L`éducation par l`aventure comme outil de transformation du lien social

Transcription

L`éducation par l`aventure comme outil de transformation du lien social
L’éducation par l’aventure comme
outil de transformation du lien social
par
Christiane Bergeron-Leclerc, Ph. D.
Professeure
Université du Québec à Chicoutimi
Courriel : [email protected]
Virginie Gargano, M.A.
École de service social
Université Laval
Maude Dessureault-Pelletier
Étudiante à la maîtrise en travail social
Université du Québec à Chicoutimi
Christian Mercure, M.A.
Facilitateur senior
Coopérative de solidarité INAQ
Mario Bilodeau, Ed. D.
Professeur retraité
Département des Sciences humaines
Université du Québec à Chicoutimi
Évaluation du programme Passion plein air
s’adressant aux élèves avec difficultés
d’apprentissage ou d’adaptation d’une
école secondaire de Québec. Accent mis sur
l’analyse des relations entre les élèves ou
entre élèves et enseignants.
Evaluation of the program "Passion plein air"
directed to the students with learning disabilities or adaptation problems in a Quebec City
high school. More attention is put on the
analysis of the peer relationships and the
student-teacher relationships.
L’idée que nature et aventure puissent être
intégrées dans une démarche éducative n’est
pas nouvelle. En effet, certains penseurs et philosophes utilisaient, à leur époque respective,
une approche éducative ancrée en milieu naturel
Intervention, la revue de l’Ordre des travailleurs
sociaux et des thérapeutes conjugaux
et familiaux du Québec.
Numéro 139 (2013.2) : 63-74.
et basée sur une manière de faire, l’expérience
(Raiola et O’Keefe, 1999). Aujourd’hui, cette
approche qui consiste à exposer des individus
à des défis qui constituent des opportunités de
croissance personnelle est nommée éducation
par l’aventure (Priest et Gass, 1997). Si, depuis
une cinquantaine d’années, un bon nombre de
programmes éducatifs ont vu le jour dans les
milieux anglo-saxons, cette approche constitue
pour le Québec (Canada) une avenue émergente. En effet, dans une étude portant sur
l’éducation par l’aventure dans le milieu scolaire québécois, Mercure (2009) n’est parvenu,
à l’époque, à dénombrer qu’une vingtaine
d’initiatives du genre. Parmi celles-ci se
retrouve le projet Passion Plein Air (projet PPA)
ayant été mis en place au sein d’une école
secondaire alternative de la région de Québec1.
Ce projet, qui consiste à incorporer au programme scolaire des activités d’éducation par
l’aventure, a été développé afin d’accroître la
motivation et la persévérance scolaire des
élèves fréquentant cette école. L’édition 20052006 dont il est question dans cet article a été
rendue possible grâce au soutien financier
du ministère de l’Éducation, du Loisir et du
Sport (MELS)2, à l’expertise et au soutien
logistique de la Coopérative de solidarité
Intervention par la nature et l’aventure Québec
(Coopérative INAQ)3 et enfin au soutien scientifique de l’UQAC, par l’implication des deux
professeurs-chercheurs responsables de l’étude.
Accompagnant la mise en place de ce projet
d’éducation par l’aventure, une recherche
évaluative a été réalisée au cours de la même
période dans l’optique d’en évaluer les retombées tant pour les élèves que pour les enseignants et les professionnels responsables.
Le présent article vise à faire une synthèse des
principaux résultats émergeant du discours des
acteurs ayant pris part au projet au regard des
liens sociaux créés en cours de projet. À cet
effet, un bref survol des écrits sur la question
des programmes d’éducation par l’aventure
sera effectué. Puis, le programme étudié et la
méthodologie de l’étude seront détaillés. Les
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résultats des entrevues réalisées seront ensuite
présentés, puis discutés, avant de conclure par
une synthèse des enjeux associés à ce type de
programme.
État des connaissances : le développement
et les effets de l’éducation par l’aventure
La majorité des programmes d’éducation par
l’aventure qui bénéficient d’une notoriété a été
développée dans les milieux anglo-saxons.
En effet, l’émergence de tels programmes a été
rendue possible grâce au développement d’organisations spécialisées dans la formation et le
développement de programmes d’éducation
et d’intervention par l’aventure (ex. Outward
Bound et National Outdoor Leadership School)
et d’associations ou de regroupements de
professionnels qui œuvrent dans le domaine
(ex. Association for Experiential Education et
Therapeutic Adventure Professional Group).
Au Québec, le développement du champ de
l’éducation et de l’intervention par l’aventure
est notamment lié à la création du programme
de baccalauréat en intervention plein air
de l’UQAC et à l’un des cofondateurs,
Mario Bilodeau. En effet, convaincu de cette
approche, ce dernier, tout en favorisant la
mise sur pied de ce programme universitaire,
a permis l’émergence de deux organisations
qui sont maintenant des leaders provinciaux
et nationaux en matière de programmation
d’aventure à visées thérapeutiques : la
Fondation sur la pointe des pieds4 et la
Coopérative INAQ.
