Historique WASSMER

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Historique WASSMER
Compte-rendu de vol.
Date: Le 30 avril 1962.
Planeur Wassmer "Javelot" 16m. F-CBGX
Pilote: Yvan de Chivré (Aero-club de Valence).
But du vol: Tentative de distance de 300kms avec but fixé sur Cuers-Pierrefeu. Virages avec
contrôle photo sur Sisteron et Jonquières. Point de largage: Barbières.
La situation meteo: Vent du nord assez fort cumulus au Nord du Vercors. Situation classique d'onde sans
matérialisation.
Après les traditionnels et longs préparatifs, je décolle à 14:24 tiré par le Tiger Moth que pilote JC Alméras. Largage à
14:34 à 800m.QFE Valence (162m). Je trouve immédiatement l'ascendance de pente à laquelle viennent s'ajouter
quelques thermiques. Je me trouve 8 minutes après le largage à 1.500m. au ras des nuages et part vers
Rochecourbe.
La chute entre Tourniol et Rochecourbe est plus forte que je le pensais. Je néglige toutefois les 2 ou 3 thermiques
rencontrés en route et arrive à 600m. à la petite pente au sud-ouest de La Clastre (relais télé).
Cette bonne petite pente me permet après un passage ou deux de me jeter sur Rochecourbe. L'ascendance est au
départ de +4.
Rochecourbe donne comme d'habitude mais je plafonne à 1.700.
Je reçois la visite de la Fauvette du "Progrès" de Corbas qui rejoint vite mon niveau. Nous nous rapprochons l'un de
l'autre pour nous saluer mais ne reconnais pas le pilote. J'essaie un fracto-cu qui ne donne rien puis tente une
prospection vers Saillans pour chercher l'onde bien que je pense être trop bas pour en trouver. Cet essai infructueux
m'incite à revenir vers Rochecourbe où je suis de ne pas retrouver la fauvette. Plafonnant à nouveau vers 1700m. je
quitte Rochecourbe en son extrémité Est. Je traverse rapidement le col de La Chaudière qui descend bien pour
rejoindre la face NE de Couspeau-Roc où je trouve du +4 turbulent mais sans thermique ce qui est bon signe et je
me hisse à 1900.
Le versant Est de Couspeau porte ce qui me mène vers le montagne d'Angèle. À 16h. je me trouve dans de l'onde
légèrement au NE du col de Lescou. Je ne m'y attarde pas trop espérant au moins tout aussi bien à Angèle.
Cette montagne m'a tout d'abord déçu car je n'ai trouvé son onde de ressaut que 10kms. en aval du vent après être
passé dans de la chute de 4 et 5m/s. Je me place face au vent au travers de Rémuzat où l'ascendance varie entre
2m et 0.50 et j'ai de la peine à rester dans le ressaut. Par deux fois, l'onde m'échappe totalement et je descend
parfois à -4 -7 avant de la retrouver. Ces mésaventures me font perdre un temps précieux. Vers 16:30, j'essaie de
partir vers Sisteron mais je ne suis qu'à 3000. Par prudence, je reviens sous le vent d'Angèle. L'ascendance faiblit de
plus en plus ...et il y a 45 minutes que je suis là!
À 16:50 et à3250m. je pars enfin vers Sisteron. La chute au début est normale puis se transforme agréablement en
montée. Mon moral du coup s'arrange aussi.
La visibilité est excellente et il n'y a pas un nuage. Cependant je n'arrive pas à situer Sisteron et par prudence un peu
plus vers l'Est au cap 090°
Je traverse plusieurs ressauts d'onde avec malgré tout un bilan positif. Près de la montagne de Chabre, j'aperçois
sous moi un appareil qui me parait être un Javelot 15m. J'en suis tout heureux d'autant qu'il suit le même route que
moi. Tout en le surveillant je me rapproche de lui pour m'apercevoir que c'est un...bi-moteur! La perspective du
fuseau-moteur gauche me faisait croire que c'était une roue comme celle des Javelots. Je trouvais bien qu'il allait un
peu vite...
Vers 17:15h., je suis entre Orpierre et Laragne toujours en montée. Je situe bien Sisteron qui de cette altitude parait
bien au pied la Lure.
Comme j'appréhende un peu le virage avec contrôle photo, j'attends d'être à 3500 avant de le faire. Je profite de cet
instant pour vérifier l'oxygène, mettre le casque et ajuster le masque. Tout va bien, la pression des bouteilles est à
250 Lbs/sq.inch soit 17kgs.
Je prends d'abord deux photos étant au cap 090° ave c Sisteron à ma droite puis fait un large virage autour de cette
ville en prenant deux autres photos au cap 180°, Sis teron toujours à ma droite. Je crains un peu que les papiers sur
mes genoux ne fassent des reflets. Il faudrait percer une fenêtre côté droit.
Me dirigeant vers la Lure j'y arrive à 17:38 assez inquiet puisque je ne trouve l'onde qu'à 10kms environ en aval
après avoir encaissé jusqu'à
-7. Enfin à 2900 le vario consent à remonter et passe très rapidement à +4 pour aller jusqu'à +6. Je n'avais encore
jamais ressenti en onde une telle puissance. L'aiguille de l'altimètre (1 tour/1000m.)me parait tourner aussi vite que la
trotteuse des secondes de ma montre.!!!
À 4050 et 17:43h. j'ai encore +3 mais l'heure tardive m'incite à essayer de rejoindre le Ventoux tout en montant. Je
prends donc le cap 280°
Dès que j'ai passé l'Ouest du sommet de Lure je perds l'ascendance et trouve du -6 en remontant le vent vers le
sommet. Je pense donc m'être trop avancé de la crête aussi je retourne rapidement là où j'avais trouvé du +6.
