Traitement antithrombotique : les nouvelles lignes directrices (cheST

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Traitement antithrombotique : les nouvelles lignes directrices (cheST
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Traitement antithrombotique :
les nouvelles lignes directrices
(CHEST 2012)
Les cliniciens attendaient impatiemment la mise à jour des lignes directrices du CHEST par le Collège américain de médecine thoracique (American
College of Chest Physician [ACCP]). Lors de la publication, en février 2012, de la neuvième édition d’Antithrombotic Therapy and Prevention of
Thrombosis (AT9)1, les cliniciens ont été surpris pour plusieurs raisons. Premièrement, plusieurs recommandations ont été rétrogradées, passant
de fortes à plus faibles2-4. Certaines recommandations sont controversées et semblent être à l’opposé de celles de l’édition précédente (AT8)5,6.
Pourquoi autant de changements ? Cet article résume les changements méthodologiques et cliniques majeurs entre AT8 et AT9.
Texte rédigé par Sébastien Dupuis, Pharm. D.,
candidat, M. Sc. Pharmacothérapie avancée,
résident en pharmacie, Centre universitaire
de santé McGill.
Texte original soumis le 18 juillet 2012.
Texte final remis le 6 août 2012.
Révision : David Williamson, M. Sc., BCPS,
professeur agrégé de clinique à la Faculté
de pharmacie, Université de Montréal, et à
l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal;
Christine Tremblay, MD, hémato-oncologue,
Hôpital de la Cité-de-la-Santé de Laval, et
Stéphanie Biron, B. Pharm.
Remerciements : J’aimerais remercier Marjorie
Friesen, pharmacienne au Centre universitaire de
santé McGill, pour m’avoir encouragé à publier
mon travail.
Pathophysiologie de la thrombose
Agrégation plaquettaire
Le processus physiologique derrière la formation
d’un thrombus plaquettaire débute par un dommage tissulaire sur le vaisseau sanguin (p. ex., bris
d’une plaque athérosclérotique)7. L’adhésion plaquettaire se produit lorsqu’au site du dommage
vasculaire, le facteur von Willebrand se lie au
complexe GPIb-IX-V des plaquettes et que le collagène se lie, quant à lui, aux récepteurs GPIV,
GPVI et à l’intégrine α2β1. Par la suite, cette adhésion permet l’activation plaquettaire qui se manifeste, entre autres, par une activation du récepteur GPIIb/IIIa 7. Ce récepteur, sous sa
conformation active, forme des liaisons avec le
fibrinogène circulant, ce qui facilite la liaison
entre les différentes plaquettes, phénomène
appelé « agrégation plaquettaire ». Les plaquettes
activées relâchent également de la thromboxane,
de la sérotonine et de l’adénosine diphosphate
(ADP), ce qui produira un effet de rétroaction
positive sur l’activation plaquettaire. De plus, l’activation des sous-types de récepteurs à l’ADP,
P2Y12 et P2Y1, est nécessaire afin de permettre
l’agrégation plaquettaire7.
Caillot de fibrine
Afin de stabiliser l’agrégat plaquettaire, la formation d’un caillot de fibrine est requise. Ce
caillot est un produit final de la cascade de la
coagulation, une chaîne de réactions impliquant des protéines de coagulation7. Deux
voies étaient auparavant identifiées dans la formation de la fibrine (voies intrinsèque et
extrinsèque); il est maintenant reconnu que la
voie extrinsèque contribue de façon plus
importante à la cascade de coagulation, alors
que la voie intrinsèque contribue à l’amplification du phénomène. Le tout débute par une
exposition du facteur tissulaire (au site du
dommage vasculaire) au facteur VIIa. Ce complexe permet ensuite d’activer le facteur X. Le
facteur Xa, à l’aide du cofacteur Va, permettra
la conversion de la prothrombine en thrombine (facteur IIa). Enfin, la thrombine assure la
conversion du fibrinogène en fibrine insoluble,
permettant ainsi de stabiliser davantage le
caillot plaquettaire. La thrombine exerce également un effet d’amplification sur la cascade
de coagulation et sur l’activation plaquettaire7.
Tableau I
Évaluation du risque de thromboembolie veineuse chez des patients médicaux27
Caractéristiques des patients
Pointage
Cancer actif*
3
Antécédent de TEV (sauf thrombophlébite superficielle)
3
Immobilité§
3
Problème thrombophilique connu¶
3
Trauma et/ou chirurgie récents (≤ 1 mois)
2
Âge avancé (≥ 70 ans)
1
Insuffisance cardiaque et/ou respiratoire
1
Infarctus du myocarde aigu ou accident vasculaire cérébral
1
Infection aiguë et/ou désordre rhumatologique
1
Obésité (IMC ≥ 30)
1
Traitement de remplacement hormonal actif
1
Adapté de Barbar et coll.27 TEV : thromboembolie veineuse; IMC : indice de masse corporelle. Il existe un risque élevé de TEV lorsque le pointage est d’au moins 4.
* Avec métastases ou réception de chimiothérapie ou de radiothérapie dans les six derniers mois. § Avec repos au lit (privilèges de salle de bain) pendant au moins trois jours.
¶ Porteur de défectuosités de l’antithrombine, des protéines C ou S ou du facteur V Leiden, mutation G20210A de la prothrombine ou syndrome antiphospholipide.