Malgré l’hétérogénéité des structures et du
fonctionnement des programmes existants
au Québec ou ailleurs dans le monde, il est
possible de dire que le développement du
champ de l’éducation par l’aventure a suivi,
jusqu’à présent, deux axes principaux : l’axe
pédagogique, menant au développement de
programmes visant l’acquisition de connaissances et de compétences scolaires (notamment
dans le domaine des sciences et des mathématiques); et l’axe développemental, conduisant à
la mise en place de programmes visant l’acquisition d’attitudes et d’aptitudes personnelles
et sociales (Gargano, 2010). Parallèlement à
l’émergence et à l’expansion des programmes
à visée développementale, un nombre croissant
d’études attestant de leur efficacité ont été
publiées ces 25 dernières années. Ces
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INTERVENTION No 139
recherches ont été réalisées auprès de populations aussi diversifiées que les adolescents
ayant des conduites délinquantes (DavisBerman et Berman, 1999; Wilson et Lipsey,
2000) ou les personnes ayant des incapacités
physiques ou psychiatriques (Norton, 2007;
McAvoy et Lais, 1999). Ces études, qui privilégient tant l’utilisation de méthodologies qualitatives que quantitatives, permettent un éclairage
sur les effets tant personnels que sociaux de ces
programmes éducatifs. En raison de la population visée dans le cadre de cette étude, seules
celles réalisées auprès d’adolescents ou de
jeunes adultes ont été retenues. Les effets de
ces 15 études peuvent être regroupés autour
de quatre thèmes : le concept de soi, la personnalité, le leadership et les relations sociales.
Le premier constat qui se dégage de notre
synthèse démontre que les programmes
d’éducation par l’aventure ont un effet indéniable sur le concept de soi. Des 15 études
recensées ici, 12 font valoir l’impact des
programmes éducatifs à cet égard. D’une
part, un certain nombre d’études indiquent
que les programmes éducatifs ont pour effet
d’améliorer la conscience que les participants
ont de leurs capacités et de leurs limites personnelles (Goldenberg et Pronsolino, 2008;
Holman, Goldenberg, McAvoy et Rynders,
2003; Martin et Leberman, 2005; Sibthorp,
2003). D’autres études soulignent l’apport des
programmes sur l’augmentation du sentiment
de compétence ou, autrement dit, du sentiment
d’efficacité personnelle (Harrison et McGuire,
2006; Hatch et McCarthy, 2005; Stott et Hall,
2003). Ainsi, au-delà d’une plus grande
connaissance personnelle, la participation à
des activités et des défis d’aventure entraîne
une perception plus positive de soi, ce qui
n’est pas sans effets sur le désir de se dépasser.
Enfin, plusieurs études laissent entrevoir que
les participants en ressortent avec une plus
grande confiance ou estime de soi (Davidson,
2001; Dismore et Bailey, 2005; Long, 2001;
Martin et Leberman, 2005; Stott et Hall, 2003).
Les études consultées ici font foi d’autres
effets personnels associés à la participation à
ces programmes. Cependant, contrairement au
concept de soi, ces effets sont moins constants
dans les études. D’abord, quelques études ont
souligné l’impact de ces programmes sur le
développement de la personnalité : nous pensons notamment à la motivation et au contrôle
interne (Harrison et McGuire, 2006; Stott et
Hall, 2003). Ces résultats donnent à penser que
la participation à ces programmes a un impact
sur la responsabilisation, l’autodétermination
et le pouvoir personnel. De plus, ils confirment
les impacts observés sur le sentiment de compétence personnelle et l’estime de soi : ces
composantes étant préalables tant en ce qui a
trait à l’augmentation du contrôle de soi qu’à la
motivation personnelle. D’autre part, certaines
études ont témoigné de l’efficacité des programmes éducatifs sur le développement du
leadership (Breunig et al., 2008; Sibthorp, 2003).
Au-delà des effets personnels, nombreuses
sont les études qui évoquent l’impact des programmes éducatifs sur les relations sociales.
Alors que quelques recherches soulignent la
contribution de ces programmes sur le développement d’habiletés sociales (Sibthorp, 2003;
Stott et Hall, 2003), la plupart d’entre elles
mettent en relief une augmentation des interactions sociales dans ce type de projet. En
effet, plusieurs études démontrent que les
programmes éducatifs sont propices au développement de liens d’amitié et du soutien
entre pairs (Davidson, 2001; Goldenberg et
Pronsolino, 2008; Holman et al., 2003). Le développement d’un sentiment de communauté
et de la cohésion de groupe a également été
constaté dans quelques projets (Breunig et al.,
2008; Hatch et McCarthy, 2005; Long, 2001).
Enfin, le dernier effet observé dans cette catégorie concerne l’impact des programmes
éducatifs sur l’augmentation de la capacité à
travailler en équipe (Dismore et Bailey, 2005;
Fisher et Attah, 2001; Garst, Schneider et Baker,
2001; Martin et Leberman, 2005).
