La dénutrition est l`affaire de tous

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La dénutrition est l`affaire de tous
Prévention
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K r a n k e n p f l e g e I S o i n s i n f i r m i e r s I C u r e i n f e r m i e r i s t i c h e 5/2015
Projet multidisciplinaire pour les soins à domicile
La dénutrition est l’affaire
de tous
La dénutrition représente un risque élevé pour les personnes âgées et touche une part relativement importante des clients des services de soins à domicile. A Genève, un projet impliquant les
différents acteurs concernés a permis une meilleure prise en charge des personnes à risque.
Texte: Catherine Busnel et coll. / Photo: Martin Glauser
Imad (Institution genevoise de maintien
à domicile) délivre des prestations d’aide,
de soins et d’accompagnement social et
de répit favorisant le maintien à domicile
des personnes et permettant de préserver
leur autonomie. Ces prestations sont réalisées à domicile, dans les antennes de
maintien à domicile (AMD), en collaboration avec le client, le médecin traitant,
la famille et les proches aidants.
S’alimenter est un acte vital et quotidien
qui peut avoir par excès ou par défaut des
conséquences graves. Chez la personne
âgée, la dénutrition durable peut entraîner une «spirale de la dénutrition».
Ainsi 7 à 8%1 des personnes âgées dépendantes en Europe, sont touchées par la
dénutrition. En Suisse, la prévalence est
de 4 à 10% pour les personnes âgées vivant à domicile.
Itinéraire clinique spécifique
Soucieuse de pouvoir améliorer la prise
en soin des clients recevant des soins et
chez lesquels la problématique de la dénutrition ou du risque de dénutrition
pouvait être présent, imad a innové en
expérimentant la mise en place d’un
itinéraire clinique spécifique auprès de
quatre équipes de maintien à domicile.
Dénutrition de la personne âgée: épidémiologie
et conséquences. A. Raynaud- Simon. Dans
Traité de nutrition de la personne âgée. Nourrir
l’Homme malade. Coordonné par X. Hébuterne,
E. Alix, A. Raynaud-Simon, B. Vellas. Ed. Springer, 2009, pp. 165–174.
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Poster: Dénutrition de la personne âgée: attitudes des collaborateurs de l’institution genevoise
de maintien à domicile. Heds.imad. R. Reinert,
C. Maupetit, C. Pasche-Zermatten, S. ChappuisDeforel, F. Dudley-Martin, E. Gouabault, C. Busnel.
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Chaque collaborateur a un rôle
à jouer face à la dénutrition.
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Première étape: partenariat
Pour ce faire, imad a créé une nouvelle
dynamique en partenariat avec le Dr. A
Trombetti (HUG Trois-Chêne), en s’appuyant sur son expérience en la matière et
intégrant comme outil clinique le MNA-SF
(Mini Nutritional Assessment Short Form)
et la déclinaison des suivis spécifiques. De
plus, une étude2 sur les attitudes des collaborateurs d’imad vis-à-vis de la personne âgée dénutrie à domicile a été réalisée
avec la collaboration de la Haute école de
santé de Genève (HEdS), filière Nutrition
et diététique. Les résultats obtenus ont
permis de mettre en évidence six axes faisant partie des attitudes et prédisposant
les collaborateurs de l’aide et des soins
à mobiliser des actions dans certaines circonstances de prise en charge.
Deuxième étape: pédagogie de
proximité et complémentarité
Modifier le comportement des soignants
et améliorer les prises en soins passe par
un travail de sensibilisation et de formation spécifique avec une équipe de formateurs complémentaires (infirmier/ère
spécialiste clinique, diététicienne et ergothérapeute). La stratégie de formation a
été de fédérer les collaborateurs de l’aide
et des soins en se basant sur leurs représentations au sujet de la problématique
de la dénutrition, en créant une dynamique de prise en charge globale et spécifique pluridisciplinaire, en intégrant les
observations apportées par l’ensemble
des acteurs de ce projet et en évaluant cliniquement les clients sur une année.
Troisième étape: monitoring
Un premier état des lieux a été établi au
regard des données issues de l’évaluation
globale avec l’outil RAI-HC (Resident
Assessment Instrument Home-Care) des
personnes recevant des soins par imad.
Les auteurs
Catherine Busnel responsable des
pratiques professionnelles, cheffe de
projet; Laura Mastromauro infirmière
spécialiste clinique; Stéphanie Chochoy infirmière spécialiste clinique;
Christine Dujoux infirmière spécialiste clinique; Marie-Josée Walter
infirmière spécialiste clinique; Tamara
Del-Tatto diététicienne.