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Québec Pharmacie vol. 59 n° 5 septembre 2012
Traitement antithrombotique : les nouvelles lignes directrices (CHEST 2012)
Facteurs de risque de thrombose
De façon générale, une thrombose au niveau
artériel se manifeste à la suite d’une maladie
coronarienne, généralement causée par l’apparition d’une plaque athérosclérotique. Les facteurs
de risque contribuant à la maladie coronarienne
sont la dyslipidémie, l’hypertension, le diabète,
l’obésité, la sédentarité et le tabagisme. La rupture d’une plaque athérosclérotique peut se
manifester par un événement cardiovasculaire,
comme un syndrome coronarien aigu (SCA) ou
un accident vasculaire cérébral (AVC)8.
Au niveau veineux, une interaction entre trois
facteurs contribue à la formation d’un thrombus, aussi connu sous le nom de « triade de
Virchow » : la stase veineuse, l’état d’hypercoagulabilité, ainsi que le dommage à la paroi d’un
vaisseau sanguin9. Les principaux facteurs de
risque sont présentés au tableau I. Par exemple,
l’immobilisation prolongée illustre bien l’état de
stase veineuse, alors qu’un cancer actif entraîne
un état d’hypercoagulabilité et qu’une chirurgie
peut provoquer un dommage vasculaire.
patients ou les valeurs de la société13. Dans le but
d’obtenir une recommandation forte, au moins
80 % des votes obtenus doivent appuyer une
recommandation forte qui serait cotée ainsi3. Les
recommandations fortes utilisent le terme
« recommander », alors que les recommandations faibles utilisent le terme « suggérer ».
Gestion des conflits d’intérêts
Dans la nouvelle édition de ces lignes directrices, il existe trois différences majeures dans la
gestion des conflits d’intérêts3,14. Premièrement,
en plus des conflits d’intérêts financiers, les
conflits d’intérêts intellectuels sont également
considérés. Ces derniers sont le fait d’une personne pouvant afficher son adhésion à une certaine opinion à la suite d’un travail de recherche.
Deuxièmement, dans les éditions précédentes,
l’éditeur en chef d’un chapitre était aussi un
expert dans le domaine. Cette expertise était
souvent accompagnée d’importants conflits
d’intérêts potentiels et a donc influencé l’évaluation de la qualité de la preuve4. Pour la première
fois dans AT9, les éditeurs de chapitre étaient des
Pratique fondée sur les preuves :
experts en méthodologie3. Troisièmement,
changements méthodologiques
lorsqu’un intervenant avait un conflit d’intérêts
Des changements méthodologiques importants potentiel dans le cas d’une recommandation
ont été effectués dans l’élaboration d’AT9. En spécifique, il était exclu du processus de vote
effet, les auteurs souhaitaient avoir un processus pour cette recommandation particulière3,14.
plus rigoureux, explicite et transparent afin
d’obtenir des recommandations plus pertinen- Évaluation de la qualité
de la preuve et des résultats
tes et moins biaisées3.
L’application des critères GRADE a été utilisée de
Rappel : qualité de la preuve
façon plus rigoureuse3. De plus, des tableaux résuet force d’une recommandation
mant la qualité de la preuve (Evidence Profile) et les
Depuis 2001, les lignes directrices du CHEST uti- trouvailles (Summary of Findings) ont été produits
lisent le système GRADE (Grading of Recommen- dans chaque chapitre. Les effets relatifs et absolus
dations Assessment, Development and Evaluation) des traitements sont résumés dans ces tableaux.
pour évaluer la qualité de la preuve3,10. Ce système Les membres du comité ont donné plus de poids
évalue la qualité de la preuve à l’aide de critères aux événements thromboemboliques symptoexplicites, ce qui permet ensuite de lui accorder un matiques qu’à ceux qui étaient asymptomatiques.
pointage. Les études randomisées contrôlées En effet, une thrombose asymptomatique est une
débutent d’emblée par un meilleur pointage que variable intermédiaire et évaluer le bénéfice net
les études observationnelles. Le pointage peut être d’un traitement anticoagulant pour cette variable
diminué par les risques de biais dans une étude représente un défi pour les cliniciens15. L’analyse
(p. ex., masquage inadéquat), le biais de publica- du risque de saignement a été évaluée de façon
tion, ainsi que l’inconsistance, l’imprécision et consistante dans chacun des chapitres3.
l’effet indirect des effets estimés. Il peut être amélioré lorsqu’on retrouve un effet de traitement très Valeurs et préférences des patients
important, un effet dose-réponse ou si tous les Puisque, dans plusieurs situations, les bénéfices
biais résiduels augmentent la confiance obtenue d’un traitement ne surpassent pas clairement les
en l’effet estimé11,12. L’ACCP a légèrement modifié risques, d’autres valeurs doivent être prises en
le système GRADE, et la qualité de la preuve dans considération. Les valeurs et les préférences des
AT9 est notée comme élevée (grade A), modérée patients peuvent jouer un rôle dans le processus de
(grade B), ou faible à très faible (grade C)3.
décision en faveur d’une recommandation et
La force d’une recommandation est fondée sur devaient ainsi être incluses dans tous les chapitres
la confiance que les auteurs ont envers l’effet afin d’aider à formuler les recommandations. Les
estimé13. Une recommandation forte (grade 1) auteurs ont effectué une revue systématique évasignifie qu’elle peut s’appliquer à la plupart des luant les valeurs et les préférences des patients chez
patients, tandis qu’une recommandation faible qui une thérapie antithrombotique était envisa(grade 2) signifie que la meilleure intervention gée3,16. Cette revue a permis d’avoir recours à un
peut différer selon les circonstances cliniques, les jugement plus explicite et quantitatif pour la sélecwww.professionsante.ca
tion de la meilleure option de traitement. Par
exemple, les patients tendent à donner un score de
« désutilité » plus élevé à un AVC qu’à un saignement gastro-intestinal (la désutilité vient du terme
anglais « disutility » et se définit comme « la charge
ou les résultats négatifs associés à un état de santé
particulier »)16. Cette revue a révélé une grande
variabilité dans les préférences des patients3,16. Le
groupe GRADE mentionne que plus la variabilité
dans les valeurs et les préférences est importante,
plus le niveau de recommandation risque d’être
faible13. Les résultats de cette revue systématique
sont inclus dans un chapitre séparé, en plus d’être
présents dans différentes sections des chapitres où
les valeurs et préférences sont nécessaires pour
formuler les recommandations3,16.