C'est la longueur d'onde qui m'a trompé. Malgré cette triste expérience je me laisse encore par instinct rapprocher de
Lure avec le même résultat.
Il est déjà 18:00h et je n'ai plus que 2 heures de vol. Je réalise que ma tentative est vouée à l'échec. Je reviens de
nouveau sous le vent de Lure et vers 2900m. passe pour la première fois de ce vol dans un très puissant rotor qui
me chahute violemment. Le badin passe de 70 à 150 et le vario de -4 à +4. Cette turbulence est moins sèche que
celle rencontrée au Vercors mais de bien plus forte amplitude.
Le temps me parait bien long dans ce rouleau qui malgré tout me monte. Soudain comme souvent, je passe dans du
laminaire et le vario dans le grand calme se stabilise vers +3.
L'altitude de 4000 est rapidement atteinte aussi j'envisage de monter ici, sur place, assez haut avant de partir vers le
Ventoux.
Je monte ainsi à 6.700m, mon gain d'altitude du "F" réalisé et le petit vario bloqué à 6100. Il n'a pas éclaté!
L'oxygène va bien et c'est seulement que j'ai froid aux mains. Je mets mes gants; par contre mes pieds sont gelés et
me font cruellement souffrir.
Je suis à peu près sûr d'arriver à la vallée du Rhône et de faciliter ainsi le dépannage route. Je n'ai plus le temps
d'aller à Cuers et envisage un atterrissage au Sud du Ventoux.
À nouveau la montée cesse dès que je quitte la Lure mais cette fois je persévère.
Ma vitesse sol me parait très faible. Je pense qu'à cette altitude la composante du vent s'oriente à l'ouest. Je pousse
ma vitesse jusqu'à 140-150 pour une chûte de -3 ce qui n'est pas excessif.
Je trouve ce parcours bien pénible d'autant plus que la visibilité est, dans cet axe, bien mauvaise. J'ai le soleil
couchant dans les yeux et de la brume à l'horizon. Je ne vois le Rhône qu'à son confluent avec la Durance. Par
contre Rochecourbe se détache très bien et me semble basse et bien loin. Les Alpes sont magnifiques quoique le
Mont Blanc se confonde d'ici avec les autres sommets.
J'atteins le Ventoux après 20 minutes et une perte d'altitude de 3.600m. ce qui est beaucoup. En fait ma vitesse-sol
fut de 143kms. Je me demande donc si la composante Ouest est si forte qu'éstimée. Il se peut que l'altitude
inhabituelle pour moi m'aie trompé quant au déplacement relatif du sol. Il serait intéressant de connaître les
sondages méteo de ce jour. Ceci confirme l'intérêt de posséder à bord un dérivomêtre.
Au mont Ventoux, je trouve de l'onde qui monte à +2. De 2700, je passe à 3.300 puis 3.500m. La visibilité à l'Ouest
est toujours très mauvaise. Du Ventoux,je ne vois ni Orange-Caritat ni le Rhône, ni Jonquières mon 2ème point de
virage qui n'est pourtant qu'à moins de 10kms.
Je renonce à mon2ème point de virage n'ayant plus que45 minutes de vol et 7k d'oxygène. Je me dirige donc vers
Avignon-Caumont dont je situe le terrain près de la Durance. Je survole Carpentras-Pernes, la poudrière de l'Isle sur
Sorgues et me pose à 19:45 à Caumont où le Mistral est de 60km/h.
Le "Tub" Citroën du club d'Avignon me tire au grand hangar tout au Nord du terrain. Il tombe en panne deux fois et
nous retraversons tout le terrain en le poussant ! Ceci a pour effet de faire revenir la circulation du sang dans mes
pieds et la douleur est extrème. L'équipe de dépannage est prévenue et me retrouve dans le nuit.
Sur la route de retour, à Saulce, une Chevrolet nous dépasse avec son planeur en remorque. C'est Floriot dit "Le
Capitaine" (Il était en effet capitaine des Goums pendant la campagne d'Italie avec le Général Juin.) Et c'est lui qui
était dans la "Fauvette" de Corbas Lui, il avait fait ses 300 But fixé Corbas-Hyères.
Ce vol m'a appris ou confirmé:
- 1) Que malgré des taux de chutes non négligeables, le parcours Col de Tourniol Rochecourbe est sûr par la vallée
de la Geranne.
- 2) Qu'il est certainement possible d'aller en vol de Rochecourbe à Couspeau et peut être Angèle avec retour. Ceci
est à prospecter pendant le stage de cet été.
- 3) Que le parcours Angèle-Sisteron est relativement facile
- 4) Que la visibilité à l'Ouest est mauvaise au soleil couchant et les photos difficiles à faire.
- 5) Qu'il faut bien sûr partir le matin de préference...et ne pas trop batifoler en route!!!
Le vol a duré 5:11h. la distance fut de 191kms, la vitesse de 36k./h
J'ai utilisé durant ce vol des ascendances de pente, des thermiques et surtout de l'onde de ressaut. Je n'ai fait que 6
(six) tours de spirale. J'ai vu sous moi un planeur, un bimoteur et trois quadrimoteurs ce qui est assez rare et fait
quand même bien plaisir.
Ce récit va peut être faire rigoler les pilotes actuels mais il ne faut pas oublier que ce vol a été fait il y a 46 ans et que
ce fut pour Valence le premier grand vol.
Yvan