L`endoscopie en cabinet médical : « s`adapter » ou

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L`endoscopie en cabinet médical : « s`adapter » ou
Alternatives
L’endoscopie en cabinet médical : « s’adapter » ou disparaître
J.-F. ROQUES
(Angers)
Pour les plus anciens d’entre nous, l’exercice de
l’endoscopie est surtout un exercice d’adaptation car
la pratique a considérablement évolué en 20 ans en
raison de l’amélioration de la qualité du matériel
mais aussi des contraintes sécuritaires qui sont
venues, au fil des années, alourdir la réalisation des
actes.
Si pour les établissements de santé (cliniques, hôpitaux), une certaine revalorisation de la valeur de
l’acte est intervenue, il n’en est pas de même pour les
cabinets médicaux. Ces structures ont pourtant représenté le lieu de réalisation privilégié des actes sans
anesthésie pendant des années. Cette part diminue
mais reste numériquement importante en particulier
dans certaines régions où les possibilités d’accueil
dans les établissements sont très insuffisantes.
Le propos de cette présentation est d’analyser la
consistance de l’endoscopie en cabinet médical, son
évolution au fil des années et les perspectives que l’on
peut entrevoir pour les années à venir.
QUELLE EST LA SITUATION
DE L’ENDOSCOPIE EN CABINET MÉDICAL
Il n’existe aucun chiffre officiel permettant d’évaluer la pratique de l’endoscopie sur chaque site
concerné (cliniques, hôpital, centres autonomes,
cabinet médical) ; l’approche la plus objective semble
être l’étude « les deux jours de l’endoscopie » initiée
par la Société Française d’Endoscopie Digestive
(SFED) depuis 1998. Cette année-là, l’enquête permettait de comptabiliser environ un million et demi
d’endoscopies gastroduodénales. 49 % de ces actes
étaient réalisés sans sédation ni anesthésie et 20 %
(soit 300 000 endoscopies) étaient effectués dans des
cabinets libéraux. Une enquête de la commission
« plateaux techniques » du CREGG, effectuée la
même année, retrouvait les mêmes chiffres et précisait que 60 % des gastro-entérologues libéraux effectuaient tout ou partie de leur activité d’endoscopie en
cabinet médical. Cette proportion était variable en
fonction des régions (elle était d’environ 80 % dans
l’ouest et le nord de la France).
Cette situation a évolué avec le temps, probablement en raison des contraintes de plus en plus importantes qui sont imposées pour la pratique de l’endoscopie. Actuellement, la dernière enquête SFED en
2004 montre que la proportion d’endoscopies effectuées en cabinet est actuellement de 10 à 12 % de la
totalité des endoscopies.
Acta Endoscopica
DANS QUEL ENVIRONNEMENT
S’EFFECTUE L’ENDOSCOPIE
DANS LES CABINETS LIBÉRAUX
La pratique de l’endoscopie est actuellement encadrée par des règles de fonctionnement contraignantes
édictées par l’intermédiaire de circulaires. Doiventelles s’appliquer au cabinet médical qui n’est pas
reconnu comme un établissement de soins au sens du
code de la santé ? Les circulaires, à défaut d’opposabilité directe, constituent un texte décrivant certaines
précautions qu’il est sage de considérer comme pouvant entrer dans l’état de l’art. À partir de là, pour
Maître Isabelle Lucas Balou, si l’on se place du côté
des patients, qu’ils soient pris en charge sur une
clinique ou sur un autre site, ils ont le droit aux
mêmes égards, donc aux mêmes règles.
Par contre, dans l’état actuel de la législation, les
cabinets ne sont pas soumis à des contrôles par les
autorités de tutelle ni soumis à l’obligation de l’accréditation. Il s’agit d’un point essentiel pour l’avenir. La
question a donc été posée aux praticiens lors d’une
enquête CREGG en 1998. 65 % des praticiens interrogés accepteraient un contrôle des bonnes pratiques
concernant leur activité en cabinet en contrepartie de
l’attribution d’un agrément.
En ce qui concerne le matériel, la décontamination,
le personnel
L’endoscopie en cabinet est effectuée, dans 65 %
des cas avec un vidéo endoscope (90 % pour l’endoscopie en établissements privés ou publics).
Les conditions de la décontamination doivent faire
l’objet d’un traitement ultérieur à partir de l’enquête
sur les deux jours de l’endoscopie.