Ajout de cliniciens de première ligne
et d’experts en pharmacoéconomie
Une nouvelle caractéristique d’AT9 consiste à
inclure des cliniciens de première ligne dans le
processus de décision. Ces cliniciens ne sont ni des
experts en thrombose ou en méthodologie, ni des
investigateurs. Ils ont été ajoutés pour fournir un
questionnement clinique de la réalité, en plus
d’évaluer la généralisation et la faisabilité de l’implantation des lignes directrices en pratique3. Des
évaluations pharmacoéconomiques ont également été effectuées ou analysées lorsque nécessaire
dans certaines situations cliniques. Elles ont joué
un rôle dans quelques recommandations, bien que
cet aspect ne diffère pas beaucoup d’AT83,4.
Changements dans le contenu
L’édition actuelle des lignes directrices est uniquement disponible en format électronique
(www.chestpubs.org, onglet Guidelines). Une
version papier existe seulement pour l’introduction, le sommaire exécutif et la méthodologie.
Tous les chapitres contiennent des tableaux résumés, ce qui permet au lecteur de naviguer plus
facilement à travers les documents pour découvrir les preuves derrière les recommandations1.
Les chapitres sont également divisés différemment. Un nouveau chapitre sur le diagnostic de
la thrombose veineuse profonde (TVP) a été
inclus17. La prévention de la thrombose est discutée dans trois chapitres différents (chirurgie
orthopédique, chirurgie non orthopédique et
patients non chirurgicaux) plutôt que dans un
chapitre unique18-20. Discerner les différentes
recommandations au travers de ces trois populations distinctes devient plus facile en séparant
ces chapitres. Enfin, les deux chapitres sur les
syndromes coronariens aigus (SCA) ont été
retirés de l’édition actuelle, bien que la prévention primaire et secondaire de la maladie cardiaque athérosclérotique soit toujours présente21. Le fait que d’autres associations couvrent
ce sujet peut expliquer en partie ce changement,
même si aucune raison claire n’a été mentionnée
dans AT9.
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Les changements et les nouvelles divisions de
ces lignes directrices permettront d’effectuer des
mises à jour du contenu plus fréquentes. Le processus d’écriture des lignes directrices était pratiquement terminé un an avant la publication; le
temps requis pour effectuer une mise à jour de
toutes les lignes directrices en entier est également très long. Le comité exécutif a ainsi planifié
d’effectuer des mises à jour annuelles de chapitres spécifiques lorsque requis, par exemple si de
nouvelles données importantes sont publiées3.
Où trouver l’information pour
les patients atteints de cancer ?
Dans AT9, il n’y a toujours pas de chapitre spécifique pour les patients atteints de cancer. Les
recommandations pour ces patients sont incluses
dans les différentes sections du chapitre sur la prévention des thromboembolies veineuses (TEV)
chez les patients en chirurgie non orthopédique,
en plus du chapitre qui concerne le traitement des
TEV22. Par exemple, dans le chapitre sur la prévention des TEV en chirurgie non orthopédique, on
peut trouver différentes recommandations pour
ces patients dans les sections « chirurgie thoracique » ou « craniotomie », parmi d’autres19. L’information sur la prévention des TEV chez les patients
avec cancer actif, hospitalisés ou ambulatoires,
figure dans le chapitre discutant de la thromboprophylaxie chez les patients médicaux18.
Faits saillants cliniques:
l’aspirine en prévention primaire
pour les plus de 50 ans ?
Ce sujet est probablement le fait saillant le plus
marquant et le plus controversé d’AT9. En effet,
AT8 recommandait de considérer une prévention
primaire chez les personnes avec au minimum un
risque d’événement cardiovasculaire modéré, ce
qui correspond à un risque d’événement cardiaque en 10 ans de plus de 10 %23. Cependant, cette
recommandation a changé. On suggère maintenant que toute personne de plus de 50 ans, sans
maladie cardiovasculaire active, prenne de l’aspirine à faible dose par rapport à aucune aspirine
(grade 2B)21. Cette recommandation faible provient de méta-analyses d’études de grande envergure en prévention primaire. Lorsque combinés,
les effets absolus de l’aspirine sont modestement
significatifs, alors qu’elle réduit la mortalité de
6 par 1000 patients (IC 95 % de 0 à 12 par 1000)21.