Ces résultats doivent cependant être interprétés
à la lumière de certaines limites propres au
champ d’étude des programmes d’éducation
par l’aventure. La première est liée au type de
programme évalué et, de façon plus spécifique,
à l’hétérogénéité des programmes. Ainsi, les
15 études recensées concernent 15 programmes
ayant des objectifs, des structures et des modes
de fonctionnement différents. Entre autres, on
observe une grande variabilité relative à la
durée des programmes, au type d’activités
proposées et aux populations visées. D’autre
part, dans la plupart de ces études, les programmes éducatifs mis en place sont peu
décrits. En l’absence d’information spécifique
à cet égard, il est difficile de savoir si l’on
compare des programmes de même nature
ou non. Cette difficulté de comparaison des
études réalisées est amplifiée par des motifs
d’ordre méthodologique. Autant il y a de
programmes, autant il y a de façon d’en
évaluer les retombées. En effet, parmi ces
études, nous en retrouvons une panoplie
ayant des caractéristiques méthodologiques
très variées. On retrouve principalement deux
types d’études : quantitatives de type pré-post
et qualitatives mesurant les effets perçus. Enfin,
parmi ces 15 études, aucune n’a été réalisée au
Québec. En effet, malgré un nombre croissant
de programmes mis sur pied au Québec, peu
ont fait l’objet d’études visant à documenter
leur efficacité. À notre connaissance, le Québec
ne compte que quelques études dont les résultats ont été publiés dans le cadre de mémoires
de maîtrise (Gargano, 2010; Mercure, 2009) ou
encore d’articles scientifiques (BergeronLeclerc, Mercure, Gargano, Bilodeau et
Dessureault-Pelletier, 2012; Gargano et
Bergeron-Leclerc, 2012). Notre étude a donc
été réalisée dans l’optique de pallier ce
manque de connaissance sur l’efficacité
des programmes québécois d’éducation
par l’aventure. Plus spécifiquement, elle a
été élaborée afin d’évaluer les retombées du
projet, tant pour les élèves ayant participé,
que pour les enseignants et les professionnels
ayant contribué à sa mise en œuvre.
Le programme éducatif mis en place à l’École
secondaire alternative
Le programme d’éducation par l’aventure
développé à l’École secondaire alternative avait
pour objectif spécifique de susciter la motivation et la persévérance scolaire d’élèves vivant
des difficultés d’apprentissage et d’adaptation
et de diminuer ainsi leur taux d’absentéisme
scolaire. Comme nous l’avons mentionné en
introduction, le projet PPA est issu d’un partenariat entre différentes instances, dont la
Coopérative INAQ. De façon plus spécifique,
les membres de cette coopérative ont collaboré
de trois façons à l’implantation et à la mise en
œuvre du projet : en formant l’équipe d’enseignants et de professionnels de l’école à l’égard
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de la philosophie et des principes directeurs
de l’éducation et de l’aventure; en soutenant le
développement de la planification des activités
d’aventure; et en menant les deux expéditions
principales organisées au cours de l’année
scolaire.
Le programme éducatif mis en place s’est étalé
sur 26 semaines, soit du mois d’octobre 2005 au
mois de juin 2006 (voir Bergeron-Leclerc et al.,
2012, pour le canevas détaillé du programme).
Durant ces semaines, deux types d’activités
ont été proposées : les activités hebdomadaires
du vendredi et les expéditions d’aventure en
région éloignée5. C’est ainsi que, chaque vendredi, des activités sportives et de plein air ont
été réalisées sous la responsabilité de l’équipe
d’enseignants et de professionnels. Ces activités duraient de trois à six heures selon le type.
Au nombre des activités proposées, notons :
des ateliers de survie en forêt, de la randonnée
en raquettes, du ski de fond et de la spéléologie. Puis, à deux moments dans l’année (février
et juin), des expéditions de deux à quatre jours
ont été organisées. La première a permis aux
élèves d’expérimenter le camping d’hiver de
même que des activités d’aventure hivernales,
alors que la deuxième, réalisée au cours de la
période estivale, était une combinaison de randonnée pédestre et de descente d’une rivière
en canot.
Méthodologie de la recherche
La procédure utilisée
Cette étude évaluative a été réalisée afin
de mesurer les retombées du projet PPA, un
programme d’éducation par l’aventure mis en
place auprès d’une population adolescente fréquentant l’École secondaire alternative6. Les
méthodes qualitatives ont majoritairement été
privilégiées dans le cadre de cette recherche
évaluative, en raison de l’absence d’un cadre
logique concernant le programme évalué et
de la nature évolutive du programme mis en
œuvre, selon les conditions météorologiques,
la disponibilité de certains équipements et
le calendrier scolaire (Turcotte, Dufour et
St-Jacques, 2009). Ayant pour cadre de référence
le modèle bioécologique (Bronfenbrenner,
1979; Bronfenbrenner, 1996; Drapeau, 2008),
cette étude visait l’atteinte de deux objectifs
principaux : déterminer à quel point la parti66
INTERVENTION No 139
cipation au projet PPA a eu un impact sur le
taux d’absentéisme des élèves7 et connaître la
perception des élèves, des enseignants et des
professionnels à l’égard des effets individuels,
familiaux, scolaires et sociaux du projet PPA.
Cet article porte sur ce deuxième volet de
l’étude, et de façon plus pointue, sur l’analyse
des interactions sociales qui découlent de la
participation au projet PPA.