En ce qui concerne le personnel : l’aide en endoscopie digestive, au cabinet médical, est effectuée, la
plupart du temps, comme pour les aides opératoires
des chirurgiens, par des secrétaires (83 %) et beaucoup plus rarement par un personnel médical (7 % :
aides-soignantes ou infirmières) ; les règles ont été
récemment modifiées pour nos confrères chirurgiens.
L’article 38 du décret de juillet 1999 impose pour
le personnel non infirmier une ancienneté d’au
moins six ans à la date du décret soit un personnel
ayant un diplôme d’infirmière ou d’aide opératoire
(IBODE) ; le personnel non médical devant subir un
examen de validation des pratiques.
Une enquête a été effectuée en 2001 auprès de
500 gastro-entérologues, exerçant en cabinet. Elle a
permis d’analyser le profil de 414 assistantes d’endoVolume 35 - N° spécial CREGG - 2005
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scopie. Le personnel est constitué de secrétaires pour
83 % d’entre elles. Elles effectuent un travail mixte
consacrant 37 % de leur temps à l’assistance en endoscopie. Elles ont été formées dans la plupart des cas
par le praticien. Elles ont surtout plus de six ans d’ancienneté dans la fonction pour 79 % d’entre elles.
Cela les autorise donc à demander une validation qui
a été obtenue par l’action de nos syndicats.
L’ENDOSCOPIE EN CABINET MÉDICAL
EST-ELLE RENTABLE ?
La réponse à cette question a été apportée par une
étude initiée par la commission « plateaux techniques » du CREGG en 1999. Avec l’aide du cabinet
CLP santé, une évaluation à partir de 10 cabinets
médicaux sélectionnés a été effectuée permettant
d’établir une formule. Le but était de définir un
nombre d’examens à partir duquel l’acte d’endoscopie générait un bénéfice. Le calcul était bien entendu
établi en respectant les critères de qualité de l’acte et
de son environnement défini par les textes légaux, en
particulier la circulaire DGS DH 236. Il y a six ans, la
formule permettait de voir qu’en décontamination
manuelle, il fallait pratiquement réaliser plus de
500 actes par an pour obtenir un début de bénéfice.
L’actualisation au fil des années, grâce à la formule
établie, montre une progression entre 1999 et 2002 de
36 % des frais en décontamination manuelle et de
43 % en décontamination par automate. Il est bien
entendu rappelé que le montant des honoraires reste
strictement identique depuis plus de 10 ans !
QUEL AVENIR POUR L’ENDOSCOPIE
DE CABINETS ?
L’évolution de la pratique peut se résumer par :
plus de contraintes, moins de revenus. Cela pourrait
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Volume 35 - N° spécial CREGG - 2005
condamner, à terme, la poursuite d’une activité d’endoscopie en dehors des établissements de santé. Il ne
semble y avoir que deux alternatives : la valise ou le
CE... L (centre d’endoscopie libérale).
La mise en place de la nouvelle tarification à l’activité pour les cliniques privées (T2A), permet une
rémunération nettement majorée de l’endoscopie
sans sédation au cours d’un séjour de moins de deux
jours. En effet, la rémunération de l’établissement
passe d’un FSO à 20 % de sa valeur (30 €) à un GHS
(groupe homogène de soins) de 172 € ! Cette revalorisation existe aussi pour les établissements publics. On
conçoit que les établissements vont favoriser ce type
d’activité en le rendant attractif pour les praticiens.
Le centre d’endoscopie libérale (CEL)
À l’image des centres autonomes, il s’agirait de
structures parfaitement identifiées par les agences
régionales. Elles pourraient exercer un contrôle sur le
fonctionnement. Ces centres devraient être soumis
aux mêmes règles que les établissements de santé,
avec toute la lourdeur que cela comporte (accréditation). En contrepartie, ils pourraient obtenir une
rémunération des actes identique à celle des établissements.
CONCLUSION
L’avenir de l’endoscopie digestive en cabinet médical a probablement vécu dans sa forme actuelle. Il
paraît clair que l’endoscopie s’effectuera dans des
établissements de soins. La création de centres d’endoscopies libéraux est un challenge que doivent relever ceux d’entre nous qui désirent continuer à maîtriser leur outil de travail. Ils trouveront probablement
auprès des tutelles des interlocuteurs pragmatiques
mais exigeants.
Acta Endoscopica