la torture à l`ère du terrorisme

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la torture à l`ère du terrorisme
LA TORTURE À L’ÈRE DU TERRORISME
Bibliothèque du Parlement
Capsules d’information pour les parlementaires
TIPS-111F
Le 12 janvier 2006
D
epuis le 11 septembre 2001, le mot « terrorisme » est devenu l’un des cris de ralliement de
la communauté internationale, qui s’efforce tant bien que mal de s’adapter aux nouvelles
formes de conflits et de menaces pour la sécurité nationale. La lutte contre le terrorisme a
donné naissance à de nouvelles méthodes d’intervention, ce qui a ramené la torture au centre de
nombreux débats.
Cette pratique, interdite par le droit national et par le
droit international, fait l’objet d’un examen attentif à
la lumière de la Charte des droits et dans le contexte
des expulsions comportant un risque de torture et des
crimes contre l’humanité, ce qui nous amène à nous
demander comment les lois en la matière sont
appliquées et quels sont les recours possibles.
L’interdiction de la torture est généralement
considérée comme une norme impérative du droit
international qui ne permet aucune dérogation. Cette
interdiction est précisée dans maintes conventions
internationales, dont l’ensemble constitue les assises
du droit international sur la torture :
ƒ
Déclaration universelle des droits de l’homme,
1948 – L’article 5 dispose que nul ne sera soumis
à la torture, ni à des peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants.
ƒ
Conventions de Genève, 1950 – Ces conventions
régissent la conduite des parties impliquées dans
un conflit armé et énoncent l’obligation de
protéger la vie, la santé et la sécurité des civils et
des prisonniers de guerre. La torture de ces
prisonniers ou de détenus est considérée comme
un crime de guerre en vertu de l’article 130 de la
troisième convention et de l’article 147 de la
quatrième convention. Les détenus de pays tiers,
qui ne sont pas protégés par les Conventions de
Genève, jouissent toutefois de la protection offerte
en vertu de l’article 75 du Protocole I, qui interdit
le meurtre, la torture, les peines corporelles et les
atteintes à la dignité.
ƒ
Pacte international relatif aux droits civils et
politiques (PIRDCP), 1976 – L’article 7 dispose
que nul ne sera soumis à la torture ni à des peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
L’article 10 dispose que toute personne privée de
sa liberté doit être traitée avec humanité et avec
respect de la dignité inhérente à la personne
humaine.
Droit international
Le droit international définit clairement la notion de
torture. La Convention contre la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants (Convention contre la torture) des Nations
Unies en cerne les éléments clés :
ƒ
La torture désigne tout acte par lequel une douleur
ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales,
sont infligées à une personne.
ƒ
La douleur et les souffrances doivent être infligées
intentionnellement.
ƒ
La douleur doit être infligée aux fins d’obtenir des
renseignements ou des aveux.
ƒ
La torture doit être infligée par un agresseur
public – par un agent de la fonction publique ou
toute autre personne agissant à titre officiel ou à
son instigation ou avec son consentement exprès
ou tacite.
En vertu du droit international, la torture, sous toutes
ses formes, est interdite; elle est considérée comme
contraire au droit coutumier international. Cependant,
certains États ont régulièrement recours à la torture,
bien qu’ils ne l’admettent pas publiquement.
Ce document est la version papier d’une capsule d’information Web consultable en ligne à
http://lpintrabp.parl.gc.ca/apps/tips/index-f.asp
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ƒ
Convention contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants,
1987 – Selon la Convention, chaque État partie
doit
prendre
les
mesures
législatives,
administratives, judiciaires et autres pour
empêcher que des actes de torture soient commis
dans tout territoire relevant de sa compétence. De
plus, aucun État partie ne doit extrader une
personne vers un endroit où il y a des motifs
sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la
torture ou à la peine de mort.
ƒ
Statut de Rome de la Cour pénale internationale,
1998 – L’article 7 précise que la torture
généralisée ou systématique est considérée comme
un crime contre l’humanité.
