Présidentielle américaine : le scrutin de tous les dangers

Transcription

Présidentielle américaine : le scrutin de tous les dangers
Présidentielle américaine : le
scrutin de tous les dangers
Des risques de perturbations ou des résultats serrés pourraient compliquer
le verdict des urnes mardi soir.
Par Philippe Gélie
Huit américains sur dix sont pressés que cette saison électorale se termine,
mais sa conclusion n’est pas assurée ce mardi 8 novembre. Plusieurs
impondérables peuvent faire dérailler l’exercice complexe qui a délivré un
président légitime depuis 1789.
La combinaison d’une compétition agressive, d’enjeux élevés et de
candidats atypiques fait craindre pour la sérénité du scrutin.
Le risque d’attentats préoccupe les autorités. Samedi soir, une fausse alerte
a poussé le Secret Service à évacuer Donald Trump pendant quelques minutes
d’une estrade où il haranguait ses supporteurs dans le Nevada. Plus tôt, des
actes de vandalisme ont été commis par des manifestants contre l’hôtel Trump
International et le siège du FBI à Washington. La menace terroriste
proprement dite est jugée «vague», mais suffisante pour placer en alerte
l’État de New York, le Texas et la Virginie.
La combinaison d’une compétition agressive, d’enjeux élevés et de candidats
atypiques fait craindre pour la sérénité du scrutin. Alors que près de
40 millions d’Américains ont voté de manière anticipée, les tribunaux sont
déjà saisis de multiples plaintes. En Caroline du Nord, une cour fédérale a
empêché les autorités républicaines de radier 4.000 électeurs des registres.
Dans l’Ohio, un juge a interdit aux deux camps tout acte d’intimidation près
des bureaux de vote. En Arizona, les autorités républicaines ont obtenu gain
de cause auprès de la Cour suprême, qui a interdit la collecte des votes par
correspondance par des tiers.
Une seule personne a été arrêtée pour fraude jusqu’ici – elle avait tenté de
voter deux fois… pour Trump. Le département de la Sécurité intérieure ne
s’inquiète pas d’un éventuel piratage des machines de vote électronique, qui
ne sont pas connectées entre elles: la manipulation des résultats exigerait
une armée coordonnée de milliers de «hackers».
Les autorités fédérales ont alerté les groupes Internet sur le risque de
perturbations lors de la transmission électronique des résultats et sur la
diffusion de faux résultats sur les réseaux sociaux
En revanche, les
groupes Internet
électronique des
réseaux sociaux,
autorités fédérales ont alerté les dirigeants des grands
sur le risque de perturbations lors de la transmission
résultats et sur la diffusion de faux résultats sur les
qui pourraient créer la confusion.
Plus le verdict des urnes sera serré mardi soir, plus les chances de
contestation seront grandes, avec la perspective que se prolonge la bataille
au couteau entre Hillary Clinton et Donald Trump.
À l’approche de la ligne d’arrivée, la carte électorale favorise toujours la
démocrate, malgré la remontée du républicain dans plusieurs États clefs. Il a
repris l’avantage dans l’Ohio, l’Iowa, l’Utah, l’Arizona, peut-être le
Nevada. Clinton enregistre un recul en Pennsylvanie, dans le Colorado et le
Michigan, mais elle y reste en tête. En Floride, en Caroline du Nord et dans
le New Hampshire, ils sont au coude-à-coude.
En cas de résultat serré, le promoteur new-yorkais promet de ne pas rendre
les armes facilement. Ses diatribes ne servent pas à gagner des voix,
elles préparent la prochaine révolte.
Pour gagner, le républicain doit faire carton plein dans huit au moins de ces
onze États. Un seul des trois derniers suffirait à sa rivale, qui semble
portée par une forte mobilisation des Latinos, mais subit un déficit
d’enthousiasme de l’électorat noir.
La compétition paraît assez serrée pour que les deux camps déploient une
débauche d’énergie, sillonnant le champ de bataille électoral à un train
d’enfer. Donald Trump avait cinq États à son programme dimanche, quatre
autres lundi. Hillary Clinton doit achever sa campagne lors d’un grand
rassemblement lundi soir à Philadelphie en compagnie de Barack et Michelle
Obama.
Donald Trump se satisferait d’une victoire sur le fil. Sa rivale, qui était
jusqu’à dimanche soir sous la menace d’une enquête fédérale, a besoin d’un
mandat populaire incontestable pour asseoir sa légitimité. Mais, en cas de
résultat serré, le promoteur new-yorkais promet de ne pas rendre les armes
facilement. Il traite Hillary Clinton de «criminelle», soutient qu’elle ne
devrait pas être autorisée à se présenter, affirme qu’il «ne peut pas
perdre», que l’élection est «truquée» et qu’il n’acceptera les résultats que
s’il l’emporte… Ces diatribes ne servent pas à gagner des voix, elles
préparent la prochaine révolte.
En 2000, après un recompte en Floride interrompu par la Cour suprême, Al Gore
s’était effacé «pour préserver l’unité du pays et la solidité de notre
démocratie». La légitimité de George W. Bush n’avait pas été remise en cause.
Mais la candidature de Trump est dirigée contre le «système». Seuls 36 % de
ses supporteurs pensent qu’il doit accepter les résultats des urnes. La
moindre anomalie peut allumer un contentieux.
«Imaginez que Trump mène initialement de peu dans l’Ohio et que cela lui
donne les 270 grands électeurs nécessaires. Si Clinton l’emporte au final,
cela déchaînera les forces de l’enfer.»
Michael McDonald, professeur de sciences politiques à
l’université de Floride
Dans la plupart des États, les votes par correspondance doivent être reçus au
plus tard le jour de l’élection. Dans d’autres (Ohio, Iowa, Caroline du
Nord), ils sont acceptés au-delà, le cachet de la poste faisant foi. Les
votes «provisoires» sont aussi comptabilisés après un délai, lorsque
l’électeur a prouvé son identité s’il avait oublié ses papiers ou justifié de
son lieu de résidence s’il ne figurait pas sur les listes.
Ces deux types de suffrages ont tendance à peser en faveur des démocrates,
parce qu’ils sont souvent le fait de jeunes partis à l’université ou
nouvellement installés dans leur circonscription. Rien que dans l’Ohio, il y
avait eu 200 000 votes provisoires en 2008.
«Imaginez que Trump mène initialement de peu dans l’Ohio et que cela lui
donne les 270 grands électeurs nécessaires, spécule dans USA Today Michael
McDonald, professeur de sciences politiques à l’université de Floride. Si
Clinton l’emporte au final, cela déchaînera les forces de l’enfer.»
Source : Le Figaro Premium – Présidentielle américaine : le scrutin de tous
les dangers