à antiMBG présente un intérêt prédictif. En effet, en plus du syndrome pneumorénal classique du SGP des signes cliniques systémiques (fièvres, myalgies, arthrites, signes cutanés) et des lésions de vascularites peuvent être retrouvées conjointement aux ANCA. Les auto-Ac sont retrouvés chez 5—40 % des patients ayant des auto-Ac anti-MBG. Les ANCA sont dans deux tiers des cas de type p-ANCA/MPO+ et c-ANCA/PR3+ pour le tiers restant. Les ANCA peuvent être détectés au début de la maladie, apparaître au cours de l’évolution, voire après la disparition des anti-MBG. La réponse au traitement des formes rénales serait plus favorable en présence d’ANCA. Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin Le diagnostic des MICI est souvent difficile et se fait en plusieurs étapes. Tout d’abord, il faut distinguer les MICI des autres pathologies digestives qu’elles soient infectieuses ou non. Ensuite, il est important de différencier la MC de la RCH puisque l’évolution et la thérapeutique vont différer entre Les ANCA en pratique médicale courante 33 Tableau 4 Place des antineutrophil cytoplasmic antibodies dans les maladies inflammatoires du tube digestif (MICI) [22]. ANCA a-ANCA ASCA Anti-LF Maladie de Crohn (%) Rectocolite hémorragique (%) Autres colites (%) 31 7 23 77 50 30 0 60 13 0 0 33 [5] [6] [7] [8] ces deux pathologies. La dichotomie s’effectue sur un faisceau d’arguments cliniques, endoscopiques, histologiques et biologiques. Pour la biologie (Tableau 4), la RCH est associée avec la présence d’ANCA le plus souvent de type p-ANCA atypique pour 30 % des patients contre 7 % s’il s’agit d’une MC [22]. À l’inverse, la mise en évidence d’Ac antisaccharomyces cerevisiae (ASCA) permet d’orienter le diagnostic vers un MC car ils sont présents chez certains patients et absents au cours d’une RCH. La détection des ANCA au cours d’une MICI n’est pas associée avec l’activité de la maladie. Conclusion [9] [10] [11] Depuis leurs découvertes, les ANCA constituent l’une des grandes avancées de l’immunologie clinique. Mais cet examen a été victime de son succès ce qui fait que le biologiste et le clinicien peuvent être confrontés dans certains cas à des difficultés d’interprétations. Difficultés qui imposent une meilleur collaboration clinicien-biologiste, et la mise en place de nouveaux examens qui peuvent se révéler précieux en situation clinique soit pour conforter un diagnostic, soit pour éviter une mauvaise interprétation clinique. [12] [13] [14] Conflit d’intérêt Aucun. Remerciements Les auteurs remercient Simone Forest et Geneviève Michel pour l’aide apportée à la rédaction de cet article, ainsi qu’Annie Peron et Christine Calvez pour la préparation des lames destinées à la réalisation des images. [15] [16] [17] Références [1] Davies DJ, Moran JE, Niall JF, Ryan GB. Segmental necrotising glomerulonephritis with antineutrophil antibody: possible arbovirus aetiology? Br Med J 1982;285:606. [2] van der Woude FJ, Rasmussen N, Lobatto S, Wiik A, Permin H, van Es LA, et al. Autoantibodies against neutrophils and monocytes: tool for diagnosis and marker of disease activity in Wegener’s granulomatosis. Lancet 1985;1:425—9. [3] Renaudineau Y, Le Meur Y. 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