L’interdiction de la torture, fruit d’un respect
fondamental pour la dignité humaine et de
l’inviolabilité du corps et de l’esprit, s’étend à toute
forme de traitement physique servant à intimider
quelqu’un ou à le contraindre pendant un
interrogatoire.
Le caractère absolu de cette
interdiction est mis en valeur à l’article 16 de la
Convention contre la torture et à l’article 4.2 du
PIRDCP, qui soulignent qu’aucune circonstance
exceptionnelle ne peut justifier des actes de torture. Il
s’agit d’un droit auquel on ne peut pas déroger et dont
on ne peut suspendre l’application, même en temps de
guerre, de menace pour la sécurité nationale ou dans
toute autre situation d’urgence.
D’autres formes de mauvais traitements entraînant des
souffrances physiques ou mentales moindres ou qui ne
résultent pas d’une intention explicite de commettre
un acte de torture sont aussi interdites en vertu du
droit international. Les traitements cruels, inhumains
ou dégradants comprennent l’exposition à une lumière
intense ou à des bruits intenses continus, l’imposition
d’un bandeau sur les yeux, la privation de sommeil, de
nourriture ou de liquides, l’obligation de rester
continuellement debout ou accroupi, les secousses
excessives et la consommation forcée de
psychotropes.
Droit international dans le contexte canadien
Le Canada a ratifié toutes les conventions
internationales susmentionnées et en a intégré les
aspects essentiels à ses lois. L’interdiction de la
torture formulée à l’article 269.1 du Code criminel
s’inspire d’une définition tirée de la Convention
contre la torture. Qu’elle découle d’un acte ou d’une
omission, la torture est interdite, et le fait d’avoir obéi
aux ordres d’un supérieur ou agi dans des
circonstances exceptionnelles (guerre ou menace
terroriste) ne peut constituer une justification. La Loi
sur les crimes contre l’humanité et les crimes de
guerre offre une protection supplémentaire contre la
torture et s’inspire de la définition de la torture comme
crime contre l’humanité établie dans le Statut de
Rome.
Enfin, la législation canadienne sur les droits de la
personne insiste sur les valeurs fondamentales
motivant l’interdiction de la torture. L’article 7 de la
Charte canadienne des droits et libertés souligne la
dignité et l’inviolabilité de l’être humain en affirmant
que « [c]hacun a droit à la vie, à la liberté et à la
sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à
ce droit qu’en conformité avec les principes de justice
fondamentale ». Cet article a permis de protéger
certaines personnes contre la torture dans divers
contextes, notamment en empêchant leur expulsion
vers un pays où elles risquaient d’être torturées.
L’article 12 de la Charte, qui précise que « [c]hacun a
droit à la protection contre tous traitements ou peines
cruels et inusités », offre une protection plus concrète.
Cette disposition a été invoquée pour contester les
conditions d’incarcération, la durée des peines ou de
la détention préventive, l’extradition ou l’expulsion et
l’interdiction de conduire ou de posséder des armes à
feu.
Événements récents et application de la loi
Dans le contexte de la guerre contre le terrorisme,
l’interdiction absolue de la torture est interprétée et
appliquée librement dans divers contextes,
principalement dans les discussions concernant les
crimes contre l’humanité et l’expulsion comportant un
risque de torture.
Crimes contre l’humanité
Guantanamo et la prison d’Abou Ghraïb
La capture, par les Américains, de prisonniers en
Afghanistan et en Irak a soulevé la question de la
torture en temps de guerre. En janvier 2002, les
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forces armées américaines ont commencé à envoyer à
Guantanamo (Cuba) les guerriers talibans et ceux que
l’on soupçonnait d’appartenir à Al-Qaida qu’elles
avaient capturés sur les champs de bataille afghans.
Ces détenus étaient souvent maintenus en isolement,
sans que des accusations aient été portées contre eux,
sans procès et sans avoir droit d’être représentés par
un avocat. Après que quelques-uns ont tenté de se
suicider, les allégations de mauvais traitements ont
commencé à se répandre.