Toutes les auteures sont collaboratrices de imad. Contact: Catherine.
[email protected]
Cette évaluation a été complétée par une
évaluation clinique plus spécifique avec
le MNA-SF.
Quelles actions possibles?
Les actions spécifiques proposées aux
équipes se sont basées sur les actions
mises en œuvre par le Dr. A Trombetti
selon les 3 résultats possibles du MNA
SF. Elles ont été étoffées par des actions
spécifiques au domicile et incluent les
spécificités interdisciplinaires (infirmières, diététiciennes et ergothérapeutes).
• Pour les personnes identifiées à bas
risque (MNA SF supérieur à 12) le premier volet comporte essentiellement des
actions de prévention et d’information.
• Pour les personnes à risque (MNA SF
entre 11 et 8), l’enjeu principal est d’éviter un glissement vers une dénutrition
avérée. Ainsi ce deuxième volet propose une palette élargie de toutes les actions possibles en termes de prévention,
soutien, éducation et thérapeutique.
• Pour les personnes présentant une dénutrition avérée (MNA SF inférieur ou
égal à 7), le troisième volet propose des
actions curatives, éducatives adaptées
au contexte de la personne dénutrie et
des proches aidants.
Tous les acteurs de l’aide et des soins ont
un rôle actif face à la problématique de la
dénutrition. Aussi, il a été proposé également un quatrième volet s’adressant aux
différentes fonctions de l’aide et des soins
telles que les aides à domicile, les aides en
soins, les aides familiales et assistantes en
soins et santé communautaires. Ce quatrième volet propose des actions de proximité dans le domaine de la prévention et
de l’accompagnement en fonction des
compétences professionnelles de chacun.
De manière à renforcer ce dispositif, imad
a élaboré, par le service des pratiques professionnelles, des supports et documents
cliniques à l’attention de tous ses professionnels. Deux recommandations cliniques «Malade chronique: partenariat,
prise en soins et attitudes thérapeutiques
à domicile» et «Dénutrition: évaluation,
dépistage, prévention et prise en soins»
entre autres permettent aux professionnels de mobiliser de nouvelles connaissances, d’autres ressources et d’adapter
les prises en soins de leurs patients.
Partenariat de proximité
Créer une nouvelle dynamique au service des personnes âgées dénutries ou à
risque demande de modifier en premier
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Résultats
Des scores améliorés
Les éléments obtenus dans le suivi de
cette cohorte de 473 clients au moyen
d’analyse des données (RAI-HC, MNA
SF) font ressortir les éléments suivants:
• La répartition des personnes âgées au
regard de l’IMC évolue en fonction de
leur avancée en âge: plus les clients
sont âgés, plus leur IMC est bas.
• L’avancement en âge semble être un
facteur favorisant de la dénutrition.
• Les alarmes (RAI-HC) les plus déclenchées associées à la problématique de
la dénutrition sont les alarmes chutes
et douleurs.
• Ces clients âgés et dénutris ou à
risque (avec un IMC<21) ont en
moyenne plus d’alarmes du RAI-HC
déclenchées que les autres clients,
quel que soit leur âge et quel que soit
leur IMC (+1).
• Avec l’utilisation du MNA SF, nous
avons pu identifier que 41% des
clients étaient à risque ou dénutris,
doublant le chiffre obtenu avec le seul
critère de l’IMC issu du RAI-HC.
Le suivi des personnes soignées sur une
année a permis de mettre en avant une
cohorte plus importante de personnes à
risque ou dénutries (soit près de 41%).
Ainsi entre le temps 0 (T1) et à 3 mois
(T2), le suivi de ces personnes a établi
que près 60% des clients ont stabilisé voire amélioré leur score de MNA SF à T2.
lieu le regard des soignants et de potentialiser les actions mises en œuvre par
chaque professionnel au service de la
personne âgée dénutrie ou à risque.
Imad a fait le pari que développer un
partenariat de proximité, former collectivement ses collaborateurs, évaluer
globalement et spécifiquement les personnes âgées sous le regard de la dénutrition et proposer des actions simples et
complémentaires permet une meilleure
prise de conscience collective et une
amélioration des prises en soin.
La dénutrition représente un risque élevé pour les personnes âgées. Par conséquent, la complémentarité des compétences constitue notre richesse face à la
dénutrition.
La dénutrition n’est pas qu’une affaire
de poids mais l’affaire de tous.

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