Les effets sur l’incidence d’infarctus du myocarde
(IM) non fatal sont aussi contrebalancés par le risque de saignement extracrânien majeur, avec des
risques et des bénéfices qui augmentent proportionnellement au risque cardiovasculaire (plus le
risque cardiovasculaire est élevé, plus le risque de
saignement est grand, tout en réduisant le nombre
d’infarctus). De plus, la recommandation de
l’ACCP s’applique aux différents niveaux de risque cardiovasculaire et à tout autre sous-groupe
(p. ex., le diabète). Ainsi, le choix de traitement est
principalement fondé sur les valeurs et les préférences des patients individuels; un patient qui
craint un IM est plus susceptible de vouloir prendre de l’aspirine; cependant, un patient qui n’aime
pas prendre des pilules est moins susceptible de
choisir d’en prendre21. De façon intéressante, les
nouvelles données indiquent que l’effet modeste
observé sur la mortalité lors d’un usage en prévention primaire serait principalement attribuable à
la prévention de la mortalité causée par des cancers. Une récente méta-analyse publiée après la
sortie d’AT9 a également détecté un bénéfice
quant à la mortalité de cause cancéreuse et non
vasculaire grâce à la prise d’aspirine de façon préventive24. Cette recommandation est toutefois
difficile à interpréter et demeure difficilement
applicable, car elle va dans le sens opposé des tendances de la pratique clinique des dernières
années. Par exemple, les lignes directrices de la
Société canadienne de cardiologie et de l’American College of Cardiology /American Heart
Association ne recommandent l’aspirine en prévention primaire que chez les patients considérés
comme à haut risque de maladie coronarienne25.
Il faudra donc suivre la sortie des éditions des
lignes directrices des autres sociétés spécialisées
en cardiologie dans les prochaines années pour
déterminer si la pratique actuelle devrait être
changée.
Aspirine en thromboprophylaxie
à la suite d’une chirurgie
orthopédique ?
L’aspirine est maintenant une option envisageable
dans la prévention des TEV chez les patients ayant
subi un remplacement total de la hanche ou du
genou (RTH et RTG, respectivement) ou à la suite
d’une chirurgie pour une fracture de la hanche
(CFH) (grade 1B)20. Les auteurs ont évalué de
façon plus rigoureuse la preuve scientifique dans
l’essai clinique Pulmonary Embolism Prevention
(PEP), étude publiée en 2000 qui incluait plus de
17 000 patients et comparait l’aspirine 160 mg une
fois par jour à un placebo à la suite d’un RTH, d’un
RTG ou d’une CFH26. Ils ont jugé que l’étude avait
une qualité de preuve modérée afin de recommander l’aspirine comme option de traitement
par rapport à aucune prophylaxie, bien que les
résultats de l’essai aient été considérés comme
imprécis. L’aspirine a modestement réduit l’incidence de TVP de 8 par 1000 patients (NNT =
125), sans toutefois avoir un impact significatif sur
la prévention d’embolies pulmonaires (EP) non
fatales, les saignements majeurs ou la mortalité de
toutes causes20. Néanmoins, les lignes directrices
favorisent encore l’utilisation des héparines de faible poids moléculaire (HFPM) par rapport à l’aspirine (grade 2C), en raison d’une plus grande
diminution relative des TVP symptomatiques
dans les essais des HFPM versus placebo; seules
des études de très faible qualité ont évalué l’usage
de l’aspirine (à des doses variant entre 325 et 650
mg deux fois par jour) versus les HFPM20. Ainsi,
l’aspirine est plutôt considérée comme une option
de rechange aux HFPM ou aux autres anticoagulants, et il sera improbable en pratique d’avoir une
prescription d’aspirine pour cette indication.
Tableau II
Facteurs de risque indépendants de saignement chez des patients médicaux
Facteur de risque
Saignement gastro-intestinal actif
Saignement dans les trois mois précédant l’admission
Décompte plaquettaire < 50 x 109 / L
Âge > 85 ans (par rapport à < 40 ans)
Insuffisance hépatique (RNI > 1,5)
Insuffisance rénale grave (DFG < 30 ml/min/m2, par rapport à > 60)
Admission aux soins intensifs ou unité coronarienne
Cathéter d’une veine centrale
Maladie rhumatologique
Cancer actif
Homme (par rapport à femme)
Adapté de Decousus, et coll.28; RC : rapport de cotes (Odds ratio); RNI : Ratio normalisé international;
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RC (IC 95 %)
4,14 (2,21 - 7,77)
3,64 (2,21 - 5,99)
3,37 (1,84 - 6,18)
2,96 (1,43 - 6,15)
2,18 (1,10 - 4,33)
2,14 (1,44 - 3,20)
2,10 (1,42 - 3,10)
1,85 (1,18 - 2,90)
1,78 (1,09 - 2,89)
1,78 (1,20 - 2,63)
1,48 (1,10 - 1,99)
DFG : Débit de filtration glomérulaire
Traitement antithrombotique : les nouvelles lignes directrices (CHEST 2012)
Supériorité des HFPM par rapport
au rivaroxaban à la suite
d’une chirurgie orthopédique ?