Les allégations de torture les plus documentées
concernent les mauvais traitements infligés à des
prisonniers irakiens par des soldats américains à la
prison d’Abou Ghraïb, à Bagdad. Devant la nécessité
de plus en plus pressante d’obtenir des renseignements
utiles, les soldats américains auraient fait appel à des
méthodes coercitives pour mater les prisonniers avant
de les interroger. Ces méthodes comptaient, entre
autres, le maintien des prisonniers dans des positions
difficiles, la privation de sommeil et de lumière,
l’exposition à la chaleur, au froid, à la lumière ou au
bruit intenses, le port de la cagoule, et la mise à nu.
Ces abus de pouvoir ont été amplement documentés
par des photos qui ont fait surface en mai 2004,
montrant des prisonniers cagoulés dont les doigts et
les organes génitaux étaient attachés à des électrodes,
qu’on forçait à garder des positions difficiles, à
simuler des actes de fellation et de masturbation et
qu’on terrorisait avec des chiens de garde. Il y a aussi
eu des allégations de sévices graves.
Plus récemment, on a fait état de l’existence présumée
de prisons clandestines dirigées par les États-Unis
dans des pays d’Europe de l’Est. Des organismes de
revendication, tels que Human Rights Watch,
affirment que des personnes soupçonnées de
terrorisme sont détenues en secret, pour interrogatoire,
dans ces endroits, où elles seraient peut-être soumises
à la torture. En étant ainsi emprisonnées à l’étranger,
ces personnes n’auraient pas accès au système
judiciaire américain.
Ces incidents ont provoqué deux débats importants.
Le premier porte sur la définition du terme
« combattant » dans le cadre de la guerre en
Afghanistan. Étant donné que les terroristes présumés
soupçonnés d’appartenir à Al-Qaida et les combattants
talibans ne portaient pas d’uniforme caractéristique et
que l’Afghanistan n’a pas ratifié les Conventions de
Genève, le gouvernement américain a décrété que les
détenus n’auraient pas le statut de prisonniers de
guerre. Les prisonniers détenus à Guantanamo ont
donc été considérés comme des « combattants
illégaux »; néanmoins, le gouvernement américain a
finalement accepté de respecter les principes de la
Convention de Genève.
Le second débat porte sur la distinction entre les
techniques d’interrogation légitimes et la torture.
Bien avant que les médias aient appris que les
prisonniers d’Abou Ghraïb étaient maltraités, le
gouvernement américain élaborait des lignes
directrices sur la torture et les interrogatoires. Des
listes de techniques légitimes (ainsi que celles
nécessitant l’autorisation d’un supérieur ou celles dont
l’emploi est interdit) ont été envoyées en Afghanistan,
à Guantanamo et à Abou Ghraïb.
En 2002 et en 2003, plusieurs notes de service émises
par le ministère de la Justice des États-Unis et donnant
une nouvelle interprétation de la législation sur la
torture ont circulé dans le gouvernement américain.
L’une d’elles, à l’intention du conseiller juridique du
Président, portait sur l’interprétation juridique du
degré de douleur et de souffrance qu’il est permis
d’infliger à l’ennemi pendant un interrogatoire et
avançait que, dans le contexte de la guerre contre le
terrorisme, il était justifié d’infliger de la douleur dans
le but de prévenir d’autres attentats. Le ministère de
la Justice y faisait valoir que la nécessité et la légitime
défense pourraient justifier les actes du gouvernement
américain et l’absoudre de toute responsabilité
criminelle. Il y affirmait que les lois internationales
interdisant la torture sont archaïques et pourraient être
considérées comme anticonstitutionnelles dans le cas
d’interrogatoires de terroristes présumés conduits en
vertu du pouvoir accordé au Président par la
Constitution de mener des campagnes militaires et
d’extraire de l’information des combattants. Toujours
dans l’optique de redéfinir l’interdiction de la torture,
le ministère de la Justice avançait, dans cette même
note de service, que les interrogateurs pouvaient
utiliser des techniques extrêmes à condition que
l’intention principale ne soit pas d’infliger la douleur
ou des souffrances graves. De plus, il affirmait qu’un
acte n’est pas considéré comme un acte de torture
physique à moins qu’il n’entraîne une douleur
« d’intensité équivalente à la douleur causée par un
problème physique grave, comme la défaillance
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d’organe, la détérioration des fonctions corporelles ou
encore l’agonie ».