Afin de recueillir le point de vue des élèves, des
enseignants et des professionnels à l’égard des
effets perçus du programme, des entrevues
semi-dirigées (individuelles et de groupes) ont
été réalisées auprès de l’ensemble des acteurs
(élèves, enseignants et professionnels responsables) impliqués dans le projet. Deux vagues
d’entrevues ont été effectuées par les deux
chercheurs responsables : une première avant
l’expédition hivernale et une seconde avant
l’expédition estivale. Les entrevues ont été
enregistrées et ont fait l’objet d’une transcription intégrale. Le matériel a ensuite été analysé
à l’aide du logiciel N’Vivo (version 8.0) (QSR
International, 2008) selon les étapes suggérées
par Mayer et Deslauriers (2000), c’est-à-dire
la préparation du matériel, la pré-analyse,
l’exploitation du matériel, ainsi que l’analyse
et l’interprétation des résultats. Plus concrètement, une fois les entrevues retranscrites, les
comptes rendus ont été lus à plusieurs reprises
afin d’en déterminer les thèmes émergents
et de constituer l’arbre de codification. Ce
premier arbre s’est raffiné au fur et à mesure
de la codification et de certains regroupements
de thèmes. Lorsque toutes les entrevues ont été
codifiées dans le logiciel, il s’est avéré que trois
grandes catégories de retombées émergeaient :
les effets individuel, social et scolaire. Il est à
noter que le présent article concerne uniquement le volet social des résultats. Il ne rapporte
que les résultats sur le développement des liens
sociaux, avec un accent concernant les relations
entre les élèves et les enseignants.
Les participants de l’étude
Comme nous l’avons mentionné, deux
groupes de participants ont été rencontrés dans
le cadre de cette étude : les élèves ainsi que les
enseignants et les professionnels responsables.
Il est à noter que l’ensemble des personnes
ayant participé au programme éducatif s’est
porté volontaire pour contribuer à l’étude,
c’est ainsi que la totalité des personnes a été
interviewée. Le groupe d’élèves était constitué
de 23 personnes (12 garçons et 11 filles) dont
l’âge moyen était de 16 ans. Ceux-ci ont
choisi de s’insérer dans le projet éducatif dans
l’optique : d’améliorer leur santé et leur condition physique (ex. besoin de bouger, de faire
du sport, de vivre à l’extérieur), de développer
et de solidifier leurs liens interpersonnels (ex.
se faire des amis, vivre en gang, découvrir les
enseignants ou les élèves sous un autre jour)
et d’augmenter leur motivation à fréquenter
l’école le vendredi. Le groupe d’enseignants
et de professionnels était formé de quatre personnes (deux hommes et deux femmes) dont
la totalité œuvrait au sein de l’école depuis
plus de deux ans. Ces derniers ont choisi de
s’impliquer à titre de responsables dans le
projet éducatif afin d’augmenter leur niveau
de connaissance à l’égard des activités de plein
air et d’aventure, de pouvoir transmettre leurs
connaissances en dehors du cadre scolaire et
de consolider leurs relations avec les élèves.
Résultats de l’étude
Les entrevues réalisées auprès du groupe
d’élèves et du groupe d’enseignants et de
professionnels ont mis à jour d’importantes
retombées sur le plan social. Ainsi, en plus
d’être bénéfique au développement des
forces individuelles (Bergeron-Leclerc et al.,
2012), le projet PPA favorise le développement
des forces environnementales. En effet, les
participants des deux groupes ont fait part
d’effets bénéfiques sur l’établissement des
liens sociaux, qu’il s’agisse de la relation entre
élèves et enseignants ou professionnels ou des
relations avec leurs groupes de pairs respectifs.
Cette section vise à décrire les principaux
résultats de cette étude, en mettant un accent
sur les éléments communs qui émergent du
discours de nos deux groupes de participants8.
Plus spécifiquement, elle permet de décrire
en quoi la participation au programme
d’éducation constitue une opportunité pour
mieux connaître l’Autre et reconnaître ses
forces, pour avoir du plaisir ensemble, pour
développer des rapports égalitaires, pour
favoriser une proximité accrue entre élèves
et enseignants ou professionnels, mais aussi
entre pairs.
Une opportunité pour mieux connaître l’Autre
et reconnaître ses forces
Au travers des activités hebdomadaires du
vendredi, de même que durant les expéditions,
les élèves, les enseignants et les professionnels
ont appris à se connaître, mais surtout à se
percevoir différemment. Comme si le fait de
se retrouver en plein air, dans un contexte de
réalisation d’activités d’aventure, permettait
d’être soi-même et de créer une ouverture pour
aller à la rencontre de l’Autre qui, jusque-là,
paraissait différent. Plus encore, certains préjugés ou résistances, qui auparavant semblaient
empêcher la relation, se sont estompés au fil
des activités et des contacts mutuels. Le point
de vue de cet élève traduit bien notre propos :
« Je pensais que c’était une petite madame.
Puis elle est bonne aussi dans le plein air. […]
Nous autres on pensait que les profs sont rien
que bons à pousser un crayon. Fait que tu sais
la plupart du monde pense comme ça. Mais on
voit qu’eux autres sont bons là-dedans. »
(E -07)
Ainsi, grâce au projet, l’Autre est apparu semblable plutôt qu’étranger et on lui a reconnu
des forces. Les extraits suivants témoignent
de ce changement de perception mutuelle.