AT9 suggère également d’utiliser les HFPM plutôt que le rivaroxaban (XareltoMD) après un RTH
ou un RTG, recommandation qui se base sur un
risque de saignement possiblement accru avec le
rivaroxaban (grade 2B)20. En effet, l’évaluation
des saignements dans les essais RECORD 1 et 2
était quelque peu biaisée. La mise en commun
des données des études illustre une forte tendance du rivaroxaban, par rapport aux HFPM, à
augmenter le risque de saignement requérant une
nouvelle opération (RR 2,03; IC 95 % 0,86-4,83)
ou les saignements majeurs non fatals (RR 1,58;
IC 95 % 0,84-2,97), bien que les données suggèrent que le rivaroxaban ait une meilleure efficacité pour réduire les TVP symptomatiques (RR
0,41; IC 95 % 0,20-0,83). La combinaison des
effets absolus d’efficacité et d’innocuité favorise
les HFPM20. Notons que les auteurs préfèrent les
HFPM à toutes les autres solutions existantes en
raison des risques de saignement plus élevés avec
certains traitements (fondaparinux [ArixtraMD],
warfarine [CoumadinMD]), d’une efficacité inférieure avec d’autres (aspirine et héparine non
fractionnée) et du manque de données sur l’innocuité des nouveaux anticoagulants dabigatran
(PradaxMD) et apixaban (EliquisMD)20.
que d’un traitement et les auteurs recommandent
de ne pas utiliser de thromboprophylaxie de façon
routinière (grade 1B). La réduction absolue des
TVP symptomatiques chez les patients à faible risque est seulement de 1 par 1000 patients, contre 34
par 1000 patients si le risque de TEV est élevé18.
L’administration d’une thromboprophylaxie ne
change pas significativement le risque de saignement18. Notons qu’aucune recommandation n’a
été faite pour les nouveaux agents (p. ex., le rivaroxaban) en raison des changements majeurs
effectués dans ce chapitre; les études de ces nouveaux agents ont également été publiées après la
rédaction de la version finale des lignes directrices. Bien que l’outil de Padua puisse classifier efficacement le risque de TEV chez les patients, il est
difficilement implantable dans une unité de soins,
car le calcul du risque et la stratification des
patients demandent un certain temps aux cliniciens et ne sont pas très conviviaux. L’implantation dans une unité de soins demanderait également que ce score soit calculé de façon
systématique chez tous les patients. De plus, il n’a
été validé que dans une seule étude jusqu’à présent. Ainsi, dans les unités de médecine interne
n’utilisant pas ce score, le faible risque de saignement associé à l’administration d’une thromboprophylaxie pourrait en favoriser une utilisation
routinière plutôt qu’une sous-utilisation.
Trop de patients médicaux recevant
une thromboprophylaxie ?
Nouvel acteur : le ticagrelor
supérieur au clopidogrel à la suite
Les recommandations provenant de l’édition pré- d’un syndrome coronarien aigu ?
cédente mentionnaient que tout patient médical
présentant un facteur de risque de TEV devrait
recevoir une thromboprophylaxie par des anticoagulants ou des dispositifs mécaniques s’il existait une contre-indication à un anticoagulant
(grade 1A)6. AT9 recommande l’utilisation du
pointage de prédiction de Padua afin de classer les
patients en deux catégories : faible ou haut risque
de TEV27. Un haut risque de TEV correspond à un
pointage d’au moins quatre points. Un cancer
actif, un antécédent de TEV, une immobilisation
et un problème thrombophilique connu valent
chacun trois points27. Les autres facteurs de risque
sont présentés au tableau I. Le risque de saignement doit aussi être évalué; un saignement gastrointestinal actif, un antécédent de saignement dans
les trois derniers mois avant l’admission et un
décompte plaquettaire de moins de 50 x 109/L
constituent les facteurs prédictifs indépendants
les plus importants de la survenue d’un saignement pendant l’admission28. Les patients considérés comme à risque élevé de saignement sont ceux
qui présentent les facteurs mentionnés précédemment ou une combinaison d’autres facteurs de risque, tous présentés au tableau II. Les nouvelles
recommandations sont équivalentes chez les
patients à haut risque de TEV (grade 1B)18. Cependant, chez les patients à faible risque, l’incidence
de TEV est trop faible pour obtenir l’effet bénéfiwww.professionsante.ca
Le ticagrelor (BrilintaMD), un nouvel inhibiteur
réversible du P2Y12, a été ajouté à la liste des médicaments de la RAMQ en 2012 et est indiqué lors
de SCA, en association avec de l’aspirine, pour
une période de 12 mois29. Il a été comparé au clopidogrel (PlavixMD) pour la prévention secondaire
des SCA dans l’étude PLATO. Les deux agents
étaient utilisés en association avec de l’aspirine à
faible dose. Cette étude randomisée, multicentrique, contrôlée, à double aveugle et à double placebo incluait plus de 18 000 patients30. Le ticagrelor a diminué de façon significative la mortalité de
cause vasculaire, entraînant une diminution de
10 décès par 1000 patients traités, comparativement au clopidogrel (IC 95 %, de 4 à 15 décès de
moins par 1000 patients)21. La mortalité de cause
vasculaire comprend principalement les morts
causées par des événements cardiovasculaires ou
vasculaires cérébraux, ou par un saignement30. Le
risque d’AVC, autant ischémique qu’hémorragique, ne différait pas de manière significative entre
les deux antiplaquettaires. Cependant, le risque de
saignement extracrânien était marginalement
plus élevé avec le ticagrelor, avec six épisodes de
saignement de plus par 1000 patients traités, comparativement au clopidogrel21. En plus de recommander une double thérapie antiplaquettaire
pendant la première année suivant un SCA (grade
1B), AT9 suggère d’utiliser le ticagrelor plutôt que
le clopidogrel, que les patients aient subi ou non
une intervention coronarienne percutanée avec
pose d’une endoprothèse vasculaire (grade 2B)21.