Les techniques d’interrogation autorisées jusque-là
n’étant pas condamnées dans le nouvel avis juridique
paru en décembre 2004, en remplacement de la note
de service susmentionnée, la politique actuelle de
l’administration américaine sur la torture et la
définition de la torture donnée par l’administration
demeurent contestées.
Ce second débat visait aussi la politique américaine
voulant que le personnel non militaire – des agents de
la CIA (Central Intelligence Agency) par exemple –
chargé d’interroger des non-Américains à l’étranger,
ne soit pas assujetti aux lois internationales et
américaines sur la torture. Réagissant à la vague de
protestations soulevée à l’échelle internationale en
décembre 2005 par les allégations de torture pratiquée
dans des prisons secrètes, la secrétaire d’État
américaine, Condoleeza Rice, a annoncé un
changement important dans la politique américaine,
les États-Unis n’autorisant plus désormais son
personnel à soumettre les prisonniers à des traitements
cruels, inhumains ou dégradants, que ce soit en sol
américain ou à l’étranger. Vers la fin de 2005, le
Sénat américain et la Chambre des représentants se
sont prononcés en faveur d’une mesure interdisant le
traitement cruel, inhumain ou dégradant des personnes
détenues par des autorités américaines n’importe où
dans le monde. Sauf que le président Bush, au
moment de promulguer la nouvelle loi, y a fait inclure
une disposition lui réservant le droit, en tant que
commandant en chef, d’y passer outre.
Expulsion impliquant un risque de torture
Suresh et Ahani
Depuis le 11 septembre 2001, la question de la torture
a été soulevée au Canada dans le contexte de
l’expulsion de demandeurs d’asile soupçonnés de
terrorisme vers des pays pratiquant la torture.
Manickavasagam Suresh et Mansour Ahani,
originaires respectivement du Sri Lanka et de l’Iran,
avaient obtenu le statut de réfugié au Canada. Ils ont
par la suite été accusés de terrorisme et, en tant que
menaces pour la sécurité nationale canadienne, ils
devaient être expulsés. Tous deux ont fait valoir
qu’ils seraient soumis à la torture s’ils retournaient
dans leur pays d’origine, et qu’une telle expulsion
contrevenait à la Convention relative au statut des
réfugiés, à la Convention contre la torture et à
l’article 7 de la Charte. Cependant, l’actuelle Loi sur
l’immigration et la protection des réfugiés et
l’ancienne Loi sur l’immigration permettent
l’expulsion comportant un risque de torture si la
personne est inadmissible pour une raison précise et
constitue un danger pour la sécurité du Canada.
Les deux affaires se sont rendues jusqu’à la Cour
suprême du Canada, qui a décrété que tout demandeur
d’asile soupçonné de participer à des activités
terroristes est passible d’expulsion à moins de pouvoir
prouver qu’il court un risque marqué d’être soumis à
la torture dans son pays d’origine. Si ce risque est
prouvé, l’expulsion est considérée anticonstitutionnelle à moins qu’il n’y ait des « circonstances
exceptionnelles ». En fin de compte, Ahani a été
expulsé parce qu’il n’avait pas pu prouver qu’il
risquait d’être soumis à la torture en Iran. Suresh a vu
son cas confié au ministre de la Citoyenneté et de
l’Immigration parce qu’il n’avait pas reçu, en bonne et
due forme, de motifs écrits lui expliquant pourquoi il
était considéré comme une menace pour la sécurité
nationale et qu’il n’avait eu l’occasion ni de répondre
à la recommandation de l’expulser ni d’exprimer ses
craintes relatives au risque de torture qu’il courrait s’il
retournait au Sri Lanka.