« Fait que j’ai appris à le connaître puis cette
année, je suis avec lui puis je trouve ça l’fun
parce que j’ai un petit lien avec. […] Écoute,
lui, il est trippant! […] Je l’ai vu rien qu’au
début d’l’année quand je suis arrivé à l’école,
bien au début de l’année passée là. Mais, tu
sais, je l’ai vu pendant deux périodes le matin
puis après je ne l’ai jamais revu. Quand je
suis tombée en plein air, bien j’ai appris à
le connaître. J’ai connu des petits côtés des
professeurs que je n’avais jamais pensés. »
(E -06)
« Cet étudiant-là je l’avais avec moi en classe,
j’étais son tuteur […] Je l’avais en classe puis
le contact ne passait pas. Tu sais, je ne le
connaissais pas, puis ça ne passait pas.
J’étais timide, j’étais même gênée avec lui.
Avec le plein air, c’est un de mes bons jeunes.
Je pense qu’il s’est développé un petit peu
avec le plein air, il fait des farces, il est drôle
alors que moi avant, je le trouvais plate. Dans
la classe, il ne disait pas un mot, il avait l’air
plate. Finalement, c’est un de mes plus drôles,
de mes plus fins. Fait que je me dis qu’avec le
plein air, ça m’a permis de connaître un jeune
puis je ne l’aurais jamais connu. » (E/P-01)
INTERVENTION No 139
67
Une opportunité d’avoir du plaisir ensemble
La majorité des participants interviewés nous
a parlé du plaisir qu’ils avaient à se côtoyer.
Sans aller jusqu’à dire que les contacts entre
élèves et enseignants ou professionnels étaient
désagréables avant la mise en place du programme de plein air, plusieurs personnes ont
été étonnées de constater qu’elles pouvaient
vivre ensemble des moments fort agréables
lors de l’année à l’étude. Le discours de cet
élève est révélateur à cet égard :
« Mais tu sais, avant je pensais que les profs
sont du monde qui n’ont pas de vie. […] Ils
enseignent, ils n’ont pas de vie […] Tu sais, tu
n’as plus l’impression que les profs n’ont pas
de vie, mais là tu sais qu’ils sont bien le fun. »
(E -02)
Les possibilités de rire, de se taquiner, de
s’amuser lors des activités de plein air et
d’aventure ont été évoquées à maintes reprises.
Bref, comme le mentionnent les participants,
les contacts mutuels établis ont été à l’origine
d’une foule d’émotions positives.
« Tu sais comme mon prof de plein air je
n’arrête pas de l’agacer dans son cours. […]
Puis lui aussi il m’agace. Tu sais, c’est drôle,
il ne ferait pas ça avec tous ses élèves. On se
rapproche. » (E -17)
« En piscine, il y a une sorte de grosse
araignée gonflée puis c’était on se tiraille,
on se chamaille. […] Tu sais, c’est un lien, tu
sais, c’est physique aussi, alors pour les gars,
c’était très trippant. » (E/P-03)
Une opportunité pour développer des rapports
égalitaires
Les éléments rapportés précédemment sont-ils
l’œuvre du plaisir éprouvé ensemble? Si nos
données ne permettent pas de confirmer cette
hypothèse, elles suggèrent cependant que la
participation au projet éducatif favorise des
rapports égalitaires entre les élèves, les enseignants et les professionnels. En effet, la distance qui caractérise la relation maître-élève
dans le contexte scolaire paraît s’aplanir lors
de la participation aux activités de plein air.
Et ce, en dépit du fait que les enseignants et les
professionnels assumaient en partie la responsabilité de l’organisation des activités hebdomadaires du vendredi. Ce membre de l’équipe
des enseignants et des professionnels traite de
ces aspects :
68
INTERVENTION No 139
« Les jeunes ne se sentent pas comme des
amis, mais ils se sentent respectés. C’est
presque d’égal à égal là. Moi, j’aime bien ça.
Je crois que ça fait de quoi de bon. Surtout
avec cette clientèle-là. Je pense qu’ils tripent. »
(E/P-02)
« Bien les jeunes, moi, je trouve que c’est un
bon moyen de rentrer en contact, c’est en
dehors de l’école avec eux autres là. […] Ils ne
me voient pas comme un cadre d’entreprise
ou quoi que ce soit. Ce sont d’autres liens,
ailleurs que l’école. C’est plus amical, ils me
connaissent sur un autre aspect. » (E/P-04)
En fait, c’est un peu comme si durant un laps
de temps, élèves, enseignants et professionnels
quittaient leurs rôles traditionnels pour en
emprunter un nouveau : celui de participant à
un programme d’éducation par l’aventure. Ce
changement de rôle aurait une incidence sur le
type de rapports entretenus entre les élèves et
les adultes. Pour qualifier cette réciprocité, nos
deux groupes de participants parlent de rapports amicaux. Ils se gardent toutefois bien de
spécifier que cette situation n’est que temporaire et qu’une fois de retour sur les bancs
d’école, les rapports sont de nouveau hiérarchisés. Les extraits suivants illustrent cette réalité.
« Je ne sais pas comment dire ça. On les voit
plus comme des amis que comme des profs.
Tu sais, bien surtout dans le plein air. À l’école
c’est sûr que ça reste des profs là! » (E -01)
« Tu sais, on dit des profs, mais dans le fond
pour nous autres c’est des amis là le vendredi.