Durée optimale de traitement
d’anticoagulation à la suite
d’une TEV idiopathique Dans l’édition courante, il est moins clair si l’on
doit traiter les patients pendant plus de trois mois
à la suite d’une TEV non provoquée (ou idiopathique). Dans AT8, le traitement anticoagulant
pour un premier épisode de TEV idiopathique
(TVP ou EP) était recommandé pour une durée
indéfinie si le risque de saignement était jugé faible et qu’un suivi de la thérapie était envisageable
(grade 1A)31. Dans AT9, pour une première TEV
non provoquée, les recommandations indiquent
de traiter pendant au moins trois mois (grade 1B).
Ensuite, en fonction du risque de saignement, les
recommandations diffèrent quant à la poursuite
du traitement. Il existe une différence majeure
dans les recommandations des deux éditions
quant à la durée de traitement après un deuxième
épisode de TEV non provoquée. En effet, dans
AT8, un traitement à long terme était recommandé sans égard au risque de saignement (grade
1A), tandis que dans AT9 les recommandations
pour ce deuxième épisode sont similaires à celles
d’un premier épisode31. Par exemple, AT9 préfère
que la durée de traitement chez les patients à haut
risque de saignement soit de trois mois plutôt
qu’une durée plus longue22. Il devient donc
important d’évaluer périodiquement le risque de
saignement d’un patient qui reçoit un traitement
à long terme pour une TEV idiopathique. Les
tableaux III et IV présentent les facteurs de risque de saignement d’un patient recevant une
anticoagulothérapie et la façon de catégoriser ce
risque (faible, modéré ou élevé). Un tableau sommaire dans le chapitre oppose les risques de
récurrence d’une TEV aux risques de saignement
majeur (incluant des épisodes fatals ou non
fatals); il illustre les contreparties au fait de continuer ou non l’anticoagulation selon différentes
situations22.
Thrombolyse dirigée
par cathéter pour une TVP aiguë :
retour dans le temps ?
La thrombolyse dirigée par cathéter (TDC) était
recommandée pour une population spécifique
dans AT831. Cette procédure pourrait potentiellement réduire rapidement les symptômes tout en
utilisant de plus faibles doses d’agents thrombolytiques, et ainsi diminuer le risque de saignement
sévère. Pour sa part, AT9 mentionne que la qualité
de la preuve est faible en raison d’une imprécision
très sérieuse dans les études évaluant l’efficacité
des TDC. Ainsi, l’anticoagulation seule est favorisée plutôt que l’utilisation de la TDC dans l’édition actuelle (grade 2C)22 . L’essai clinique
ATTRACT est présentement en cours et évalue
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l’efficacité des TDC lors de TVP aiguës; le résultat rivaroxaban ou l’apixaban puisque les études à
primaire évalué sera l’incidence cumulative du leur sujet ont été publiées au moment de l’écriture
syndrome post-thrombotique32.
de la version finale des lignes directrices. De plus,
ils n’étaient toujours pas approuvés par la Food
Dabigatran supérieur à la warfarine and Drug Administration pour l’indication de
en fibrillation auriculaire ?
thérapie antithrombotique en FA.
Les nouveaux anticoagulants sont abordés dans le
chapitre des traitements antithrombotiques en N’est-il plus nécessaire d’effectuer
fibrillation auriculaire (FA). L’essai RE-LY, qui un suivi des plaquettes pour
comparait le dabigatran (110 ou 150 mg deux fois détecter une thrombocytopénie
par jour) à la warfarine chez les patients avec FA, a induite par l’héparine ?
entraîné une diminution des événements vascu- Presque toutes les preuves concernant le traitelaires cérébraux non fatals (AVC ischémiques et ment et la prévention de la thrombocytopénie
saignements intracrâniens) dans le groupe dabi- induite par l’héparine (TIH) est de faible qualité,
gatran 150 mg (RR 0,67; IC 95 % 0,52-0,86), sans surtout en raison de la rareté de la maladie35. De
changer significativement le risque de saignement façon surprenante, aucun suivi du décompte plamajeur extracrânien non fatal33,34. La dose de quettaire n’est suggéré chez les patients présentant
110 mg était considérée comme non inférieure. un risque de moins de 1 % de TIH (p. ex., l’hépaPour cette raison, dans les nouvelles lignes direc- rine en dose prophylactique ou thérapeutique
trices, on préfère le dabigatran 150 mg deux fois chez les patients médicaux, les patientes obstétripar jour plutôt que la warfarine pour les patients cales, les rinçages à l’héparine ou lors de l’utilisaatteints de FA non rhumatismale nécessitant une tion d’une HFPM) (grade 2C)35. Une analyse
anticoagulation (grade 2B)34. Les auteurs men- complexe, incluant le risque de thrombose assotionnent toutefois que cette recommandation est ciée à une TIH, le risque de saignement et les
de niveau faible et que les circonstances cliniques, coûts, a mené à cette décision. Le vote final était
les valeurs et les préférences des patients, ainsi que très controversé : plus de 20 % des membres du
le contexte socio-économique, permettent d’ar- panel ont voté contre la recommandation finale35.
gumenter en faveur d’un traitement par rapport à Pour les patients avec un risque d’au moins 1 % de
un autre. Par exemple, au Québec, seuls les TIH (p. ex., les patients postopératoires utilisant
patients avec une FA non valvulaire n’ayant pu de l’héparine, ceux en chirurgie cardiaque ou
obtenir un ratio normalisé international (RNI) ceux atteints d’un cancer), la recommandation
thérapeutique avec la warfarine ou chez qui le trai- qui suggère un suivi des plaquettes tous les deux à
tement par la warfarine n’est pas possible répon- trois jours est similaire à ce qui se trouvait dans
dent aux critères de remboursement de la RAMQ l’édition précédente (grade 2C)35,36.