Par
conséquent,
dans
des
circonstances
exceptionnelles, l’expulsion impliquant un risque de
torture est conforme à la Constitution canadienne,
même s’il a été prouvé que ce risque est élevé. Le
ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration est
tenu, dans chaque cas, de trouver un juste équilibre
entre la lutte contre le terrorisme et le respect des
obligations constitutionnelles, compte tenu du bilan de
l’État concerné en matière de respect des droits de la
personne, du risque que court le demandeur, des
promesses faites par son pays d’origine de ne pas
avoir recours à la torture, de la réévaluation de sa
demande d’asile et de la possibilité qu’un autre pays
l’accueille.
Un certain nombre de causes ayant trait à la délivrance
de certificats de sécurité et à l’expulsion impliquant
un risque de torture, dont celles d’Adil Charkaoui, de
Mohamed Harkat, de Hassan Almrei, de Mahmoud
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Jaballah et de Mohammad Mahjoub, sont actuellement
devant les tribunaux fédéraux au Canada.
Cas de remises extraordinaires
Récemment, l’affaire Maher Arar a soulevé la
question de l’expulsion impliquant un risque de
torture.
Lors d’un voyage Tunisie-Canada, en
septembre 2002, le Canadien d’origine syrienne a été
arrêté à New York par les autorités américaines, qui le
soupçonnaient d’être membre d’Al-Qaida. Il a ensuite
été déporté en Jordanie, où il a été remis aux autorités
syriennes, malgré ses protestations, car il craignait
d’être torturé et voulait rentrer au Canada. Dix mois
plus tard, il a été libéré de sa prison syrienne sans
qu’aucune accusation n’ait été portée contre lui.
Depuis, Arar affirme avoir été maintenu en isolement
et soumis à la torture électrique afin d’être contraint à
faire de faux aveux. La Syrie n’a pas signé la
Convention contre la torture.
À la suite de l’affaire Arar et de nombreux autres cas
semblables, les autorités américaines ont été accusées
d’avoir adopté une politique permettant la « remise
extraordinaire », pratique qui facilite la déportation de
terroristes présumés détenus aux États-Unis vers
d’autres pays, comme la Syrie, qu’on soupçonne
d’employer la torture pendant les interrogatoires.
Cette politique est contraire à la Convention contre la
torture, qui interdit la déportation de personnes vers
un pays dont on a des motifs sérieux de croire qu’il les
torturera. Elle dissocie le pays responsable de la
déportation de la torture elle-même dans le but
d’amoindrir la responsabilité de ce dernier. Le
gouvernement canadien a lancé une enquête publique
sur le rôle joué par le Service canadien du
renseignement de sécurité et la Gendarmerie royale du
Canada dans l’affaire Arar.
En décembre 2005, la secrétaire d’État américaine,
Condoleeza Rice, a voulu justifier cette pratique qui
consiste à remettre les prisonniers entre les mains
d’autres pays pour qu’ils y soient interrogés, en
affirmant que c’est là un moyen de neutraliser les
terroristes et de sauver des vies et que les États-Unis
ne procèdent pas à des extraditions dans le but de faire
interroger des gens sous la torture.
Si le Canada est mêlé au débat sur les remises
extraordinaires, ce n’est pas seulement en raison de
certaines affaires particulières, comme celle de Maher
Arar, mais aussi à cause des allégations suivant
lesquelles des aéronefs de la CIA se seraient posés au
Canada.
Selon des dossiers montés par des
organismes de défense des droits de la personne, plus
d’une douzaine d’appareils ayant un lien avec la CIA
se seraient posés au Canada au cours des quatre
dernières années, et l’on craint qu’ils aient eu à leur
bord des détenus que l’on transportait vers des prisons
clandestines dans d’autres pays. En décembre 2005,
une étude préliminaire menée par le ministère de la
Sécurité publique et de la Protection civile sur 55 vols
passés par le Canada n’a révélé aucune activité
clandestine de la part du gouvernement américain.