Tu sais tu vas parler de ce que tu parlerais
avec tes chums dans le fond. Ça change tu
sais, ce n’est pas pareil pantoute comme
l’école. » (E -03)
Une opportunité pour une proximité accrue
entre élèves et adultes
La participation au projet éducatif a permis
un rapprochement entre les élèves et les
adultes. Solidité et proximité sont les deux
qualificatifs qui reviennent le plus souvent
dans le discours des participants. Le discours
de ce participant évoque bien le rapprochement
qui a pu s’opérer lors du projet PPA.
« Rapprochement. Depuis le plein air, le camp
d’hiver, cet élève-là vient beaucoup me jaser.
Il vient s’asseoir à côté de moi, chose qu’il ne
faisait pas avant. Parce que je n’ai pas tout le
monde de plein air dans mes classes. La majorité des élèves ne sont pas avec moi dans mes
classes. Mais j’en ai quelques-uns, mais ces
quelques-uns-là se rapprochent. Comme cet
élève, il se tenait assez loin de moi, maintenant
y vient s’asseoir à côté moi puis il me jase puis
il me parle même de ses petits problèmes. »
(E/P-01)
« Ceux que je connais, que j’ai connu dans le
plein air tu sais, je leur dis encore salut dans le
couloir puis tout ça. Comme il y a une fille que
j’ai connue, qui était dans mes cours puis je ne
lui parlais pas avant, bien là maintenant on se
met en équipe ensemble en cours. » (E -12)
Si, pour certains, il convient mieux de parler
du développement d’un lien significatif, pour
d’autres, la relation s’est solidifiée à un point tel
qu’on peut parler d’une relation de confiance.
Quoi qu’il en soit, tous les participants nous
parlent d’une relation qui diffère de celle qui
prévaut habituellement dans le contexte d’une
classe. La nouvelle relation se caractérise
notamment par une plus grande aisance
mutuelle et une plus grande sociabilité qui,
comme en témoignent les extraits suivants,
favorisent le dévoilement de confidences de
la part des élèves.
Force est de constater que les membres de ce
groupe sont devenus plus près à la suite de
cette expérience et que ces activités ont transformé la nature des relations interpersonnelles,
comme si le fait d’avoir vécu ces expériences
ensemble avait solidifié les liens qui les unissent
entre eux. Le discours des participants indique
que ce rapprochement s’est opéré tant d’un
point de vue quantitatif (ex. fréquence des
contacts) que qualitatif (ex. qualité, voire
authenticité de la relation).
« Je ne sais pas comment je peux le dire?
Tu sais, le professeur de plein air, il est plus
sociable avec toi, il est plus trippant avec toi.
Tu sais, la relation que j’ai avec mon professeur de français puis la relation que j’ai avec
le professeur du plein air, ce n’est pas pareil
pantoute. Tu sais, avec le prof de plein air je
vais faire une petite joke. Mais avec mon professeur de français je ne pourrais pas faire ça
là, tu sais. Oui, je veux dire que je suis plus
proche du professeur. Il y a un lien. » (E -06)
« Au début de l’année, je ne les connaissais
pas, puis là je les connais encore plus, ça fait
deux ans que je les ai dans le groupe plein air.
Je suis moins gênée, j’ai plus le goût de parler
avec eux autres. Bien je ne sais pas, les autres
profs, je ne leur parle pas beaucoup. Je ne sais
pas, eux autres, j’ai vécu des affaires avec eux
autres, fait que je peux leur parler. » (E -13)
Une opportunité pour une proximité accrue
entre pairs
Enfin, nos données indiquent qu’en plus du
rapprochement entre élèves et adultes, le projet
a permis le rapprochement entre les pairs.
Ainsi, tant les élèves que les enseignants et les
professionnels sont parvenus à se connaître
davantage et à développer dans leur groupe
d’appartenance respectif des liens significatifs.
Loin d’être éphémères, ces liens créés dans ce
contexte de plein air et d’aventure perdurent
lorsque ceux-ci se retrouvent à nouveau en
contexte scolaire. Ce fait est illustré dans
l’extrait suivant :
« On peut parler de rapprochement. Elle
[la relation] s’est transformée. On est plus
proches, on est des amis moi je pense. On est
devenus encore plus amis […] On est contents
de se voir le matin […] Ceux qui font partie
du projet plein air quand ils ne sont pas là une
journée, ça paraît. » (E -01)
« Sûrement que ça ne peut pas trop s’évaluer,
mais on est quand même rendus à un stade
assez avancé dans la relation. On se connaît
pas mal puis on peut se dire des choses franchement, sans avoir peur de déranger, de
blesser les autres. » (E/P-02)
Discussion
Cette étude a permis de documenter la perception des élèves, des enseignants et des professionnels à l’égard des répercussions sociales
d’un programme d’éducation par l’aventure
mis en place dans une école alternative de la
région de Québec. À bien des égards, les résultats de cette recherche concordent avec ceux
des travaux répertoriés dans la recension
concernant la création et la consolidation des
liens sociaux. Cependant, notre étude va plus
loin en décrivant les impacts du programme
sur la transformation du lien adulte-élève : une
dimension qui, à notre connaissance, n’a pas
été documentée antérieurement. Ces résultats
sont d’autant plus intéressants que les élèves
et les enseignants/professionnels souhaitaient,
avant le démarrage du programme, voir apparaître des changements à ce niveau. Ainsi, ce
qui était d’ordre motivationnel a eu, au fil des
semaines, un effet réel. Plus spécifiquement,
dans leurs récits, élèves, enseignants et
INTERVENTION No 139
69
professionnels ont signifié s’être découverts,
s’être amusés et s’être rapprochés. Bien que
d’autres recherches soient nécessaires pour
confirmer cette tendance, il nous semble ici
que la transformation des liens sociaux ait
été rendue possible par le développement
de rapports qui tendent vers l’égalité.