pour le dabigatran29. De plus, des inquiétudes
existent quant à l’innocuité d’un traitement à long Pas de vitamine K pour un RNI
terme par le dabigatran; et aucun antidote n’est suprathérapeutique jusqu’à 10 ?
encore disponible pour renverser l’effet de ce der- Le résumé de la preuve provenant de quatre essais
nier34. On ne fait aucune recommandation pour le randomisés contrôlés indique qu’il n’y a aucune
différence significative dans le risque de saignement majeur lorsque l’administration de la vitamine K est comparée au placebo. Pour cette raison, AT9 suggère de ne pas utiliser de la vitamine
K de façon routinière dans la prise en charge des
patients ne saignant pas activement avec un RNI
suprathérapeutique allant jusqu’à 10,0 (grade
2B)37. Les membres du comité suggèrent encore
d’utiliser la vitamine K orale lorsque les patients
ont une RNI au-dessus de 10,0, bien que la preuve
soit de qualité modeste (grade 2C)37.
Réduire la panique lors d’une
valeur isolée de RNI hors cible ?
Une nouvelle recommandation mentionne que
si un patient avec RNI stable a une seule valeur
avec une différence de ≤ 0,5 de l’intervalle thérapeutique, il est préférable de garder la même dose
de warfarine et de suivre le RNI dans une à deux
semaines (grade 2C). Un RNI est stable quand il
se maintient dans l’intervalle thérapeutique
pour trois mois consécutifs lorsque qu’il n’y a eu
aucun changement dans la dose de warfarine.
Aucune différence significative dans le taux de
succès d’atteinte d’un RNI thérapeutique n’a été
trouvée dans les études évaluant l’effet d’un
changement de dose par rapport à aucun changement37. De plus, aucun traitement-pont par
une héparine n’est suggéré (grade 2C)37.
Suivi du RNI tous les trois mois ?
La preuve indique que chez les patients avec un
RNI stable (tel que défini ci-dessus), il n’y a pas
de différence statistiquement significative dans
le risque d’apparition d’une TEV ou d’un saignement majeur. Ainsi, la recommandation
suggère que le suivi du RNI toutes les 12 semaines est acceptable lorsqu’un patient a un RNI
stable (grade 2B)37.
Tableau III
Facteurs de risque de saignement lors de l’administration d’un traitement anticoagulant
Âge > 65 ans
Insuffisance rénale
Antécédent d’accident vasculaire cérébral (AVC)
Âge > 75 ans
Insuffisance hépatique Diabète
Antécédent de saignementThrombocytopénie Anémie
Cancer
Abus d’alcoolThérapie antiplaquettaire
Cancer métastatiqueMaîtrise inadéquate de l’anticoagulation
Chutes fréquentes
Capacité fonctionnelle réduite
Chirurgie récente
AVC : Accident vasculaire cérébral
Tableau IV
Catégorisation du risque de saignement d’un patient recevant une anticoagulothérapie
Risque de saignement
Faible
Modéré
Élevé
16
Québec Pharmacie vol. 59 n° 5 septembre 2012
Nombre de facteurs de risque (en référence au tableau III)
0
1
≥2
Traitement antithrombotique : les nouvelles lignes directrices (CHEST 2012)
Cible adéquate pour le syndrome
antiphospholipide ?
AT8 suggérait de viser un RNI de 2,5 à 3,5 chez
les patients avec syndrome antiphospholipide
et des TEV récurrentes38. Alors que les études
observationnelles de faible qualité suggéraient
de viser des RNI élevés (jusqu’à 4,5), les essais
randomisés contrôlés n’ont trouvé aucune différence dans la survenue d’événements thromboemboliques lorsqu’un RNI typique de 2,0 à
3,0 était visé, comparativement à des cibles
plus élevées. Ainsi, AT9 suggère de viser un
RNI de 2,5 (2,0 à 3,0) plutôt que des valeurs
plus élevées (3,0 à 4,5) pour la prévention
secondaire d’événements thromboemboliques chez les patients atteints du syndrome
antiphospholipide (grade 2B)37.
Discussion-application des lignes
directrices : instauration d’une
approche centrée sur le patient
La rigueur méthodologique était sans doute la
force dans la mise sur pied d’AT9. La nouvelle
méthodologie adoptée a permis une analyse
plus détaillée de la qualité de la preuve, ce qui a
mené, la majorité du temps, à une rétrogradation de la qualité. Elle a également permis la production de lignes directrices moins biaisées en
étant plus stricte sur les conflits d’intérêts3,14.
Elle a aussi fortement pris en considération les
intérêts des patients dans la formulation des
recommandations16. Cette nouvelle approche a
fait d’AT9 un outil vraiment « puissant » et fiable. Ainsi, derrière les recommandations fortes,
on trouve généralement de bonnes preuves
pour pouvoir recommander une approche particulière ou un traitement pour la plupart des
patients; et les bénéfices l’emportent clairement
sur les risques. Pour aider à interpréter les
recommandations, AT9 a fourni aux cliniciens
différents outils pour aider à catégoriser, par
exemple le risque de TEV chez les patients
médicaux ou le risque de saignement associé à
un traitement anticoagulant à long terme18,22.
De plus, la production de tableaux qui sont facilement navigables peut aider un clinicien à définir efficacement la preuve existante qui a mené
à une recommandation. La nouvelle méthodologie adoptée permettra aussi à AT9 d’être mis à
jour plus fréquemment lorsque de nouvelles
données deviendront disponibles.