Recours
Bien que la torture soit interdite en vertu du droit
national et du droit international, il n’est pas toujours
facile de punir les responsables d’actes de torture. Au
Canada, les victimes peuvent se tourner vers le Code
criminel ou la Charte. La torture relève de la
juridiction universelle, ce qui veut dire que tout État
peut poursuivre les responsables d’actes de torture,
indépendamment du lieu du crime et de la nationalité
de la victime ou de l’accusé. Les Conventions de
Genève disposent que les États parties sont obligés de
poursuivre toute personne soupçonnée d’avoir
perpétré des crimes de guerre ou de la remettre aux
autorités capables de la poursuivre. Aussi, en vertu de
l’article 7(3.7) du Code criminel, les autorités
canadiennes ont le droit de traduire en justice des
personnes accusées d’avoir commis des actes de
torture à l’extérieur du territoire canadien.
La Convention contre la torture exige aussi des États
parties qu’ils offrent une compensation équitable aux
victimes de torture. Cependant, la doctrine de
l’immunité absolue, officialisée au moyen de la Loi
sur l’immunité des États, protège les gouvernements
et les chefs d’État contre toute action en dommagesintérêts devant un tribunal canadien pour tout acte de
torture commis sur leur territoire. Ce fait est
significatif,
puisque
la
torture
implique
nécessairement la participation d’un agresseur public.
Aux États-Unis, des poursuites relatives à des
allégations de remises extraordinaires ont été intentées
aux termes de la Torture Victims Protection Act, qui
permet aux citoyens américains ou non de poursuivre
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au civil les auteurs d’actes de torture commis
n’importe où dans le monde. Un citoyen allemand,
Khaled El-Masri, a aussi intenté des poursuites en
vertu de la disposition du Cinquième amendement
concernant l’application régulière de la loi, de même
qu’en vertu de la Alien Tort Claims Act, qui autorise
les citoyens d’autres pays à engager des poursuites
judiciaires aux États-Unis pour des infractions graves
au droit international. Enfin, en juin 2004, la Cour
suprême de États-Unis a statué que les citoyens
américains et non américains détenus à l’étranger
avaient le droit de contester leur détention devant un
tribunal américain. Cependant, à la fin de 2005, le
président Bush a promulgué une loi qui limite
grandement le droit qu’ont les combattants ennemis de
contester leur détention devant des tribunaux
américains.
Il existe dans le droit international deux instances
auxquelles on peut avoir recours en cas de torture. Le
premier est le Comité des Nations Unies sur la torture.
Cet organe composé d’experts indépendants a été créé
pour observer dans quelle mesure les divers pays se
conforment à la Convention contre la torture. Il
examine les rapports des États parties, mène des
enquêtes et soumet des rapports annuels aux États
parties et à l’Assemblée générale. Par ailleurs, le
Rapporteur spécial chargé d’examiner les questions se
rapportant à la torture est un expert indépendant dont
le mandat est de faire campagne contre la torture,
d’enquêter sur les allégations de torture dans le monde
et d’en faire rapport.
Enfin, la Cour pénale internationale a été établie en
2002 afin de poursuivre les responsables de
génocides, de crimes contre l’humanité et de crimes
de guerre. Bien qu’elle puisse exercer son autorité
partout dans le monde, les actes visés (entre autres, la
torture, les traitements inhumains et les atteintes à la
dignité) doivent être graves au point d’attirer
l’attention de la communauté internationale et avoir
été commis sur une grande échelle ou en application
d’une politique. La Cour pénale internationale ne peut
agir que si le pays directement concerné est incapable
de faire enquête ou de traduire les responsables en
justice, ou n’est pas disposé à le faire.
préparé par
Laura Barnett
avec l’aide de
Gwyneth Hughes, bibliothécaire documentaliste
Service d’information et de recherche parlementaires
Pour en savoir plus…
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de la version Web du présent document à :
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