Les résultats de cette recherche doivent cependant être interprétés à la lumière de certaines
limites méthodologiques comme le caractère
exploratoire de l’étude, l’utilisation d’une
méthode d’échantillonnage non probabiliste,
le fait que les participants aient été recrutés
dans un seul site, la petite taille de l’échantillon
d’enseignants et de professionnels ainsi que
l’utilisation d’un devis transversal plutôt que
longitudinal. Par contre, si nos données ne
peuvent être généralisées, elles mettent toutefois en lumière un certain nombre d’enjeux
associés au développement et au fonctionnement des programmes éducatifs. Plus spécifiquement, les résultats donnent à penser que
l’éducation par l’aventure, appliquée dans
un contexte scolaire, peut être un puissant
outil d’intervention auprès d’une population
d’adolescents éprouvant des difficultés
scolaires, personnelles et sociales.
Sachant combien la qualité et la perception
du lien sont importantes lorsqu’il s’agit d’intervenir auprès de ces jeunes et de favoriser leur
motivation et leur persévérance scolaire, ce
résultat nous paraît prometteur (Gaudreault et
al., 2010). Nous sommes cependant d’avis qu’il
ne suffit pas de mettre un groupe d’élèves,
d’enseignants et de professionnels en contexte
d’aventure pour qu’apparaissent des effets et
qu’en l’occurrence, l’efficacité des programmes
éducatifs repose sur la présence d’un certain
nombre d’ingrédients actifs, notamment leur
fréquence et leur durée. Dans la dernière portion de cet article, et dans une logique prospective, nous souhaitons discuter de certains de
ces ingrédients et de leur possible apport sur
la transformation des liens sociaux. Il sera
question de la durée, de la nature des activités
proposées et des fondements théoriques sousjacents au programme.
À l’image d’autres travaux réalisés dans
le domaine (McKenzie, 2003; Russel, 2003;
Sibthorp, Paisley et Gookin, 2007), notre étude
et les résultats qui en découlent nous portent à
70
INTERVENTION No 139
croire que la durée du programme a contribué
à l’obtention de résultats favorables. D’une
durée de 26 semaines et comprenant tant les
activités hebdomadaires du vendredi que les
expéditions, le programme a non seulement eu
un impact sur la cohésion du groupe, mais également favorisé le développement des relations
entre élèves, enseignants et professionnels. Tout
en étant conscients de l’impact des expéditions,
les participants indiquent que déjà, grâce aux
activités du vendredi, leur relation commençait
à se transformer. Un autre facteur ayant contribué à cette transformation concerne le fait de
se retrouver, dans le contexte de ce projet, dans
un environnement non familier. En effet, grâce
à ce projet, les élèves, les enseignants et les professionnels ont appris à se côtoyer dans un
contexte autre que l’établissement scolaire,
ce qui a amené une redéfinition de leurs rôles
respectifs. Ce résultat soutient l’idée voulant
que le fait de se retrouver dans un contexte
inconnu crée une période de déséquilibre propice à l’émergence d’un climat d’ouverture,
d’entraide et de coopération entre les participants (Harris, Hanrahan, et Jobling, 2005;
McKenzie, 2003).
Enfin, et même si cette piste devra faire l’objet
d’études supplémentaires, nous sommes d’avis
que les fondements théoriques sous-jacents au
projet PPA ont eu un impact sur les résultats
obtenus. En effet, notre analyse de ce programme éducatif nous indique que celui-ci
s’inspire de l’approche centrée sur les forces,
approche qui, rappelons-le, est issue du
domaine du travail social (Rapp et Gosha,
2012). Comparativement aux approches traditionnelles d’intervention, l’approche centrée
sur les forces vise à la fois le développement de
forces individuelles (aspirations, compétences
et confiance en soi) et environnementales (ressources, réseau social, opportunités), afin que
les personnes puissent reconquérir du pouvoir
sur leur vie et jouir d’une vie satisfaisante dans
la communauté (Rapp et Gosha, 2012). Outre la
prise en compte des forces, cette approche est
basée sur plusieurs principes d’intervention,
dont l’autodétermination de la personne,
l’intervention in vivo, le développement d’une
relation égalitaire entre l’intervenant et le client
et l’accent mis sur le moment présent (Rapp,
1998; Rapp et Gosha, 2012).
Le projet PPA a, de toute évidence, favorisé le
développement des forces individuelles, des
forces environnementales et de liens plus égalitaires entre les élèves et les enseignants ou les
professionnels. Ainsi, plutôt que de mettre
l’accent sur les difficultés des élèves, comme
c’est souvent le cas dans le contexte scolaire
traditionnel, leurs forces ont été mises à profit
lors des défis d’aventure qui ont été proposés.