Par ailleurs, bien que la nouvelle méthodologie ait permis d’enrayer la majorité des conflits
d’intérêts, elle l’a parfois fait au détriment de
l’opinion d’experts. AT9 a aussi rétrogradé plusieurs de ses recommandations à une force inférieure. En effet, plusieurs de ses recommandations faibles reflètent le manque de données de
bonne qualité dans un domaine spécifique ou
encore la nécessité d’individualiser la thérapie.
Ainsi, pour la majorité des recommandations,
lire le contenu du sommaire exécutif est insuffisant; avoir la même approche générale pour des
patients différents n’est pas toujours acceptable.
La mise en pratique d’AT9 devient donc plus
ardue pour les cliniciens qui n’ont pas de
connaissances approfondies ou qui ont peu
d’expérience clinique dans ce domaine,
puisqu’AT9 est beaucoup moins directive dans
ses recommandations et ne facilite pas la prise
de décision rapide.
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Conclusion
Alors qu’au premier regard elles paraissent très
controversées et moins conviviales, les lignes
directrices du CHEST 2012 offrent aux cliniciens la meilleure évaluation possible de la littérature scientifique en matière de traitements
antithrombotiques et de prévention des thromboses. Il est possible qu’AT9 permette de mieux
guider les recherches futures dans les domaines
où il manque des données de bonne qualité.
Enfin, il sera intéressant de savoir si les futures
lignes directrices provenant d’associations ou
d’organismes différents adopteront l’approche
innovatrice entreprise par l’ACCP. ■
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Questions de formation continue
3) À propos des lignes directrices utilisant le système
GRADE, laquelle des recommandations suivantes serait
de force faible avec une qualité de preuve modérée ?
A. Grade 1B
B. Grade 2C
C. Grade 2A
D. Grade 2B
E. Grade 1A
4) À propos de la méthodologie utilisée dans l’élaboration
des lignes directrices du CHEST 2012, laquelle des
affirmations suivantes est fausse ?
A.Les valeurs et les préférences des patients ont été considérées dans la formulation de certaines recommandations.
B.Seuls les conflits d’intérêts financiers ont été pris en considération dans le processus de vote sur les recommandations.
C.La majorité des chapitres sont disponibles en ligne
seulement.
D.L’information sur la prévention des thromboses pour les
patients hospitalisés est maintenant divisée en trois chapitres.
E.Les éditeurs en chef des chapitres étaient des experts en
méthodologie.
5) Selon les lignes directrices du CHEST 2012, lequel de
ces patients (tous hospitalisés dans une unité médicale
ou non chirurgicale) est à faible risque de thrombose
(indice : utiliser le pointage de prédiction de Padua) ?
A.Patiente de 76 ans avec une insuffisance cardiaque
décompensée et devant rester alitée pour quelques jours.
B.Patiente de 82 ans, avec un cancer du sein traité par de la
chimiothérapie, admise pour une exacerbation de sa
maladie pulmonaire obstructive chronique nécessitant une
oxygénothérapie.
C.Patient de 51 ans admis avec un cancer colorectal métastatique traité par de la chimiothérapie et un antécédent
d’embolie pulmonaire.
D.Patiente de 72 ans admise pour un AVC ischémique et qui
devra rester alitée pendant plusieurs jours.
E.Patient de 54 ans avec IMC de 32, admis pour une
pneumonie et un diabète mal maîtrisé.
6) Parmi les affirmations suivantes, laquelle est fausse ?
A.L’aspirine à faible dose en prévention primaire a des
bénéfices importants quant à la mortalité et elle est
fortement recommandée chez tous les patients de
50 ans et plus.
B.L’aspirine, bien qu’elle puisse être envisagée, n’est pas le
premier choix de traitement dans la prévention des
thromboses à la suite d’une chirurgie orthopédique.
C. Il ne semble pas y avoir de bénéfices clairs à viser un RNI
plus élevé (exemple : 4,0) chez un patient atteint d’un
syndrome antiphospholipide.
D. Un patient traité par la warfarine et ayant un RNI stable
depuis les neuf derniers mois pourrait avoir des suivis de
RNI toutes les huit semaines.
E. Il peut être justifiable de ne pas changer d’emblée la dose
de warfarine d’un patient ayant un RNI stable depuis les
trois derniers mois (cible 2,0 à 3,0) et se présentant avec
un seul RNI à 3,2, bien qu’un suivi soit nécessaire dans une
à deux semaines.
7) Laquelle des affirmations suivantes est vraie ?
A.Le dabigatran devrait être utilisé comme traitement
anticoagulant de première ligne chez tous les patients avec
fibrillation auriculaire non rhumatismale.
B.On ne devrait pas utiliser de la vitamine K chez un patient
traité par de la warfarine avec un RNI de 6,2 et se
présentant avec un épistaxis important.
C.La thrombolyse dirigée par cathéter est la première ligne
de traitement des thromboses veineuses profondes
symptomatiques.
D. Un patient traité depuis trois mois par anticoagulant à la
suite d’un deuxième épisode de thrombose veineuse
profonde idiopathique pourrait cesser son traitement s’il
était considéré comme étant à risque élevé de saignement.
E.Le ticagrelor est une option de traitement qui s’est avérée
d’une efficacité inférieure au clopidogrel en prévention
secondaire d’un syndrome coronarien aigu.
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septembre 2012. Vous avez jusqu’au 9 septembre 2013 pour répondre et obtenir 4 UFC. 
18
Québec Pharmacie vol. 59 n° 5 septembre 2012