De plus, les résultats obtenus indiquent que le
projet a permis le développement et la consolidation des liens sociaux. À cet égard, outre
le renforcement des liens entre pairs, il nous
paraît particulièrement important de souligner
la transformation des liens entre élèves et
adultes. Le fait que les élèves, les enseignants
et les professionnels participaient ensemble aux
activités semble avoir contribué au développement de rapports plus égalitaires. La notion de
plaisir, qui n’est que rarement évoquée lorsqu’il
est question de relations entre élèves, enseignants et professionnels, nous apparaît ici centrale. La création de souvenirs positifs associés
à une expérience commune a favorisé la communication entre eux et, du même coup, la
consolidation de leurs liens. Considérant la
vulnérabilité des adolescents ayant participé
au projet, les effets obtenus dans ce cadre et
les impacts de l’approche centrée sur les forces
sur le plan de l’appropriation du pouvoir personnel (Rapp, 1998), nous croyons que celle-ci
devrait être considérée dans le développement
de futurs programmes d’éducation par
l’aventure.
Conclusion
déclin ou du moins à la stagnation de l’utilisation du travail social auprès des groupes,
notamment en raison de l’utilisation dominante de l’intervention individuelle (Alissi,
2001; Glassman, 2009). L’intervention auprès
des groupes détient des assises théoriques et
des effets probants justifiant sa pertinence
(Breton, 1990; Alissi, 2001; Glassman 2009).
Ainsi, nous croyons que l’utilisation de la
nature et de l’aventure dans un cadre structuré
d’intervention de groupe serait un moyen de
faire revivre cette méthode propre au travail
social. Cela nous paraît d’autant plus pertinent
que les principes liés à l’éducation par l’aventure (notamment la prise en compte des forces
individuelles et environnementales) vont de
pair avec les valeurs et les principes du travail
social. Enfin, les effets favorables de la participation à ce projet appellent à poursuivre le
développement de telles initiatives en milieu
scolaire et la réflexion à l’égard des ingrédients
actifs de tels programmes. Nous voyons là une
opportunité pour les travailleurs sociaux de
s’impliquer dans le développement de ce
champ de pratique en émergence, notamment
par leur contribution au développement de
normes de pratiques basées sur des travaux
empiriques.
Descripteurs :
Éducation par l’aventure - Québec (Province) //
Persévérance aux études // Passion plein air
(Programme) // Habiletés sociales
Adventure education - Quebec (Province) //
Dropouts - Prevention // Social skills
Le présent article relate l’expérience d’élèves,
d’enseignants et de professionnels ayant participé à un programme d’éducation par l’aventure destiné à des adolescents fréquentant une
école secondaire alternative. Il met en lumière
comment ce type de programme peut constituer un outil de transformation du lien social,
qu’il s’agisse des relations entre élèves et
adultes ou des relations entre pairs. En raison
des effets psychosociaux qui émergent de ce
programme, l’éducation par l’aventure nous
paraît une avenue prometteuse non seulement
pour le champ du travail social en milieu scolaire, mais également pour le travail social
auprès des groupes. Cela est d’autant plus vrai
que nous assistons, depuis quelques années, au
INTERVENTION No 139
71
Notes
Références
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Alissi, A. S. (2001). The Social Group Work Tradition:
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projet PPA n’apparaît pas dans l’article, afin de
préserver l’anonymat des personnes ayant participé à l’étude. L’appellation « École secondaire
alternative » sera utilisée tout au long de l’article.
2 La réalisation de l’édition 2005-2006 du projet PPA
et l’étude évaluative, dont les résultats sont traduits dans cet article, ont été rendues possibles
grâce à l’octroi d’une subvention de recherche
du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport
(MELS) (Direction de l’adaptation scolaire), dans
le cadre de la mesure 30054.
3 Pour plus d’information sur la coopérative, consul-
ter le lien suivant : http://coopinaq.blogspot.ca/
4 Pour plus d’information sur la fondation, consulter
le lien suivant : http://pointedespieds.com/
5 Le programme de 26 semaines devait initialement
comprendre 26 activités. Cependant, en raison
d’une grève, de séances de rattrapage scolaire, de
tempêtes hivernales et d’activités scolaires impliquant tous les élèves, 19 activités ont eu lieu. Parmi
ces activités, 17 étaient des activités hebdomadaires
et 2 étaient des expéditions.
6 Cette étude s’est déroulée dans le respect des
normes de recherche réalisées à l’endroit de sujets
humains (Certification émise par le Comité
d’éthique et de la recherche de l’UQAC :
numéro 602.02.02).
7 Cet objectif a été mesuré de façon quantitative, à
l’aide de données issues du système informationnel de l’école en ce qui concerne les présences et les
absences scolaires. Les résultats de notre étude
indiquent que la participation au projet PPA n’a
pas eu d’impact sur la fréquentation scolaire. Il ne
sera donc pas question de ce volet d’étude dans
l’article.
8 Des extraits de comptes rendus accompagnent la
présentation des résultats de l’étude. Chaque
participant est identifié à l’aide d’un code alpha
numérique. Le code « E-numéro » signifie que le
participant fait partie du « groupe élèves », alors
que le code « E/P-numéro » signifie que le participant fait partie du « groupe enseignants et professionnels ».
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